Sommaire

Présidence de Mme Bariza khiari

1. Procès-verbal

2. Contestation de l’élection de sénateurs

3. Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’une proposition de loi

4. Demande d’un avis sur un projet de nomination

5. Dépôt de rapports du Gouvernement

6. Conférence des présidents

7. Communication du Conseil constitutionnel

8. Décision du Conseil constitutionnel sur une question prioritaire de constitutionnalité

9. Questions orales

régime d'imposition de la filière équine

Question de Mme Anne-Marie Escoffier. – M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement ; Mme Anne-Marie Escoffier.

crise de la filière porcine

Question de M. Jean-Pierre Chauveau. – MM. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement ; Jean-Pierre Chauveau.

plan national sharka et bilan des mesures prises pour lutter contre cette maladie

Question de M. Didier Guillaume. – MM. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement ; Didier Guillaume.

inquiétudes sur les conséquences de l’utilisation de l’aspartame

Question de Mme Patricia Schillinger. – M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement ; Mme Patricia Schillinger.

projet de cadencement ter 2012

Question de M. Jacques Mézard. – MM. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement ; Jacques Mézard.

schéma d'aménagement de la plage de pampelonne

Question de M. Pierre-Yves Collombat. – MM. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement ; Pierre-Yves Collombat.

conséquences de la mise en service du tgv rhin-rhône

Question de M. Jean-Louis Lorrain. – MM. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement ; Jean-Louis Lorrain.

devenir des permis de recherches de gaz de schiste

Question de M. Claude Bérit-Débat. – MM. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement ; Claude Bérit-Débat.

désertification médicale

Question de M. Jean-Paul Amoudry. – Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer ; M. Jean-Paul Amoudry.

conditions matérielles de fonctionnement du tribunal d'instance de rouen

Question de M. Thierry Foucaud. – Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer ; M. Thierry Foucaud.

situation du service des douanes de wallis-et-futuna

Question de M. Robert Laufoaulu. – Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer ; M. Robert Laufoaulu.

réforme de la filière sociale de la catégorie b

Question de M. Michel Boutant. – Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer ; M. Michel Boutant.

centre d'alerte au tsunami en méditerranée

Question de M. Roland Courteau. – Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer ; M. Roland Courteau.

mise en oeuvre de la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure

Question de M. Jean-Pierre Vial. – Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer ; M. Jean-Pierre Vial.

nouveau périmètre des grands lacs de seine

Question de M. Antoine Lefèvre. – MM. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation ; Antoine Lefèvre.

reconduction du contrat d'avenir des buralistes

Question de M. Daniel Laurent. – MM. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation ; Daniel Laurent.

conséquences de l'arrêté ministériel du 2 août 2010 sur les meublés de tourisme

Question de M. Jean-Luc Fichet. – MM. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation ; Jean-Luc Fichet.

ouverture le dimanche matin des supermarchés à prédominance alimentaire

Question de M. Ronan Kerdraon. – MM. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation ; Ronan Kerdraon.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Jean-PIERRE Bel

10. Allocution de M. le président du Sénat

11. Débat préalable au Conseil européen du 23 octobre 2011

MM. Jean Leonetti, ministre chargé des affaires européennes ; Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes ; Daniel Raoul, président de la commission de l’économie ; Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.

Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Michel Billout, Jean-Michel Baylet, Jean-François Humbert, Jean Louis Masson, Richard Yung.

M. le ministre.

PRÉSIDENCE DE M. Jean-LÉonce Dupont

Débat interactif et spontané

MM. Yannick Vaugrenard, le ministre.

MM. Jean Bizet, le ministre.

MM. Éric Bocquet, le ministre.

MM. Marcel Deneux, le ministre.

MM. Alain Chatillon, le ministre.

MM. Roland Courteau, le ministre.

MM. Alain Richard, le ministre.

MM. Christophe Béchu, le ministre.

Mme Maryvonne Blondin, M. le ministre.

MM. Joël Bourdin, le ministre.

MM. Ronan Dantec, le ministre.

Mme Bernadette Bourzai, M. le ministre.

MM. Jean-Jacques Mirassou, le ministre.

Mme Fabienne Keller, M. le ministre.

MM. Jean-Yves Leconte, le ministre.

12. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de Mme Bariza Khiari

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Contestation de l’élection de sénateurs

Mme la présidente. En application de l’article 34 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, M. le Président du Sénat a été informé que le Conseil constitutionnel a été saisi de cinq requêtes contestant les opérations électorales auxquelles il a été procédé, le 25 septembre 2011, dans les départements ou collectivités suivants :

- Loiret (l’ensemble de l’élection dans le département) ;

- Essonne (élection d’un sénateur) ;

- Manche (l’ensemble de l’élection dans le département) ;

- Hauts-de-Seine (l’ensemble de l’élection dans le département) ;

- Lozère (l’ensemble de l’élection dans le département).

Acte est donné de ces communications.

3

Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’une proposition de loi

Mme la présidente. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen de la proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives, déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale.

4

Demande d’un avis sur un projet de nomination

Mme la présidente. Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et en application de l’article 1er de la loi n° 80-3 du 4 janvier 1980, M. le Premier ministre, par lettre en date du 23 septembre 2011, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission du Sénat compétente en matière d’énergie sur le projet de nomination de M. Yves de Gaulle à la présidence du directoire du conseil de surveillance de la compagnie nationale du Rhône.

Cette demande d’avis a été transmise à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Acte est donné de cette communication.

5

Dépôt de rapports du Gouvernement

Mme la présidente. M. le Premier ministre a communiqué au Sénat :

- le cinquième rapport du Haut comité d’évaluation de la condition militaire, en application de l’article L. 4111-1 du code de défense ;

- le rapport sur le suivi de l’approvisionnement de la restauration collective en produits biologiques et de l’évolution des surfaces en agriculture biologique, en application de l’article 120 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement.

Acte est donné du dépôt de ces rapports.

Le premier a été transmis à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, le second à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Ils sont disponibles au bureau de la distribution.

6

Conférence des présidents

Mme la présidente. La conférence des présidents a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :

SEMAINE SÉNATORIALE DE CONTRÔLE

Mardi 11 octobre 2011

À 9 heures 30 :

1°) Questions orales ;

L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.

- n° 1294 de M. Roland Courteau à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration ;

(Centre d’alerte au tsunami en Méditerranée) ;

- n° 1297 de Mme Patricia Schillinger à Mme la secrétaire d’État chargée de la santé ;

(Inquiétudes sur les conséquences de l’utilisation de l’aspartame) ;

- n° 1325 de M. Claude Bérit-Débat à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;

(Devenir des permis de recherche de gaz de schiste) ;

- n° 1329 de M. Jacques Mézard à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;

(Projet de cadencement TER 2012) ;

- n° 1350 de M. Jean-Pierre Vial à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration ;

(Mise en œuvre de la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure) ;

- n° 1352 de M. Didier Guillaume à M. le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire ;

(Plan national sharka et bilan des mesures prises pour lutter contre cette maladie) ;

- n° 1357 de Mme Anne-Marie Escoffier à M. le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire ;

(Régime d’imposition de la filière équine) ;

- n° 1359 de M. Michel Boutant transmise à M. le ministre chargé des collectivités territoriales ;

(Réforme de la filière sociale de la catégorie B) ;

- n° 1362 de M. Robert Laufoaulu à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement ;

(Situation du service des douanes de Wallis et Futuna) ;

- n° 1364 de M. Jean-Pierre Chauveau à M. le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire ;

(Crise de la filière porcine) ;

- n° 1373 de M. Jean-Luc Fichet à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation ;

(Conséquences de l’arrêté ministériel du 2 août 2010 sur les meublés de tourisme) ;

- n° 1374 de M. Thierry Foucaud à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ;

(Conditions matérielles de fonctionnement du tribunal d’instance de Rouen) ;

- n° 1376 de M. Pierre-Yves Collombat à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;

(Schéma d’aménagement de la plage de Pampelonne) ;

- n° 1377 de M. Jean-Paul Amoudry à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ;

(Désertification médicale) ;

- n° 1378 de M. Antoine Lefèvre à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;

(Nouveau périmètre des Grands lacs de Seine) ;

- n° 1380 de M. Jean-Louis Lorrain à M. le ministre chargé des transports ;

(Conséquences de la mise en service du TGV Rhin-Rhône) ;

- n° 1385 de M. Daniel Laurent à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement ;

(Reconduction du contrat d’avenir des buralistes) ;

- n° 1406 de M. Ronan Kerdraon à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation ;

(Ouverture le dimanche matin des supermarchés à prédominance alimentaire) ;

Ordre du jour fixé par le Sénat :

À 15 heures :

2°) Allocution de M. le Président du Sénat ;

3°) Débat préalable au Conseil européen des 17 et 18 octobre 2011 (demande de la commission des affaires européennes) ;

(La conférence des présidents a décidé d’attribuer, à la suite de l’intervention liminaire du Gouvernement de dix minutes, un temps d’intervention de huit minutes à la commission des affaires européennes, à la commission de l’économie, à la commission des finances, ainsi qu’à chaque groupe (cinq minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe) ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant dix-sept heures, le lundi 10 octobre 2011.

À la suite de la réponse du Gouvernement, les sénateurs pourront, pendant une heure, prendre la parole [deux minutes maximum] dans le cadre d’un débat spontané et interactif comprenant la possibilité d’une réponse du Gouvernement ou de la commission des affaires européennes).

Mercredi 12 octobre 2011

Ordre du jour fixé par le Sénat :

À 14 heures 30 :

1°) Débat sur la réforme portuaire (demande de la commission de l’économie) ;

(La conférence des présidents a attribué un temps d’intervention de vingt minutes au représentant de la commission de l’économie ;

- a fixé à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant dix-sept heures, le mardi 11 octobre 2011) ;

2°) Débat sur la couverture numérique du territoire (demande de la commission de l’économie) ;

(La conférence des présidents a attribué un temps d’intervention de vingt minutes au représentant de la commission de l’économie ;

- a fixé à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant dix-sept heures, le mardi 11 octobre 2011).

SEMAINES RÉSERVÉES PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Mardi 18 octobre 2011

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 15 heures :

1°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation du protocole d’amendement à la convention du Conseil de l’Europe concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale (n° 2, 2011-2012) ;

(Pour le projet de loi ci-dessus, la conférence des présidents a décidé de recourir à la procédure simplifiée ;

Selon cette procédure simplifiée, le projet de loi est directement mis aux voix par le président de séance. Toutefois, un groupe politique peut demander, au plus tard le vendredi 14 octobre 2010, à dix-sept heures qu’il soit débattu en séance selon la procédure habituelle) ;

2°) Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles (n° 767, 2010 2011) ;

(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 12 octobre 2011, le matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 10 octobre 2011, à douze heures.

(La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant dix-sept heures, le lundi 17 octobre 2011 ;

- au lundi 17 octobre 2011, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.

La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mardi 18 octobre) ;

De 17 heures à 17 heures 45 :

3°) Questions cribles thématiques sur le malaise des territoires ;

(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant douze heures trente) ;

À 18 heures et, éventuellement, le soir :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

4°) Éventuellement, suite de la nouvelle lecture du projet de loi relatif à la répartition des contentieux ;

5°) Projet de loi relatif au plan d’aménagement et de développement durable de Corse (n° 688, 2010 2011) ;

(La commission de l’économie se réunira pour le rapport le mercredi 12 octobre 2011, le matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : mardi 11 octobre 2011, à onze heures.

La conférence des présidents a fixé :

- à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant dix-sept heures, le lundi 17 octobre 2011 ;

- au lundi 17 octobre 2011, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.

La commission de l’économie se réunira pour examiner les amendements le mardi 18 octobre, l’après-midi).

Mercredi 19 octobre 2011

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 14 heures 30 :

1°) Éventuellement, suite de l’ordre du jour de la veille ;

2°) Projet de loi relatif à l’Agence nationale des voies navigables (n° 783, 2010 2011) ;

(La commission de l’économie se réunira pour le rapport le mercredi 12 octobre 2011, le matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : mardi 11 octobre 2011, à onze heures.

(La conférence des présidents a fixé :

- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant dix-sept heures, le mardi 18 octobre 2011 ;

- au lundi 17 octobre 2011, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.

La commission de l’économie se réunira pour examiner les amendements le mercredi 19 octobre, le matin) ;

Jeudi 20 octobre 2011

À 9 heures 30 :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

1°) Suite du projet de loi relatif à l’Agence nationale des voies navigables ;

À 15 heures :

2°) Questions d’actualité au Gouvernement ;

(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant onze heures) ;

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

3°) Suite de l’ordre du jour du matin.

Mardi 25 octobre 2011

À 9 heures 30 :

1°) Questions orales ;

L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.

- n° 1367 de M. Jacques Mézard à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation ;

(Durée d’engagement des abonnés de téléphonie mobile) ;

- n° 1375 de M. Roland Ries à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ;

(Droits des ressortissants français dans les cas de divorce dans les familles franco allemandes) ;

- n° 1379 de M. Alain Fouché transmise à Mme la ministre des solidarités et de la cohésion sociale ;

(RMI, RSA : les lacunes du système) ;

- n° 1387 de M. Robert del Picchia à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie ;

(Exit taxe américaine) ;

- n° 1388 de M. Joël Bourdin à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement ;

(L’URSSAF et les exonérations de charges sociales des organismes d’aide à domicile) ;

- n° 1389 de M. Jean-Jacques Mirassou à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie ;

(Hausse du prix du tabac et marché parallèle du tabac dans les régions frontalières) ;

- n° 1390 de M. Martial Bourquin à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ;

(Revalorisation et reconnaissance de l’activité des sages-femmes) ;

- n° 1391 de Mme Catherine Troendle à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ;

(Coopération sanitaire transfrontalière avec la Suisse) ;

- n° 1392 de M. François Patriat à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie ;

(Modalités de calcul de la taxe foncière pour favoriser l’investissement et la modernisation de l’immobilier de production) ;

- n° 1393 de M. Raymond Couderc à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ;

(Avenir de la profession d’anesthésiste-réanimateur) ;

- n° 1394 de M. Michel Doublet à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie ;

(Difficultés d’accès à l’emprunt pour les collectivités locales) ;

- n° 1398 de M. Francis Grignon à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration ;

(Mise en place de la future carte nationale d’identité électronique) ;

- n° 1399 de M. Marc Laménie à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;

(Centrale nucléaire frontalière et information du pays limitrophe) ;

- n° 1400 de M. Alain Fouché à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration ;

(Sécurité routière) ;

- n° 1402 de M. Jean-Paul Fournier à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre mer, des collectivités territoriales et de l’immigration ;

(Découpage cantonal) ;

- n° 1403 de M. Alain Fauconnier à Mme la ministre des solidarités et de la cohésion sociale ;

(Calcul de l’allocation aux adultes handicapés) ;

- n° 1405 de M. Jean-Etienne Antoinette à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement ;

(Taxe additionnelle à la taxe spéciale de consommation prévue à l’article 266 quater A du code des douanes) ;

- n° 1410 de Mme Marie-France Beaufils à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie ;

(Situation des salariés de Boulanger Tours Nord) ;

À 14 heures 30 et le soir :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

2°) Sous réserve de sa transmission, proposition de loi visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants (Procédure accélérée) (A.N., n° 3707) ;

(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 19 octobre 2011, le matin [délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 17 octobre 2011, à douze heures].

La conférence des présidents a fixé :

- à deux heures trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant dix-sept heures, le lundi 24 octobre 2011 ;

- au lundi 24 octobre 2011, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.

La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mardi 25 octobre, le matin).

Mercredi 26 octobre 2011

À 14 heures 30 et le soir :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé (n° 5, 2011 2012) ;

(La commission des affaires sociales se réunira pour le rapport le mercredi 19 octobre 2011, le matin [délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 17 octobre 2011, à douze heures].

La conférence des présidents a fixé :

- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant dix-sept heures, le mardi 25 octobre 2011 ;

- au lundi 24 octobre 2011, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.

La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements le mercredi 26 octobre, le matin).

Jeudi 27 octobre 2011

À 9 heures 30 :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

1°) Suite du projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament ;

À 15 heures et le soir :

2°) Questions d’actualité au Gouvernement ;

(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant onze heures) ;

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

3°) Suite de l’ordre du jour du matin.

Y-a-t-il des observations sur les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances et à l’ordre du jour autre que celui résultant des inscriptions prioritaires du Gouvernement ?...

Ces propositions sont adoptées.

7

Communication du Conseil constitutionnel

Mme la présidente. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le jeudi 6 octobre 2011, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (n° 2011-204 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution:

Acte est donné de cette communication.

8

Décision du Conseil constitutionnel sur une question prioritaire de constitutionnalité

Mme la présidente. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 6 octobre 2011, une décision du Conseil sur une question prioritaire de constitutionnalité (n° 2011-174 QPC).

Acte est donné de cette communication.

9

Questions orales

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

régime d'imposition de la filière équine

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, auteur de la question n° 1357, adressée à M. le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire.

Mme Anne-Marie Escoffier. J’ai plaisir à saluer Mme Bariza Khiari, nouvelle vice-présidente du Sénat, ainsi bien entendu que M. le secrétaire d’État.

Le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement territoire, dans sa réponse à la question orale de notre collègue Mme Panis, en avril dernier, avait soutenu le point de vue suivant : « la France considère que le cheval est un produit agricole et qu’il peut, à ce titre, bénéficier du taux réduit de TVA. C’est la position que je défends auprès de la Commission européenne depuis plusieurs mois ».

Malgré les apaisements qui ont été apportés, des inquiétudes demeurent parmi les professionnels de la filière équine quant à l’impact de la décision prise le 3 mars 2011 par la Cour de Justice de l’Union européenne contre les Pays-Bas au sujet des activités intranationales.

À lire de plus près cet arrêt, il semblerait que seules soient concernées les livraisons, importations et acquisitions de chevaux considérés comme « biens de consommation », c’est-à-dire des opérations commerciales et non des activités agricoles. Ces dernières correspondent en effet, aux termes de l’article L.311-1 du code rural et de la pêche maritime, à « la maîtrise et à l’exploitation d’un cycle biologique de caractère […] animal ». Elles incluent également les « activités de préparation et d’entraînement des équidés domestiques en vue de leur exploitation » ; les activités des naisseurs, de l’élevage, du dressage, ainsi que celles des centres équestres, en font partie.

De même, il apparaîtrait que, dans le cadre des opérations commerciales, seules les livraisons, les importations et les acquisitions exclusivement intracommunautaires seraient visées, ce qui, a priori, exclurait les opérations accomplies intégralement sur le territoire national.

Concrètement, l’application de cette directive risquerait d’entraîner une hausse du prix des biens de consommation équins pour le consommateur français : par exemple, la viande de cheval proposée à l’achat, aujourd’hui taxée à 5,5 %, pourrait l’être demain à 19,6 %.

C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, nos exploitants, soucieux de préserver la filière équine, s’interrogent, d’une part, sur la taxe que le Gouvernement prévoit d’appliquer aux opérations équines relevant des activités agricoles, d’autre part sur la taxe envisagée pour les échanges franco-français. Ils s’interrogent enfin sur les risques de concurrence déloyale au regard du droit européen, dans la mesure où l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne prévoit que seuls doivent être soumis à une taxe réduite les animaux appartenant aux espèces bovine, ovine, caprine et porcine, à l’exclusion de l’espèce équine.

Vous connaissez les questions que nous nous posons tous à propos de ces problèmes, qui risquent bel et bien de ruiner toute une catégorie de nos professionnels.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. Permettez-moi, madame la présidente, de vous adresser tout d’abord mes plus sincères félicitations pour votre élection.

Madame la sénatrice, je vous demande de bien vouloir excuser Bruno Le Maire, qui est aujourd’hui en déplacement avec le Président de la République.

Vous interrogez M. le ministre de l’agriculture sur la TVA applicable aux opérations liées à la filière équine.

Comme vous le savez, la Commission européenne a engagé devant la Cour de justice de l’Union européenne une procédure contre la France portant sur le taux réduit de TVA appliqué à différentes opérations qui concernent les équidés.

Dans la réponse qu’il a faite à ce recours en manquement, le Gouvernement français a justifié, devant la Cour de justice de l’Union européenne, l’application à certaines opérations de taux de TVA réduits à 5,5 % et à 2,1 %.

Il a tout d’abord fait valoir que la filière « cheval » fait partie des secteurs d’activité qui ont un impact positif sur le développement et la structuration des territoires ruraux et qui sont générateurs d’emplois.

Il a également rappelé que le cheval est un produit agricole, que les métiers de préparation et d’entraînement des équidés domestiques en vue de leur exploitation ont un caractère agricole et que le cheval, en tant qu’animal de rente, est soumis à des exigences de traçabilité et de suivi médicamenteux, puisqu’il est susceptible d’entrer dans la préparation de denrées alimentaires.

Il a enfin indiqué que l’existence avant 1991 d’un taux de TVA réduit à 2,1 % permettait au cheval d’entrer dans le champ d’application de la clause de gel général prévue par l’article 110 de la directive TVA.

La France est également intervenue devant la Cour de justice de l’Union européenne dans les procédures opposant la Commission européenne aux Pays-Bas, à l’Allemagne et à l’Autriche.

Toutefois la Cour a déjà condamné ces États pour manquement, considérant que la directive autorise uniquement l’application du taux réduit de TVA dans le cas d’animaux destinés à la préparation de denrées alimentaires.

Cela ne change rien à la détermination du Gouvernement français à défendre fermement sa position. En effet, celui-ci est pleinement conscient des conséquences potentielles de ce contentieux pour la filière, qu’il s’agisse du cheval de sport, de loisir ou de courses.

Afin d’anticiper les conséquences d’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne concernant la France, un groupe de travail a été mis en place pour examiner, en collaboration avec les professionnels, toutes les solutions possibles.

Les ministres de l’agriculture et du budget se sont également rendus à Bruxelles afin de défendre ce dossier devant le commissaire européen à la concurrence.

Sachez que le Gouvernement reste bien évidemment pleinement mobilisé au service de la défense de cette filière et de son développement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie des rappels que vous avez opérés.

Depuis la réponse de M. Bruno Le Maire au mois d’avril dernier, nous n’avons guère enregistré d’avancées, à part la mise en place effective du groupe de travail qu’il avait promis alors. (M. le secrétaire d’État acquiesce.)

Je remercie le Gouvernement de la détermination dont il fait preuve dans ce dossier très sensible pour toute une filière. Le monde agricole, qui connaît actuellement des difficultés considérables, verrait en effet d’un très mauvais œil d’être quelque peu sacrifié. Je vous remercie donc par avance de bien vouloir en faire part à M. le ministre de l’agriculture.

crise de la filière porcine

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Chauveau, auteur de la question n° 1364, adressée à M. le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire.

M. Jean-Pierre Chauveau. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, la filière porcine française connaît depuis de très nombreuses années des problèmes qui malheureusement s’éternisent.

Nos producteurs semblent condamnés à subir une baisse structurelle des cours de la viande porcine. Il arrive que les cours agricoles connaissent des hauts et des bas ; mais, dans le cas de la filière porcine, il semble qu’il n’y ait jamais de répit. En effet, celle-ci connaît des difficultés récurrentes depuis de trop longues années.

Ainsi, aujourd’hui, le contexte de l’augmentation des cours des matières premières pèse sur le prix de l’alimentation des porcs. La concurrence internationale, voire européenne, est de plus en plus dure à soutenir pour les éleveurs.

Le déséquilibre entre l’offre et la demande est flagrant, et le prix de vente de la viande de porc est en baisse alors que le coût de l’alimentation ne cesse de croître. Le problème est bien connu mais ne cesse de s’aggraver.

Dans ce contexte, des risques particuliers pèsent sur les abattoirs de proximité, en particulier ceux qui sont situés dans l’ouest de la France.

En effet, en raison de la baisse du nombre des abattages, il est envisagé, dans certains territoires, de fermer des abattoirs qui ont vu leur activité diminuer. Or, si tel était le cas, il s’agirait d’un cercle vicieux puisque le maintien d’un maillage d’abattoirs sur le territoire peut permettre la réduction des coûts, notamment de transport.

Cette situation est d’autant plus préoccupante au regard de la concurrence allemande que subit l’abattage français.

J’insiste sur ce point, car il s’agit d’un sujet important : la France, pour l’avenir de la filière, a besoin de conserver un outil de production que l’on peut qualifier « de proximité ».

Dans ce contexte, non seulement les éleveurs porcins demandent l’apposition rapide, généralisée et bien apparente de la mention « viande porcine française » sur les emballages, mais les syndicats professionnels revendiquent également qu’un frein soit mis à l’évolution des marges de la grande distribution.

Vous le savez, nous sommes toujours confrontés aux mêmes difficultés.

La mise en œuvre effective d’une caisse de péréquation propre à la profession pourrait d’ailleurs être une solution d’avenir afin d’amortir l’évolution des cours et, surtout, de réguler ces derniers, de manière que l’agriculteur perçoive un revenu stable et non en dents de scie.

Bref, l’enjeu, nous le savons, est d’introduire plus de régulation.

Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de bien vouloir apporter des réponses aux interrogations des éleveurs et préciser le calendrier des mesures envisagées, dans le cadre européen, pour sortir la filière porcine de cette crise qui dure depuis trop longtemps.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. À la suite de la question sur la filière équine, vous interrogez quant à vous le Gouvernement sur la filière porcine, monsieur Chauveau, et notamment sur la problématique très particulière des mentions portées sur les emballages. En la matière, M. Bruno Le Maire, au nom du Gouvernement, a conduit une action très déterminée.

Ainsi, l’interprofession a signé en septembre 2010 un accord volontaire sur le logo « viande de porc française », ou VPF, logo qui est apposé lorsque plus de 50 % de la viande est française, puis, en décembre dernier, un autre accord volontaire sur la mention de l’origine, qui prévoit que soit précisée « origine France » si plus de 50 % de la viande est française ou « origine UE » – ou autre – si tel n’est pas le cas.

Il s’agit là d’une avancée essentielle, et le ministre de l’agriculture est évidemment très attaché à la pleine mise en œuvre de ces mesures.

De façon plus générale, la France est également mobilisée au niveau européen sur la question de l’indication de l’origine des produits alimentaires.

Un projet de règlement a été adopté par le Parlement européen le 6 juillet dernier et par le Conseil les 29 et 30 septembre dernier. Il marque un changement de cap décisif en faveur d’une meilleure transparence sur l’origine ou la provenance des denrées alimentaires en tendant à la généralisation progressive de leur mention.

Désormais, l’obligation d’indication du pays d’origine sur l’étiquetage s’appliquera à toutes les viandes de porc, alors que c’est uniquement le cas, à l’heure actuelle, pour la viande bovine.

Pour les produits transformés, également, le règlement prévoit une obligation d’indication d’origine de la viande de porc en tant qu’ingrédient si celle-ci diffère de celle qu’allègue le produit transformé.

Enfin, pour les autres produits contenant de la viande, la Commission devra rendre un rapport et une étude d’impact avant la fin de 2013.

Concernant l’autre sujet que vous évoquez, à savoir la problématique des marges, le rapport annuel de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, qui a été remis au Gouvernement et au Parlement le 27 juin dernier, montre clairement que la grande distribution, sur un certain nombre de produits alimentaires, réalise des marges importantes et difficiles à justifier. C’est le cas, par exemple, sur la tranche de jambon.

C’est pourquoi le ministère de l’agriculture a demandé aux distributeurs de fournir à l’Observatoire leurs chiffres sur la marge nette afin de faire la transparence totale sur ce sujet.

Sur la base des informations transmises, un groupe de travail chargé d’expertiser plus finement l’analyse de ces marges a été constitué. Il devrait rendre ses conclusions d’ici à la fin de l’année.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Chauveau.

M. Jean-Pierre Chauveau. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de ces informations.

Depuis des décennies, la filière porcine est confrontée à bien des difficultés. Les revenus des producteurs de viande porcine connaissent en particulier des évolutions en dents de scie. C’est pourquoi la profession réfléchit à la création d’une caisse de péréquation destinée à lisser ces revenus, en vue d’éviter de trop forts écarts entre les bonnes années et les années difficiles.

En conclusion, je tiens à remercier le Gouvernement de l’action qu’il conduit dans ce dossier.

plan national sharka et bilan des mesures prises pour lutter contre cette maladie

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume, auteur de la question n° 1352, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.

M. Didier Guillaume. Monsieur le secrétaire d'État, la filière arboricole, durement touchée par la crise de cet été, non seulement dans mon département de la Drôme, mais sur tout le territoire national, rencontre de graves difficultés, des difficultés structurelles qui la conduisent aujourd’hui à lancer un véritable « SOS ».

Aussi modeste soit-elle par la taille, cette filière, monsieur le secrétaire d'État, parvient à assurer une partie de l’alimentation de la population française. C’est pourquoi il faut en tenir compte.

Au-delà de la crise qu’elle a connue cet été, l’arboriculture est confrontée à une autre grave crise, sanitaire, celle de la sharka.

Monsieur le secrétaire d'État, ma question, à laquelle j’associe mes collègues Jean Besson et Bernard Piras, porte sur le bilan des mesures prises pour lutter contre cette maladie jusqu’en 2011 et sur les mesures du plan national de lutte contre la sharka, lancé en avril 2011, plan annoncé par le ministre de l’agriculture lors de son déplacement devant le congrès national des producteurs de fruits en janvier 2010 dans la Drôme.

La sharka, maladie virale qui a décimé les vergers depuis vingt ans, est très présente dans le sud de la France, dans la Drôme, en Vaucluse, dans les Bouches-du-Rhône, dans le Gard et les Pyrénées-Orientales.

La Drôme est particulièrement touchée, ce qui a conduit les pouvoirs publics à soutenir des campagnes de prospection et d’arrachage dans le cadre du plan Devos.

Les collectivités locales ont fait un choix politique, volontariste, celui de soutenir les arboriculteurs, de croire en l’avenir de cette filière et de tout faire pour éviter que celle-ci ne soit décimée. Le département de la Drôme, par exemple, a engagé près de 2 millions d’euros pour l’aider.

Le volet sanitaire se déclinait en trois mesures : la prospection, l’arrachage et l’inventaire du verger.

La prospection a coûté très cher, environ 200 euros l’hectare, payés en partie par les arboriculteurs. Le second passage, facultatif jusqu’en 2008 puis obligatoire à partir de 2009, était gratuit, grâce aux financements des collectivités locales.

J’en viens à l’arrachage : en 2007, 275 hectares de vergers ont été arrachés. Depuis 2003, ce sont 1 200 hectares qui ont été arrachés dans la Drôme.

Enfin, le volet reconversion a été mis en place en inscrivant la démarche dans une logique de projet, à la demande notamment de la région Rhône-Alpes et du département de la Drôme. Ce volet est capital pour l’avenir de cette filière et celui des arboriculteurs.

Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous indiquer comment l’État va prendre en compte les effets, sur le plan sanitaire, des mesures mises en œuvre, en particulier dans la Drôme, à travers le nouveau plan national sharka lancé en avril dernier ? Pouvez-vous nous renseigner sur les mesures exactes contenues dans ce plan et nous assurer que les collectivités locales ne seront pas une nouvelle fois mises à contribution ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. Monsieur le sénateur, vous interrogez Bruno Le Maire sur le volet sanitaire du plan national sharka, tout particulièrement sur son financement.

Le ministère de l’agriculture a mis en œuvre en septembre 2010 un plan national visant à appréhender de façon globale et cohérente la lutte contre le virus de la sharka dans les vergers, en termes tant de surveillance, de méthodes de lutte sanitaire que d’accompagnement économique.

Ce dispositif a permis d’organiser la concertation entre les pouvoirs publics et les responsables professionnels sur l’ensemble de ces sujets.

Concernant les indemnisations, le plan national prévoit que les barèmes soient basés sur ceux du fonds national de garantie des calamités agricoles, le FNGCA. L’évaluation de la perte économique pour le calcul de ce barème repose sur une méthodologie favorable aux attentes des producteurs et conforme au droit communautaire.

Diverses dispositions ont été finalement retenues en avril dernier.

Ainsi, les indemnisations se feront à hauteur de 100 % de l’évaluation de la perte économique pour les vergers contaminés à moins de 10 % et ayant fait l’objet d’arrachages obligatoires dans les zones où le seuil d’arrachage a été abaissé à 5 % ou moins, ainsi que pour les arbres isolés ayant fait l’objet d’arrachages obligatoires.

Les indemnisations pour les autres vergers se feront à hauteur de 75 % de l’évaluation de la perte économique pour 2011 et 2012. Cette indemnisation sera abaissée à 50 % de l’évaluation de la perte économique à partir de 2013.

Conformément au code rural et à l’arrêté du 31 août 2011, les indemnisations seront financées de façon conjointe par l’État et la profession, et non par les collectivités locales. La participation de l’État se fera à hauteur de 65 % et celle de la profession à hauteur de 35 %.

Monsieur le sénateur, telles sont les réponses que souhaitait vous apporter Bruno Le Maire.

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume.

M. Didier Guillaume. Monsieur le secrétaire d'État, à travers les questions posées ce matin au Gouvernement, nous mesurons l’inquiétude que suscite chez nombre de nos collègues l’avenir de l’agriculture en général, et plus particulièrement celle de certaines filières.

Permettez-moi de revenir quelques instants sur la filière arboricole. Celle-ci a connu cet été une crise sans précédent : crise de la demande intérieure, mais aussi crise à l’exportation, puisque, pour ne prendre que cet exemple, les producteurs de pêches n’ont pas vendu un seul fruit à l’étranger.

Quand on sait que les arboriculteurs vendent leur production en deçà du prix de revient de celle-ci, on prend conscience du réel problème qui existe et du fait que cette situation ne peut pas durer. Celle-ci, à laquelle s’ajoute la crise sanitaire provoquée par la sharka, appelle des mesures fortes.

Monsieur le secrétaire d'État, j’ai été attentif à vos propos et je remercie le Gouvernement de l’aide que celui-ci a décidé d’apporter à cette filière, qui en a bien besoin. Pour autant, je considère qu’il ne faut pas prendre l’agriculture en général et l’arboriculture en particulier, au motif que celle-ci serait une filière de taille modeste, comme une variable d’ajustement du budget. Notre pays, grâce au travail que réalisent l’ensemble des arboriculteurs dans les vergers, propose à la consommation des produits de grande qualité, tant à destination de nos concitoyens qu’à l’export.

Ce matin, monsieur le secrétaire d'État, j’ai à cœur de me faire le porte-parole de cette filière, qui souffre beaucoup. Nombre d’arboriculteurs sont dans la détresse, confrontés aux faillites et à de grandes difficultés. C’est une profession en péril, dont bien des membres perçoivent le RSA agricole, une profession à laquelle il faut absolument offrir des perspectives. Ce beau métier a de l’avenir, la filière fruits a un grand avenir.

L’ensemble de mes collègues et moi-même tenons à réaffirmer ce matin que l’agriculture doit être une priorité dans notre pays et que l’arboriculture demeure une noble filière agricole.

inquiétudes sur les conséquences de l’utilisation de l’aspartame

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger, auteur de la question n° 1297, adressée à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé.

Mme Patricia Schillinger. Ma question porte sur les risques induits par l’utilisation de l’aspartame dans les produits alimentaires.

L’aspartame est un édulcorant intense qui est utilisé dans plus de 5 000 produits bassement caloriques. Aujourd’hui, son utilisation est remise en cause, car l’aspartame serait responsable, pour ceux qui le consomment, d’effets secondaires parfois graves.

Les produits contenant de l’aspartame, censés être diététiques, inondent le marché des produits light. L’aspartame représente environ 90 % des édulcorants et se cache partout : dans les sucrettes, les sodas, les yaourts light, les médicaments, etc.

Depuis des années, plusieurs études ont démontré que la prise d’aspartame pouvait engendrer des problèmes considérables pour la santé.

Si tous les scientifiques ne sont pas d’accord, il n’en reste pas moins que cet édulcorant soulève de nombreuses et légitimes interrogations, car il est de plus en plus utilisé.

Deux études européennes récentes ont mis en cause l’aspartame : l’une, danoise, menée sur 60 000 femmes enceintes, montre que la consommation régulière, à partir d’une fois par jour, de sodas light – contenant donc de l’aspartame – double presque les risques d’accouchement prématuré ; l’autre, italienne, a constaté que des rats exposés à de fortes doses d’aspartame développaient davantage de cancers.

Quant aux autorités françaises et européennes chargées de la sécurité des aliments – l’Agence nationale de sécurité sanitaire, l’ANSES, pour la France, et l’Autorité européenne de sécurité des aliments, l’EFSA  –, elles ont estimé que ces études ne prouvent pas l’existence d’un danger réel pour les futures mamans.

Pourtant, le doute est là, les études sont contradictoires, et on peut évoquer, ici, le principe de précaution. La réglementation n’est pas adaptée au doute.

Le Gouvernement vient d’annoncer la création d’une taxe portant sur les boissons à sucres ajoutés, qui épargne donc les boissons contenant de l’aspartame. On peut légitimement penser qu’une partie des ventes de boissons contenant des sucres ajoutés va, du fait de la nouvelle taxe, se reporter sur des boissons édulcorées par adjonction d’aspartame alors même que l’Agence nationale de sécurité sanitaire n’a pas encore livré les résultats de son étude portant sur les risques liés à la prise d’aspartame.

Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement va-t-il prendre des mesures pour que les autorités et les agences d’évaluation utilisent la même grille d’analyse pour toutes les études et adoptent une déontologie de l’expertise irréprochable ? L’exemple récent du Médiator montre les conséquences d’une carence déontologique d’une agence de sécurité sanitaire.

En vertu du principe de précaution, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour garantir la sécurité des millions de consommateurs utilisant quotidiennement ce produit, plus particulièrement celle des femmes enceintes et des enfants ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. Madame la sénatrice, l’aspartame est un édulcorant intense destiné à être employé dans les denrées alimentaires. Sa dose journalière admissible, ou DJA, est de 40 milligrammes par kilogramme de poids corporel par jour. Il a un pouvoir sucrant environ deux cents fois supérieur à celui du saccharose, et est utilisé pour édulcorer de très grandes variétés de boissons et d’aliments à faible apport calorique ainsi que des médicaments.

Concernant l’information du consommateur, le Conseil de l’Union européenne a adopté, le 29 septembre dernier, le projet de règlement INCO, ou règlement d’information du consommateur, dont la publication devrait intervenir à la fin du mois de novembre. Il y est prévu l’étiquetage des denrées alimentaires contenant de l’aspartame avec la mention « contient de l’aspartame ».

L’aspartame a fait l’objet de plusieurs évaluations depuis sa mise sur le marché. Deux études parues au cours de l’année 2010 et que vous venez de mentionner évoquent un danger potentiel de l’aspartame : une étude épidémiologique danoise de juin 2010, menée auprès de 60 000 femmes enceintes sur la période 1996-2002, montre des données qui suggéreraient que la consommation de boissons rafraîchissantes sans alcool à faible teneur calorique augmenterait le risque d’accouchement prématuré ; une étude italienne de septembre 2010, réalisée chez la souris, présume que les risques de cancer du foie et du poumon augmenteraient chez les souris mâles exposées à des doses élevées d’aspartame.

Afin d’évaluer ces études, l’ANSES s’est autosaisie le 24 janvier 2011 et a publié, le 14 mars 2011, un avis concluant que les deux nouvelles publications n’apportaient pas de base scientifique nouvelle suffisante pour justifier une révision de la DJA établie pour l’aspartame. L’étude danoise nécessite d’être complétée par une seconde étude plus robuste tandis que l’étude italienne comporte de nombreux biais.

En février 2011, l’Agence européenne de sécurité des aliments a également évalué ces deux études et a déclaré qu’elles ne justifiaient pas une révision des évaluations précédentes de l’aspartame ou d’autres édulcorants actuellement autorisés dans l’Union européenne.

En outre, en 2010, l’Agence européenne a établi un programme de réévaluation de tous les additifs alimentaires autorisés avant 2009. La réévaluation des édulcorants devrait être achevée au 31 décembre 2020, sauf pour l’aspartame qui, à la suite de la pression française, se terminera à l’automne 2012.

Par ailleurs, l’ANSES a mis en place en mai dernier un groupe de travail chargé d’évaluer les bénéfices et les risques nutritionnels des édulcorants intenses. Les principaux objectifs de ce groupe sont la réalisation d’un état des lieux des données disponibles, et l’identification des éventuels bénéfices ou dangers nutritionnels liés à ces consommations. Ce travail permettra d’élaborer des recommandations pour des populations sensibles, parmi lesquelles les femmes enceintes.

Cependant, M. Xavier Bertrand et Mme Nora Berra souhaitent que le travail concernant l’évaluation du rapport risques/bénéfices de l’aspartame soit rendu d’ici à la fin novembre 2012. Une saisine interministérielle de l’ANSES est en cours de rédaction.

Les différentes expertises en cours permettront de prendre, le cas échéant, les mesures appropriées pour réduire l’exposition des consommateurs à l’aspartame, notamment celle des populations les plus sensibles.

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, même si elle ne m’a pas vraiment rassurée.

Dans l’attente des conclusions de l’ANSES, à la fin de 2011, le doute reste entier. L’aspartame est largement consommé, surtout par les adolescentes et adolescents, mais aussi par des personnes absorbant des médicaments, lesquels contiennent souvent de l’aspartame.

Beaucoup parlent d’un nouveau scandale comparable à celui du Médiator, et c’est pourquoi je vous alerte, monsieur le secrétaire d’État.

Selon certains films, tels L’Aspartame, un doux parfum de poison et Notre poison quotidien, la mise sur le marché de l’aspartame aux États-Unis, en 1982, ne fut pas exempte de pratiques douteuses. En France, il semble que l’Autorité européenne de sécurité des aliments ait simplement suivi l’avis des instances américaines, sans procéder à de nouvelles études.

De plus, le Corporate Europe Observatory, ou CEO, a découvert que des experts de l’EFSA ont omis de déclarer qu’ils collaboraient activement avec l’industrie alimentaire, dont Coca-Cola ! Je reste donc très inquiète et j’attends le rapport de l’ANSES avec hâte.

projet de cadencement ter 2012

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, auteur de la question n° 1329, adressée à M. le ministre auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports.

M. Jacques Mézard. Monsieur le secrétaire d’État, tout le monde connaît la situation d’enclavement du bassin d’Aurillac et du Cantal. Et un nouveau problème surgit avec le projet de cadencement des trains express régionaux, ou TER, pour 2012.

Prévu par Réseau ferré de France, ou RFF, pour 2012, le projet de cadencement national devrait modifier substantiellement la circulation des trains dans la région Auvergne.

À la mi-février 2011, les responsables de RFF pour les régions Rhône-Alpes et Auvergne ont expliqué que ce vaste plan visait à « mieux articuler l’ensemble des lignes du réseau avec des horaires plus réguliers et davantage lisibles ». Pourtant, la « régularité » et la « lisibilité » paraissent s’accompagner d’une baisse de l’offre ou de la suppression pure et simple de certaines lignes.

Ce projet prévoit que près de 350 trains circuleront en moyenne chaque jour en Auvergne, contre 305 aujourd’hui. Nous pourrions nous réjouir de cette augmentation, mais force est de constater qu’elle concernera surtout le périmètre périurbain clermontois, et qu’aucune amélioration n’est prévue dans le département du Cantal dans lequel nous serons bien au contraire confrontés à une dégradation de l’offre, tant pour le maillage régional que pour les liaisons interrégionales.

Déjà défavorisé par son éloignement des métropoles régionales, le Cantal est, une fois encore, exclu de toute tentative de désenclavement, au mépris des règles qui devraient pourtant prévaloir en matière de service public de transport des voyageurs.

Le projet prévoit que le cadencement devrait permettre d’augmenter les circulations les jours ouvrables sur Clermont-Ferrand et que seraient supprimés, en contrepartie, un certain nombre de trains circulant entre le vendredi soir et le lundi matin, au départ ou à destination d’Aurillac. Nous ne pouvons l’accepter ! Priver nos étudiants – souvent, ils n’ont pas d’autres moyens de transport – et l’ensemble de la population cantalienne de la possibilité de se déplacer en train le week-end à des horaires normaux, c’est-à-dire les priver d’un service digne d’un mode de locomotion moderne, est profondément injuste, car l’on sait que, compte tenu de l’état du réseau routier, il faut chez nous plus de deux heures ou deux heures trente pour rallier en voiture n’importe quelle métropole régionale.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous dire quelles seront les modifications effectives, tant sur les horaires que sur le nombre de dessertes et sur le mode de transport, pour les trois lignes au départ et à destination d’Aurillac ?

Par ailleurs, comment expliquez-vous que les importants travaux réalisés ou en cours de réalisation sur les lignes grâce au plan rail – et nous nous réjouissons bien sûr de ces travaux –n’aboutissent pas à des temps de trajet plus courts ?

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer clairement et précisément quelles mesures seront prises, dans le cadre du projet de cadencement TER 2012, concernant le département du Cantal, l’un des départements les plus enclavés de France, si ce n’est le plus enclavé ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. Monsieur le sénateur, afin de mieux maîtriser les circulations et concilier les trafics des TER, des trains à grande vitesse et du fret, Réseau ferré de France a proposé de mettre en place des horaires et des correspondances mieux organisés. Il s’agit aussi d’intégrer les lignes nouvelles au sein du réseau et les nouvelles circulations, comme sur la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône par exemple. L’objectif est de permettre le cadencement des trains sur l’ensemble du réseau ferroviaire à l’horizon 2016. L’année 2012 constitue une étape importante de cette évolution.

À partir de décembre 2011, RFF et la SNCF vont franchir cette nouvelle étape avec l’entrée en vigueur du service annuel 2012, l’objectif prioritaire étant d’améliorer le fonctionnement global du système ferroviaire, en particulier en termes de régularité pour les usagers.

Cette évolution résulte d’un travail mené depuis 2005 par RFF, en étroite concertation avec la SNCF et les autorités organisatrices régionales. De 8 % seulement aujourd’hui, les sillons de voyageurs cadencés passeront à 16 % en décembre 2011. Ce sont 30 000 horaires de trains qui seront modifiés en 2012, soit 85 % des circulations.

Le projet de cadencement en Auvergne s’inscrit dans ce projet national. Il nécessite une réorganisation de l’offre sur le territoire, en termes d’horaires et de missions, afin d’optimiser la desserte de la région.

À partir de la trame proposée par RFF, le plan de transport pour 2012 est actuellement en construction sous l’égide de la région Auvergne et fait l’objet de débats avec les usagers et les élus du Cantal. Un comité de ligne spécifiquement dédié au cadencement a ainsi été mis en place. En février 2011, la région Auvergne, la SNCF et RFF ont organisé dans chaque département une consultation relative à la refonte de l’offre prévue en décembre 2011.

Les modifications qui interviendront lors du service annuel 2012 ne concerneront que certains axes du réseau, les lignes desservant Aurillac n’en faisant pas partie. En effet, concernant le Cantal, la structuration du graphique des circulations est construite sur la base d’un même nombre quotidien de trains mis en circulation en 2011 et en 2012.

En conséquence, la desserte d’Aurillac n’est pas directement concernée par le cadencement qui sera mis en place en décembre 2011, et les horaires y seront uniquement modifiés dans l’optique de permettre des correspondances optimisées pour les usagers en gares de Brive, Toulouse et Clermont-Ferrand.

Il convient par ailleurs de souligner que les choix qui seront effectués pour le plan de transport 2012, donc le volume de l’offre de trains TER, relèveront en dernière instance du conseil régional, autorité organisatrice des transports régionaux, et que toute demande de modification du schéma de desserte doit lui être communiquée.

Les pouvoirs publics sont particulièrement attentifs à ce que la mise en œuvre du service annuel 2012 contribue à l’amélioration du service aux usagers et n’entraîne pas une dégradation de la desserte ferroviaire des territoires, dans le département du Cantal ou ailleurs.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Monsieur le secrétaire d’État, je participe aux travaux du comité de ligne, et la réponse que vous venez de m’apporter ne correspond pas tout à fait à ce que j’ai pu y entendre.

Le Gouvernement s’engage, par votre voix, à ce qu’il n’y ait aucune suppression de train desservant Aurillac. J’en prends acte. Vous indiquez en effet dans votre réponse que seuls les horaires seront modifiés, et ce afin d’améliorer les correspondances. Je constate pour ma part que ces modifications aboutissent à des attentes de correspondances et à des temps de trajets plus longs, ce qui ne me semble pas constituer une « amélioration ».

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Dîtes-le au conseil régional !

M. Jacques Mézard. C’est, nous dites-vous, monsieur le secrétaire d’État, de la faute du conseil régional.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Non !

M. Jacques Mézard. Or, lorsque nous, élus locaux, interpellons le conseil régional, ce dernier nous dit de nous adresser à RFF ou à la SNCF. La difficulté du comité de ligne tient au fait qu’il est composé de trois partenaires, qui très régulièrement se renvoient la balle.

Nos concitoyens demandent autre chose. Ils veulent avoir une vision très claire des évolutions en cours. Des travaux importants ont été engagés. Ils étaient au demeurant indispensables puisque, comme j’ai eu l’occasion de le rappeler dans cette enceinte, certains trains circulent en l’automne à 45 kilomètres à l’heure, car, faute d’entretien, les roues patinent sur les rails encombrés par des feuilles mortes. Mais nos concitoyens ne peuvent pas comprendre que ces travaux aboutissent à des allongements des temps de transport, qui sont déjà très longs chez nous. Ils ne peuvent pas davantage comprendre que les nouveaux horaires se traduisent non par des améliorations mais, dans certains cas, par une dégradation.

Bien sûr, nous le redirons au conseil régional, parce qu’il n’y a pas de raison, monsieur le secrétaire d’État, que nous tenions un discours différent devant le conseil régional et à l’égard du Gouvernement. Notre discours est le même, et il n’est pas positif !

schéma d'aménagement de la plage de pampelonne

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, auteur de la question n° 1376, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

M. Pierre-Yves Collombat. Ma question s’adressait à Mme la ministre de l’écologie, mais y répondre vous rappellera probablement vos vacances, monsieur le secrétaire d’Etat…

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Non !

M. Pierre-Yves Collombat. C’est dommage !

Elle concerne la situation très paradoxale dans laquelle se trouve la commune varoise de Ramatuelle, que je ne présente pas, et sa célèbre plage de Pampelonne.

Avec 27 établissements de plage représentant quelque 600 emplois directs et plus de 1 000 emplois indirects, la plage de Pampelonne est l’un des principaux éléments du pôle touristique de la presqu’île de Saint-Tropez. Pour autant, cela ne l’a pas empêchée, grâce à la politique menée par la commune, de demeurer jusqu’à ce jour un espace naturel remarquable du littoral, espace consacré comme tel par un arrêt du Conseil d’État du 13 novembre 2002.

Cependant, comme tout grand site touristique, et plus encore en raison de sa nature fragile et mouvante, la plage souffre de plus en plus de la fréquentation intense qu’elle subit et de la présence de bâtiments d’exploitation réalisés dans des conditions anarchiques – ou acrobatiques – dans les années soixante, à l’origine de multiples nuisances et dégradations.

Aussi, dans le but de concilier le maintien d’une économie balnéaire et la préservation de cet espace naturel remarquable, la commune de Ramatuelle, au prix d’un lourd investissement en études et un travail important de concertation, a élaboré un schéma d’aménagement de la plage de Pampelonne.

Arrêté par la commune le 8 juillet 2010, le projet définitif de schéma a été soumis par arrêté préfectoral à enquête publique, du 16 août au 17 septembre 2010. Le schéma définitif a ensuite été transmis au Premier ministre et au ministère de l’écologie, afin d’être approuvé par décret en Conseil d’État comme le prévoient les articles L. 146-6-1 et R. 146-4 du code de l’urbanisme. Jusque-là, tout va bien !

Or, depuis cette transmission, le ministère de l’écologie n’a pas poursuivi l’instruction du dossier, demandant même à la commune, alors que le dossier est complet au regard de la législation et de la réglementation applicable actuellement, une nouvelle enquête publique, laissant ainsi supposer qu’il entend appliquer rétroactivement, et illégalement à mon sens, la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite Grenelle II, à ce document d’urbanisme arrêté avant la loi.

Non seulement l’article 245 de la loi Grenelle II prévoit que ces dispositions s’appliquent « aux projets, plans, programmes ou autres documents de planification pour lesquels l’arrêté d’ouverture et d’organisation de l’enquête publique est publié à compter du premier jour du sixième mois après la publication du décret en Conseil d’État prévu à l’article L. 123-19 du code de l’environnement », mais ce décret d’application n’est pas même paru à ce jour.

Une telle façon de procéder ne peut que susciter l’incompréhension des élus qui, après plusieurs années de travail, s’inquiètent de devoir procéder à une nouvelle enquête publique. Ils observent – je le constate d’ailleurs avec eux – qu’au final cette course de lenteur administrative profite aux bénéficiaires du statu quo et retarde la mise en œuvre effective des mesures de protection de l’environnement et d’aménagement d’une économie balnéaire durable que la commune appelle de ses vœux. On connaissait le « développement durable », voici le « sur-place durable » ! (Sourires.)

En conséquence, monsieur le secrétaire d’État, je vous prie de bien vouloir me préciser si vous entendez maintenir votre demande d’une nouvelle enquête publique, qui va retarder le processus, et, si la réponse est positive, sur quels fondements juridiques vous entendez le faire, le décret prévu par l’article 245 de la loi du 12 juillet 2010 mentionné n’ayant toujours pas été pris.

En l’absence de fondements juridiques, vous voudrez bien m’indiquer quand le schéma d’aménagement de la plage de Pampelonne et son décret d’approbation seront soumis pour avis au Conseil d’État.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. Monsieur le sénateur, vous avez souhaité connaître les conditions dans lesquelles pouvait être adopté le schéma d’aménagement de la plage de Pampelonne à Ramatuelle et les raisons pour lesquelles le Conseil d’État n’avait pas été saisi du projet.

Vous considérez que les règles applicables à ce jour pour adopter ce schéma n’imposent pas son évaluation environnementale stratégique.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet m’a chargé de vous indiquer qu’il n’est pas possible de vous suivre dans cette analyse. En effet, les schémas d’aménagement de plage font l’objet d’une évaluation environnementale au titre de l’article 16 de la loi Grenelle II, qui ne prévoyait pas d’entrée en vigueur décalée sur ce point. Cette obligation d’évaluation environnementale est donc en vigueur depuis le 14 juillet 2010 et s’applique au projet de schéma d’aménagement de la plage de Pampelonne, qui n’avait pas été approuvé par décret en Conseil d’État avant cette date.

Les services de l’État et la commune de Ramatuelle ont été informés des conditions dans lesquelles ce schéma devait être adopté.

Le Conseil d’État n’aurait pu examiner un texte dont la procédure d’élaboration aurait été incomplète ; de plus, si le schéma d’aménagement de la plage avait pu être examiné et adopté en l’état, toute personne intéressée aurait pu en contester la légalité ainsi que toute décision prise pour son application, du fait de l’absence d’évaluation environnementale et d’avis de l’autorité environnementale prévus aux articles L. 121-10 et suivants du code de l’urbanisme.

Ni le travail de fond ni la concertation menée sur le terrain pour élaborer ce schéma n’ont été méconnus. Cependant, sans l’accomplissement de ces procédures, l’illégalité de ce document serait certaine.

Je comprends que les délais inhérents à cette démarche puissent poser des difficultés, d’autant qu’une enquête publique a déjà été menée. Toutefois, l’ouverture d’une nouvelle enquête qui intégrera ces nouveaux éléments est non seulement nécessaire mais également utile : avec l’évaluation environnementale, l’acceptabilité des dispositions et prescriptions du schéma d’aménagement de plage n’en sera que confortée et devrait apporter une véritable plus-value pour les espaces protégés comme pour l’avenir de la plage ; l’avis de l’autorité environnementale vise à éclairer le public sur la manière dont le porteur du plan a pris en compte les enjeux environnementaux.

Je ne peux donc que confirmer l’obligation de produire un rapport environnemental et de suivre la procédure prévue dans ce cas, c’est-à-dire de saisir, pour avis, l’autorité environnementale, et enfin d’ouvrir une nouvelle enquête publique.

En vue de parvenir le plus rapidement possible au terme de cette procédure, les services du ministère apporteront évidemment l’accompagnement nécessaire à la réalisation de cette évaluation environnementale, notamment par une note méthodologique.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Nous ne pourrons à mon avis pas régler ce matin le problème juridique de l’interprétation de la loi du 12 juillet 2010, qui prévoit des décrets d’application, sauf sur ce point précis. Le tribunal administratif pourrait donc être appelé à trancher ce débat, me semble-t-il.

Vous me permettrez de constater que la situation continue à empirer et que toutes ces arguties aboutissent exactement au contraire de ce qui était recherché.

Je pourrais dire que cela me fait bien rire… Mais tel n’est pas du tout le cas, car nous nous battons depuis des années pour essayer de maintenir dans un état à peu près correct cette plage, qui est très fréquentée et pour laquelle se posent entre autres des problèmes d’assainissement.

Je constate que vous avez inventé le « sur-place durable », mais nous avons un peu l’habitude !

conséquences de la mise en service du tgv rhin-rhône

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain, auteur de la question n° 1380, adressée à M. le ministre auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports.

M. Jean-Louis Lorrain. La ligne LGV Rhin-Rhône sera mise en place le 11 décembre 2011, offrant ainsi à Mulhouse une seconde desserte TGV et diminuant les temps de trajet vers Besançon, Dijon, Lyon et Paris, ce dont nous nous réjouissons.

Or, avec la suppression supposée de la ligne Corail Paris-Troyes-Belfort-Mulhouse, appelée traditionnellement « ligne 4 », pourtant définie par le Président de la République lors de son déplacement à Troyes le 4 novembre 2010 – déplacement à la suite duquel a d’ailleurs été signée la convention entre l’État et la SNCF relative à l’exploitation des trains d’équilibre du territoire, ou TET – comme l’un de ces « trains d’équilibre du territoire », les Alsaciens perdront la possibilité de se rendre dans des régions comme la Champagne et la Franche-Comté autrement qu’en trains express régionaux, ou TER, successifs.

Ils perdront aussi la possibilité de se rendre à Paris, ou de venir de Paris, à un tarif abordable : le train Corail Paris-Mulhouse transporte aujourd’hui des voyageurs qui, par choix ou pour des raisons de budget, n’empruntent pas le TGV pour le trajet Paris-Strasbourg ou Paris-Mulhouse mais utilisent ce train Corail, avec correspondance en gare de Mulhouse si nécessaire. Il est utile de rappeler ici que l’aller simple Paris-Mulhouse en TGV peut coûter, en seconde classe, jusqu’à 130 euros… à comparer aux 56 euros pour un aller simple Paris-Mulhouse en train Corail.

Les Alsaciens travaillant à Belfort perdront en outre le bénéfice de dessertes supplémentaires que leur permet la ligne 4. Ce bénéfice est également vrai pour les habitants du Territoire de Belfort allant travailler à Mulhouse.

Par ailleurs, un potentiel non négligeable de touristes se trouvera amoindri : chaque mois de décembre, de nombreux voyageurs venant visiter les différents marchés de Noël alsaciens empruntent la ligne 4, car ils n’ont pu trouver de place dans les TGV à la fois combles et très onéreux ; les touristes franc-comtois et champenois, voire bourguignons, seront eux-aussi dissuadés de venir, car ils seront rendus captifs de la LGV Rhin-Rhône et de ses contraintes ; enfin, l’Île-de-France et d’autres régions françaises devraient connaître une baisse du nombre de touristes suisses, qui transitent via Mulhouse et préfèrent emprunter la ligne 4, aux tarifs plus abordables que le TGV Zurich-Bâle-Mulhouse-Paris.

La suppression du train Corail Paris-Mulhouse n’est pourtant pas irréversible. En effet, la mobilisation d’élus des régions Champagne-Ardenne et Franche-Comté a conduit Mme Kosciuszko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à assurer, le 4 avril 2011, lors d’une réunion au ministère, à Mme Dufay, présidente de la région Franche-Comté, et à M. Bachy, président de la région Champagne-Ardenne, qu’elle s’engageait à maintenir les relations existantes sur la ligne 4 entre Paris et Belfort pendant une période d’observation de dix-huit mois, à partir du lancement de la LGV Rhin-Rhône, à hauteur de cinq allers-retours quotidiens.

Vous avez confirmé cet engagement le 5 avril, en tant que secrétaire d’État chargé des transports, au cours d’une réunion de travail ou étaient présents M. Raison, député de Haute-Saône, M. Meslot, député du Territoire de Belfort, M. Joyandet, maire de Vesoul, M. Chagnot, adjoint au maire de Lure, M. Butzbach, maire de Belfort, et M. Fousseret, vice-président de la région Franche-Comté.

Aussi, je demande à M. le ministre chargé des transports, ou à son représentant, de nous dire si cet engagement sera respecté et si les trains d’équilibre du territoire pourront continuer à relier Paris, la Champagne et le nord Franche-Comté à l’Alsace du sud, soit Mulhouse, le terminus actuel de la ligne.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. Monsieur le sénateur, le 13 décembre 2010, Thierry Mariani, ministre chargé des transports, a signé avec Guillaume Pepy, président de la SNCF, la convention relative à l’exploitation des « trains d’équilibre du territoire ». Cette convention fait de l’État l’autorité organisatrice de ces trains depuis le 1er janvier dernier. À ce titre, il est désormais responsable de l’établissement de leurs dessertes.

La mise en service en décembre 2011 de la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône aura un impact bénéfique sur les dessertes de Mulhouse et de Belfort.

Le Président de la République est d’ailleurs venu le 8 septembre dernier à Besançon puis à Belfort pour inaugurer la première phase de la branche est de cette ligne. Je tiens à vous rappeler qu’il s’agit de la première ligne à grande vitesse de province à province sans passer par Paris.

Ainsi, huit allers-retours seront proposés entre Paris et Belfort avec un temps de parcours réduit à deux heures dix-sept. La ville de Mulhouse sera, quant à elle, desservie par onze allers-retours quotidiens à grande vitesse au départ de Paris pour un temps de parcours de deux heures quarante. Le nombre de trains desservant ces deux villes se trouvera ainsi considérablement accru grâce à la mise en œuvre de la LGV.

Thierry Mariani est pleinement conscient que la desserte ferroviaire entre Troyes et Belfort correspond à un besoin d’aménagement et d’irrigation des territoires. C’est pourquoi une offre substantielle de service TET sera conservée sur cette ligne, tout en tenant compte des nouvelles dessertes liées à la mise en service du TGV Rhin-Rhône.

J’ai donc le plaisir de vous confirmer, comme suite aux engagements annoncés, que l’État a demandé à la SNCF de passer commande à Réseau ferré de France d’un plan de transports visant à assurer le maintien des dessertes TET sur le parcours Paris-Belfort. Une évaluation de la fréquentation de cette ligne d’équilibre du territoire sera réalisée pour la préparation du service annuel 2013 afin de vérifier que l’offre proposée répond bien aux besoins des usagers dans des conditions économiques acceptables.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain.

M. Jean-Louis Lorrain. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie des précisions que vous nous avez apportées.

Appartenant à une vieille famille de cheminots, je suis habitué au langage de la SNCF. Je reste donc très prudent face aux communications qui nous sont faites, d’autant que notre région a déjà subi des suppressions de lignes.

Si nous ne pouvons que nous réjouir de la nouvelle desserte TGV, nous nous inquiétons pour les personnes qui ont un petit budget et qui voudront se rendre à la capitale.

Au-delà des études de besoins qui sont souvent très drastiques, très toniques, je vous prie donc d’être attentif aux demandes formulées : ma question ne doit pas être occultée par la chance que représente le TGV, auquel les collectivités ont largement contribué.

devenir des permis de recherches de gaz de schiste

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, auteur de la question n° 1325, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

M. Claude Bérit-Débat. Depuis de longs mois, je suis mobilisé aux côtés de nombreuses associations d’élus et de citoyens contre l’exploitation des gaz de schiste. Nous dénonçons en effet les dangers sanitaires et les risques écologiques que la recherche et l’exploitation de ces gaz présentent. Nous nous opposons également à l’opacité dans laquelle les permis de recherches ont été accordés : trop de communes concernées n’ont pas été consultées.

Le permis de Cahors, par exemple, concerne une quarantaine de communes de mon département de Dordogne. Or ni les élus périgourdins ni la population n’ont été informés et encore moins consultés lors de l’octroi de ce document.

Le président du comité de vigilance du Périgord « Non au gaz de schiste » m’a fait part de ses craintes à diverses reprises. Je partage entièrement ses inquiétudes. En effet, les dangers de l’exploitation des gaz de schiste sont avérés. La nocivité de la seule technique connue à ce jour pour les explorer et les exploiter, à savoir la fracturation hydraulique, est parfaitement connue.

Malgré cela, quinze permis d’exploitation ont déjà été accordés. En juillet dernier, le Gouvernement rejetait même la proposition de loi, présentée au nom du groupe socialiste par notre collègue Nicole Bricq, qui visait à interdire l’exploitation des gaz de schiste.

Or voilà que le 3 octobre, ce même gouvernement annonçait sa décision d’abroger trois des quinze permis accordés. Je m’interroge sur cette décision. Pourquoi ces trois-là ? S’il y a un danger, pourquoi ne pas abroger tous les permis ? Surtout, pourquoi refuser encore et toujours d’interdire purement et simplement l’exploitation des gaz de schiste, et ce quelle que soit la technique utilisée ?

Monsieur le secrétaire d’État, sur cette question, le Gouvernement s’est empêtré dans ses propres contradictions.

M. Roland Courteau. C’est le mot !

M. Claude Bérit-Débat. Tout d’abord, parce qu’il n’a pas pris, dès l’origine, la mesure des risques liés à l’exploitation de ces gaz.

Ensuite, parce qu’il refuse encore et toujours l’interdiction générale et absolue de la fracturation hydraulique.

Enfin, parce qu’il se garde bien de tirer les conclusions logiques de ses propres actes.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. Claude Bérit-Débat. Mes questions sont donc simples : plutôt que de faire du coup par coup, quand le Gouvernement abrogera-t-il tous les permis d’exploitation qu’il a accordés ? Quand interdira-t-il définitivement l’exploitation du gaz de schiste et la technique de la fracturation hydraulique ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. Monsieur le sénateur, Nathalie Kosciusko-Morizet a déjà répondu à ces questions à de multiples reprises. Je vais donc répéter à peu près la même chose.

M. Claude Bérit-Débat. Ce ne sera donc pas satisfaisant !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Pour ce qui concerne les demandes de permis de recherches en cours d’instruction, il va de soi, compte tenu de la loi du 13 juillet 2011, qu’aucune demande mentionnant des forages utilisant la fracturation hydraulique ne sera accordée. Je répète pour la énième fois cette évidence : le Gouvernement respecte la loi qu’il a lui-même fait adopter.

Les pétitionnaires ont été interrogés à ce sujet et une dizaine d’entre eux ont fait savoir qu’ils ne maintenaient pas leur demande. Les autres ont fourni à l’administration les informations nécessaires quant aux techniques de recherche qu’ils envisagent d’employer. Ces informations complètent donc leurs dossiers et seront utilisées pour les instruire.

L’objectif du Gouvernement est de faire en sorte que la loi soit intégralement mise en œuvre et immédiatement appliquée, aussi bien aux permis existants qu’aux demandes de permis de recherches en cours d’instruction. Il convient d’ailleurs de noter qu’aucun permis exclusif de recherches d’hydrocarbures liquides ou gazeux n’a été octroyé depuis novembre 2010.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.

M. Claude Bérit-Débat. Si vous persistez dans votre réponse, monsieur le secrétaire d’État, nous, nous persistons dans notre questionnement. À nos yeux, le plus simple serait d’interdire totalement l’exploitation des gaz de schiste.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. C’est déjà le cas juridiquement, lisez la loi !

M. Claude Bérit-Débat. Aujourd’hui, qu’il s’agisse de l’exploration ou de l’exploitation, la seule technique connue est la fracturation hydraulique. Dès lors que vous vous opposez à cette technique et qu’il n’en existe pas d’autre, il serait plus rassurant et plus logique d’édicter une interdiction dès à présent.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Vous confondez exploitation et recherche, c’est absurde !

M. Claude Bérit-Débat. Je ne confonds pas les deux termes, monsieur le secrétaire d’État, mais, dans les deux cas, la technique utilisée est la même ! Vous entretenez un suspense qui n’a pas lieu d’être, car, en toute logique, cela devrait être interdit. J’espère d’ailleurs que le groupe socialiste présentera à nouveau la proposition de loi qui n’a pu être adoptée afin d’interdire purement et simplement l’exploration et l’exploitation des gaz de schiste.

désertification médicale

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Amoudry, auteur de la question n° 1377, adressée à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

M. Jean-Paul Amoudry. Je souhaite appeler l’attention sur les inquiétudes des élus du bassin de Faverges, en Haute-Savoie, quant aux difficultés d’accès aux soins des populations de leur territoire, en raison de la non reprise de cabinets médicaux à la suite du départ à la retraite de deux médecins jusqu’alors en activité sur ce secteur.

Le canton de Faverges ne compte plus que dix praticiens en activité pour 14 500 habitants, soit un ratio d’un médecin pour 1 450 habitants. Cette donnée est à rapprocher de la densité moyenne nationale qui, résultant de situations très disparates selon les territoires, s’élève à un médecin pour 345 habitants.

Cette pénurie de médecins est d’autant plus préoccupante que les perspectives d’évolution démographique de ce secteur laissent entrevoir une augmentation du nombre de personnes âgées, nécessitant davantage encore le maintien d’une assistance médicale de proximité.

Cette situation n’est malheureusement pas spécifique à ce territoire de la Haute-Savoie où, dans bien d’autres secteurs, l’offre de soins n’est plus adaptée aux besoins des personnes.

Plus généralement, les perspectives d’ensemble montrent non seulement que l’évolution du nombre de médecins généralistes s’annonce globalement défavorable – selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, le nombre de médecins en activité devrait diminuer de 10 % au cours des quinze prochaines années –, mais aussi que le déséquilibre de la répartition des médecins généralistes sur le territoire va encore s’aggraver, contribuant à la formation de véritables déserts médicaux, surtout en milieu rural.

Cette désertification médicale croissante rend urgente la mise en œuvre de mesures appropriées.

Certes, la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires a tenté de répondre à ce problème par l’adoption de diverses mesures incitatives. Mais, malgré ces dispositions, les perspectives demeurent alarmantes. Aussi une action déterminée des pouvoirs publics s’impose-t-elle.

Se saisissant de cette problématique, notre collègue Marie-Thérèse Bruguière a rendu récemment, au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, un rapport intitulé Santé et territoires : à la recherche de l’équilibre, contenant vingt et une propositions pour lutter contre le dépeuplement médical dans les zones fragiles. Je souhaite connaître les intentions du Gouvernement sur la suite qu’il entend donner à ces recommandations.

Pour revenir au cas particulier du bassin de vie de Faverges, pouvez-vous me préciser, madame la ministre, les initiatives et mesures opérationnelles que l’État est susceptible de prendre afin de résoudre les difficultés que je viens d’exposer ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence de Xavier Bertrand, qui m’a demandé de vous transmettre sa réponse.

Conscient de l’enjeu que représente l’accès aux soins, le Gouvernement a pris, au cours de ces dernières années, de nombreuses mesures destinées à améliorer la répartition géographique des professionnels de santé.

Tout d’abord, plusieurs dispositions ont été prises sur le plan de la formation initiale afin de sensibiliser les étudiants à l’installation en ambulatoire, notamment pour la médecine générale, en favorisant les stages dans les zones où la densité des médecins est moins élevée.

Ensuite, le Gouvernement a très fortement mis l’accent sur la promotion de l’exercice regroupé des professionnels de santé, qui offre à ces derniers un cadre de travail plus attractif par l’optimisation du temps médical, la rupture de l’isolement, l’allégement des contraintes liées à l’organisation de la permanence des soins, et qui répond à leurs attentes : 250 maisons pluri-professionnelles de santé vont ainsi voir le jour d’ici à 2013, comme le précise la circulaire interministérielle des ministères de l’intérieur, de la santé et de l’espace rural datée du 27 juillet 2010.

Concernant la situation du bassin de Faverges, que vous abordez plus spécifiquement, un projet de création d’une maison pluri-professionnelle de santé est justement à l’étude par les services de l’agence régionale de santé, même si celui-ci n’a pu aboutir à ce jour, faute de la mobilisation d’un nombre suffisant de professionnels de santé et du fait du désengagement de la collectivité locale pour le coportage dans sa dimension immobilière. Cependant, les services de l’agence régionale de santé restent mobilisés pour continuer à travailler sur ce dossier et envisager, le cas échéant, toute autre solution dans l’hypothèse où ce projet ne pourrait finalement pas aboutir.

Globalement, en ce qui concerne la filière de médecine générale, il est prévu que le nombre de postes ouverts en région Rhône-Alpes augmente dans les années à venir pour atteindre un total de 1 940 internes à former entre 2010 et 2015.

Enfin, il convient de rappeler l’existence du dispositif du contrat d’engagement de service public, le CESP, à destination des étudiants admis à poursuivre des études médicales à l’issue de la première année du premier cycle ou ultérieurement. Les étudiants bénéficiaires se voient verser une allocation mensuelle de 1 200 euros jusqu’à la fin de leurs études. En contrepartie, ils s’engagent à exercer leurs fonctions, dès l’issue de leur formation, dans des zones où la continuité des soins fait défaut, pour une durée égale à celle correspondant au versement de l’allocation et avec un engagement minimum de deux ans. À ce jour, sur les trente-quatre postes ouverts en région Rhône-Alpes, sept contrats ont été signés, dont deux avec des internes en médecine générale. Ce dispositif est appelé à monter en puissance dans les prochains mois.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement reste très attentif au problème de la désertification médicale et veille à assurer un accès satisfaisant aux soins pour tous sur l’ensemble du territoire national.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Amoudry.

M. Jean-Paul Amoudry. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.

Je note que les efforts entrepris par le Gouvernement en matière de formation s’inscrivent dans le cadre des préconisations du rapport sénatorial. Toutefois, ces mesures ne produiront leurs effets qu’à moyen et long terme. Or, nous le savons bien, il y a urgence et je suis obligé de constater que l’hémorragie à laquelle nous assistons n’a pas reçu de traitement suffisamment rapide. Je prends néanmoins acte des mesures prévues pour la région Rhône-Alpes.

En ce qui concerne plus spécifiquement le secteur de Faverges, en Haute-Savoie, vous avez souligné le désengagement de la collectivité. Mais nous ne pouvons pas demander aux collectivités de supporter intégralement la charge de ces dossiers. L’État doit jouer son rôle dans un domaine qui relève avant tout de la solidarité nationale.

conditions matérielles de fonctionnement du tribunal d'instance de rouen

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud, auteur de la question n° 1374, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

M. Thierry Foucaud. Je souhaite appeler l’attention sur l’état dégradé des conditions matérielles et humaines de fonctionnement du tribunal d’instance de Rouen.

Le 6 juin 2011, j’ai répondu à l’invitation de magistrats, de fonctionnaires, d’avocats et des organisations syndicales de cette juridiction, qui organisaient une « opération découverte » de leur lieu de travail. J’ai ainsi pu constater le manque de considération dont les professionnels de la justice et les justiciables pâtissent malheureusement en ce lieu. Quelques exemples méritent d’être cités.

Alors que quatre juges d’application des peines devraient siéger, seuls trois postes sont pourvus. En juillet et en août, un seul juge était disponible en permanence en raison à la fois des vacances estivales et d’un congé maternité. Une telle situation est particulièrement préjudiciable au suivi des affaires en cours.

À l’instruction, une vision comptable de la gestion de la justice a conduit à la suppression d’un cabinet, c’est-à-dire d’un juge et d’un greffier. Cela a pour effet de reporter la charge de travail sur les autres magistrats, qui ont à traiter plus de cent dossiers par cabinet, et d’accroître le nombre d’heures supplémentaires effectuées par les greffiers.

Les dispositions nouvelles qui empêchent les experts qui exerçaient leur métier en hôpital de pratiquer leurs expertises sur leur lieu d’exercice professionnel ont aussi pour conséquence un allongement des délais d’instruction, notamment en matière criminelle.

Quatre auditrices de justice sont actuellement en stage au tribunal. Faute de salles disponibles, elles sont recluses dans un espace de repos dédié aux fonctionnaires, qui, de fait, s’en trouvent privés. Vous pouvez imaginer les conditions de travail !

Dans un certain nombre de services, en raison d’un manque criant d’espace et de meubles, les dossiers s’entassent dans des boîtes à archives posées à même le sol, souvent dans des couloirs, ou bien encore dans des armoires qui ne peuvent plus fermer. Ils sont donc laissés à la vue de tous, au risque d’être subtilisés.

Au tribunal pour enfants, il n’existe pas de salle d’attente pour ces derniers.

Aux affaires familiales, un juge a été transféré aux tutelles des mineurs sans que l’on ait pourvu à son remplacement.

Le tribunal d’instance de Rouen dispose de deux annexes dont l’une située à plusieurs centaines de mètres du bâtiment principal. Il en résulte donc un transport manuel des dossiers et archives, ce qui ne va pas sans poser de problèmes de sécurité.

Et je ne m’étends pas sur les détenus qui passent, menottés, d’un lieu à un autre, au milieu du public, ni sur l’accessibilité pour les personnes handicapées, qui est inexistante.

Même si je considère que le tableau ainsi dressé est révélateur d’une politique dont la seule boussole est la diminution des dépenses publiques, je n’en pense pas moins que la situation du tribunal d’instance de Rouen appelle la mise en œuvre de solutions d’urgence. C’est pourquoi je vous demande, madame la ministre, quelles mesures le Gouvernement compte prendre pour pallier les dysfonctionnements et carences que je viens de décrire.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, Michel Mercier, ministre de la justice et des libertés, m’a chargée de vous répondre, car il est en ce moment même avec la présidente du Haut Conseil du commissariat aux comptes.

La circulaire de localisation des emplois du 24 février 2011 a fixé à cinquante-cinq, dont quarante et un au siège et quatorze au parquet, les effectifs de magistrats du tribunal de grande instance de Rouen.

Un des cinq emplois de juge d’instruction a effectivement été supprimé compte tenu de la baisse d’activité, réelle, du service de l’instruction. En effet, en quatre ans, le nombre de saisines des juges d’instruction à Rouen a diminué de 59 %.

Au 1er septembre 2011, les effectifs du siège sont au complet, avec même un magistrat en surnombre. Au parquet, il reste deux vacances à combler. En outre, le premier président de la cour d’appel et le procureur général près ladite cour disposent de magistrats placés – quatre au siège, quatre au parquet – qu’ils peuvent déléguer dans les juridictions du ressort, notamment pour pallier les absences liées à des congés de maternité.

S’agissant de la situation immobilière des juridictions rouennaises, la mise en œuvre de la réforme de la carte judiciaire pour les tribunaux d’instance a conduit la Chancellerie à acquérir un bâtiment destiné à héberger l’ensemble des services de l’instance. Les travaux nécessaires à la mise aux normes de ce bâtiment, qui s’achèveront en juin 2012, ne permettaient pas d’accueillir immédiatement l’ensemble des services du tribunal d’instance. Jusqu’à cette date, une partie des services de l’instance ne recevant pas de public est donc hébergée sur un autre site, situé à proximité immédiate du palais de justice.

À terme, l’espace ainsi libéré par le départ des services du tribunal d’instance encore présents au sein du palais de justice permettra un redéploiement des services du tribunal de grande instance et de la cour d’appel de Rouen. Les travaux programmés en 2013 devraient être livrés au cours du premier trimestre de 2014. Par ailleurs, des travaux de mise aux normes, notamment d’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite, seront réalisés entre janvier et septembre 2012.

En ce qui concerne les auditeurs de justice, les contraintes immobilières ne permettent pas toujours de leur réserver un espace spécifique. Ils effectuent leurs stages dans les cabinets des magistrats en poste.

Enfin, il convient de rappeler que le budget du ministère de la justice a augmenté de près de 60 % entre 2002 et 2011 et que, sur cette même période, les crédits consacrés aux services judiciaires ont augmenté de 35 %, traduisant l’effort du Gouvernement pour l’institution judiciaire.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. J’invite un représentant du Gouvernement à se rendre à Rouen pour constater la réalité des problèmes que je viens de décrire. Il semblerait d’ailleurs que la situation se soit encore dégradée depuis ma visite du 6 juin dernier, à tel point que la presse écrite régionale titrait, le 14 juillet : « Inquiétante accumulation de dossiers en instance au tribunal de Rouen » et, le 30 août : « Le tribunal de Rouen au régime sec »…

Les médias relayent donc la réelle émotion des professionnels de justice. C’est pourquoi je demande à nouveau au Gouvernement de prêter attention aux difficultés rencontrées par les magistrats, les fonctionnaires et les avocats du tribunal de grande instance de Rouen et de tenir compte des revendications de leurs organisations syndicales.

situation du service des douanes de wallis-et-futuna

Mme la présidente. La parole est à M. Robert Laufoaulu, auteur de la question n° 1362, adressée à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.

M. Robert Laufoaulu. Ma question porte sur la situation du service des douanes de Wallis-et-Futuna.

Ce service fonctionne en sous-effectif et se trouve de ce fait confronté à des difficultés majeures, malgré la bonne volonté de ses agents. Ainsi, le chef de service n’a ni adjoint ni rédacteur pour le seconder et, en cas d’absence, seuls les dossiers les plus urgents sont traités par le chef de bureau.

Depuis l’enregistrement de ma question avant l’été, et d’ailleurs peut-être grâce à cela, la Direction générale des douanes et droits indirects a décidé que cet agent serait remplacé dès que possible par un agent de catégorie A, plus à même de suppléer le chef de service et d’exercer un rôle d’adjoint à plein temps. Il n’en demeure pas moins que, malgré cet effort, les besoins sont patents.

Ainsi, les agents de la brigade de Wallis se trouvent dans l’impossibilité de gérer simultanément les contrôles de déchargement des marchandises au port et les contrôles des passagers de l’avion. Il leur sera également impossible, l’an prochain, avec le départ de l’un des agents, de bénéficier des dispositions sur la réduction du temps de travail, étant donné que les avions arrivent et repartent les samedis et lundis. Ils se trouveront ainsi être les seuls douaniers français à ne pas bénéficier de ces règles.

Quant aux deux agents de Futuna, ils n’ont aucune formation dans le domaine du contrôle des personnes et ne sont formés qu’au dédouanement des marchandises.

Vous connaissez bien, madame la ministre, le projet de création de la ligne internationale Fidji-Futuna-Wallis, qui est un projet phare, car il conditionne toute possibilité de développement économique et touristique du territoire. Si l’impossibilité actuelle de prendre en charge le contrôle d’un avion à Futuna n’est pas prise en compte, il ne pourra jamais y avoir de ligne aérienne puisque, pour qu’un aéroport puisse recevoir des vols internationaux, il faut une présence douanière et pas seulement policière.

Je souhaiterais donc savoir quelles mesures le Gouvernement compte prendre afin de remédier à la situation du service des douanes de Wallis-et-Futuna, situation qui gêne d’ores et déjà le bon fonctionnement des services du territoire et qui, de plus, entraverait tout projet et toute tentative de développement du territoire.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Valérie Pécresse, qui accompagne aujourd’hui le Président de la République à l’occasion d’un déplacement dans la Creuse consacré à la revitalisation des zones rurales.

Vous me donnez aujourd’hui l’occasion de souligner l’importance de l’action de la douane dans l’un des territoires les plus éloignés de la métropole, que j’ai eu le plaisir de découvrir avec vous cet été. Cette administration y joue un rôle essentiel, aussi bien en termes de fiscalité – l’essentiel des recettes fiscales étant constitué de droits de douane et de taxes assimilées – que de sécurisation du territoire.

Vous évoquez les effectifs et moyens mis à disposition du service des douanes de Wallis-et-Futuna. Ce service comprend douze emplois depuis plusieurs années. Cette stabilité des effectifs, malgré la contribution de l’administration des douanes à l’effort de réduction des déficits publics, garantit au service des moyens humains adaptés à l’exercice de ses missions, notamment pour le contrôle des trois avions arrivant chaque semaine à Wallis et des bateaux qui y accostent, au rythme d’un ou deux chaque mois.

S’agissant de l’encadrement du service, il est assuré par un cadre supérieur dont la charge de travail s’est effectivement accrue au cours des dernières années avec l’informatisation du dédouanement, le développement de nouvelles procédures et la mise à jour du code des douanes applicable aux îles Wallis et Futuna. Afin de remédier à cette situation, un agent de catégorie A sera prochainement affecté à Wallis en remplacement du départ prévisible d’un agent de catégorie C, comme vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur. Ce dernier exercera les fonctions de chef de bureau et d’adjoint au chef de service.

En matière de réduction du temps de travail, je peux vous assurer que les douaniers de Wallis-et-Futuna se voient appliquer pleinement et sans restriction les mêmes garanties statutaires que leurs collègues de métropole. Les quatre agents de la brigade de surveillance de Wallis bénéficient de la possibilité de ne pas travailler les dimanches et les jours fériés.

Par ailleurs, de nouveaux aménagements seront mis en place afin de faciliter l’intervention de cette unité lorsque les opérations de déchargement d’un bateau coïncident avec le contrôle des passagers d’un avion international.

La formation professionnelle bénéficie également à tous les agents. Cet objectif constitue un engagement fort de la douane, quel que soit le lieu d’affectation d’un agent. Les agents des douanes de Wallis-et-Futuna participent à des stages d’une semaine régulièrement organisés en Nouvelle-Calédonie. Un tiers de l’effectif en a d’ores et déjà bénéficié en 2009 comme en 2010. Des actions de formation professionnelle locales sont également développées. Avec ce dispositif, chaque agent des douanes bénéficiera en 2011 d’au moins trente-six heures annuelles de formation professionnelle.

Monsieur le sénateur, de tous les services de l’État, la douane est probablement l’un de ceux qui doit le plus régulièrement s’adapter aux évolutions de son environnement. C’est pourquoi je ne doute pas de la capacité de cette administration à trouver les réponses concrètes adaptées dans l’hypothèse de la création d’une ligne internationale Fidji-Futuna-Wallis.

Mme la présidente. La parole est à M. Robert Laufoaulu.

M. Robert Laufoaulu. Madame la ministre, je vous remercie de la réponse que vous venez de m’apporter de la part de Mme la ministre du budget. Elle me satisfait pleinement.

Je peux même dire que je suis chanceux d’avoir obtenu une réponse de la ministre du budget par l’entremise de la ministre de l’outre-mer. Vous allez donc pouvoir suivre les engagements que vous venez de me transmettre. (Sourires.) Je compte sur vous, madame la ministre !

réforme de la filière sociale de la catégorie b

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Boutant, auteur de la question n° 1359, transmise à M. le ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales.

M. Michel Boutant. Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur les revendications exprimées par les assistants socio-éducatifs et les éducateurs de jeunes enfants dans le cadre de la réforme en cours de la filière sociale de la catégorie B.

Des projets de décret ont ainsi prévu de nouvelles grilles statutaires pour ces personnels. Cependant, il est regrettable que les cadres d’emplois soient maintenus en catégorie B, alors même qu’une intégration dans la catégorie A est réclamée depuis plusieurs années.

Les représentants du personnel souhaiteraient une reconnaissance du recrutement à bac+3 au lieu de bac+2 aujourd’hui. En effet, trois années de formation après le baccalauréat sont nécessaires pour obtenir le diplôme d’État qui permet de passer le concours externe d’assistant socio-éducatif ou d’éducateur de jeunes enfants.

Une reconnaissance de ces trois années d’études et une intégration en catégorie A sembleraient donc tout à fait logiques, et ce notamment dans la mesure où les infirmiers hospitaliers sont justement intégrés dans la catégorie A au terme de leurs trois ans de formation – il s’agit d’une durée identique. De plus, la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles a classé les diplômes de la filière sociale dans la catégorie A de la fonction publique. Ajoutons que le processus de Bologne, qui a placé les différents systèmes d’enseignement supérieur européens dans un cadre commun, confère à ces diplômes le grade de licence. Il semble donc urgent de faire cesser en France cette discrimination multifactorielle.

Les personnels concernés ont un évident et légitime besoin de reconnaissance. Une intégration dans la catégorie A pourrait également leur permettre une réelle évolution salariale, alors que les projets de décret actuels restent très décevants à ce niveau. Ainsi, pour les assistants socio-éducatifs et les éducateurs de jeunes enfants, sur le grade de base, l’indice majoré est de 327 en début de grille et de 515 en fin de grille, alors que, pour les infirmiers de la classe normale de la fonction publique hospitalière, ces chiffres sont respectivement de 335 et de 566. Une harmonisation paraît donc nécessaire.

M. Michel Boutant. Aussi, j’aimerais savoir si vous entendez répondre favorablement aux demandes justifiées des personnels de la filière sociale, qui souhaiteraient une intégration dans la catégorie A et donc une reconnaissance de leur recrutement actuel à bac+3.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, dans le cadre de la mise en œuvre du nouvel espace statutaire pour les fonctionnaires relevant de la catégorie B, les assistants territoriaux socio-éducatifs et les éducateurs territoriaux de jeunes enfants ont vocation à bénéficier d’une grille indiciaire revalorisée. L’indice brut terminal serait porté de 638 à 675 et le coût immédiat du reclassement des agents dans la nouvelle grille devrait coûter à lui seul 32 millions d’euros. En outre, une revalorisation du cadre d’emplois de catégorie A de cette filière est envisagée parallèlement et se traduirait par la création d’un grade d’avancement se terminant à l’indice brut 780, soit un gain de 120 points par rapport à l’indice terminal.

Des projets de texte en ce sens avaient effectivement été inscrits à l’ordre du jour du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale du 16 mars 2011. Toutefois, les organisations syndicales ont demandé à surseoir à l’examen de ces textes, sollicitant notamment un avis des employeurs territoriaux. Elles considèrent en effet que cette revalorisation est insuffisante et que la réforme des formations correspondant aux diplômes exigés pour l’accès aux cadres d’emplois doit conduire à un basculement de catégorie. Elles invoquent à cette fin le processus de Bologne – que vous avez évoqué – d’ouverture à la libre circulation des professions sociales réglementées.

Il convient de préciser que la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005, adoptée dans le cadre du processus de Bologne, a d’ores et déjà été transposée dans le droit français et n’a pas eu pour objet de reconnaître le diplôme d’assistant de service social au niveau licence.

À la suite du retrait des textes du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, le ministère des collectivités territoriales a sollicité l’avis formel de l’Association des maires de France et de l’Assemblée des départements de France afin de connaître leur appréciation sur l’opportunité de faire passer le cadre d’emplois des assistants socio-éducatifs en catégorie A.

Dans sa réponse, l’Association des maires de France – au titre des communes, qui sont les principaux employeurs des éducateurs territoriaux de jeunes enfants – considère que le niveau de recrutement et les fonctions exercées justifient le maintien du classement des éducateurs de jeunes enfants en catégorie B.

Pour sa part, l’Assemblée des départements de France indique que les projets de décret préparés par le Gouvernement n’appellent pas en l’état d’observation particulière, mais elle souhaiterait qu’une réflexion visant à examiner les moyens de mieux reconnaître le travail accompli par les assistants territoriaux socio-éducatifs et les éducateurs territoriaux de jeunes enfants soit engagée avec toutes les associations concernées.

Le basculement en catégorie A des assistants territoriaux socio-éducatifs et des éducateurs territoriaux de jeunes enfants a donc été formellement écarté, même à moyen terme, par les employeurs territoriaux.

Enfin, le coût très important pour les collectivités territoriales d’un basculement en catégorie A de ces professions doit être souligné : le simple reclassement des agents en catégorie A coûterait 45 millions d’euros et pourrait entraîner des coûts collatéraux difficilement supportables pour les finances départementales si les grilles de ces professions exerçant dans le secteur privé associatif – subventionné par les départements – étaient parallèlement revalorisées. En effet, le coût du reclassement est estimé à 90 millions d’euros en cas de maintien d’un statut de non-cadre et à 200 millions d’euros en cas de reclassement au niveau cadre.

centre d'alerte au tsunami en méditerranée

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 1294, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

M. Roland Courteau. Madame Khiari, je me réjouis de vous voir présider nos travaux !

M. Roland Courteau. Madame la ministre, je souhaite rappeler à M. le ministre de l’intérieur que, conformément aux préconisations que j’avais formulées dans le cadre des travaux de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques et développées dans mon rapport n° 117 intitulé L’évaluation et la prévention du risque du tsunami sur les côtes françaises en métropole et outre-mer, qui montre un risque certain et une impréparation manifeste, le Centre national d’alerte aux tsunamis, le CENALT, couvrant la zone allant des Açores, dans l’Atlantique Nord, jusqu’à la Sicile, en Méditerranée, devrait être opérationnel en juillet 2012. Le CENALT devrait ainsi s’appuyer sur le système d’alerte et d’information des populations, lequel est d’ailleurs, me semble-t-il, en cours de réalisation.

À toutes fins utiles, je rappelle une fois encore que, lors du seul XXe siècle, on a dénombré quelque quatre-vingt-dix tsunamis en Méditerranée, dont deux très meurtriers en Méditerranée occidentale : en 1908 à Messine, 35 000 morts ; en 1979 à Antibes, en plein moins d’octobre. Même si de tels phénomènes n’ont pas la même ampleur que ceux du Pacifique ou de l’océan Indien, le risque est bien réel.

J’appelle l’attention du ministère sur le fait que le plus grand obstacle réside dans la rapidité de la propagation de l’onde du tsunami associée à la dimension réduite de la Méditerranée. Ainsi, le temps disponible pour la mise en sécurité des personnes sera toujours très court.

Or, je souhaite le rappeler ici, les rivages méditerranéens français, qui s’étirent sur 1 960 kilomètres, présentent un ensemble de côtes basses sablonneuses, notamment en Languedoc-Roussillon ainsi que sur la côte est de la Corse, dont la largeur de la bande côtière située à moins de six mètres d’altitude varie de cinq cents mètres à deux kilomètres, tandis que la courbe de niveau des douze mètres peut se situer bien loin du rivage.

Par ailleurs, les cordons littoraux sont eux aussi exposés aux effets d’un éventuel tsunami d’une certaine ampleur : je pense plus particulièrement au bassin de Thau ou à l’étang de Leucate.

Enfin, d’autres rivages comme la Camargue se caractérisent par une extrême platitude à des altitudes à peine positives. Ainsi, fuir ces lieux en cas de tsunami implique de parcourir de longues distances afin de se réfugier dans des endroits hors d’atteinte de la montée des eaux. Madame la ministre, a-t-on réfléchi à ce problème très précis ?

Je précise également – c’est ma seconde préoccupation – que l’urbanisation littorale se trouverait dans bien des secteurs en situation difficile. Or le littoral méditerranéen est l’une des régions les plus peuplées. De plus, durant les mois d’été, l’augmentation de la population atteint jusqu’à 75 %, voire 150 % en certains lieux. Cette importante concentration humaine au contact des vagues est donc inédite dans l’histoire de nos régions où l’on note bien souvent une absence de culture du risque.

C’est la raison pour laquelle je vous rappelle que, concomitamment à la mise en place d’un centre d’alerte, j’avais formulé plusieurs autres préconisations dans mon rapport : sensibiliser régulièrement la population, impliquer les élus locaux, les autorités portuaires et les professionnels du tourisme, mettre en place des campagnes de sensibilisation, intégrer l’éducation aux risques naturels dans les programmes scolaires, expérimenter la gestion de l’alerte aux tsunamis en coopération avec les collectivités territoriales concernées, réaliser des exercices d’entraînement pour tester l’efficacité du dispositif d’alerte, évaluer la nécessité d’installer des sirènes ou des zones refuges, selon la vulnérabilité des côtes.

Je souhaiterais donc savoir si, dans la phase de préparation du projet relatif à « l’alerte descendante », le Gouvernement entend tenir le plus grand compte de ces préconisations et s’il est en mesure de faire un point précis sur l’avancement de ce projet.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, permettez-moi de vous répondre à la demande de Claude Guéant, qui n’a pu être présent ce matin.

Conscient du risque que représente un tsunami et tout particulièrement dans une zone comme la Méditerranée où, comme vous le soulignez à juste titre, la rapidité de propagation, la dimension réduite ainsi que l’urbanisation littorale rendent la situation d’autant plus délicate, le Gouvernement porte une attention particulière aux risques climatiques et à l’avertissement de la population.

À la suite de l’engagement pris par la France auprès du groupe intergouvernemental de coordination du système d’alerte aux tsunamis de l’Atlantique Nord-Est et de la Méditerranée, le GIC-SATANEM, le ministère de l’écologie et le ministère de l’intérieur ont confié au Commissariat à l’énergie atomique la mission de surveillance et d’alerte aux tsunamis pour l’Atlantique Nord-Est et la Méditerranée. Dans ce but, un centre national d’alerte aux tsunamis pour l’Atlantique Nord-Est et la Méditerranée, le CRATANEM, à vocation régionale pour la Méditerranée occidentale, doit être opérationnel début 2012. Ce centre a vocation à agir en direction de la population pour la mise en place de vecteurs de diffusion des messages d’alerte appropriés et une reconnaissance de l’alerte par les populations, via une sensibilisation.

Ainsi, le choix des vecteurs d’alerte – sirènes, téléphonie mobile, panneaux à messages – est-il réalisé en tenant compte des risques encourus, de leur intensité, de leur cinétique. Sur la bande littorale, le système d’alerte des populations prévoit la mise en réseau des vecteurs existants et le comblement de lacunes sur certains territoires, et ce à compter de 2013.

Les études relatives à la création de ce dispositif d’alerte descendante pour le littoral de la Méditerranée ont d'ores et déjà été budgétées à hauteur de 850 000 euros pour l’exercice 2010-2011 et un complément budgétaire sera recherché si nécessaire pour finaliser cette étude en 2012.

Je note votre intérêt et votre engagement pour ce projet ainsi que vos préconisations. Je peux vous assurer que cet outil sera doté des meilleures technologies et disposera d’une véritable souplesse. Ces deux éléments permettront de déterminer rapidement et précisément la zone d’alerte.

Le Président de la République lui-même a affirmé son attachement à cet outil lors du cent dix-huitième congrès de la fédération nationale des sapeurs-pompiers à Nantes, le 24 septembre dernier : « Je veux également évoquer un outil qui me tient particulièrement à cœur : le futur système d’alerte et des populations, parce que c’est vraiment le cœur de votre métier. […] C’est le devoir de la société de mettre en œuvre ce système ».

Mais ce système d’alerte, monsieur le sénateur, ne serait pas efficace sans la sensibilisation et l’éducation de la population aux risques et missions des services de secours. La sécurité civile, avec ses partenaires, y consacre une part considérable de son activité, notamment à destination des élèves, puisque c’est est une exigence légale en vertu de l’article L. 312-13-1 du code de l’éducation.

Des supports de sensibilisation sont régulièrement diffusés lors d’actions de communication, c'est-à-dire lors de la journée de la sécurité intérieure, du salon des maires et du salon de l’éducation, par la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises et les préfectures. Celles-ci constituent à cet égard un relais de première importance dans la diffusion de la culture des risques.

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Madame la ministre, je vous remercie des précisions que vous m’avez apportées.

Dès lors que le CENALT doit être opérationnel très prochainement, il me paraissait nécessaire qu’un point puisse être fait sur le travail de préparation de ce que nous appelons le projet ALDES ou alerte descendante, à destination des populations.

En fait, la mise en place d’un centre d’alerte capable d’émettre vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept un message indiquant la survenue d’un séisme ou d’un glissement de terrain sous-marin susceptible d’avoir généré un tsunami ne constitue que la première brique de l’architecture d’un dispositif d’alerte efficace. Il faut également que ledit message parvienne aux autorités compétentes et que ces dernières sachent parfaitement ce qu’elles ont à faire à tous les échelons et surtout auprès des populations. Aucune place ne peut être laissée à l’improvisation.

Je reste persuadé qu’il ne faut pas parier, comme c’est le cas de certains, sur la rareté du phénomène et prendre ce prétexte pour ne pas être très exigeant dans la mise en œuvre de cette phase essentielle. Bien imprudents seraient ceux qui feraient un tel calcul, car, même si les tsunamis sont des phénomènes rares, ils n’en sont pas moins terriblement dévastateurs.

mise en œuvre de la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Vial, auteur de la question n° 1350, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

M. Jean-Pierre Vial. Je souhaite appeler l’attention de M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration sur la mise en œuvre de la loi du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, publiée au Journal officiel le 15 mars 2011, et notamment sur l’article 31, qui concerne le Conseil national des activités privées de sécurité, le CNAPS.

Lors des débats en seconde lecture qui ont eu lieu au Sénat le 19 janvier 2011, un engagement public du Gouvernement a été pris sur la composition du futur CNAPS. Le ministre d’alors avait en effet précisé que : « Le détail de la composition du collège administrant le CNAPS relève, naturellement, du pouvoir réglementaire. » L’article 20 quinquies prévoit effectivement qu’entreront dans cette composition des « personnes issues des activités privées de sécurité ».

Sont bien sûr appelés à faire partie du collège des représentants des organisations patronales représentatives. Aussi, je vous serais reconnaissant de bien vouloir confirmer l’engagement du Gouvernement d’associer les représentants des organisations patronales représentatives à la composition du CNAPS et d’indiquer le nombre de représentants des organisations patronales représentatives prévu au sein de ce collège ainsi que le calendrier d’élaboration du décret d’application chargé de la mise en œuvre de cette disposition.

Je veux vous rappeler la nécessité absolue d’associer aux missions essentielles de cette future autorité de régulation les quelque cent cinquante PME françaises investies dans la sécurité privée, qui représentent, en termes économiques, d’emplois et d’aménagement du territoire, un secteur d’activités important pour notre pays.

Je vous demande de bien vouloir également préciser les modalités de financement de ce futur établissement public, notamment dans l’éventualité d’une taxe assise sur le chiffre d’affaires des sociétés privées de sécurité ainsi que son calendrier prévisionnel d’application.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration m’a chargée, en son absence, de vous répondre.

L’article 31 de la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite LOPPSI 2, a créé un nouvel organisme de droit public dénommé Conseil national des activités privées de sécurité, qui aura pour objet de mieux réguler les activités privées de sécurité, encadrées par la loi du 12 juillet 1983. La mise en place de ce conseil national nécessite l’entrée en vigueur d’un décret qui a été élaboré en concertation avec la profession. Il est en cours d’examen par le Conseil d’État et sera publié d’ici à la fin de l’année.

Le décret prévoit que le Conseil national des activités privées de sécurité sera administré par un collège comprenant huit représentants des organisations patronales représentatives de la sécurité privée, quatre au titre des activités de surveillance et de gardiennage, un au titre de la télésurveillance et des opérateurs privés de vidéoprotection, un pour le transport de fonds, un pour la sûreté aéroportuaire et un pour les agents de recherches privées.

Dès la publication de ce décret, les organisations patronales représentatives seront saisies pour proposer leurs représentants. Deux de ces personnes siégeront également à la commission nationale d’agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité.

Trois représentants des organisations patronales figureront en outre parmi les membres des commissions régionales ou interrégionales d’agrément et de contrôle, qui auront à délivrer les autorisations des entreprises de sécurité privée, les agréments de leurs dirigeants et les cartes professionnelles des salariés ainsi qu’à se prononcer sur les dossiers disciplinaires.

Ainsi, la profession est-elle pleinement associée à cette réforme majeure de la sécurité privée, comme le Gouvernement s’y était engagé au moment de l’examen de la LOPPSI par le Parlement.

Par ailleurs, le financement du CNAPS est défini par la loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011, dont l’article 52 crée une contribution de 0,5 % sur le montant hors taxe des ventes de prestations de services d’activités privées de sécurité assurées en France par les personnes morales et physiques relevant de la loi du 12 juillet 1983 et de 0,7 % du montant des rémunérations des salariés qui exécutent de telles activités privées de sécurité pour le propre compte de leur employeur.

Dans le premier cas, comme les professionnels le souhaitaient, la loi a prévu que le montant de la contribution s’ajoute au prix acquitté par le client et qu’il en soit fait mention expresse sur la facture. Cette contribution alimente la subvention que le ministère de l’intérieur versera au CNAPS chaque année. Pour 2012, elle s’élèvera à 10,5 millions d’euros, montant qui permettra de couvrir les besoins de fonctionnement du Conseil national des activités privées de sécurité dans sa phase de montée en puissance.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Vial.

M. Jean-Pierre Vial. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.

Concernant la composition du collège, j’ai bien noté l’énumération précise que vous avez faite des titres et des qualifications des représentants. Je souhaite bien évidemment que, lors de l’affection, le secteur des PME soit pris en compte, car, comme je l’ai indiqué, il est très important.

Concernant le volet du financement, vous avez été tout aussi précise en rappelant les dispositions relatives au prélèvement de 0,5 % sur le chiffre d’affaires des activités.

J’attendais également une réponse sur la transparence de la gestion de cette taxe. Vous me l’avez apportée indirectement en précisant que le montant de 10,5 millions d’euros serait géré directement par le Conseil national des activités privées de sécurité, auquel cette somme sera attribuée.

nouveau périmètre des grands lacs de seine

Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 1378, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

M. Antoine Lefèvre. Certaines communes du sud de l’Aisne sont, décidément, dans l’œil du cyclone !

Après la menace, maintenant endiguée, d’une exploitation d’huile de schiste par fracturation hydraulique, mais aussi après le nouveau plan de circulation des avions sur Roissy, arrive aujourd’hui le nouveau périmètre des grands lacs de Seine, sujet de ma question.

L’établissement public territorial de bassin, l’EPTB, « Seine Grands Lacs » projette de soumettre de nouveaux départements à contribution pour ses dépenses d’exploitation, d’entretien et d’aménagement. Le nouveau périmètre de cet établissement, pris par arrêté préfectoral de la région de l’Île-de-France, le 7 février dernier, inclut dorénavant quatre régions, soit treize départements, dont l’Aisne, et vingt-quatre communes situées dans son sud. Cet établissement public, qui gère les quatre lacs réservoirs – Pannecière, Seine, Marne et Aube – régulant le débit de la Seine, demande aux communes bénéficiaires du service rendu par le soutien d’étiage de participer aux frais de rénovation desdits ouvrages. Ce sont donc près de 160 millions d’euros qui seront nécessaires ces dix prochaines années non seulement pour l’exploitation courante, mais aussi et surtout pour les opérations pluriannuelles de réhabilitation. Ce serait ainsi cinquante centimes d’euros le mètre cube d’eau consommé demandé en plus aux habitants de toutes les communes traversées par les rivières concernées.

Une enquête publique a été menée cet été, mais assez rondement, puisque sa durée a été, non pas d’un mois, mais de vingt-cinq jours, et cela en juillet, c’est-à-dire à une période pendant laquelle nombre de nos concitoyens sont absents.

Enfin, il est à craindre que les factures d’eau potable des habitants soient en augmentation du fait d’une possible répercussion.

Cette enquête publique devant déclarer d’un intérêt général permettant la création de cette redevance soulève un avis défavorable de l’ensemble des communes concernées, toutes tendances confondues. Elles dénoncent la méthode et le manque de concertation. Que dis-je ? La non-concertation avec les élus et les entreprises avant la mise en œuvre de la procédure !

Il a été demandé un avis des maires, sans consultation de leurs organes délibérants... Quid de la démocratie ?

Sur le plan technique, les communes contestent les critères ayant permis de délimiter le périmètre concerné et de fixer la durée de la période d’étiage pour le calcul de la redevance.

Les contribuables axonais ne voient pas pourquoi ils seraient appelés à payer pour l’entretien d’ouvrages dont la fonction première est d’éviter les crues en région parisienne et d’effectuer des prélèvements pour son alimentation en eau potable. Le prix de l’eau à Paris est d’ailleurs l’un des moins cher de France, 2,92 euros TTC du mètre cube, alors que certaines des communes concernées dans mon département affichent déjà un prix de près de 7 euros ! Et que dire si le coût de cette taxe s’envole ?

Et pourquoi pas, à l’avenir, une nouvelle taxe sur la prévention des inondations ou encore une contribution au fonctionnement de cet établissement public auquel elles ont été intégrées de force ? C’est tout simplement un impôt déguisé !

Enfin, et surtout, tout cela est contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales, qui interdit à une collectivité de lever des impôts sur les citoyens qui ne relèvent pas de son territoire.

Comment comprendre que le préfet d’Île-de-France puisse élargir le périmètre d’intervention de l’établissement public à des collectivités locales qui ne font pas partie de son conseil d’administration, composé de Paris, des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne ? En effet, je ne suis pas persuadé que les Parisiens et les Franciliens accepteraient de payer pour les réseaux de fourniture d’eau potable des communes de l’Aisne ou encore que ces dernières décident du prix des parkings à Paris, comme l’a récemment évoqué l’un de mes collègues de l’Assemblée nationale !

Monsieur le secrétaire d'État, avec les élus de l’Aisne, je vous interroge à la fois sur l’objet et la méthode.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, qui m’a chargé de vous répondre.

L’institution interdépartementale des barrages-réservoirs du bassin de la Seine, l’IIBRBS, gère quatre réservoirs qui sont situés sur la Marne, la Seine, l’Yonne et l’Aube. Totalisant un volume de stockage de 830 millions de mètres cubes, ils sont destinés tant au soutien de l’étiage qu’à l’écrêtement des crues.

Pendant la période d’étiage, de juin à novembre, les apports des lacs représentent en moyenne plus de 60 mètres cubes par seconde, soit près de 30 % du débit observé à Paris et 50 % sur la Marne. Pendant une année sèche, les apports des quatre ouvrages représenteraient plus de 60 % du débit observé à Paris. L’importance de ces ouvrages pour l’alimentation en eau des territoires concernés est donc incontestable.

Comme vous le soulignez, des engagements financiers importants seront nécessaires au cours des prochaines années pour réhabiliter et maintenir en état ces ouvrages réalisés entre 1949 et 1980 et garantir la protection contre les inondations et la ressource en eau des populations et des activités économiques en aval.

Les collectivités membres de l’institution n’ont pas souhaité assumer seules ces dépenses. L’IIBRBS se devait donc de dégager des recettes nouvelles. À sa demande, une enquête publique a été réalisée sur le projet de déclaration d’intérêt général de ces ouvrages, en application de l’article L. 211-7 du code de l’environnement. Dans l’hypothèse où cette déclaration serait prononcée, l’institution pourra recouvrer une redevance pour service rendu auprès des personnes bénéficiaires du soutien d’étiage.

Il ne s’agit pas d’une démarche spécifique au bassin de la Seine. Une telle redevance est d’ores et déjà perçue par l’établissement public Loire pour le soutien des étiages de l’Allier et de la Loire par les ouvrages de Naussac et de Villerest.

Cette contribution des usagers de l’eau au fonctionnement des ouvrages de soutien d’étiage ne pourra concerner que les seules dépenses relatives au soutien d’étiage. La redevance est assise sur les volumes d’eau prélevés sur les axes soutenus par les ouvrages de l’institution, à savoir la Seine, la Marne, l’Aube et l’Yonne. La rivière Aisne ne fait pas partie du territoire de l’EPTB Seine.

Par ailleurs, les dépenses de prévention des inondations représentent globalement la moitié des dépenses d’exploitation et de réhabilitation des ouvrages gérés par l’institution. Mme la ministre de l’écologie vous assure, monsieur le sénateur, que ces dépenses ne pourront en aucun cas être financées par la redevance perçue au titre du soutien d’étiage. Par ailleurs, l’État a déjà assuré l’institution de son appui, par le biais d’une subvention pour les travaux d’aménagement des ouvrages nécessaires au titre de la gestion des crues.

L’élargissement du financement de l’institution pose en fait la question de l’association à sa gouvernance des diverses parties concernées. D’ores et déjà, un comité consultatif a été créé par l’institution, associant l’ensemble des acteurs du territoire de l’établissement, dont le conseil général de l’Aisne, pour définir les actions à entreprendre au titre de sa compétence d’établissement public territorial de bassin. Mme la ministre souhaite à cet égard que l’institution poursuive les réflexions déjà engagées sur la modification de ses statuts.

Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Lefèvre.

M. Antoine Lefèvre. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, des précisions que vous venez d’apporter. Malgré tout, je reste quelque peu sur ma faim, car votre réponse était technique.

Quoi qu’il en soit, je conteste la mise en œuvre de cette nouvelle contribution et j’entends demeurer très vigilant sur les suites de ce dossier, qui aura des conséquences sur les habitants et les collectivités du sud du département de l’Aisne.

reconduction du contrat d'avenir des buralistes

M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent, auteur de la question n° 1385, adressée à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.

M. Daniel Laurent. Ma question portait initialement sur le contrat d’avenir des buralistes. Celui-ci ayant été signé le 23 septembre dernier, j’aborderai un point non réglé à ce jour, à savoir la rémunération des jeux de la Française des Jeux.

Les buralistes ont un double statut de commerçant indépendant et de préposé de l’administration, auquel sont déléguées par l’État des missions de service public. Ils se voient ainsi confier, par l’intermédiaire de la Direction générale des douanes et droits indirects, le monopole de la vente au détail du tabac et de produits de services publics.

Les 28 000 buralistes de notre pays représentent un « maillage commercial » sans équivalent, ce qui en fait de véritables acteurs de l’aménagement du territoire, dotés d’un rôle social et économique important, surtout en milieu rural. Le contrat d’avenir 2008-2011, signé le 21 décembre 2006 par la confédération des buralistes et le Gouvernement était venu prolonger un premier contrat qui avait été mis en place en 2003, après les fortes perturbations, dues aux hausses de la fiscalité sur le tabac, qui avaient affecté le réseau des buralistes.

Ce contrat prévoit notamment un crédit d’impôt pour la modernisation des bureaux de tabac, la prolongation du dispositif d’aides mis en place en 2003 ainsi qu’une mise en place accélérée, à laquelle l’État s’est engagé, de la dématérialisation du paiement du timbre-amende auprès des buralistes.

Depuis 2004, le contrat d’avenir sert aussi d’amortisseur social. Le 12 septembre dernier, Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État a présenté les résultats de l’étude sur le marché parallèle du tabac et annoncé les mesures prises dans le cadre du plan de renforcement de lutte contre la contrebande. Cette étude est venue conforter le monopole du réseau des buralistes et la nécessaire régulation du marché du tabac.

Le troisième contrat d’avenir ayant été signé, je le répète, le 23 septembre dernier, la profession est globalement satisfaite. Un point toutefois reste en suspens, à savoir la rémunération sur les jeux de la Française des Jeux, rémunération qui n’a jamais évolué depuis 1976.

Les buralistes détaillants réalisent 76 % du chiffre d’affaires des jeux physiques de la Française des Jeux. Pour un buraliste sur deux, le temps de travail consacré à ces activités s’est trouvé multiplié par deux en cinq ans. La quasi-totalité d’entre eux accepte le paiement par carte bancaire, ce qui les conduit à prendre à leur compte les taux de commissions de 0,6 % prélevés sur les transactions. Par conséquent, la rémunération de ces professionnels ne représente plus que 4,4 % de la vente des jeux.

Le chiffre d’affaires global du réseau des buralistes, hors bar, brasserie et presse, est estimé à plus de 30 milliards d’euros ; 88 % de ses flux financiers émanent des produits commissionnés et 65 % de la rémunération des buralistes provient de commissions.

Vous le comprenez, l’activité des buralistes doit être analysée en tenant compte de la conjoncture des secteurs presse et bar-brasserie. Ces derniers contribuant pour une part très importante aux résultats économiques du réseau, il conviendrait que cette réalité soit prise en compte. En conséquence, monsieur le secrétaire d’État, quelles suites entendez-vous donner en la matière ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord d’excuser Valérie Pécresse, qui accompagne aujourd’hui le Président de la République dans la Creuse, dans le cadre d’un déplacement consacré à la revitalisation des zones rurales. Le fait que le Président de la République rencontre ce matin un buraliste à la tête d’un commerce multiservices illustre pleinement, s’il en était besoin, l’importance que le Gouvernement accorde à ces préposés de l’État, notamment en zone rurale.

Depuis 2003, les autorités françaises ont renforcé leur engagement en matière de lutte contre le tabagisme en poursuivant une politique de santé publique volontariste qui se traduit par le relèvement progressif des prix des produits du tabac, tout en veillant à préserver la rémunération des buralistes. Dans ce cadre et sur l’initiative du Président de la République lors de la présentation du plan cancer II, une augmentation des prix de 6 %, identique à celle de 2010, interviendra lundi 17 octobre prochain. Une nouvelle hausse aura également lieu en 2012.

Concernant le réseau des buralistes, il n’est pas inutile de rappeler, comme vous l’avez fait, leur qualité de préposés de l’État pour ce qui concerne la vente des produits du tabac. Ainsi, en commercialisant des paquets comportant des pictogrammes et des avertissements sanitaires et en appliquant l’interdiction de vente aux mineurs des produits du tabac, le réseau des buralistes est un acteur et un relais de la politique de santé publique menée par le Gouvernement.

Par ailleurs, les buralistes constituent un véritable réseau de proximité, qui contribue à l’animation et à l’aménagement du territoire, notamment dans les zones rurales.

Pour ces raisons, Valérie Pécresse a signé avec la confédération des buralistes, le 23 septembre dernier, vous le rappeliez à l’instant, un troisième contrat d’avenir pour la période 2012-2016, que je qualifierai de responsable. En cette période budgétaire difficile, ce contrat voit en effet son montant global diminuer de moitié par rapport au précédent.

Il repose sur quatre principes.

Tout d’abord, il offre plus de visibilité et de sécurité, puisqu’il couvrira désormais une période de cinq années, contre quatre auparavant.

Ensuite, il privilégie le travail des buralistes et, donc, la rémunération de leur activité commerciale, qui progressera ainsi de 0,4 point, passant en cinq ans de 6,5 % à 6,9 % du prix des paquets de cigarettes.

En outre, ce troisième contrat poursuit aussi la politique de soutien à la profession, mais de façon plus ciblée, en renforçant les aides aux buralistes confrontés aux situations les plus difficiles, notamment dans les zones frontalières.

Enfin, ce contrat d’avenir s’inscrit clairement dans une logique de développement du réseau des buralistes, avec la mise en place d’une prime de service public de 1 500 euros, qui sera effectivement liée aux services rendus aux usagers, notamment en zone rurale.

Quant à la question de la rémunération des jeux, que vous venez d’évoquer, je la transmettrai à Valérie Pécresse, qui ne manquera pas de vous répondre dans les prochaines semaines.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Laurent.

M. Daniel Laurent. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de votre réponse, qui conforte tout à fait mon propos concernant les rémunérations supplémentaires accordées aux buralistes. Je me réjouis de la politique de soutien qui est mise en place.

Pour ce qui concerne la question des jeux, je remercie par avance Mme la ministre de la réponse qu’elle voudra bien me donner.

conséquences de l'arrêté ministériel du 2 août 2010 sur les meublés de tourisme

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, auteur de la question n° 1373, adressée à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation.

M. Jean-Luc Fichet. Madame la présidente, je tiens à vous adresser toutes mes félicitations.

M. Jean-Luc Fichet. La France rurale, c’est un espace que travaillent et entretiennent des paysans ; c’est aussi, à l’international, un facteur d’attractivité de la France, en particulier pour le tourisme.

Alors que le chômage ne cesse d’augmenter, le secteur du tourisme reste un atout essentiel pour l’économie de nos territoires. Mais quoi de plus compliqué pour une activité que d’être ballottée par des dispositions réglementaires mouvantes ? C’est malheureusement ce que ressentent aujourd’hui les propriétaires de meublés de tourisme.

L’arrêté ministériel du 2 août 2010 fixe les nouvelles normes et la procédure de classement des meublés de tourisme. Il prévoit que cette nouvelle classification sera mise en œuvre à compter du 23 juillet 2012 par la nouvelle agence Atout France.

Or, localement, de nombreuses initiatives ont été mises en œuvre depuis quelques années pour encourager les propriétaires à demander le classement de leurs hébergements. Cette démarche a permis d’ores et déjà d’améliorer la visibilité du parc de logements touristiques, tout en octroyant aux propriétaires une fiscalité plus favorable.

Les communes et les offices de tourisme ont porté cette labellisation. Pour un territoire, c’est le gage d’une image touristique positive. Ainsi, le Finistère a vu en 2010 le classement de plus de 50 % de son offre d’hébergement touristique meublé.

Ma crainte est que ces nouvelles règles du jeu et les frais qu’elles engendrent ne découragent les velléités de classement des propriétaires. Qu’en est-il en termes de calendrier ? Qu’en est-il de la concertation avec les professionnels concernés ?

Plus généralement, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite vous interroger sur le bilan qui peut être fait de la loi du 22 juillet 2009. Son objet était de modifier les conditions d’exercice des professionnels du tourisme et de créer un opérateur unique, Atout France.

La création de cette nouvelle agence participe de la rationalisation voulue par la révision générale des politiques publiques. Le rapport du 29 juin 2011 de mes collègues sénateurs André Ferrand et Michel Bécot sur le tourisme pointe le manque de moyens affectés à cette nouvelle agence par rapport à d’autres agences, dans un contexte international très difficile. Par exemple, le budget de l’Andalousie, qui s’élève à 90 millions d’euros, est supérieur à celui de la France. Qu’en sera-t-il pour le budget 2012 ?

Enfin, permettez-moi une dernière question sur l’avenir de la taxe de séjour. De nombreuses communes hésitent à voter une taxe dont elles doivent ensuite assurer seules le recouvrement auprès des professionnels et des logeurs particuliers. Quelles pistes de réforme envisagez-vous en la matière ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Monsieur le sénateur, vous avez appelé mon attention sur les difficultés de classement des meublés de tourisme selon les nouvelles dispositions prévues par la loi de développement et de modernisation des services touristiques du 22 juillet 2009 et l’arrêté du 2 août 2010.

Pour les propriétaires de meublés et les exploitants des autres types d’hébergements touristiques, le nouveau classement apporte une reconnaissance de la qualité de leurs hébergements et constitue un outil de positionnement commercial reconnu et indispensable. En effet, en matière de tourisme, notre pays a perdu, en valeur, un certain nombre de parts de marché, même si nous sommes toujours, sur le plan mondial, les premiers en termes de fréquentation.

Comme vous le soulignez, il s’agit également d’un enjeu fort pour les territoires et les communes accueillant ces meublés. Tous les acteurs doivent donc être mobilisés pour que le nouveau dispositif de classement des hébergements touristiques, y compris celui des meublés de tourisme, soit rapidement adopté.

Dans cet objectif, l’opérateur touristique de l’État, Atout France, auquel vous avez fait allusion, a organisé des campagnes d’information pour donner une large visibilité à cette réforme. Il a également mis en place un site dédié et, avec l’appui des chambres de commerce et d’industrie, des organisations professionnelles ou encore des comités départementaux du tourisme, il accompagne les propriétaires de meublés et les professionnels.

Grâce à ces démarches, la réforme du classement des hébergements touristiques a d’ores et déjà engendré une dynamique indéniable, même si, bien évidemment, des diversités subsistent sur le territoire. Par exemple, plus d’un tiers des hôtels sont classés ou en cours de classement selon les nouvelles dispositions.

Pour ce qui concerne les meublés de tourisme, 3 400 d’entre eux sont classés selon les nouvelles procédures, soit une augmentation de 40 % par rapport au mois de juin. Par ailleurs, 1 900 meublés sont dans l’attente de la publication de leur classement.

Cette réelle accélération du déploiement s’explique par l’augmentation des organismes ayant la capacité de faire les visites de contrôle : ils sont passés de vingt-quatre au début du mois de juin à plus de soixante-dix à ce jour. Vous soulignez, monsieur de sénateur, qu’un seul organisme est habilité à faire les visites dans le Finistère ; or vous oubliez que six autres organismes accrédités par le COFRAC sont également en mesure d’effectuer de tels contrôles sur l’ensemble du territoire.

Le rythme de classement des meublés de tourisme est donc en augmentation, mais le Gouvernement souhaite aller plus loin. J’ai d’ailleurs eu l’occasion d’aborder ce sujet à l'Assemblée nationale lors de mon audition par la commission des affaires économiques sur le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, puis en séance publique.

En outre, Jean-Louis Léonard, qui traite des questions relatives au tourisme, a déposé une proposition de loi, examinée le 28 septembre dernier puis adoptée à l’unanimité par la commission des affaires économiques, qui prévoit une adaptation de la procédure du classement des hébergements touristiques pour la simplifier et accélérer son adoption. J’espère que ce texte sera rapidement inscrit à l’ordre du jour de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Concernant spécifiquement les meublés de tourisme, leur classement serait ainsi prononcé directement par l’organisme qui a fait la visite, ce qui éviterait une démarche souvent lourde, comme vous l’avez souligné. De plus, les meublés de tourisme bénéficieraient de leur classement jusqu’au terme de la validité de celui-ci, à savoir cinq ans. Ces hébergements étaient en effet les seuls à se voir imposer une durée limitée dans l’ancien système et, compte tenu de leur nombre très important comme de leur rôle essentiel, il est nécessaire d’étaler davantage le passage au nouveau dispositif.

Ces dispositions sont également reprises dans la proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives, présentée par M. Jean-Luc Warsmann, dont l’examen commencera en ma présence cet après-midi même à l'Assemblée nationale.

Enfin, j’ai demandé à Atout France de réunir, avant la fin de l’année, la commission de l’hébergement touristique marchand comprenant les parties prenantes concernées pour examiner les difficultés rencontrées par certains territoires au sujet du classement des meublés et pour étudier les réponses adaptées qui peuvent leur être apportées.

Monsieur le sénateur, la taxe de séjour, que vous avez évoquée, fait partie d’un débat récurrent, certes largement ouvert avec l’ensemble des élus, mais qui est loin d’être achevé.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.

M. Jean-Luc Fichet. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État.

Permettez-moi cependant de relayer ici l’inquiétude des propriétaires de meublés, qui subissent une réforme importante et qui a un coût pour eux. N’oublions pas non plus le manque de moyens de l’agence Atout France, qui a été mis en évidence.

Le tourisme est une activité soumise à une compétition internationale féroce. À cet égard, la France n’occupe plus que la troisième position en termes de recettes, derrière les États-Unis et l’Espagne. Beaucoup reste donc à faire dans ce secteur, qui représente une source d’emplois non délocalisables loin d’être négligeable.

ouverture le dimanche matin des supermarchés à prédominance alimentaire

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Kerdraon, auteur de la question n° 1406, adressée à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation.

M. Ronan Kerdraon. Madame Khiari, je suis ravi de conclure cette première séance de questions orales sous votre présidence. À l’instar de mon collègue Jean-Luc Fichet, permettez-moi de vous adresser toutes mes félicitations.

M. Ronan Kerdraon. À la lumière d’un fait d’actualité locale, je souhaite soulever la question, beaucoup plus générale, de l’ouverture des supermarchés le dimanche matin.

À Loudéac, dans mon département des Côtes-d’Armor, depuis quatre semaines, plusieurs dizaines de salariés, accompagnés de représentants syndicaux, de petits commerçants et de consommateurs loudéaciens, manifestent tous les dimanches matins sur le parking du magasin Carrefour Market pour s’opposer à l’ouverture dominicale de celui-ci.

Pour faire face à un chiffre d’affaires en voie d’érosion, la direction a en effet décidé d’ouvrir les portes du magasin tous les dimanches de 8h30 à 12h30, en s’appuyant sur l’article L. 3132-13 du code du travail, qui dispose : « Dans les commerces de détail alimentaire, le repos hebdomadaire peut être donné le dimanche à partir de treize heures » aux salariés.

Cependant, l’ouverture de supermarchés de ce type semble poser un problème de légalité, dans la mesure où ces derniers ne constituent pas un commerce de détail alimentaire spécialisé au sens où l’entend l’INSEE. La nomenclature d’activités française de 2008 range en effet les supermarchés dans la catégorie 47.1, alors que les commerces de détail alimentaire, visés par l’article du code du travail précité, figurent dans la catégorie 47.2 de cette même nomenclature.

Au-delà de ces considérations juridiques, il me semble important de vous alerter sur les conséquences qu’une telle ouverture engendre immanquablement tant sur la vie des salariés et de leur famille que sur l’équilibre du commerce local. En effet, dans une ville à dimension touristique limitée telle que Loudéac, l’ouverture des grands magasins le dimanche, en l’occurrence celle de Carrefour Market, constituerait une concurrence déloyale et pourrait se traduire, à terme, par la disparition du petit commerce, entraînant des pertes d’emplois auxquelles s’ajouterait un risque d’extension des conflits sociaux. Or c’est de ce même petit commerce que vous saluiez tout à l’heure les efforts, monsieur le secrétaire d'État, évoquant la visite du Président de la République dans un département.

C’est pour ces raisons qu’une grande partie des salariés de Carrefour Market, soutenus par les syndicats, l’union locale des commerçants et les élus locaux comme nationaux, refuse légitimement que puisse être imposée l’ouverture de ce magasin le dimanche.

Monsieur le secrétaire d’État, ma question, simple, est double.

Premièrement, dans quelle mesure un supermarché, qui ne constitue par un commerce de détail alimentaire au sens strict, peut-il ouvrir ses portes le dimanche matin ? Ne s’agit-il pas là d’un détournement de la réglementation en vigueur ?

Deuxièmement, dans la mesure où le conseil municipal de Loudéac et le conseil communautaire de la communauté de communes ont voté à l’unanimité une motion de soutien au petit commerce de proximité face à l’ouverture de ce magasin le dimanche, pouvez-vous m’indiquer les moyens dont disposent les élus locaux ou ceux que l’État peut mobiliser afin de faire respecter la position de ces derniers ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Madame la présidente, je souhaite à mon tour vous féliciter des nouvelles responsabilités qui vous incombent. Je sais notamment que votre compétence en matière de tourisme, sujet que nous avons évoqué il y a un instant, est indéniable.

Monsieur Kerdraon, tout en évoquant un exemple local, vous venez de soulever une question de droit. Afin d’y répondre, permettez-moi de vous rappeler la réglementation en vigueur.

Aucune disposition relative à l’ouverture dominicale des commerces ne figure dans le code de commerce. Le code du travail, quant à lui, à l’article L. 3132-3, pose le principe du repos dominical des salariés.

Des dérogations permanentes et de plein droit s’appliquent notamment au commerce de denrées alimentaires au détail qui bénéficie d’une dérogation de droit le dimanche matin jusqu’à treize heures. Elles concernent également une série d’activités dont la continuité est nécessaire à la vie sociale, tels l’hôtellerie, la restauration, les débits de boissons, les fleuristes, les entreprises de spectacles et nombre de services publics, notamment de transports.

Des accords professionnels de branche peuvent également organiser le repos dominical. La voie conventionnelle garantit alors l’équilibre de la concurrence dans certains départements ou zones géographiques. L’article L. 3132-29 du code du travail dispose que, lorsqu’un accord est intervenu entre les syndicats d’employeurs et de travailleurs d’une profession et d’une zone déterminées sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné au personnel, les syndicats intéressés peuvent demander au préfet du département d’ordonner par arrêté la fermeture des établissements pendant toute la durée du repos hebdomadaire.

À l’égard d’un domaine proche de la question que vous avez posée, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2011-157 QPC du 5 août 2011 relative au travail dominical, a rappelé que la législation du travail en matière de repos hebdomadaire vise à éviter de défavoriser les établissements selon leur taille et à encadrer les conditions de la concurrence entre les entreprises, quelle que soit la taille des entreprises ou le statut juridique des personnes qui y travaillent.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Kerdraon.

M. Ronan Kerdraon. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie des éléments d’information que vous avez portés à ma connaissance et à celle des Loudéaciens.

Néanmoins, le flou demeure quant à la possibilité d’ouvrir le dimanche matin ce type de supermarchés, par vocation non spécialisés dans le commerce de détail alimentaire. C’est pourquoi je reste quelque peu sur ma faim, si je puis dire.

Je tiens une nouvelle fois à vous faire part de la totale incompréhension qui prime aujourd’hui à Loudéac : alors que les élus locaux ont exprimé une désapprobation unanime face à l’ouverture en cause, ils ne disposent d’aucun moyen d’action pour faire respecter leur position.

Tout cela ne me semble pas raisonnable ; il me paraît indispensable de mieux encadrer ce type d’ouverture. En notre qualité de parlementaires, nous ne pouvons rester sans agir. C’est pourquoi, en association avec le maire de Loudéac, j’ai saisi le préfet de région et celui des Côtes-d’Armor sur ce sujet.

Mme la présidente. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-PIERRE Bel

M. le président. La séance est reprise.

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Allocution de M. le président du Sénat

M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, le 25 septembre dernier, les grands électeurs nous ont adressé un message fort. Ce message, nous l’avons entendu. Un intérêt nouveau pour le Sénat est né dans le pays. À nous, en conséquence, de ne pas décevoir cette attente, de ne pas trahir cet espoir.

Nous devons faire vivre le changement au Sénat. Nous voulons un Sénat ancré dans son temps et tourné vers l’avenir. Un Sénat qui privilégie le débat sur l’affrontement, le dialogue sur le passage en force. Un Sénat qui n’est pas fermé sur lui-même mais ouvert sur la société et ses nouvelles aspirations. Un Sénat respecté dans son rôle de législateur et de contrôleur de l’action de l’exécutif.

La majorité assumera sa mission, et l’opposition sera respectée.

Je veux souligner, à ce propos, le caractère positif des contacts noués avec les présidents des groupes pour mettre en place la bonne gouvernance de notre assemblée.

Le dialogue entre le Gouvernement et le Parlement, mais aussi entre les deux assemblées, est un facteur décisif dans la recherche d’un bicamérisme assumé et équilibré. C’est un élément clé dans un contexte rendu difficile par la crise.

À cet égard, j’ai rencontré la semaine dernière le président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer, pour un premier entretien constructif. Nous avons décidé de nous voir régulièrement, dans le même état d’esprit, pour permettre la bonne marche des assemblées parlementaires.

Mes chers collègues, je veux que notre assemblée soit confortée dans ses prérogatives, restaurée dans son rôle de représentant des élus locaux et des territoires, rénovée dans son mode de fonctionnement.

Je veux tout d’abord que le Sénat soit conforté dans ses prérogatives tant législatives que de contrôle. Le Sénat devra être particulièrement attentif à la qualité et à la nécessité de la loi. La loi nécessaire, ce n’est pas la loi « fait divers ».

Le Gouvernement ne dispose plus que de la moitié du temps parlementaire. Il doit en tirer toutes les conséquences et éviter de surcharger notre ordre du jour de projets de loi émotionnels ou de circonstance. Nos collectivités sont submergées de normes coûteuses, souvent inutiles, voire inapplicables. Il faut mettre un frein à cette évolution.

C’est pourquoi je propose que le Sénat débatte de propositions de lois de simplification, élaborées en concertation avec les associations d’élus locaux, pour alléger et stabiliser les normes qui pèsent sur les collectivités territoriales.

M. le président. Ainsi la sécurité juridique sera-t-elle renforcée.

L’équilibre des institutions appelle en outre un usage parcimonieux de la procédure accélérée et du dernier mot à l’Assemblée nationale, que M. le ministre des relations avec le Parlement sera parfois tenté, sous l’amicale pression des députés de la majorité, de demander. Faire vivre la navette parlementaire et ne pas décider a priori d’entraver le dialogue bicaméral, c’est assumer le débat démocratique.

Dans le souci de mieux organiser notre travail et d’en améliorer la qualité, je demande au Gouvernement – et c’est une question de principe – de nous communiquer un calendrier prévisionnel semestriel.

Cet effort de programmation interne, il faudra bien évidemment nous l’appliquer à nous-mêmes. Je m’adresse particulièrement aux présidents de groupes et de commissions, qui connaissent bien ces contraintes.

Je souhaite ensuite que le Sénat se saisisse pleinement de ses pouvoirs d’investigation, de contrôle et d’évaluation. Le contrôle et l’évaluation des politiques publiques doivent être ambitieux, abrités des pressions des lobbys et des groupes d’intérêts. Les conflits d’intérêts sont en effet incompatibles avec une démocratie moderne. Ils sont le contraire d’une République exemplaire.

Dans le cadre des débats à venir sur le projet de loi relatif à la déontologie et à la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique, il me paraît indispensable que le conflit d’intérêt soit défini précisément.

De même, nos travaux devront conduire à étendre les préconisations du rapport de la commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts – n’est-ce pas, cher Jean-Léonce Dupont ? – dans la vie publique à tous les décideurs publics, y compris aux élus. Y compris à nous, parlementaires : nous devons d’abord nous appliquer à nous-mêmes ce que nous prônons pour nos concitoyens.

Le Sénat doit être à l’écoute des attentes de nos concitoyens, et en capacité de faire évoluer les administrations.

M. le président. Il doit s’affirmer comme un contrôleur exigeant, protecteur des citoyens et des usagers. Cela s’inscrit pleinement dans sa tradition historique de défenseur des libertés publiques.

Enfin, le Sénat doit aussi s’adapter dans son organisation aux évolutions profondes de notre société, notamment en matière de développement durable.

L’urgence et la mutation écologiques s’imposent à nous : Paul Vergès nous l’a rappelé dans son beau discours, lors de notre séance d’installation. Nous devons aujourd’hui les prendre en compte dans nos travaux et dans nos propositions. Notre souci doit être l’adaptation permanente du Sénat aux défis de notre temps.

C’est dans cet esprit que je proposerai, après une large concertation, la création de deux nouvelles commissions, comme la Constitution le permet depuis la révision de 2008 et comme l’a déjà fait l’Assemblée nationale.

Je propose aussi, comme je l’ai indiqué ici-même, dès mon premier discours en tant que président du Sénat, la création d’une délégation à l’outre-mer. Ainsi les situations et défis spécifiques de l’outre-mer seront-ils davantage pris en compte, et leurs atouts pleinement valorisés.

Je souhaite ensuite un Sénat restauré dans son rôle de représentant des élus locaux.

Il est indispensable de rendre nos collectivités plus fortes dans une France plus efficace. Nous le savons tous, le Sénat est constitutionnellement le représentant des collectivités territoriales. Il doit être au cœur du dialogue, restauré, entre l’État et les collectivités locales.

La réforme territoriale doit être abrogée et entièrement repensée.

Une réforme est à l’évidence nécessaire, comme je l’ai entendu dire en bien des endroits. Mais celle-ci est allée, je le crois, dans le mauvais sens. Elle s’est accompagnée d’une révision générale des politiques publiques dont on a vu les effets dévastateurs dans nos territoires. Elle s’est traduite par une réforme des services de l’État inefficace, illisible pour nos concitoyens et préjudiciable pour les collectivités locales.

La recentralisation est une régression. La décentralisation doit reprendre sa marche en avant. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste–EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UCR.) Je vous propose que le Sénat joue un rôle de premier plan dans cette relance de la décentralisation.

J’ai d’ailleurs eu le sentiment en fin de semaine dernière que quelque chose avait changé en ce domaine. Lors de mon premier entretien avec le Premier ministre, je lui ai demandé de revoir le calendrier de la réforme de l’intercommunalité. François Fillon a indiqué que « la procédure ne sera menée à son terme que lorsqu’une majorité claire des élus concernés se dégagera ».

Le Gouvernement prend donc enfin conscience que l’on ne peut pas, sur cette question si sensible, passer en force. Cela imposera de corriger la loi. Mais il faut bien entendu aller plus loin.

Dès cet hiver, des états généraux des territoires pourraient être organisés par le Sénat. Ils réuniraient toutes les associations d’élus et les acteurs locaux. Majorité et opposition pourront, si elles le souhaitent, y prendre toute leur part. Il s’agira de dresser un constat de la situation et d’esquisser des perspectives d’avenir.

Ces états généraux permettront de définir les priorités d’une relance de la décentralisation pour renforcer les libertés et les solidarités locales. Ainsi, la nouvelle décentralisation pourra être rapidement engagée dès le début de la prochaine législature, sur l’initiative et avec les mots du Sénat.

Je souhaite que le Sénat réfléchisse dans ce cadre à un nouveau pacte financier entre l’État et les collectivités locales caractérisé par le retour au respect de l’autonomie fiscale, le financement national des allocations de solidarité et la création de dispositifs de péréquation adaptés.

M. le président. Le Sénat doit enfin formuler des propositions novatrices sur la place des services publics, notamment en milieu rural et dans les territoires urbains en difficulté. Il doit proposer de s’engager sur la voie d’un aménagement équilibré du territoire.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. le président. L’objectif est de garantir un accès équitable des citoyens aux services publics et d’assurer la réduction des inégalités territoriales.

De même, il faut redéfinir les missions et l’organisation de l’État dans les territoires et conforter le soutien juridique et technique apporté aux communes en matière de conseil et d’ingénierie technique.

En bref, le Sénat devra être l’inspirateur et le garant de cette nouvelle gouvernance des territoires, de ce nouveau pacte de confiance entre l’État et les élus locaux.

Je souhaite enfin un Sénat rénové dans son mode de fonctionnement interne.

C’est le souhait de l’ensemble de la majorité dans sa diversité, composée de socialistes, de communistes, de radicaux de gauche et d’écologistes. Et c’est un souhait, je le crois, partagé sur toutes les travées de notre assemblée.

La nouvelle gouvernance mise en place par vos votes dans les commissions se caractérise par la volonté de donner sa juste place à chaque groupe, et d’abord par le respect de l’opposition.

C’est dans cet état d’esprit que nous avons souhaité que la commission des finances soit présidée par l’opposition. De même, pour respecter cette diversité à laquelle nous sommes tous attachés, je vous proposerai de fixer à dix le nombre de sénateurs nécessaires pour créer un groupe (Mouvements divers sur les travées de lUMP.), de façon à traduire justement l’expression politique de notre assemblée.

La rénovation du Sénat doit être aussi visible. Nous connaissons le rôle qu’a joué à ce propos Public Sénat. Il nous faudra réfléchir ensemble aux moyens de mieux faire comprendre à nos concitoyens l’ensemble du processus d’élaboration de la loi et du travail parlementaire.

Enfin, l’image de notre institution reste, hélas, encore trop dégradée et le train de vie du Sénat trop souvent stigmatisé, notamment par la presse. Il est nécessaire d’aller vers un Sénat plus modeste. Et nous ne devons craindre aucun regard extérieur, notamment celui de la Cour des comptes, sous réserve naturellement que les principes inhérents à la séparation des pouvoirs soient respectés.

On ne « manage » pas une institution publique comme une entreprise. Pour autant, cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas une gestion rigoureuse, surtout en ces temps de crises et de contraintes financières.

Le bureau du Sénat avait envisagé, lors de sa dernière réunion, une augmentation du budget correspondant à l’inflation. Cela n’est plus possible aujourd’hui. Nos efforts doivent aller au-delà. Non seulement notre budget ne doit pas augmenter en valeur, mais je demande en outre pour l’an prochain qu’il soit réduit en volume.

Pour cela, je souhaite engager dès maintenant une révision complète du programme très important des travaux qui avaient été envisagés. Nous nous en tiendrons aux seuls travaux qui sont strictement nécessaires à l’entretien et à la préservation de notre magnifique patrimoine.

De même, nous avons à nous pencher sur les critiques qui ont été émises à l’égard de notre fonctionnement, mais aussi – et nous en avons tous entendu – à l’égard des sénateurs eux-mêmes.

Nous ne pouvons refuser d’aborder ce sujet. Un groupe de travail devra rapidement s’en saisir. Il devra s’exprimer certes sans tabou et sans frilosité, mais sans tomber non plus dans la démagogie ou dans je ne sais quel emballement, fût-il médiatique. Nous travaillerons dans la sérénité et sans céder à la pression.

Mes chers collègues, le Sénat a été au rendez-vous de l’alternance ; il se doit d’être au rendez-vous du changement.

Nous avons un intérêt commun à faire vivre nos débats, notre pluralisme et à assumer nos divergences dans le respect les uns des autres.

Cela concerne également nos rapports avec le Gouvernement, que je souhaite confiants, transparents et apaisés.

Au-delà de nos engagements respectifs, c’est le souci de l’intérêt général et du bien commun qui nous anime. La République est en droit d’attendre du Sénat et de chacun de ses membres qu’ils se retrouvent lorsque l’intérêt supérieur l’exige.

Être le président de tous les sénateurs, dans un Sénat conforté, rénové et respecté, c’est le rôle que je compte assumer, avec votre concours et votre aide. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste–EELV, du groupe CRC et du RDSE, ainsi que sur diverses travées de l’UCR et de lUMP.)

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Débat préalable au Conseil européen du 23 octobre 2011

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat préalable au Conseil européen du 23 octobre 2011.

La parole est à M. le ministre.

M. Jean Leonetti, ministre auprès du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires européennes, monsieur le président de la commission de l’économie, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens d’abord, en vertu de l’esprit républicain qui nous anime tous, à féliciter le président du Sénat, Jean-Pierre Bel, l’ensemble des sénateurs nouvellement élus, ainsi que ceux qui ont accédé à des responsabilités.

Les Conseils européens sont des rendez-vous majeurs pour la France et pour l’Europe. Ils permettent de définir les grandes orientations de la politique européenne et de prendre au plus haut niveau les décisions nécessaires, souvent courageuses, qui sont aujourd'hui indispensables.

Dans les temps bouleversés que nous vivons, le Conseil des 23 et 24 octobre prend un sens particulier. Nous le savons tous, l’Europe, comme le monde, est à un tournant de son histoire. Je vois dans ce qu’on appelle « la crise » la disparition d’un monde ancien. La période intermédiaire actuelle doit permettre de construire un monde nouveau : on peut y voir une source d’angoisse et de craintes pour l’avenir, mais aussi un motif d’espoirs et d’opportunités. L’Europe en sortira plus intégrée et plus forte grâce au nouvel équilibre que nous devons mettre en place entre la discipline budgétaire et l’indispensable solidarité, entre la gestion rigoureuse et la croissance.

Les débats du Conseil européen seront centrés sur trois thématiques : la gouvernance économique et la croissance de demain ; le G20, au sein duquel la France et l’Europe ont un message fort à envoyer au reste du monde ; le réchauffement climatique et la conférence de Durban.

En ce qui concerne la zone euro, la gouvernance économique et la croissance, les chefs d’État et de gouvernement ont pris, le 21 juillet dernier, des décisions importantes. Le Fonds européen de stabilité financière a été renforcé et assoupli : il peut désormais racheter de la dette sur les marchés secondaires et recapitaliser un certain nombre de banques. Cette situation permet une réactivité indispensable dans la période que nous connaissons. Nous sommes ainsi en train de créer un véritable Fonds monétaire européen.

La gouvernance économique a également progressé avec l’adoption le 28 septembre par le Parlement européen et le 4 octobre par le Conseil du paquet gouvernance économique, dénommé six pack en anglais. Cette avancée majeure ouvre la voie à un autre modèle de gouvernance économique qui doit permettre d’allier, d’un côté, vigilance et prévention et, de l’autre, correction des éventuelles anomalies macro-économiques. Le pacte de stabilité et de croissance a donc franchi une étape supplémentaire pour être l’un des outils essentiels de la gouvernance économique de demain.

Je vous le dis, parce que j’en suis convaincu, il faut aller encore plus vite et plus loin : nous devons renforcer le pilotage de la zone euro. Le président du Conseil fera connaître ses propositions dans les jours qui viennent. Pour leur part, la France et l’Allemagne ont rappelé ce dimanche qu’elles souhaitaient aller plus loin dans l’intégration économique de la zone euro. Elles avaient déjà demandé le 16 août que soit reconnu le rôle spécifique des chefs d’État et de gouvernement : ceux-ci devraient se réunir de façon régulière sous une présidence stable, qui pourrait être confiée à Herman Van Rompuy.

Il faudrait enfin accroître les moyens dont disposent les ministres des finances. Un renforcement des moyens du Comité économique et financier et de l’Euro working group doit donc être envisagé.

Devant vous, j’ose le mot : nous devons passer à un « fédéralisme » économique, sous peine de voir l’Europe se désintégrer sous les attaques des spéculateurs financiers.

Cette gouvernance économique n’aura de sens que si elle est associée à une politique de croissance forte. Celle-ci sera largement débattue lors du prochain Conseil.

Trois axes majeurs définissent aujourd’hui notre politique de soutien à la croissance au niveau européen : approfondir le marché intérieur, renforcer notre politique industrielle et imposer une concurrence mondiale loyale.

Nous disposons du plus grand marché du monde : 500 millions d’Européens, un PIB cumulé annuel de 12 000 milliards d’euros. L’Acte pour le marché unique, avec ses douze priorités, proposé par le commissaire Michel Barnier en avril dernier permettra de l’approfondir pour en tirer tout le potentiel. Nous soutenons ainsi le brevet unitaire et nous travaillons sur l’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés, qui devrait permettre de réduire les « fragmentations » de l’économie de la zone euro.

La France se bat aussi pour obtenir une politique industrielle forte. La compétitivité doit être basée sur l’innovation et les infrastructures et être accompagnée de politiques sectorielles. La communication sur la politique industrielle d’octobre 2010 va dans ce sens. Nous devons nous concentrer sur les secteurs d’avenir : l’espace avec Galileo et le programme européen de surveillance de la terre, le GMES ; le numérique, où des grands champions européens doivent émerger dans un contexte de concurrence mondiale de plus en plus difficile ; et les technologies vertes.

Enfin, et c’est une revendication française, nous voulons imposer au reste du monde ce que nous appelons – le terme est peut-être impropre - le principe de réciprocité. Comment l’Europe peut-elle se donner des règlements si contraignants sur le plan écologique, social ou normatif si elle doit se retrouver en situation de concurrence déloyale avec d’autres pays qui pourraient pénétrer son marché sans esprit de réciprocité ? Il y va de la préservation de notre économie et de notre modèle.

Je vous le dis très clairement, il ne s’agit en aucune façon d’une forme de protectionnisme, mais au contraire d’un modèle incitatif que nous devons imposer au reste du monde. Cet instrument de réciprocité est indispensable. Prenons l’exemple des marchés publics : en 2009, ils représentaient 2 088 milliards d’euros en Europe, dont plus de 15 % étaient ouverts aux acteurs étrangers, contre seulement 3 % aux États-Unis, 0,9 % au Canada et encore beaucoup moins en Chine.

Comment peut-on accepter que les entreprises chinoises, qui sont aidées par l’État et pratiquent un dumping social déplorable, emportent le marché de la construction d’autoroutes en Pologne au mépris de toute véritable concurrence ?

La France continuera donc à peser de tout son poids au Conseil pour que le principe de réciprocité soit mis en œuvre dans toutes nos politiques européennes.

S’agissant du G20, la France s’est fixé des objectifs ambitieux. La présidence française du G20 est une présidence européenne. Nos objectifs sont le retour de la croissance, le redressement de nos finances et la stabilité du système financier.

Le Conseil européen sera doublement décisif pour préparer le sommet de Cannes.

D’abord, si l’Europe n’a pas réglé d’ici au sommet de Cannes l’ensemble des problèmes de la zone euro et de l’Europe, le G20 sera celui de la dette de la zone euro et nous serons désignés comme les responsables de la récession et des difficultés que rencontre le reste du monde.

Les États européens devront donc définir, lors du Conseil, les positions de l’Union européenne sur un certain nombre de sujets.

Nous évoquerons ainsi la réforme du système monétaire international, sur lequel un certain nombre d’avancées ont déjà été obtenues, en particulier s’agissant de la gestion des flux financiers.

Nous aborderons également les progrès effectués en matière de régulation financière, en anticipant la mise en œuvre de l’accord dit « Bâle III », qui étend les règles prudentielles.

Il sera ensuite question de la dimension sociale de la mondialisation. Comment pourrait-on en effet considérer que l’Europe ne parlerait que d’économie et de finances sans avoir la capacité d’établir un socle indispensable de protection sociale envers les plus vulnérables, et en particulier envers la jeunesse ?

Nous définirons également les positions de l’Union européenne sur le domaine agricole, que la présidence française a marqué de son impulsion. En effet, il faut, d’une part, prévenir les crises agricoles et, d’autre part, obtenir une meilleure transparence sur l’ensemble des stocks afin justement d’éviter que ne surgissent de telles difficultés.

Enfin, la France souhaite que soit abordé le sujet du développement, et plus particulièrement la sécurité alimentaire et les infrastructures.

Je voudrais à ce propos évoquer très brièvement – nous y reviendrons ultérieurement si vous le souhaitez – le problème de la taxation des transactions financières.

On en parle depuis vingt ans ! (Mme la rapporteure générale s’exclame.) Il est temps de la mettre en œuvre et d’accepter que cette mise en œuvre puisse ne pas être universelle.

Il faudra bien avancer, éventuellement au niveau de la seule Europe si les Etats-Unis ne souhaitent pas y participer, voire au niveau de la seule zone euro si la Grande-Bretagne ne souhaite pas faire partie du groupe pionnier.

Qu’est-ce qu’un bon impôt ? C’est un impôt qui a une assiette très large et un taux très faible. On entend parler d’une taxation des transactions financières fondée sur un taux fixé à 0,005 %. Croyez-vous franchement qu’à un tel taux la taxation entraînera un déplacement des opérations financières de Francfort à Hong Kong ou de Paris à Londres ?

Au demeurant, s’il faut avancer dans ce domaine, c’est aussi en vertu d’une certaine exigence morale. Considérer qu’il serait impossible de taxer les transactions financières, qui n’apportent rien à l’économie réelle et rien à l’humain, empêcher de la sorte que cette taxation vienne en aide au développement et à l’Europe me paraît tout à fait contestable. En tout cas, une telle conception est en totale contradiction avec nos convictions européennes.

C'est la raison pour laquelle le Président de la République et la Chancelière Angela Merkel ont souhaité que ce point soit mis à l’ordre du jour du G20. Il en sera donc ainsi.

Autre préoccupation française et européenne : le réchauffement climatique et la conférence de Durban. L’Europe a toujours assuré une politique volontariste dans ce domaine. L’action du Président de la République l’a montré : nous nous souvenons, sur le plan national, du Grenelle de l’environnement et, sur le plan européen, du paquet énergie-climat qui vise à réaliser, à l’horizon 2020, l’objectif « 20-20-20 » : passage à 20 % de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique européen ; réduction de 20 % des émissions de CO2 ; accroissement de 20 % de l’efficacité énergétique.

Cette réalisation peut toutefois n’être qu’un coup d’épée dans l’eau. L’Europe ne produit que 11 % des émissions : si nous nous engageons seuls dans cette action forte, nous pénaliserons nos entreprises sans obtenir de résultats sur le plan écologique à l’échelle internationale.

C'est la raison pour laquelle, dans la perspective de l’expiration du protocole de Kyoto en 2012, la conférence de Durban doit constituer un moment capital pour préparer l’« après-Kyoto ».

Il convient bien entendu de donner un contenu opérationnel aux accords de Cancun, et notamment au mécanisme de suivi des engagements et à la mise en place du fonds vert et des financements innovants. Il s’agit également, bien sûr, d’évoquer le futur système de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d’obtenir une évolution vers un système clair, contraignant et universel.

Répondre à ce défi est vital. Il n’y va ni de l’économie générale, ni des équilibres sociaux et économiques ; il y va de l’avenir de la planète.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le voyez, la situation est telle que l’Europe n’a pas d’autre choix que d’avancer. Elle n’a pas d’autre choix que de franchir une étape, une étape décisive qui nous permettra justement de valoriser et de prôner les valeurs européennes de solidarité, de liberté et de démocratie. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUCR.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord vous dire toute ma satisfaction que le premier débat du Sénat renouvelé soit un débat européen.

Je voudrais aussi dire toute ma satisfaction que ce débat ait lieu dans l’hémicycle, alors que le principe avait parfois pu en être contesté, et non pas dans le « petit hémicycle » ...

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. En effet !

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. … et qu’il se tienne à une heure satisfaisante, non pas en fin de soirée, comme l’habitude en avait été prise.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. C’est exact !

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. L’ordre du jour théorique du prochain Conseil européen a été arrêté depuis plus d’un mois. Mais il ne fait aucun doute que le sujet principal en sera, une fois de plus, la crise financière, qui ne cesse de rebondir.

Personne ne reprochera au Conseil européen de donner priorité à cette question, qui domine l’actualité. Bien au contraire !

Mais cette situation montre que l’Europe ne parvient pas à être maîtresse de son destin. La crise financière est partie des États-Unis, elle s’est étendue à l’Europe, puis elle est devenue une crise des dettes souveraines dont l’Europe est l’épicentre.

L’Europe réagit plus vite qu’elle n’agit, elle pare au plus pressé et des décisions présentées comme suffisantes sont remises en question avant même d’être en vigueur.

Le plan adopté le 21 juillet dernier vient à peine d’être approuvé par tous les parlements concernés – l’un d’entre eux se prononce en ce moment même – qu’il est déjà question de nouvelles mesures pour soutenir les banques et transformer le rôle du Fonds européen de stabilité financière.

Il est clair que les décisions prises en commun ne parviennent pas à recréer durablement la confiance. Il manque à l’Europe une force d’entraînement, un centre politique clairement identifié qui donne le sentiment qu’on sait où l’on va et qu’il existe une cohérence entre ce qui est approuvé à Bruxelles et ce qui est mis en œuvre par les États.

Qui peut aujourd’hui véritablement parler au nom de la zone euro ? Pour M. Barroso, c’est la Commission, sous le contrôle du Parlement européen, qui doit être le véritable gouvernement économique de l’eurozone. Mais cette revendication se heurte au fait que la Commission et le Parlement représentent collectivement les vingt-sept pays membres, dont dix-sept seulement appartiennent à la zone euro. Il faudrait une capacité de décision propre à l’eurozone, outre celle de la BCE, aujourd’hui la seule qui existe.

Une autre solution possible serait celle qu’a préconisée l’accord franco-allemand du 16 août dernier, à savoir un gouvernement économique réunissant les chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro, avec la même présidence que le Conseil européen. Cette solution n’est peut-être pas idéale, mais elle a l’avantage d’être immédiatement réalisable et d’être adaptée à la situation spécifique de l’eurozone. Cependant, depuis le 16 août, on attend toujours qu’elle se confirme et se concrétise.

En fait, on ne parvient pas à suivre le fil conducteur des décisions prises.

Le 21 juillet, on nous expliquait que le secteur privé – c’est-à-dire les banques – devait participer au sauvetage de la Grèce, en acceptant une décote sur les titres de la dette grecque, mais aussi en achetant de nouveaux titres lorsque les titres actuels viendraient à échéance. Maintenant, on nous explique qu’il faut recapitaliser les banques européennes, notamment parce qu’elles sont fragilisées par la possession de titres de dette publique.

Il est difficile de trouver une cohérence entre ces priorités successives. (Mme la rapporteure générale approuve.)

De même, les experts annonçaient à la fin du mois dernier qu’il y avait urgence, que la Grèce allait faire défaut début octobre ; maintenant, on nous annonce qu’on peut attendre encore avant d’accorder les fonds, alors même que la situation budgétaire de la Grèce continue à se détériorer.

Les rumeurs et les annonces se succèdent, donnant aux citoyens européens une impression de confusion et d’absence de perspectives, et conduisant à un pessimisme de plus en plus profond.

La seule décision claire de l’Union européenne a porté sur le durcissement du pacte de stabilité, avec notamment des sanctions plus automatiques qu’auparavant pour les États en déficit excessif.

Lorsque cette question a été abordée au sein de la commission des affaires européennes – je prends à témoin Jean Bizet, présent dans cet hémicycle –, nous avons été nombreux à être sceptiques sur ce renforcement du volet répressif. Face à une situation de surendettement, la priorité doit-elle être d’infliger des amendes ?

Le renforcement du volet préventif du pacte est un aspect plus intéressant, avec notamment l’idée qu’il vaut mieux coordonner les politiques budgétaires et corriger en temps utile les déséquilibres macroéconomiques.

Mais la véritable prévention, me semble-t-il, consisterait à redonner à l’Europe des perspectives de croissance, au lieu d’annoncer toujours plus d’austérité et de rigueur.

Monsieur le ministre, je sais que votre spécialité est la cardiologie, et non la psychanalyse. Je voudrais néanmoins vous rappeler une histoire que Freud raconte dans un petit ouvrage intitulé Malaise dans la civilisation. Il s’agit de l’histoire d’un paysan avare qui, chaque jour, donne un petit peu moins à manger à son âne. L’âne finit par mourir, et le paysan ne comprend pas cette fin brutale.

Il me semble que nous avons tendance à faire la même chose aujourd’hui. Nous prenons partout en Europe des mesures d’austérité. La croissance diminue, les recettes fiscales baissent et, pour arriver à tout de même réduire les déficits, nous prenons des mesures d’austérité supplémentaires. On ne voit pas le bout de cette spirale.

Pourtant, lorsque le pacte de stabilité avait été conclu en 1997, il avait été rebaptisé – à la demande notamment du gouvernement français de l’époque – « pacte de stabilité et de croissance ». Il semble que la seconde partie de sa dénomination soit aujourd’hui bien oubliée. Or, si rien n’est fait pour recréer des anticipations de croissance, il va être extraordinairement difficile de réduire les déficits accumulés. Il s’ensuivra des tensions de plus en plus fortes au sein de nos sociétés. Personne ne peut accepter la réclusion économique pour une génération. On ne peut pas construire un assainissement financier sur une interminable récession.

La crise est en train de mettre à l’épreuve la solidarité européenne. Les menaces qui pèsent sur le programme européen d’aide aux plus démunis en sont le triste exemple. Certes, nous savons qu’il faut prendre en compte une décision de la Cour de justice. Mais, franchement, que l’Europe tergiverse ainsi lorsqu’il s’agit d’aide alimentaire aux plus démunis, ce n’est pas seulement une faute sur le plan social, c’est un signal politique désastreux ! Nous avons exactement besoin du contraire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste–EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE, de l’UCR et de l’UMP.)

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. Face à la crise, l’Europe a besoin de plus de solidarité.

Elle a besoin de plus de solidarité sociale à l’intérieur des États.

Elle a besoin de plus de solidarité entre les régions. C’est d'ailleurs la raison pour laquelle, monsieur le ministre, il est nécessaire que, dans le prochain cadre financier, la politique régionale dispose de moyens suffisants, notamment au profit de la nouvelle catégorie des « régions intermédiaires » dont le Sénat soutient la création.

Monsieur le ministre, je rappelle à cet égard que notre assemblée a voté à l’unanimité une proposition de résolution allant en ce sens.

M. Marc Daunis. Très bien !

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. Enfin, l’Europe a besoin de plus de solidarité entre les États car, si nous ne montrons pas que nous sommes déterminés à agir dans l’intérêt commun, nous verrons la spéculation traiter les États comme des dominos, et nous finirons par être tous perdants.

Après avoir commencé mon propos en citant un psychanalyste, et être passé par un cardiologue, je le conclurai par la formule du philosophe Karl Popper : « Les hommes n’ont pas besoin de certitudes, mais ils ont besoin d’espoir ». Aujourd’hui, les Européens ont besoin de regarder au-delà de la crise ; le Conseil européen ne peut pas leur donner des certitudes, mais il doit leur redonner des raisons d’espérer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste–EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE, de l’UCR et de l’UMP.)

M. le président. Avant de donner la parole à M. le président de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, je tiens à saluer tous ceux qui, comme lui et M. Sutour, vont s’exprimer aujourd’hui en leur qualité nouvelle.

M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le prochain Conseil européen doit aborder la politique économique extérieure commune, c’est-à-dire la question des relations commerciales, monétaires et financières que l’Union européenne entretient avec les pays tiers.

Sur le plan multilatéral, une conférence ministérielle est prévue au mois de décembre à Genève. Que peut-on en attendre ? Si, en début d’année, de faibles espoirs subsistaient encore concernant une possible conclusion du cycle de Doha en 2011, ils se sont évaporés.

Dans ce contexte, si elle se contente de constater le blocage des négociations et de répéter les incantations rituelles sur la nécessité de conclure rapidement le cycle de Doha, la conférence ministérielle de décembre risque de n’être qu’un nouveau sommet pour rien. Or je ne pense pas que l’on puisse se satisfaire de cette situation.

D’une part, en effet, le cycle de Doha est consacré prioritairement au développement, et son échec, s’il ne handicape que marginalement les grandes puissances commerciales, constitue en revanche un sujet d’inquiétude majeur pour les pays les moins développés. D’autre part, le blocage des négociations de Doha s’accompagne d’un essor des accords bi- ou plurilatéraux.

D’un point de vue pragmatique, cet essor des négociations bilatérales est nécessaire. En effet, dans l’attente d’une hypothétique conclusion du cycle de Doha, on ne peut pas indéfiniment remettre à demain les progrès concernant des questions centrales du commerce contemporain telles que l’accès aux marchés publics, la protection de la propriété intellectuelle ou la coopération réglementaire.

M. Jean Bizet. Très juste !

M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. Cependant, il faut être conscient que, si les accords bilatéraux se développent en lieu et place des accords multilatéraux, cette tendance risque, sur le long terme, de saper la légitimité même de l’approche multilatérale du commerce international. Comment, en effet, l’Organisation mondiale du commerce, l’OMC, et son organe de règlement des différends peuvent-ils espérer continuer à réguler de manière crédible et efficace le commerce si les normes du droit commercial international, sur tous les sujets majeurs, sont désormais fixées en dehors du cadre multilatéral ?

Le développement des accords bilatéraux ne doit donc pas nous dissuader de présenter des propositions nouvelles pour conclure le cycle de Doha, et le prochain Conseil européen doit être l’occasion de réfléchir aux moyens d’avancer dans ce sens. En tout état de cause, l’Union européenne a déjà fait preuve de beaucoup de bonne volonté pour faciliter la conclusion du cycle. Selon moi, elle est allée à la limite de ce qu’elle pouvait concéder, notamment dans le domaine agricole. Mais des initiatives concernant les enjeux et la méthode des négociations restent sans doute encore envisageables.

En particulier, en ce qui concerne les enjeux du cycle en cours, les pourparlers se sont focalisés sur le triptyque « soutiens à l’agriculture, accès aux marchés agricoles, accès aux marchés pour les produits non agricoles ». La restriction du champ des discussions à ces thèmes était conçue comme un moyen de ne pas alourdir les négociations et de faciliter ainsi leur conclusion. Je me souviens que notre collègue Jean Bizet nous avait « vendu » cet argument à l’époque…

M. Jean Bizet. Et je le maintiens !

M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. Cette solution semblait relever du bon sens : a priori, moins il y a de sujets sur la table, plus il est facile de trouver un consensus, du moins en théorie ! Avec le recul, on peut se demander cependant si tel est vraiment le cas et si ce choix n’a pas contribué, au contraire, à gripper la machine. En effet, dans le jeu complexe de « donnant-donnant » – ou win win – que constituent des négociations commerciales internationales, un gain dans un domaine se paie d’une concession dans un autre. Or il n’est pas certain qu’il y ait aujourd’hui suffisamment de « grain à moudre » dans le cadre du cycle de Doha pour rendre possible des concessions nouvelles mutuellement profitables à toutes les parties.

Comme je l’ai indiqué, les intérêts majeurs des grandes puissances commerciales développées ou émergentes portent aujourd’hui sur des thèmes situés en dehors du champ des négociations de Doha. Par conséquent, une concession sur un des sujets en discussion dans ce cadre ne peut pas être compensée par une avancée symétrique sur un autre thème, puisque tous les domaines où des avancées « intéressantes » pourraient être enregistrées ne relèvent plus du cycle de Doha. Il faut donc réfléchir aux moyens de débloquer le jeu.

J’en viens maintenant au deuxième volet de l’agenda commercial européen, à savoir le volet bilatéral. Vous le savez, le trimestre qui commence sera riche en rendez-vous importants : un sommet Union européenne-Chine se tiendra en novembre, suivi de sommets Union européenne-Ukraine, Union européenne-Russie et Union européenne-États-Unis en décembre. Avec tous ces acteurs importants du commerce mondial, qui sont aussi des concurrents redoutables pour nous, l’Union européenne est aujourd’hui engagée dans des négociations bilatérales. Or il faut que le respect du principe de réciprocité dans l’ouverture aux marchés soit l’objectif premier qui guide ces négociations.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Très bien !

M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. Ce principe est certes affiché clairement dans la stratégie européenne définie en avril 2007 par la Commission européenne. On peut se féliciter que l’Union européenne ait enfin défini sa stratégie commerciale autour de la notion de réciprocité, même si on peut regretter le caractère un peu tardif de sa prise de conscience.

Cependant, il faut maintenant transformer l’objectif affiché en réalité, car il y va de la croissance et de l’emploi sur notre continent. Pour mémoire je rappellerai que, rien qu’avec la Chine, le déficit commercial de l’Union européenne avoisine annuellement cent soixante-dix milliards d’euros et, en l’occurrence, la situation de l’Allemagne n’est guère meilleure que celle de la France. Combien d’emplois perdus un tel déficit commercial représente-t-il ? Nous devons donc rééquilibrer les échanges dans le sens d’une plus grande équité dans les concessions mutuelles.

Je voudrais illustrer les enjeux que soulève cette question en prenant en exemple l’accès aux marchés publics. L’Union européenne a donné accès à 85 % de ses marchés publics aux entreprises des pays tiers, dans le cadre de l’accord sur les marchés publics de l’OMC, ou AMP. Or nos partenaires sont beaucoup plus restrictifs que nous.

Les États-Unis, tout en étant partie à cet accord, excluent certains marchés publics au niveau fédéral, notamment dans le domaine de la défense – vous avez tous en mémoire l’exemple d’un marché dans le domaine de l’aéronautique… Au niveau fédéré, treize États américains excluent complètement l’application de l’AMP et trente-sept autres l’appliquent en excluant des secteurs sensibles, comme l’acier de construction en Pennsylvanie.

Le Japon n’est pas plus vertueux, puisque seuls 25 milliards d’euros de marchés publics sur un total de 570 milliards d’euros sont ouverts aux concurrents étrangers avec, en particulier, une exclusion totale dans le domaine ferroviaire. On peut se demander pourquoi…

Quant à la Chine, elle n’est même pas partie à l’accord sur les marchés publics, son offre d’adhésion ayant été rejetée en raison du caractère extrêmement restrictif de l’ouverture concédée.

Bref, il existe un déséquilibre manifeste dans ce domaine entre l’Europe et ses partenaires. On arrive parfois à des situations totalement absurdes. C’est le cas de l’affaire COVEC, évoquée par M. le ministre : une entreprise publique chinoise a remporté, en Pologne, un marché de construction d’autoroute en présentant une offre tarifaire anormalement basse, alors même que ce projet était cofinancé par des fonds structurels européens. L’Union européenne n’est-elle pas un peu masochiste en la matière ?

Dans ces conditions, le prochain Conseil européen doit être l’occasion de réaffirmer clairement l’attachement de l’Union européenne et de la France à une ouverture équitable des marchés publics, que cette ouverture soit acquise dans le cadre de l’AMP ou d’accords bilatéraux. Il importe également, pour répondre aux déséquilibres les plus manifestes, que l’Union adopte rapidement un outil lui permettant de se défendre contre les mesures protectionnistes d’États tiers et de mettre un terme à ce désarmement unilatéral. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste–EELV.) La Commission européenne s’est engagée à proposer une mesure législative allant dans ce sens avant la fin de l’année : nous serons très attentifs au suivi de cette affaire et nous veillerons à ce que l’outil proposé soit ambitieux, afin que nous ne soyons pas les dindons de la farce de l’accord AMP ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste–EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale de la commission des finances.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est pour le moins étonnant de tenir aujourd’hui un débat censé préparer un sommet européen dont la date vient d’être reportée et dont on ne connaît plus vraiment l’ordre du jour, même si l’on s’en doute ; quoi qu’il en soit, je vais le préempter !

Il est vrai que, depuis trois ans, nous avons appris que, si le pire n’était pas toujours sûr, il était néanmoins possible. Si l’on a mauvais esprit, on se désolera que les dirigeants européens soient obligés de repousser les échéances pour tenter de se mettre d’accord. Mais, si l’on garde le cap sur l’optimisme, on espérera – comme vous tous, j’en suis sûre ! – que ce délai sera mis à profit pour élaborer un véritable plan de réponse global à la crise actuelle.

La crise de la zone euro est entrée dans sa phase la plus aiguë depuis que les premières craintes concernant la Grèce ont été émises, à la fin de l’année 2009. Je voudrais rappeler à notre assemblée ce que nous a coûté l’indécision politique qui a prévalu en mai 2010. Nous connaissons ces jours-ci une situation qui combine les caractéristiques de la crise de septembre-octobre 2008, lorsque le marché interbancaire a pratiquement cessé de fonctionner, et celles du printemps 2010, lorsque les conditions de financement des États de la zone euro ont commencé à diverger dangereusement.

Autrement dit, la crise de la zone euro, due essentiellement à l’indécision politique, a engendré deux risques potentiellement systémiques : une contagion à l’Espagne et l’Italie, contre laquelle les outils dont nous disposons aujourd’hui seraient insuffisants, et une crise bancaire qui menace et deviendrait inévitable si la contagion à l’Espagne et l’Italie se produisait.

Monsieur le ministre, je sais que vous n’aurez pas réponse à toutes les questions que je vais vous poser, …

M. Jean Leonetti, ministre. Ce serait trop simple ! (Sourires.)

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. … mais je sais aussi que vous avez à cœur, comme vous venez de le faire dans votre intervention liminaire, de clarifier les enjeux devant le Sénat.

En ce qui concerne le sauvetage de la zone euro, pour que nous comprenions bien ce dont on parle, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous puissiez nous expliquer ce que recouvre la notion d’« effet de levier », qui semble être la solution qui aurait la préférence du Président de la République et du Gouvernement dans leurs discussions avec notre partenaire allemand. Il est en effet envisagé de doter le Fonds européen de stabilité financière, le FESF, d’un « effet de levier ». Quel est le sens de cette formule ? Quel serait le mécanisme juridique mis en œuvre et quels seraient les montants en cause ? Jusqu’à présent, la commission des finances du Sénat n’a pas reçu de réponses à ces questions.

S’agissant de la recapitalisation des banques, quelles sont les options retenues ? Va-t-on vers une solution européenne – je pense qu’elle est souhaitable – ou bien fera-t-on en sorte que chaque État gère ses problèmes, comme en 2008 ? Pourquoi le recours au FESF pour recapitaliser les banques fait-il l’objet d’un débat alors que cette option figure dans l’accord du 21 juillet ? Cela laisse à penser que cet accord est déjà obsolète.

Il ne faut pas oublier que, cette fois-ci, les conséquences de la crise bancaire sont plus graves qu’en 2008, car les États n’ont plus guère de marges de manœuvre ; sans compter que – nous nous en souvenons tous ici – le soutien obtenu « à chaud » par les banques en 2008, sans contreparties véritables, ne pourra plus se renouveler dans les mêmes conditions politiques : nous voyons bien que les peuples grondent, et ils ont raison de le faire, devant l’irrésolution dont font preuve les décideurs politiques. (M. Roland Courteau approuve.)

En tout état de cause, la méthode qui consiste à donner le sentiment d’aller à reculons vers la recapitalisation n’est-elle pas la pire, lorsque l’on voit les différents gouvernements finir par défendre les solutions qu’ils rejetaient la veille ? Cette attitude nuit au retour de la confiance. Et c’est bien d’une grave crise de confiance que souffrent nos pays.

M. Roland Courteau. Exactement !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. En ce qui concerne l’organisation du débat entre Européens, je note que le sommet de Deauville, à l’occasion duquel Français et Allemands ont donné le sentiment de négliger leurs partenaires, a laissé des traces. Nous voyons bien que la Slovaquie hésite encore, au moment où je vous parle, à donner son accord au plan du 21 juillet : il ne faudrait pas que la démarche adoptée ce week-end par la Chancelière et le Président de la République, qui témoigne de la réalité du « tandem » franco-allemand, soit à nouveau mal perçue par nos partenaires.

À plus long terme, il est illusoire de penser que l’on sortira de la crise sans dégager un accord – ou au moins les voies d’une réflexion – sur la révision du fonctionnement institutionnel de l’Union monétaire.

Monsieur le ministre, je vous ai entendu tout à l’heure parler d’une « fédération économique ». Je ne sais pas ce que recouvre ce terme, mais il est sûr que la santé d’une économie est toujours sous-tendue par une trajectoire et une stratégie budgétaires. Si l’on s’engageait effectivement sur la voie d’une fédération budgétaire consentie et d’une mutualisation des dettes souveraines, on assisterait alors à un assouplissement des conditions de financement des États : le nœud de l’affaire est donc politique. Même si leur solution s’inscrit à un horizon lointain, ces problèmes doivent être posés. Je sais qu’il est difficile de le faire en France, mais il faut le faire, telle est ma conviction profonde !

Cette référence à une fédération budgétaire me conduit à évoquer, en passant, la question des ressources propres du budget communautaire, souvent soulevée dans cet hémicycle, et l’idée d’affecter à l’Union européenne le produit de la future taxe sur les transactions financières. Il faudra être très clair et très lisible quant à l’utilisation que l’on entend faire du produit de cette taxe, car beaucoup se souviennent qu’elle a été imaginée initialement pour financer l’aide au développement. Monsieur le ministre, vous avez dit que l’on parlait de cette taxe depuis vingt ans. Moi, j’ai le souvenir que l’Assemblée nationale, en 2001, a voté un texte tendant précisément à créer une taxation des mouvements financiers.

Il faudra évidemment débattre du taux et de l’assiette de cette taxe. Tant que ceux-ci ne sont pas connus, l’accord avec nos partenaires allemands reste tout de même largement virtuel. En l’état actuel, qui pourrait se satisfaire d’une taxe qui ne s’appliquerait pas à l’une des principales masses de transaction, les dérivés sur devises ? C’est un point essentiel.

S’agissant des politiques budgétaires, les gouvernements semblent être les seuls à ne pas se préoccuper des effets récessifs de la mise en œuvre simultanée de politiques d’austérité dans les États européens.

Le président de notre commission européenne, Simon Sutour, a clairement évoqué les ressorts de la croissance. Actuellement, les États qui pourraient agir ne le veulent pas et ceux qui le souhaiteraient ne le peuvent pas. Il faudra bien sortir de cette situation. Les marchés financiers ont bien des défauts, mais j’observe que les analystes craignent aujourd'hui davantage une nouvelle récession que les dettes souveraines, ces craintes se cumulant.

Pourquoi n’évoque-t-on jamais la politique monétaire lors des discussions entre Européens alors que l’on aborde le sujet dans le cadre du G20 ?

Le groupe de travail Assemblée nationale-Sénat sur la crise financière internationale, créé sur l’initiative conjointe de Gérard Larcher, alors président du Sénat, et du président de l’Assemblée nationale, s’est prononcé au mois de juin dernier en faveur de l’utilisation par le Conseil de sa faculté de « formuler les orientations générales de politique de change » à l’égard d’autres monnaies. Pourquoi n’en use-t-il pas ?

Ce week-end, lit-on dans la presse, Mme Merkel a souhaité que les traités soient modifiés pour forcer les États endettés à plus de discipline. Que signifie cette proposition alors que le Parlement et les États viennent péniblement de se mettre d’accord sur un « paquet gouvernance » qui comprend notamment une réforme du pacte de stabilité ?

Pour conclure, mes chers collègues, je veux croire encore que les Européens sauront se mettre d’accord pour opérer les choix politiques salutaires.

Le poids et l’influence de l’Europe dans le monde seraient durablement atteints si les Européens se montraient incapables d’être à la hauteur des enjeux. Que pèserait une Europe rappelée à l’ordre par les dirigeants américains ou par le FMI ?

Puissent les chefs d’État et de gouvernement qui se réuniront le 23 octobre prochain avoir cette exigence à l’esprit. Soyez-en assuré, monsieur le ministre, cette exigence est la nôtre et, je crois pouvoir le dire, celle du Sénat tout entier ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste–EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UCR.)

M. le président. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a décidé d’attribuer un temps de parole de huit minutes au porte-parole de chaque groupe politique et de cinq minutes à la réunion des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Le Gouvernement répondra ensuite aux commissions et aux orateurs.

Dans la suite du débat, la parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Conseil européen qui se tiendra prochainement portera principalement sur la compétitivité économique de l’Union européenne au regard de ses partenaires et concurrents commerciaux dans le monde, ainsi que sur la définition de politiques de croissance pour l’ensemble de notre continent.

En dépit d’un ordre du jour tourné résolument vers l’avenir, la réunion des chefs d’État et de gouvernement ne pourra se permettre d’omettre le présent et abordera nécessairement ces questions pressée par l’incertitude du temps présent.

L’Europe est parvenue à créer un modèle qui a vocation à inspirer l’ensemble des nations. La crise a pourtant révélé à quel point le centre de gravité du monde tend aujourd'hui à basculer des rives de l’Atlantique vers celles du Pacifique.

À l’horizon de 2050, l’Europe ne représentera plus que 30 % de la richesse mondiale et 6 % de la population mondiale. Dans un quart de siècle, 80 % de la croissance mondiale sera tirée par les pays émergents. La compétition économique qui s’annonce nous oblige d’ores et déjà à doter l’Europe d’une vision stratégique d’ensemble, d’une marche vers la puissance, sans quoi nous serons soumis au condominium sino-américain.

Notre continent souffre principalement d’un double déficit à cet endroit : un déficit en matière d’investissement et de recherche ainsi qu’un déficit lié à la volatilité et à la surévaluation de notre taux de change. Cette situation révèle d’autant plus les failles initiales de la zone euro, que nous nous devons de combler au plus tôt.

Une zone monétaire optimale ne peut conjuguer à la fois la libre circulation des capitaux, la parité fixe de son taux de change et l’indépendance de sa banque centrale.

La variable d’ajustement de l’euro est sans aucun doute sa parité flexible. C’est pourtant celle-là même qui révèle les divergences de compétitivités entre les États membres.

En effet, depuis 2008, la parité moyenne de l’euro par rapport au dollar a été de 1,45. Notre monnaie est structurellement appréciée au regard de nos partenaires commerciaux. Si un tel niveau nous protège relativement des hausses subites des prix des matières premières, notamment du pétrole, il nous rend tout simplement moins compétitifs que nos voisins qui bénéficient de parités mieux ajustées.

La flexibilité externe de l’euro est renforcée par le flou qui existe au cœur des traités européens. Si la répartition des compétences est claire pour les politiques monétaires et les politiques fiscales et budgétaires, la politique du change serait de la compétence partagée du Conseil et de la BCE. Or le Conseil n’a jamais pris une seule décision faisant émerger l’ébauche d’une véritable politique du change paneuropéenne.

Cette situation ne peut plus durer. Sans politique de change, c’est près du quart des réserves de devises mondiales qui sont laissées au bon vouloir des opportunités mercantilistes de nos partenaires commerciaux.

Dans un tel contexte, seuls l’Allemagne et les Pays-Bas parviennent à conserver une balance commerciale positive. D’après les analyses de l’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE, ce résultat est le fruit d’une spécialisation historique sur la production de machines outils au moyen d’une politique intensive de recrutement d’ingénieurs formés en Europe de l’Est, couplé avec une politique de modération salariale difficilement supportée par la population.

Contrairement à ces deux pays, nous observons inéluctablement, à l’échelle nationale, l’érosion de notre compétitivité. Notre balance commerciale est actuellement déficitaire de 75 milliards d’euros. C’est autant de croissance que nous ne parvenons pas à capter au profit de nos entreprises et de nos salariés. Le diagnostic est simple à établir : nous n’investissons plus assez, nous ne faisons plus assez de recherche, nos PME, d’envergure trop modeste en comparaison de leurs voisines allemandes, sont accablées par une fiscalité archaïque et antiéconomique. Enfin, le coût du travail est devenu trop cher du fait tant du poids impliqué par les trente-cinq heures que par celui des cotisations sociales patronales.

La comparaison se dessine en un chiffre. À elle seule, l’entreprise allemande Siemens dépose chaque année l’équivalent de 60 % du nombre de brevets déposés en France.

Cette situation est d’autant plus périlleuse que la crise de la dette souveraine que traversent de nombreux États de l’Union européenne, notamment de la zone euro, rend les marchés financiers et les agences de notations particulièrement sensibles à l’évolution à venir de nos performances économiques. La solution est connue ; c’est en renouant avec la croissance économique que nous stabiliserons durablement notre dépendance à l’égard des marchés extérieurs et des marchés financiers.

L’Europe, mes chers collègues, est à la croisée des chemins. Les centristes plaident pour un fédéralisme européen.

M. Jean-Michel Baylet. Très bien ! Bravo !

Mme Catherine Morin-Desailly. L’addition des intérêts particuliers des États membres ne suffira pas à relever les défis que l’avenir nous lance. Nous devons poser franchement la question d’une politique industrielle à l’échelle de l’Union afin de garantir des emplois et de la croissance à nos concitoyens. Un grand besoin d’Europe se fait donc sentir dans tous les domaines, y compris dans ceux de la formation et de la recherche.

Il nous faut créer le cadre d’une plus grande convergence interne de nos économies pour mieux faire face à la compétition mondiale. Nous ne pouvons plus nous satisfaire de réformes à la marge des défis qui sont désormais les nôtres. Nous avons réellement besoin d’un saut qualitatif institutionnel.

Nous devons progresser sur le chemin de l’intégration européenne. À cet égard, les propositions formulées par le Président de la République et la Chancelière allemande au mois d’août dernier vont dans le bon sens. Il nous faut décidément renouer avec l’esprit communautaire

L’initiative franco-allemande de création, dans le cadre du Conseil européen, d’un gouvernement économique de la zone euro est un jalon indispensable vers une coordination plus grande des politiques économiques des États membres de l’Union.

Mme Catherine Morin-Desailly. C’est une entreprise que nous, centristes, encourageons avec force.

La convergence de nos économies doit être également renforcée par la création d’un socle fiscal commun, tant au moyen de l’assiette consolidée de l’impôt sur les sociétés à l’échelle européenne que par la convergence annoncée des fiscalités française et allemande.

Enfin, les sénateurs du groupe de l’Union centriste et républicaine proposent que la France se fasse l’avocate de l’institution d’un trésor européen abondé par l’ensemble des États membres afin de financer des investissements d’avenir nécessaires.

Les mois à venir, mes chers collègues, seront donc déterminants pour l’avenir de l’entreprise européenne, mais aussi pour celui de notre pays. La crise est grave, mais c’est en l’affrontant courageusement, directement à ses racines, sans oublier les valeurs européennes qui sont les nôtres, que nous parviendrons à renouer avec la croissance. (Applaudissements sur les travées de l’UCR, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le principal sujet du prochain Conseil européen doit porter sur les moyens de faire face à la profonde crise financière qui secoue la zone euro à la suite des attaques spéculatives des marchés contre les banques et les économies des États.

Cette discussion a été repoussée de quelques jours afin, semble-t-il, de disposer de nouvelles conclusions sur la situation de la Grèce et la recapitalisation des banques.

Monsieur le ministre, c’est donc à ces questions cruciales que je consacrerai mes huit minutes d’intervention pour vous faire part des remarques et des propositions du groupe communiste républicain et citoyen.

À l’évidence, la profonde crise financière que subissent les pays européens, avec des conséquences désastreuses sur leurs politiques économiques et sociales, sonne l’heure de vérité de la construction européenne.

Alors que la monnaie unique est gravement menacée, que la zone euro risque d’éclater, l’Union européenne est la seule zone économique qui ne se défende pas contre la spéculation des marchés sur la dette publique.

À travers les différentes réunions qu’ils ont tenues ces jours-ci, les gouvernements et les instances de l’Union européenne ont donné le triste spectacle, par absence de volonté politique, de leur impuissance à régler la crise de l’euro, à lutter contre la spéculation des marchés, à stopper une probable contagion en cascade à la plupart des pays.

Le dernier exemple en date est la rencontre entre le Président de la République et la Chancelière allemande qui devait trancher le différend franco-allemand sur les modalités de recapitalisation des banques européennes.

On se réunit pour décider de ne rien décider, ou plutôt pour trouver un compromis dont on ne connaît pas le détail, sans doute pour ne pas mettre nos partenaires devant le fait accompli, et dont les modalités ne seront précisées que lors du G20 de la fin du mois. Où sont la place et le rôle de l’Europe dans tout cela ?

Il serait pourtant urgent de régler la question de l’intervention publique face à l’aggravation continue de la crise qui frappe de plein fouet les banques de la zone euro.

Faut-il recapitaliser les banques et de quelle manière ? En faisant appel à leurs moyens propres, à ceux des États ou en utilisant les possibilités offertes par le Fonds européen de stabilité financière ? J’évoquerai, dans la conclusion de mon intervention, les propositions de mon groupe sur cette question.

Au lieu de décider clairement et de façon cohérente, l’Union européenne persiste à prendre dans le désordre des mesures qui aggravent encore la situation.

La façon de tenter de résoudre la crise grecque est à cet égard éclairante. Le plan dit « de sauvetage » du 21 juillet est déjà dépassé avant même d’avoir été adopté par tous les États membres : le parlement allemand l’a ratifié après de nombreuses incertitudes le 29 septembre et les Slovaques devraient être, aujourd’hui même, les derniers à le faire. Pourtant, l’Union européenne, le FMI et la BCE étranglent encore un peu plus ce pays en retardant et en conditionnant le versement de la sixième tranche du plan.

Ces instances, totalement sourdes aux colères populaires, exigent en outre que ce pays accélère son programme de privatisation des entreprises et des services publics, qu’il supprime 30 000 emplois de fonctionnaires, qu’il augmente les impôts pour les classes moyennes et qu’il révise à la baisse les conventions collectives du secteur privé… Rien que cela !

Ces mesures ont pour seul effet d’asphyxier la croissance en diminuant les salaires et en réduisant la consommation intérieure et les recettes fiscales. Du reste, de nombreux économistes ont constaté que la Grèce était déjà en récession et qu’elle n’était même plus en mesure d’imposer de nouvelles mesures d’hyper-austérité.

La récession grecque risque maintenant de contaminer plusieurs économies européennes.

La succession des plans d’austérité les plus drastiques n’a pourtant aucune incidence sur la défiance des marchés puisque, après avoir dégradé la note de la Grèce et celle de l’Espagne, les agences de notation Moody’s et Fitch viennent une nouvelle fois d’abaisser celle de l’Italie.

Notre pays est lui-même menacé à cause de l’exposition de ses banques, à travers des prêts hautement spéculatifs consentis à la Grèce.

Le démantèlement de la banque franco-belge Dexia, avec le renflouement de sa partie française grâce à l’argent public de la Caisse des dépôts et consignations et de la Banque postale, jette une lumière brutale sur une situation qui devient critique pour la France. Et votre gouvernement, monsieur le ministre, craint qu’un surcroît d’endettement ne nous prive du fameux triple A décerné par des agences de notation au service exclusif des marchés…

Non, décidément, face à la gravité de cette crise, il ne faut plus tergiverser. Il faut prendre des mesures radicales pour empêcher les marchés financiers de détruire les économies des pays européens, faire preuve de courage politique pour mettre fin au laxisme de l’Union européenne vis-à-vis des marchés.

À cet égard, le débat sur la recapitalisation des banques est fondamental.

Que l’hypothèse de la possibilité donnée au FESF d’emprunter directement à la BCE ne soit plus taboue montre à quel point il est urgent de changer le statut de celle-ci et de modifier les traités européens dans ce sens.

Pour renverser la situation et rendre possible une maîtrise politique des États sur des marchés financiers aveugles et égoïstes, il faut impérativement donner la possibilité aux États de recourir directement aux crédits très bon marché de la BCE. C’est la seule voie pour stimuler l’économie, car elle permettra aux États d’accroître leurs investissements productifs, utiles aux populations, dans les services publics, dans l’innovation et la recherche, ainsi que dans la formation.

C’est pourquoi nous préconisons de créer à l’échelle européenne un fonds de développement dont la logique différerait de celle que suit l’actuel FESF, et qui serait financé par la BCE, autorisée à prêter aux États à des taux d’intérêt très bas.

En outre, pour encadrer les initiatives purement spéculatives des marchés, il faudrait parvenir à un accord avec nos partenaires européens afin d’instituer une taxe réellement efficace sur les transactions financières.

Monsieur le ministre, je doute que, exception faite d’une convergence fiscale avec l’Allemagne – convergence favorable aux seules entreprises –, le Gouvernement ait l’intention – je ne parle même pas de volonté ! – de promouvoir ces mesures à l’échelon européen. Mais peut-être allez-vous me démentir tout à l’heure…

Sans attendre que le cadre européen change, vous pourriez déjà prendre quelques mesures à l’échelon national afin de lutter contre la toute-puissance des marchés financiers.

Je pense en particulier à l’interdiction permanente des ventes à découvert, à la taxation nationale des transactions financières – il faut bien commencer quelque part ! Pourquoi pas en France ? –, à la réglementation du droit de créer des produits dérivés, au rétablissement d’un « passeport » national pour les fonds spéculatifs, à l’abolition des privilèges d’auto-saisine des agences de notation, ou bien encore à l’arrêt de la cotation en continu des entreprises.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, telles sont les appréciations dont je souhaitais vous faire part au nom du groupe communiste, républicain et citoyen avant le prochain Conseil européen. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste–EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Baylet.

M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’issue de la visite du Président de la République, Nicolas Sarkozy, à la Chancelière Angela Merkel, dimanche dernier, à Berlin, les deux dirigeants européens se sont prononcés en faveur d’une recapitalisation des banques européennes selon des critères communs.

Soulignant à plusieurs reprises leur unité de vue sur les différents aspects de la crise financière, ils ont cependant évité soigneusement toute annonce concrète : ils ont seulement évoqué, sans plus de détails, des « modifications importantes » aux traités européens allant dans le sens d’une plus grande « intégration de la zone euro ». Or, dans la situation que nous connaissons, ce sont justement les détails qui comptent ! Le temps des grandes déclarations et des effets d’annonce est dépassé.

Bien évidemment, chacun comprendra que l’entente affichée par le couple franco-allemand est nécessaire, notamment pour rassurer les marchés, très sensibles depuis plusieurs mois. Mais faut-il pour autant conclure que Paris et Berlin ont réellement réussi à surmonter leurs divergences, en particulier sur le modus operandi ? Une photo côte à côte ne suffit pas pour affirmer un réel volontarisme politique. Et n’en faut-il pas beaucoup, du volontarisme politique, pour surmonter cette crise ?

On sait bien que nos deux pays ne s’accordent pas véritablement sur le rôle que doit jouer le fameux Fonds européen de stabilité financière. Le vice-chancelier et ministre de l’économie allemand refuse même un soutien direct des banques par le FESF : il suffit de le lire ou de l’écouter !

Par ailleurs, la recapitalisation des banques pose question, pour dire les choses aimablement. En effet, en 2008, les banques ont bénéficié de sommes considérables d’argent public et certaines ont, depuis, réalisé d’énormes profits. Ainsi, en quelque sorte coupables de nombre de nos malheurs, elles seraient les premières blanchies ! Il y a quelques semaines, elles juraient même que tout allait bien et qu’elles avaient réussi les stress tests haut la main. Il est vrai que, depuis, le sort malheureux de Dexia a changé la donne…

Après des années d’abandon par les banques de toute règle prudentielle, des mesures fortes doivent désormais être prises de toute urgence concernant la régulation et la supervision financières, car des défaillances multiples à cet égard sont à l’origine de la crise actuelle.

Nous réclamons depuis longtemps la séparation des activités de dépôt et des activités spéculatives des banques. De même, nous appelons de nos vœux la taxation des transactions financières. La Commission européenne a présenté formellement, vous le savez mieux que quiconque, monsieur le ministre, une directive en ce sens. Certes, les taux annoncés sont réduits, mais, pour une fois, ne boudons pas notre plaisir !

Quant à la recapitalisation généralisée des banques, n’est-elle pas une manière d’organiser une faillite ordonnée de la Grèce ? À ce sujet, les dernières réunions de l’Eurogroupe laissent vraiment planer le doute. Alors qu’ils sont dans un paquebot au milieu d’une tempête, les dix-sept ministres semblent se livrer à de petits calculs personnels, démontrant une fois de plus que la coordination des politiques économiques en Europe n’est toujours pas d’actualité. Pourtant, nous le savons, c’est la seule solution car, sans elle, nous ne parviendrons pas à sortir durablement la zone euro de la crise qu’elle traverse. C’est d’ailleurs ce qu’ont rappelé hier les deux nouveaux prix Nobel d’économie, deux Américains pourtant chantres du libéralisme.

Depuis longtemps, mes chers collègues, l’Union européenne a malheureusement donné le sentiment d’hésiter, de douter, voire de renâcler à décider. Les mesures adoptées l’ont été sous la pression des circonstances plutôt que dans l’enthousiasme de l’adhésion à un projet tourné vers l’avenir ; bref, sans aucune vision commune.

Il est temps d’ouvrir les yeux. Cette crise n’est pas seulement financière et économique, avec des conséquences sociales. Il s’agit bel et bien d’une « crise de confiance politique », d’une crise d’absence de volonté politique, dont l’issue ne peut donc être que politique.

Certes, je reconnais que des avancées ont été obtenues. Le FESF en est une, mais pour nécessaire qu’il soit, l’accord du 21 juillet apparaît comme insuffisant, limité et, disons-le franchement, déjà dépassé.

La crise d’hier n’est plus celle d’aujourd’hui. Et finalement, tout le problème est là : nous ne cessons d’être en retard d’une ou plusieurs batailles. Le décalage est total entre la violence des attaques spéculatives et les réponses des institutions économiques et politiques, faute de gouvernance commune. Seule une gouvernance économique et budgétaire commune, faisant pendant à notre monnaie commune, peut permettre à l’Europe et à la France de sortir de cette crise. Il est d’ailleurs unique au monde qu’une zone économique commune n’ait pas de gouvernance économique et budgétaire commune.

Les Radicaux sont convaincus que la seule solution qui permettrait à l’Europe de combattre la spéculation est de mutualiser les dettes souveraines et de recourir aux bons européens. Je regrette donc que la rencontre franco-allemande du mois d’août n’ait pas permis d’ouvrir une telle perspective. Plus exactement, elle l’a entrouverte, mais ce fut pour la refermer aussitôt.

L’adoption, désormais actée, des six textes renforçant la gouvernance économique est, c’est vrai, une avancée. Je me réjouis de ces initiatives. Je souligne que les Radicaux appelaient d’ailleurs depuis longtemps de leurs vœux un tel renforcement, mais il est naturellement très insuffisant.

Nous avons le sentiment que cette gouvernance s’inspire surtout d’une vision allemande a minima, c’est-à-dire réduite à la question du déficit. Finalement, le nouveau pacte de stabilité et de croissance est déséquilibré : il ressemble à une table branlante dont un pied serait plus court que les autres. C’est en réalité un pacte d’austérité, qui mettra inévitablement la croissance et l’emploi en berne.

S’il faut évidemment veiller à la bonne gestion des comptes publics, prenons garde, monsieur le ministre, à ce que la sortie de crise ne se fasse pas au détriment des plus fragiles.

L’Europe ne doit pas seulement surveiller et sanctionner ; elle doit surtout penser et organiser la relance. Or elle ne parvient pas à dégager une gouvernance européenne claire et efficace. Après l’échec de la stratégie de Lisbonne, la nouvelle stratégie Europe 2020 propose des objectifs communs, recentrés et clairement évalués. Mais tout cela ressemble davantage à un catalogue de bonnes intentions qu’à une volonté politique commune.

Quant à la question capitale des financements, elle est éludée.

Enfin, le discours sur l’état de l’Union récemment prononcé par le président Barroso est certes porteur d’une certaine vision stratégique et constitue une feuille de route dont se dégagent plusieurs orientations. Mais, au-delà de telle ou telle proposition, nous regrettons que cette stratégie d’ensemble arrive beaucoup trop tardivement.

Cette crise en forme de défi pour toute une génération de décideurs peut aussi permettre d’ouvrir la voie à un « renouveau européen », à une relance européenne, fondés sur des réponses adaptées aux problèmes les plus urgents, sur la mise en œuvre d’orientations audacieuses et sur la consolidation des fondements de la construction européenne.

Nous plaidons donc, monsieur le ministre, pour un véritable gouvernement économique, pour une harmonisation fiscale, pour un budget de l’Union à la hauteur des enjeux, pour une capacité d’emprunt et pour une approche volontariste dans le domaine social.

Il reste donc à espérer que les chefs d’État et de gouvernement voudront enfin prendre des initiatives, démontrer cette volonté. Le Conseil européen du 23 octobre prochain peut leur en fournir une bonne occasion.

Je le répète en conclusion : seule une volonté politique clairement affirmée nous permettra de faire face à la toute-puissance des marchés financiers. Les pères fondateurs de l’Europe, avec leur courage et leur détermination, nous ont donné l’exemple.

C’est dans les situations de crise que les responsables doivent faire preuve de courage afin de permettre l’émergence de nouveaux modèles économiques. Il n’y aura pas d’Europe forte et puissante sans une ferme volonté de tous, la vôtre, monsieur le ministre, mais aussi celle de l’ensemble des dirigeants français et européens, quels que soient leurs engagements et leur orientation politique. Oui, chacun d’entre nous doit, en toute responsabilité, prendre sa part de cette volonté et de ce courage. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste–EELV, ainsi que sur plusieurs travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Humbert.

M. Jean-François Humbert. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires européennes, mes chers collègues, j’ai entrepris depuis un an une série de déplacements au sein des pays en crise de la zone euro, afin de présenter devant les membres de la commission des affaires européennes un état des lieux aussi précis que possible de la situation difficile qu’affrontent sur place gouvernements et populations.

De Dublin à Athènes, en passant par Lisbonne et Madrid, j’ai pu observer un scepticisme croissant à l’égard du projet monétaire européen, désormais synonyme de moins-disant social et de rigueur accrue.

J’ai également pu mesurer un décalage entre le temps politique et le temps des marchés. Les programmes d’austérité mis au point ici et là ne peuvent être appliqués aussi rapidement qu’un ordre est passé en Bourse. Cela signifie que nous ne saurions, nous, parlementaires, sous-estimer le temps d’adaptation des populations à une nouvelle donne économique et sociale.

Je comprends le désarroi de nos amis allemands, finlandais ou slovaques face au laxisme budgétaire et fiscal érigé en politique économique par les gouvernements grecs successifs pendant des années. Mais je ne peux mésestimer les peurs et les crispations que ces programmes d’austérité engendrent au sein d’une population qui voit son modèle social bouleversé de fond en comble, des droits ou des montants qu’elle pouvait estimer acquis se trouvant directement affectés.

Je garde en mémoire ce qu’un de nos interlocuteurs – et ce n’était pas un exalté – nous a asséné à Athènes, lorsque je m’y trouvais en compagnie de Simon Sutour : face à la pression qu’exerce l’Union européenne, les Grecs auront bientôt le choix entre l’Europe et la démocratie. Il nous appartient de veiller à ce que cette alternative ne puisse jamais voir le jour.

Si nous nous attardons d’ailleurs quelques instants sur la Grèce, qu’y observons-nous, sinon l’absence d’une réelle tradition administrative ? Il appartient au gouvernement grec de rattraper ce retard à marche forcée. Pour autant, peut-on attendre qu’il y parvienne totalement en dix-huit mois ? Un programme d’austérité, pour être appliqué, doit avant tout emporter la conviction. Or la pédagogie prend du temps et, il faut bien le reconnaître, ce temps n’est pas celui des marchés.

Devons-nous, de fait, céder à la tentation de l’urgence, sans laisser le temps aux gouvernements des pays en difficulté de tenter de concilier pédagogie et efficacité politique ?

Je regrette à ce titre que le message européen soit brouillé, pour ne pas dire parasité, par les déclarations des uns et des autres, au risque de lui faire perdre sa cohérence et surtout de renforcer la pression des marchés sur les pays en difficulté. Jacques Delors dit régulièrement qu’il manque une jambe à l’Union économique et monétaire. Je regrette de constater qu’une voix semble également lui faire défaut : une voix qui tienne un discours tout à la fois apaisant et exigeant, qui soit capable, notamment, de faire cesser ces débats absurdes, et aux relents populistes, sur d’hypothétiques sorties de la zone euro.

Répétons-le, martelons-le, la crise de la dette souveraine n’est pas une crise de la monnaie unique : elle est avant tout une crise de l’endettement public, étendue à l’ensemble de la planète. Elle nous invite à nous réformer. Et si elle offre aussi l’occasion de repenser les contours de la gouvernance de la monnaie unique, elle ne doit en aucun cas se traduire par une ou des exclusions.

Sortons la Grèce de la zone euro et, demain, ce sont Lisbonne, Madrid ou Rome qui subiront un peu plus la rigueur des marchés, c’est l’ensemble du système bancaire européen et, au-delà, nos économies qui en seront affectées, label AAA ou pas !

Nous tentons depuis des mois de proposer, en matière de gouvernance économique, mais aussi au travers des instruments de gestion de crise mis en place, des réponses destinées à éviter ce que les économistes appellent un « effet auto-réalisateur ». Je constate malheureusement que la cacophonie au sein du Conseil européen ou de l’Eurogroupe relativise grandement un tel travail, au point que l’on ne sait plus si ce sont les errements des marchés qui engendrent un discours politique apocalyptique ou s’il s’agit de l’inverse.

Je ne sous-estime pas, pour autant, l’effet boule de neige qui affecte la dette grecque et qui oblige à une prompte prise de décision. Je souhaite à cet égard que le processus de ratification du deuxième plan d’aide défini le 21 juillet dernier arrive le plus rapidement possible à son terme, afin de montrer aux marchés l’unité dont l’Eurogroupe sait faire preuve face aux menaces. Il appartiendra ensuite à nos gouvernements d’affiner ce plan, en ce qui concerne notamment la participation des banques. Il faut en effet que les modalités de celle-ci soient rapidement précisées. Tout effort supplémentaire au-delà des 21 % de décote annoncés doit cependant être précédé de mesures de consolidation du secteur à l’échelle européenne. N’ajoutons pas une crise bancaire aux crises financières locales !

Le renforcement du rôle du Fonds européen de stabilité financière fait également figure de priorité. Les nouveaux pouvoirs dont il dispose – rachat de titres sur le marché secondaire, aide à la recapitalisation des banques, intervention préventive dans les pays ne bénéficiant pas encore d’un programme d’assistance financière – contrastent avec la relative modestie de ses moyens : 440 milliards d’euros sont clairement insuffisants, étant entendu que 140 milliards d’euros environ sont d’ores et déjà dédiés aux plans grec, irlandais et portugais.

Le Fonds, réformé le 11 mars, puis le 21 juillet, est à l’heure actuelle un instrument qui n’a pas les moyens de ses ambitions. J’espère que le Conseil européen permettra d’avancer sur ce point et de proposer des solutions innovantes en vue d’accroître sensiblement sa capacité d’action. Il ne s’agit pas d’augmenter le montant des garanties déposées par les États, mais d’utiliser un effet de levier. Le Fonds pourrait de la sorte se muer en banque ou en assureur.

Ainsi restructuré, le Fonds serait en mesure de répondre aux défis actuels sans attendre la mise en place, forcément lointaine et complexe, de véritables euro-obligations. Il pourrait, de la sorte, être associé à un nouveau programme pour la Grèce.

Loin de moi de prétendre que le plan du 21 juillet est insuffisant. Comme je viens de l’indiquer, il demeure néanmoins imprécis sur certains points et foncièrement optimiste sur d’autres. Je pense notamment aux privatisations. La « troïka » exige d’Athènes qu’elle accélère le programme de vente de ses actifs. Si cette demande est légitime – le gouvernement grec a d’ailleurs lui-même indiqué qu’il espérait en obtenir 50 milliards d’euros d’ici à 2015 –, il convient cependant d’être raisonnable : quel investisseur pourrait aujourd’hui parier sur des actifs grecs ?

Prenant appui sur l’exemple de la réunification allemande, le cabinet Roland Berger préconise le cantonnement de l’ensemble des actifs grecs, puis le rachat de ceux-ci par une structure européenne dédiée. Cela m’apparaît comme une option judicieuse. Le produit de cette vente, estimé à 125 milliards d’euros, offrirait à la Grèce la possibilité de racheter une partie de sa dette. Les investissements réalisés sur ces actifs par la structure européenne en vue d’une prochaine revente permettraient, quant à eux, de relancer l’activité au sein du pays et d’amorcer, enfin, un cercle vertueux.

Le plan du 21 juillet comporte déjà des mesures destinées à la relance de l’activité en Grèce, via notamment la mobilisation des fonds structurels. Il nous appartient sans doute d’aller encore plus loin.

Il n’existe pas de solution miracle pour la Grèce, non plus que pour les autres pays concernés. La base reste la même : discipline budgétaire et adaptation du format de l’État aux exigences financières du temps. Toute réforme sera néanmoins incomplète si elle ne s’appuie pas sur des mesures en faveur de la croissance, sous peine que les malades ne meurent guéris. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUCR.)

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.

M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si je ne suis pas anti-européen, je suis en revanche très circonspect devant tous ceux qui voudraient soudainement, au vu des difficultés que traverse l’Europe, étendre son rôle et ses attributions, renforcer ses pouvoirs.

De même, si je ne suis pas un farouche opposant à la mondialisation, je crois qu’il faut rester très prudent face à celle-ci. D’ailleurs, si l’on avait été par le passé plus prudent sur cette question, nous n’en serions peut-être pas là où nous en sommes aujourd'hui !

Je déplore que, dans l’effervescence des avis formulés à droite comme à gauche, on persiste à expliquer que l’idéal réside toujours dans la mondialisation et dans encore plus d’Europe. Il me semble que ceux qui ne partagent pas tout à fait cette analyse ont une vision tout aussi respectable, et qu’ils n’ont pas nécessairement à être taxés de populisme !

Je dois d’ailleurs vous dire, monsieur le ministre, que dans « populisme » on retrouve la même racine que dans « populaire » ! À tous ceux qui ricanent et se moquent de la prudence d’élus qui, comme moi, souhaitent agir avec beaucoup de circonspection quand il s’agit d’Europe et de mondialisation, je donne rendez-vous à l’élection présidentielle de l’année prochaine. Il sera alors intéressant d’additionner, d’un côté, les voix obtenues par les candidats – plutôt que par les partis, qui seront peu nombreux –, de droite comme de gauche, à fond « pro-européens » et « pro-mondialisation » et, de l’autre, les voix de ceux qui sont, au contraire, plus réservés sur ces deux domaines. Il n’est d’ailleurs pas exclu qu’au second tour de l’élection présidentielle nous ayons à choisir, non pas entre un « pro-européen » farouche et un « pro-européen » jusqu’au-boutiste, mais plutôt entre un candidat qui désire continuer comme si de rien n’était, sans se rendre compte que tout ce qui a été fait jusqu’à présent n’est pas la bonne solution, et un autre qui considère qu’il est temps de songer à des solutions nouvelles.

Pour ma part, je ne crois pas possible de dire que, quand tout va bien, c’est grâce à l’euro, et que, quand tout va mal, c’est la faute à personne !

M. Jean Bizet. Il a tout compris !

M. Jean Louis Masson. Le problème est beaucoup plus complexe que cela. En la matière, les réponses à apporter ne peuvent arbitrairement présenter comme obligatoire une direction et comme impossibles toutes les autres ! Il est nécessaire, me semble-t-il, de réfléchir plus avant.

Ce n’est pas à l’insuffisance du pouvoir européen de porter la responsabilité des difficultés actuelles, mais plutôt aux fautes commises par les différents États membres. Il faut tout de même être clair : qui est responsable de la situation grecque, sinon d’abord les Grecs eux-mêmes, qui ont trafiqué leurs comptes et sont allés dans le mur tout en sachant très bien qu’ils y allaient ?

Au lieu de nous dire qu’il faut plus d’Europe pour que cela aille mieux, je pense donc qu’il faut d’abord mettre chacun face à ses responsabilités.

En la matière, la stratégie de l’Allemagne est beaucoup plus pertinente que celle de la France. On ne peut pas laisser les États faire n’importe quoi ! Cela vaut pour la Grèce, mais, à bien y réfléchir, on pourrait également l’appliquer à la manière dont la France a été gérée au cours des cinq dernières années, notamment par comparaison avec l’Allemagne.

La situation économique de notre voisin d’outre-Rhin et l’état de ses comptes publics le placent à l’abri de toute dégradation de sa note souveraine et en font un pôle de solidité, un roc, au sein de l’Union européenne.

Si la France ne se trouve pas vraiment dans une situation catastrophique, on ne peut tout de même pas dire qu’elle se porte bien ! Nous sommes, nous aussi, confrontés à une crise de la dette souveraine qui soulève de vives inquiétudes. Et cette situation résulte probablement de la politique qui a été menée au cours des cinq dernières années : si je devais comparer le budget de l’État à une baignoire, je dirais qu’on a fermé le robinet d’arrivée d’eau tout en augmentant le débit de la vidange !

Comme à son habitude, le Président de la République a fait très fort et, comme à son habitude, il essaie à présent de s’en tirer par des gesticulations… Ce sera vraisemblablement encore le cas lors du prochain Conseil européen !

Personnellement, je pense que les réponses relèvent avant tout de la responsabilité des États ! Ainsi, je le répète, c’est d’abord aux Grecs d’assumer les conséquences de la situation calamiteuse de leur pays !

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est déjà le cas !

M. Jean Louis Masson. Mais nous devrions sans doute nous interroger nous-mêmes et chercher à améliorer la gestion de notre pays !

M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais d’abord formuler deux observations.

Premièrement, c’est lundi ou vendredi prochains que nous aurions dû avoir ce débat. En effet, nous sommes aujourd'hui invités à prendre part à un débat préalable au Conseil européen sans connaître les propositions qui seront inscrites à l’ordre du jour : nous avons simplement été informés des grands thèmes qui seront abordés. Vous n’y êtes certes pour rien, monsieur le ministre, mais voilà tout de même une bien curieuse manière de travailler !

M. Roland Courteau. Bonne remarque !

M. Richard Yung. Deuxièmement, notre feuille de route, aujourd'hui, c’est pour l’essentiel l’accord qui a été conclu entre les États le 21 juillet. Or cet accord est en grande partie dépassé : nombre d’événements sont intervenus depuis. Il faudrait donc le réviser.

En outre, nous ne sommes même pas certains qu’il entre un jour en vigueur. La Slovaquie, paraît-il, traîne des pieds pour l’adopter. Qu’adviendra-t-il si elle ne le vote pas ? Existe-t-il un « plan B », pour reprendre une formule désormais consacrée, face à la crise économique et financière, notamment en Grèce ?

Toujours à propos de l’accord du 21 juillet, je souhaite vous poser deux questions, monsieur le ministre.

D’une part, vous avez parlé de gouvernance économique européenne, et je m’en réjouis ; vous avez même employé l’expression de « fédéralisme économique », pourtant désormais bannie du vocabulaire : plus personne n’ose aujourd'hui utiliser le mot « fédéralisme », sauf à risquer d’être condamné à la déportation ! (Sourires.)

Mais, dans les faits, en quoi consistera cette gouvernance économique européenne ? Si j’ai bien compris, les chefs d’État se réuniront deux fois par an pour débattre des questions économiques, sous la direction de M. Van Rompuy. C’est une bonne initiative. Mais quels pouvoirs auront-ils concrètement ?

En d’autres termes, quelle sera la nature du fédéralisme que vous appelez de vos vœux, ce en quoi je vous rejoins ? Il faudrait de nouveaux transferts de souveraineté en matière économique et financière, afin de permettre une prise effective de décisions et de ne plus tergiverser, comme c’est le cas actuellement. Nous voyons bien que le calendrier, les modes de fonctionnement, les procédures et, plus généralement, les institutions en vigueur ne sont pas efficaces. Nous ne pouvons plus nous permettre d’attendre le bon vouloir du parlement slovaque pour agir alors qu’il y a le feu dans la maison !

Pourriez-vous donc nous donner quelques éclaircissements sur la gouvernance économique ?

D’autre part, j’aimerais que vous nous apportiez également des précisions supplémentaires concernant la taxe sur les transactions financières. Nous nous réjouissions que vous ayez avancé cette idée. Nous l’avons nous-mêmes portée pendant de nombreuses années. Que n’avons-nous entendu lorsque nous plaidions pour la taxe Tobin ! On nous traitait alors de « doux rêveurs »… À présent, tout le monde défend cette proposition. Tant mieux ! Mais comment comptez-vous la mettre en œuvre ? Vous avez raison de dire que l’Europe devrait instituer une telle taxe même si elle était la seule à le faire. Mais quelle en sera l’assiette ? Quel en sera le taux ? Vous avez avancé le chiffre de 0,005 %. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Beaucoup a été dit sur les banques. Je me réjouis du rapprochement des points de vue entre l’Allemagne et notre pays, ce qui n’était pas du tout acquis voilà encore une semaine. La France traînait les pieds, affirmant qu’il n’était pas nécessaire de recapitaliser nos banques. Apparemment, les positions ont évolué. Je ne sais pas s’il faut y voir un « effet Dexia », mais j’observe que la France est aujourd'hui prête à une action forte en matière de recapitalisation.

À mon sens, c’est d’abord sur le bilan des banques qu’il faut agir. Je suis un partisan de la séparation des banques commerciales et des banques d’affaires. Je sais bien qu’une telle idée ne fait pas l’unanimité, mais je pense qu’elle offre beaucoup d’avantages. D’ailleurs, les Britanniques, qui ne sont tout de même pas des enfants en matière de finance, l’ont eux-mêmes retenue. Je crois que nous devrions en faire autant. J’ajoute que, s’il faut faire baisser le bilan des banques, cela doit porter non pas sur le volet « prêts aux entreprises », mais plutôt sur le volet « spéculation et outils dérivés ».

Il faut également accélérer la mise en œuvre – je crois qu’elle est en cours – des normes de Bâle III sur les ratios de solvabilité des banques. Les banques doivent être encouragées à réinjecter leurs bénéfices dans leur capital au lieu de les distribuer très largement. On peut comprendre qu’elles en redistribuent un peu, mais elles doivent prioritairement renforcer leur capital, et peut-être aussi appeler leurs actionnaires à souscrire. Ensuite, et ensuite seulement, on pourra envisager un appel à la puissance publique.

À cet égard, nous défendons – c’est ce que vous avez esquissé – une démarche européenne coordonnée, en vue d’une politique similaire dans les différents pays. Au besoin, cela pourrait passer par le Fonds européen de soutien financier, même si les Allemands ne veulent pas en entendre parler pour l’instant. D’aucuns avancent les chiffres de 200 milliards d’euros ou 300 milliards d’euros ; je pense qu’il faudrait être plus précis.

Par ailleurs, sur la situation économique générale, je suis tout de même assez pessimiste. Il faut avoir bien conscience que nous sommes au bord de la récession. Notre croissance a été nulle au troisième trimestre et sera de 0,2 % au quatrième trimestre !

Et c’est pareil en Allemagne ! On érige souvent les Allemands en modèles. Il est vrai qu’ils ont beaucoup de vertus, malgré quelques menus défauts. (Sourires.) Mais leur situation économique n’est pas si glorieuse qu’on le dit.

M. Richard Yung. Et il n’y a pas lieu de s’en réjouir, car cela signifie que c’est l’ensemble du moteur économique européen qui est en panne !

Le fameux système allemand, fondé sur les exportations de l’Allemagne vers le reste de l’Union européenne, est en fait en train de se gripper. Inutile de dire que, avec cinq points de croissance en moins chaque année, les Grecs n’achèteront plus guère de produits allemands ! Pas besoin de sortir de Polytechnique pour comprendre ça !

Par conséquent, monsieur le ministre, je vous le redis, nous plaidons pour une politique de relance maîtrisée. Certes, et nous en sommes bien conscients, il faut agir sur les déficits, mais il faut aussi relancer la machine économique. D’autant que l’inflation rôde ! Heureusement, la Banque centrale européenne veille. Mais, pour cette année, la prévision d’inflation est de 2,3 %. En clair, avec un taux de croissance de 1,4 % ou de 1,5 %, nous sommes en réalité en croissance négative ! Il faut donc agir.

S’agissant de la Grèce, nous avons beaucoup tardé à prendre des mesures ; d’ailleurs, il faut reconnaître que ce n’est pas essentiellement la faute de la France. En vérité, nous faisons trop peu et trop tard, et c’est bien pourquoi la situation ne fait qu’empirer. Car il faut tout de même imaginer ce que vivent les Grecs ! On peut évidemment les critiquer, mais n’oublions pas la gravité de leur situation et ce qui en résulte sur leurs conditions de vie !

À mon sens, il faut demander aux banques de prendre leur part du fardeau. Le Conseil européen avait négocié un accord autour de 20 % pour la prise en charge de la dette grecque. Si vous me demandez mon avis, monsieur le ministre, je vous dirai qu’il faudrait sans doute porter ce chiffre à 50 %. (Sourires.)

En outre, il faut envisager que le Fonds européen puisse aussi servir pour la Grèce, même si cela implique sans doute quelques changements. Certains évoquaient tout à l’heure la possibilité de l’utiliser comme banque ; mais, comme ce n’est pas une banque, il faudra probablement modifier ses statuts. D’autres solutions existent, mais je n’entrerai pas dans les détails. Je dirai simplement qu’il est urgent d’agir ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste–EELV et sur quelques travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean Leonetti, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de souligner, et ce n’est pas une clause de style, que nous venons d’assister à un débat de grande qualité, riche et approfondi. Il est de bon augure pour l’action de la France que les parlementaires soient aussi intéressés par le débat européen et qu’ils s’expriment avec autant de compétence sur les dispositifs à mettre en place !

Je sais que nous allons avoir un débat interactif et spontané, et j’ai cru comprendre que nombre d’entre vous avaient l’intention d’y prendre part : ma réponse pourra donc être relativement brève. Néanmoins, je voudrais insister sur quelques points, même si certains ont déjà été soulignés.

D’abord, ce qui est en cause, ce n’est pas l’euro en tant que monnaie, non plus que l’Europe en tant que construction politique ; ce qui est en cause, c’est la crise de la dette souveraine d’un certain nombre de pays de la zone euro.

Depuis ma jeunesse – donc depuis un certain temps (Sourires.) –, j’entends parler de « pays émergents » ! Eh bien, je constate que ces pays ont désormais émergé et qu’ils se sont placés dans une situation de compétition vis-à-vis de nous sans que nous nous soyons dotés des instruments et des armes nécessaires pour y faire face.

Pour lutter contre un tel phénomène, nombre de démocraties – je serais tenté de dire « de vieilles démocraties » – ont cherché à alimenter la croissance par la dette, dans une démarche relavant de la fuite en avant. Aujourd'hui, cette dette n’est plus soutenable. À l’origine, la crise était essentiellement bancaire ; à présent, nous sommes face à la menace de faillite d’État.

En outre, et plusieurs d’entre vous l’ont relevé, le temps de la finance n’est pas celui de la politique. Le temps de la spéculation se mesure en secondes. Le temps de la politique, c’est le temps du débat public, le temps du choix du peuple souverain et le temps de la discussion parlementaire. En plus, comme le système démocratique est « morcelé » – il y a plusieurs États –, il est logique que la réponse démocratique tarde parfois à venir.

Par ailleurs, de toute évidence, le couple franco-allemand, qui n’est pas illégitime historiquement et est légitime économiquement puisqu’il représente 55 % du PIB de la zone euro, est à même d’apporter une réponse coordonnée à la situation actuelle. D’ailleurs, lorsque ce couple ne se réunit pas, on le lui reproche, et quand il le fait on lui demande pourquoi il n’a pas convoqué les vingt-cinq autres pays de l’Union européenne pour prendre leur avis !

Vos interventions l’ont souligné, nous nous trouvons à la croisée des chemins. Nous n’avons pas le droit de reculer : l’histoire ne « se rembobine » pas. Nous n’avons pas non plus le droit de rester immobiles. Nous sommes obligés d’avancer. Le tout est de savoir dans quelle direction, en franchissant quelles étapes et en nous fixant quels objectifs.

Mme Morin-Desailly a évoqué le déficit de la balance commerciale française et les problèmes de change. Le déficit commercial n’est pas une fatalité en soi : il dépend de notre compétitivité.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Exact !

M. Jean Leonetti, ministre. Nous nous rendons bien compte que la Chine, en vingt ans, a déséquilibré la balance commerciale de la zone euro de 2 500 milliards d’euros. Et comment accepter un système – c’est là l’autre erreur – qui prévoit la mise en place d’une monnaie unique sans prévoir le pilotage économique de celle-ci ?

M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. Eh oui !

M. Jean Leonetti, ministre. Nous pouvons toujours battre notre coulpe et regretter nos fautes, mais nous pouvons aussi chercher à corriger nos erreurs. Oui, l’Europe doit cesser d’être naïve et devenir plus réaliste. Oui, l’Europe à la monnaie unique doit se doter d’un outil qui pilote cette monnaie. Oui, l’équilibre est l’élément essentiel. Le juste milieu – je ne le dis pas en raison de mon positionnement politique (Sourires.)  – est nécessaire, car trop de rigueur engendre de la récession et trop de générosité ou de solidarité crée de la dette.

M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. Eh oui !

M. Jean Leonetti, ministre. En n’alliant pas la discipline à la solidarité, on manque l’objectif et on aboutit à la misère pour les peuples.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Exact : c’est la mise au placard !

M. Jean Leonetti, ministre. La solidarité sans la discipline conduit à la faillite des États.

Il est donc indispensable de garder à l’esprit un double objectif : à la fois un objectif de croissance – vous avez raison, madame, la croissance doit être obligatoire – et un objectif de rigueur. Comment organiser un « paquet » qui efface l’impression d’indécision politique et de retard permanent qu’un certain nombre d’entre vous ont justement dénoncée ? Comment éviter que l’action menée ne soit immédiatement détruite ou que la décision pourtant prise à l’unanimité ne devienne obsolète ? Effectivement, la Slovaquie ne s’est pas encore décidée et se prononcera aujourd’hui.

Permettez-moi d’être un brin optimiste : en l’espace de quelques semaines, nous sommes parvenus à parler de gouvernement économique européen. Nous sommes arrivés de façon presque consensuelle à évoquer la taxation des transactions financières. Nous avons pu, sans risquer le goulag, parler de fédéralisme économique. (Sourires.)

Bref, la construction européenne avance et un certain nombre d’idées ont acquis droit de cité, même si elles ne font pas toujours l’unanimité. S’il y a ici et là du populisme, il n’est pas nécessairement populaire, et s’il y a beaucoup d’euroscepticisme, chaque citoyen a bien compris que soit nous avançons vers une organisation économique européenne, soit nous serons détruits par les marchés.

Qui est le plus souverain aujourd’hui ? La France, avec un triple A, qui cherche à mettre en place un gouvernement économique européen, ou la Grèce, qui se trouve obligée de prendre des mesures sans passer par un débat démocratique ? La Grèce n’a pas le choix, comme je l’ai entendu dire, entre la démocratie ou l’Europe. Elle a le choix entre l’Europe et la misère ! Ne vous y trompez pas, si la Grèce sortait demain de la zone euro, sa monnaie serait dévaluée de 40 % et le niveau de vie des Grecs s’affaisserait jusqu’à les réduire à la misère.

Il y va de notre devoir de solidarité d’aider la Grèce, mais il y va aussi de notre intérêt : si nous n’aidons pas ce pays à rester dans la zone euro, si nous le laissons sur le bord du chemin, la crise pourrait, par effet de domino, gagner progressivement l’Espagne, le Portugal et peut-être même la France…

M. Jean Leonetti, ministre. … ou l’Allemagne, qui ne sont pas non plus à l’abri de ce genre de péril.

Un sénateur de l’UMP. Très bien !

M. Jean Leonetti, ministre. Après cette réponse globale, je vais avoir quelques difficultés à vous répondre individuellement. (Sourires.)

J’ai entendu parler du problème du « levier », mais je ne sais pas ce qu’est, en l’occurrence, un levier ! S’agit-il de la possibilité de créer, avec 440 milliards d’euros, un fonds supplémentaire grâce aux marchés annexes privés ou à un mécanisme particulier qui assimilerait le Fonds européen de stabilité financière à une institution bancaire ?

On nous reproche d’aller lentement et de céder à la complexité. Ne pouvons-nous pas essayer de trouver des solutions dans le cadre du traité de Lisbonne et de la décision qui a été prise le 21 juillet dernier, puis ratifiée par tous les parlements, même si ce fut parfois au prix de quelques difficultés ? Voyez les complications qu’il y a eu au Bundestag. Trouvez-vous logique de revenir sur ce qui vient d’être décidé si péniblement par l’ensemble des Vingt-sept au motif que le dispositif serait incomplet ?

Dans la période que nous traversons, nous devons faire preuve de beaucoup de sang-froid et nous montrer réactifs. Le sang-froid, cela consiste à dire : oui, nous voulons aller vers une intégration plus forte, oui, nous voulons trouver des mécanismes de solidarité qui ne soient pas mis en péril par une banque ni à plus forte raison par un État, même si les dirigeants de celui-ci ont commis des erreurs, car ce qui est en jeu, c’est l’épargne européenne et la stabilité monétaire européenne.

Rappelez-vous Lehman Brothers. Parce que cette banque a fauté, le gouvernement américain a estimé qu’il fallait la laisser couler, pour l’exemple. Puis la contamination a gagné le monde. Si vous avez aimé Lehman Brothers, vous allez adorer l’abandon de la Grèce ! Cet abandon sera celui de tous les pays de la zone euro, puis l’abandon de l’Europe, puis la livraison au marché spéculatif de tous les États démunis. C’est pourquoi nous devons faire preuve de rigueur et de solidarité.

J’approuve l’idée d’accélérer le mouvement : nous devons aller plus vite et plus loin. Il ne faut pas plus d’Europe, il faut une Europe qui fonctionne mieux. L’Europe s’est élargie lorsque sont tombés les totalitarismes marxistes et fascistes. Lorsque la Grèce, le Portugal et l’Espagne ont pris le chemin de la démocratie, nous avons pensé qu’il suffisait que ces pays entrent dans l’Europe pour qu’ils connaissent la croissance. Idem pour les pays de l’Est. Comment aurions-nous pu envisager de leur dire : « Vous avez subi le totalitarisme pendant des années ; maintenant vous allez attendre aux portes de l’Europe à la fois la démocratie et la croissance, car vous n’êtes pas prêts » ?

Aujourd’hui, nous devons assumer nos choix, car ils se résument au choix de la démocratie. Il convient néanmoins d’apporter quelques modifications pour que la zone euro soit un véritable pendant de la zone dollar, que l’euro soit un pendant du yuan et que l’Europe puisse avoir une politique économique spécifique. L’Europe n’a pas à donner aux autres un modèle à copier, mais elle n’a pas non plus à renier le modèle de solidarité et de liberté qu’elle a construit. Nous avons choisi un capitalisme d’entrepreneurs et non un capitalisme de spéculateurs.

Nous devons donc trouver les outils pour corriger nos erreurs : il y va non seulement de l’avenir de l’Europe, mais également des valeurs auxquelles nous sommes attachés. C’est la raison pour laquelle nous devons effectivement, monsieur Humbert, défendre la Grèce autant avec le cœur qu’avec la raison.

M. Baylet a évoqué les eurobonds. Lorsque la situation sera stabilisée, il sera légitime de faire converger l’ensemble des économies et des fiscalités. Si nos économies et nos fiscalités convergent, si nous nous dotons d’un pacte de stabilité et d’un outil comme le Fonds européen de stabilité financière, et si nous instaurons un pilotage, alors oui, à ce moment-là, nous pourrons sans crainte envisager les eurobonds puisqu’ils ne pourront pas susceptibles d’entraîner la dégradation de la note des pays les plus forts. Aujourd’hui, de toute évidence, proposer de mutualiser une dette qui n’est pas stabilisée, c’est mettre la charrue devant les bœufs. Cependant, dès que la dette sera stabilisée, on pourra passer à l’étape suivante.

Monsieur Masson, vous avez tenu à préciser que vous n’étiez pas anti-européen. Ça tombe bien, moi non plus ! Mais le choix ne peut pas être entre le populisme, de droite ou de gauche, et ceux selon qui il faudrait toujours aller vers plus d’Europe. En réalité, nous avons besoin d’outils européens plus performants et qui aient du sens. L’Europe doit se construire sur la stabilité économique parce que c’est elle qui garantit la pérennité de nos valeurs.

M. Yung a évoqué le fédéralisme. Je serai probablement déporté avec lui ! (Sourires.) Cela étant, nous serons en bonne compagnie puisque Jacques Chirac a également, un jour, me semble-t-il, évoqué cette idée, tout comme l’actuel Président de la République, Nicolas Sarkozy. Nous pourrons donc discuter ensemble, dans des terres lointaines et isolées, du fédéralisme économique… (Nouveaux sourires.)

Quoi qu’il en soit, la situation actuelle peut être l’occasion de réfléchir à des outils.

S’agissant de la taxation sur les transactions financières, ne me demandez pas de me prononcer sur un taux, car je ne veux pas qu’on dise un peu partout que le ministre chargé des affaires européennes a affirmé que le taux serait de tant. Vous ne me ferez pas non plus me prononcer sur l’assiette de cette taxe. Je dirai seulement que nous ne sommes pas restreints. En dehors des règles européennes qui empêchent le passage des liquidités, aucune restriction ne vient limiter l’assiette de la taxation sur les transactions financières.

Cela dit, si la France seule décidait d’instaurer une telle taxe, non seulement elle se trouverait isolée, par définition, mais cela entamerait l’idée que nous nous faisons de l’Europe. Je ne doute pas que la France, l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et un certain nombre de pays soient capables de s’entendre en fixant un taux suffisamment bas pour éviter les déplacements de nos marchés financiers.

Je veux dire un mot de la réforme institutionnelle. Comment mettre en place le fédéralisme économique ? En organisant deux fois par an des rencontres entre chefs d’État et de gouvernement, mais c’est insuffisant. En donnant plus de pouvoir à Écofin ; c’est déjà mieux. En instaurant un pilotage du Fonds européen de stabilité financière qui, en coordination avec la BCE, soit capable d’intervenir plus rapidement et indépendamment des décisions de chaque État ; ce serait une étape supplémentaire. À terme, bien sûr, il faudrait que cette organisation puisse agir de façon autonome à partir de directives politiques tracées de manière consensuelle par l’ensemble des chefs d’État et de gouvernement de la zone euro.

Tels sont les éléments de réponse, bien modestes, que je peux apporter aux questions que vous m’avez posées.

Vous m’avez dit, madame, que je n’avais pas réponse à tout. En effet, et j’oserai dire que c’est heureux ! Mais j’ai l’intime conviction que l’Europe est en train de franchir une étape décisive.

On peut imaginer le chaos : une destruction générale, nos économies à terre et, de propagation en contamination, la chute dans la récession.

On peut aussi imaginer que de ces difficultés naîtra quelque chose de nouveau, une autre Europe, une Europe avec des frontières, une Europe qui arrête de s’étendre et qui s’approfondit, une Europe qui retrouve ses valeurs et son sens, une Europe qui décide de ce qu’est son économie : non pas seulement des marchés financiers, mais aussi un socle de solidarité et une croissance au service de l’emploi.

Je suis persuadé que la plupart d’entre vous, sur l’ensemble des travées, partagez ma conviction.

Le Conseil européen va se réunir le 23 octobre : je ne doute pas qu’il ait l’ardente obligation de décider. C’est cette obligation de décider qui a toujours fait avancer l’Europe.

On dit souvent que l’Europe avance étape par étape, presque de crise en crise. Avec la crise que nous avons subie et que nous subissons encore, nous pouvons franchir une grande étape. Et nous pouvons peut-être la franchir ensemble. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUCR.)

(M. Jean-Léonce Dupont remplace M. Jean-Pierre Bel au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-LÉonce Dupont

vice-président

Débat interactif et spontané

M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif et spontané, dont la durée a été fixée à une heure par la conférence des présidents.

Chaque sénateur peut intervenir pour deux minutes au maximum. S’ils sont sollicités, le Gouvernement ou la commission des affaires européennes pourront répondre.

La parole est à M. Yannick Vaugrenard.

M. Yannick Vaugrenard. Monsieur le président, mes chers collègues, j’ai écouté les propos de M. le ministre avec beaucoup d’attention. Je ne vois pas comment nous pourrions être en désaccord avec un certain nombre d’entre eux.

C’est notamment le cas lorsque vous dites, monsieur le ministre, que l’Europe et le monde sont à un tournant de leur histoire, qu’il est nécessaire d’avoir une discipline budgétaire et qu’une solidarité est tout autant indispensable. C’est aussi le cas lorsque vous parlez d’une croissance forte.

Là où le bât blesse, c’est lorsqu’il m’apparaît que votre discours européen, dont on peut comprendre certains aspects, est en décalage total avec la politique aujourd’hui menée dans notre pays. Dès lors, la crédibilité de la parole française me semble mise en cause.

M. Roland Courteau. C’est certain !

M. Yannick Vaugrenard. Je veux en prendre quelques exemples.

Lorsque vous choisissez de taxer seulement les revenus supérieurs à 500 000 euros à hauteur de 3 % – vous avouerez que ce n’est pas grand-chose –, vous demandez peu à ceux qui ont beaucoup et beaucoup à ceux qui ont peu !

Comparons avec d’autres pays : au Royaume-Uni, les hauts revenus sont taxés de manière spécifique à partir de 175 000 euros ; en Allemagne, Angela Merkel a instauré une tranche supplémentaire d’impôt sur le revenu au taux de 45 %, au lieu de 42 %. Il est clair que, dans ces pays, s’instaure une solidarité humaine indispensable : on ne peut pas demander une solidarité entre les pays européens sans demander une solidarité à l’intérieur de chaque pays, y compris le nôtre, entre ceux qui ont beaucoup et ceux qui ont très peu.

Vous avez aussi parlé de croissance forte. Comment est-ce possible lorsqu’on vient d’imposer aux mutuelles, et donc à leurs adhérents, une taxation supplémentaire qui rapportera un milliard d’euros à l’État et dont il résultera une diminution de la consommation intérieure, donc de la croissance ? Là encore, il y a un décalage entre ce qui est dit au niveau européen et la réalité de la politique pratiquée dans notre pays.

M. Roland Courteau. Exactement !

M. Yannick Vaugrenard. C’est la raison pour laquelle, si nous ne changeons pas de politique en France, si nous n’instaurons pas une plus grande solidarité humaine et territoriale, les propos que nous tiendrons au niveau européen n’auront pas de crédibilité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste–EELV et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean Leonetti, ministre. J’ai bien compris, monsieur Vaugrenard, la tactique à laquelle obéit votre question : pour me faire répondre sur le plan européen, vous m’attirez, si j’ose dire, sur le « marché intérieur ». (Sourires.)

Pour essayer de vous répondre, je veux d’abord vous dire qu’il est très difficile de faire des comparaisons entre pays européens, qu’ils appartiennent ou non à la zone euro. Par exemple, il est difficile de comparer les systèmes de retraite respectifs de l’Allemagne et de la France. De même, il est difficile de comparer les taux de la taxe sur la valeur ajoutée en Grande-Bretagne et en France. On peut aussi rappeler qu’il existe chez nous un impôt de solidarité quand d’autres pays ont fait le choix de ne pas en instaurer un.

Autrement dit, une comparaison entre les pays européens nécessite une étude beaucoup plus approfondie que celle sur laquelle votre propos repose.

Ainsi, s’agissant des mutuelles, à lire le rapport qui leur a été consacré, on se rend compte que beaucoup d’entre elles – pas toutes, mais beaucoup – ont des marges de manœuvre très importantes, et que la solidarité pourrait aussi consister pour elles, plutôt qu’à accumuler du capital, à pratiquer une redistribution.

Quant à savoir qui sont les riches, je ne me risquerai pas à proposer ici un seuil. Un jour, un candidat potentiel avait dit qu’on était riche à partir de 4 000 euros par mois : une polémique inextinguible s’était ensuivie…

Soyons donc prudents lorsque nous voulons comparer des pays du point de vue de leur système social et de solidarité. La France consacre à la solidarité trois points de PIB de plus que tous les pays de la zone euro. Au sein de l’Union, elle se situe même devant la Suède ! Son système de solidarité interne n’a donc rien à envier à celui de ses partenaires.

Par conséquent, comparons ce qui est comparable et, si vous le voulez bien, revenons au débat européen sur la solidarité et la rigueur.

Lorsque, en France, nous créons de la croissance grâce à des dépenses d’avenir combinées à une rigueur budgétaire, nous obtenons le fameux triple A et nous ouvrons des perspectives pour la recherche et l’emploi. Lorsque nous tenons effectivement l’objectif fixé d’un déficit à 5,7 % du PIB, et que, dans ce but, pour trouver un milliard d’euros supplémentaires, nous faisons supporter l’effort à 87 % par les entreprises et les personnes les plus favorisées, c’est aussi une forme de solidarité que nous mettons en œuvre.

Ne m’entraînez donc pas dans un débat qui m’obligerait à vous répondre de manière très incomplète et avec beaucoup moins de compétence que François Baroin !

M. Jean-Jacques Mirassou. Sauf pour les mutuelles !

M. Jean Leonetti, ministre. Sur l’ensemble des sujets européens, gardons à l’esprit l’exigence d’équilibre entre la rigueur budgétaire et la solidarité, la croissance et la stabilité.

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.

M. Jean Bizet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de poser trois questions, je veux revenir brièvement sur le programme d’aide aux plus démunis.

Nous nous étions permis, au sein de la commission des affaires européennes, d’interpeller le président Barroso en juin dernier. Il ne nous a toujours pas répondu ; ce n’est pas convenable puisque le traité de Lisbonne lui donne trois mois pour nous répondre : il serait donc temps qu’il le fasse !

Je connais votre engagement, monsieur le ministre, ainsi que celui du ministre de l’agriculture. J’aimerais savoir où vous en êtes concernant le programme européen d’aide aux plus démunis et si vous avez convaincu les six États membres qui constituaient la minorité de blocage.

Ma deuxième question a trait à la protection des épargnants et à l’encadrement des activités dites « à risque ». Je me réjouis que la réglementation européenne ait enregistré des avancées en ce qui concerne le secteur bancaire. Au-delà de l’indispensable stabilisation financière, il s’agit aussi de faire bénéficier les épargnants d’une forme de protection face aux activités considérées comme risquées, notamment les activités de trading. Où donc en êtes-vous, monsieur le ministre, au sujet de la séparation nette – qui a été réalisée dans certains pays anglo-saxons – entre les activités de trading pour compte propre et les autres activités ?

Ma dernière question porte sur le principe de réciprocité ; elle me permet de prolonger les propos de notre collègue Daniel Raoul, que je remercie et félicite d’avoir cité certains extraits du rapport de la commission des affaires économiques sur l’OMC.

Je rappelle que la commission des affaires européennes avait, à plusieurs reprises, préparé un rapport sur la préférence communautaire, en considérant que, depuis le traité de Rome de 1957, celle-ci n’était plus qu’un principe incantatoire, pour ainsi dire supplanté par les règles de l’OMC applicables au commerce international.

Je me réjouis que nous puissions enfin mettre tout cela en musique. Nous avons seulement à assembler les éléments du puzzle : clauses de sauvegarde, accord de l’OMC sur les normes phytosanitaires, dit SPS, passerelles avec l’Organisation internationale du travail.

Je pense que cette réponse est la bonne. Je la crois bien plus pertinente que les théories sur la « démondialisation » : à mon avis, ceux qui prônent la démondialisation méconnaissent profondément le sujet – ce qui est pardonnable –, ou bien cèdent à des tentations de populisme – ce qui est plutôt méprisable.

Je voudrais donc savoir où en sont vos négociations avec M. Pascal Lamy, directeur général de l’OMC. Pour ma part, je dis très clairement que je ne suis pas du tout favorable à une conclusion du cycle de Doha : 2001, c’était il y a très longtemps et nous sommes allés beaucoup trop loin – je rejoins sur ce point Daniel Raoul – dans les concessions faites en matière agricole.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean Leonetti, ministre. M. Bizet me pardonnera, mais l’ayant souvent rencontré dans sa fonction de président de la commission des affaires européennes, en quelque sorte au-dessus de la mêlée, je m’étonne de le retrouver aujourd'hui presque perdu dans l’hémicycle ! (Sourires. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

M. Jean Bizet. Je reste à droite ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean Leonetti, ministre. À propos du programme européen d’aide aux plus démunis, ou PEAD, vous savez que la campagne hivernale de 2011 est assurée.

Vous savez aussi que ce sont les surplus de la PAC qui servaient à l’alimentation du fonds destiné aux plus démunis. Lorsque ces surplus ont cessé d’exister, une décision de justice nous a interdit de continuer à en acheter – ce que faisait l’Europe.

Il se trouve que, plus qu’un problème financier et économique, il s’agit pour l’Europe d’un problème d’image. Même si ce n’est pas tout à fait vrai, le grand public dira : « Comment, on peut donner des milliards à des banques et on ne peut pas donner quelques millions aux plus pauvres d’entre nous ? »

M. Jean Bizet. Très juste !

M. Jean Leonetti, ministre. Cette situation est intolérable.

Le Président de la République et le Premier ministre ont confié à Bruno Le Maire et à moi-même la mission de trouver des solutions.

Je reviens du Luxembourg, où j’ai revu ce matin mes homologues tchèque, allemand et danois. Comme vous le savez, les Danois ont changé de majorité : peut-être nous trouverons-nous, de ce fait, dans une situation plus favorable.

Vous savez aussi que le dernier Conseil des ministres de l’agriculture a essayé de trouver une solution en créant deux lignes budgétaires distinctes : l’une consacrée à la solidarité, l’autre à l’agriculture. Mais devant l’échec probable de cette tentative, Bruno Le Maire a préféré reporter l’examen de cette question au 20 octobre.

Sachez, monsieur le sénateur, que nous sommes déterminés à trouver une solution. Nous ne laisserons pas les plus démunis d’entre nous sans aide européenne. C’est encore un sujet que j’ai évoqué ce matin devant le président Van Rompuy. Je suis sûr que nous arriverons finalement à trouver d’abord une solution permettant d’assurer la continuité pour les deux prochaines années, puis à définir des mécanismes différents.

S’agissant de la séparation entre banques d’affaires et banques commerciales, je veux vous dire que, lorsque Lehman Brothers tombe, Northern Rock tombe en même temps. Or Northern Rock est uniquement une banque de prêt. Être uniquement une banque d’affaires ou uniquement une banque de crédit n’offre donc pas la garantie d’une situation plus stable.

Cela dit, le débat existe et nous pouvons y réfléchir. Mais ne croyons pas que la mise en place d’une telle séparation nous mettrait nécessairement à l’abri.

En ce qui concerne la réciprocité, j’ai déjà dit qu’il fallait un commerce loyal. Je rappelle qu’il existe une façon de rendre le commerce loyal : imposer une taxe carbone aux frontières. Car il n’est pas normal de contraindre l’ensemble de l’industrie européenne à une démarche vertueuse tout en important des produits dont la fabrication n’a pas supposé le respect des mêmes règles.

Enfin, pour ce qui est de la démondialisation, je vous avoue franchement que je ne saurais pas très bien comment faire pour y parvenir… Mais j'ai cru comprendre que cette question permettrait au moins d’arbitrer entre deux candidats socialistes ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Mirassou. Rien n’est moins sûr !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas le lieu d’en parler !

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. J'ignorais que notre collègue aborderait le sujet sur lequel j’ai prévu de m'exprimer, mais, compte tenu de la gravité de la situation et du nombre de personnes concernées, et ce à quelques semaines de l'hiver, il me semble utile de vous interroger de manière plus précise, monsieur le ministre.

Nous sommes maintenant à quelques jours du 20 octobre, date à laquelle le ministre de l’agriculture rencontrera ses homologues européens.

Le contexte européen, évoqué longuement cet après-midi, est bien sûr marqué par une crise économique et financière très sévère qui plonge des millions d’Européens dans les affres de la pauvreté. Cette situation pourrait encore s’aggraver à la suite de la décision de six pays de l’Union européenne de réduire de plus de 70 % l’aide alimentaire européenne distribuée aux plus démunis.

En ce qui concerne notre pays, le Secours populaire français estime que 4,8 millions de repas risquent de ne pas être distribués à partir de 2012 si le PEAD fait défaut : sur les 700 tonnes de denrées récupérées chaque mois, 21 % proviennent du PEAD.

Cette décision inacceptable, si elle s’appliquait, reviendrait en quelque sorte à imposer une double peine à nos concitoyens, qui subissent déjà les effets de la crise, que la « concurrence libre et non faussée » gravée au cœur des traités européens ne fait qu’amplifier.

Monsieur le ministre, quelles mesures concrètes et précises comptez-vous prendre pour que, à quelques semaines de l’hiver, les plus démunis de nos concitoyens puissent continuer de bénéficier de l’aide alimentaire de l’Union européenne ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean Leonetti, ministre. Monsieur le sénateur, je vais m’efforcer de vous apporter des éléments d’information supplémentaires.

Le PEAD représente 400 000 tonnes de denrées alimentaires, qui sont distribuées à 18 millions de personnes, ce qui n'est pas rien ! Le montant de l’enveloppe financière consacrée à ce programme fondé sur l’utilisation des surplus de la PAC est passé de 500 millions d’euros environ à 113 millions d'euros, ce qui correspond à un déficit majeur de près de 400 millions d’euros.

Pour la France, ce changement se révélera relativement neutre dans la mesure où notre pays récupère ce qu'il donne, à savoir entre 60 et 70 millions d’euros. La solution la plus simple – et la plus simpliste ! – consisterait à « nationaliser » l’aide aux plus démunis.

Cela étant, les arguments avancés par nos voisins allemands, qui ont formé le recours devant le tribunal, ne sont pas totalement infondés sur le plan juridique. Dans ce pays, l'aide aux plus démunis relève de la responsabilité des Länder et non de l’État fédéral. De fait, l’importance de cette redistribution est très différente selon les Länder.

Néanmoins, nous avons me semble-t-il réussi à convaincre l'ensemble de nos partenaires européens de la possibilité de trouver une solution équilibrée consistant en une ligne budgétaire relativement réduite au titre de la PAC et une autre au titre de la solidarité.

Ce matin, lors de la réunion qui s’est tenue à Luxembourg, nous avons évoqué la possibilité d’inclure le PEAD dans les fonds de cohésion. Si cette voie devait être suivie, il resterait alors à lever les obstacles juridiques et à surmonter l’opposition d'un certain nombre d'États qui disposent d’une minorité de blocage. Dans cette perspective, nous espérons pouvoir infléchir la position de nos amis tchèques ou danois. Mais, à l’issue de cette réunion, je dois avouer que je fonde de plus grands espoirs sur nos amis danois.

M. le président. La parole est à M. Marcel Deneux.

M. Marcel Deneux. Monsieur le ministre, vous avez évoqué tout à l'heure la volatilité des prix agricoles. Voilà trois mois et demi, j'étais le rapporteur d'une proposition de résolution sur cette question, qui a été adoptée à l'unanimité et que je vous invite à relire. Mais tel n’est pas l’objet de mon intervention, car je souhaite aborder avec vous la position de l’Europe face au changement climatique.

La prochaine conférence internationale sur les changements climatiques se tiendra à Durban à la fin du mois de novembre. Cette conférence s'inscrit dans la continuité de celle qui a eu lieu à Copenhague en 2009, qui avait consacré une rupture dans la logique de construction des négociations internationales sur le changement climatique, et de celle de Cancún, qui s’est tenue l’an dernier et qui n'avait pas pris position sur le prolongement du mécanisme de Kyoto.

La France, sous l'impulsion de l'Union européenne, a mené une politique particulièrement ambitieuse en la matière. De fait, en 2008, dans notre pays, le niveau des gaz à effet de serre était inférieur de 6,4 % à ce qu’il était en 1990.

Dans ces conditions, il faut que les grandes économies mondiales se mobilisent plus fortement à Durban. Le protocole de Kyoto est le seul outil juridique contraignant. Or les nouvelles puissances économiques que l'on appelle les BRIC – Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud – ont aussi estimé que le prolongement du protocole de Kyoto au-delà de 2012 serait la priorité numéro un de la conférence de Durban. Est-ce aussi votre opinion, monsieur le ministre ?

Le conseil européen des ministres de l'environnement a proposé une position commune sur le prolongement du protocole, mais il semble bien qu'il existe des divergences au sein de l'Union européenne. Ainsi, l’Italie, la Hongrie et les États membres de l'Europe centrale et orientale ont adopté des positions différentes s'agissant notamment du traitement du surplus des unités de quantité attribuées. Pourtant, quand bien même nous respecterions les objectifs fixés à Cancún, nous en resterions à 60 % des efforts nécessaires à accomplir pour que la température du globe n’augmente pas à terme de plus de deux degrés.

Monsieur le ministre, je souhaite vous poser deux questions.

Premièrement, si les engagements actuels sont insuffisants au regard du but à atteindre, est-il possible que l'Europe défende un objectif plus ambitieux de diminution des gaz à effet de serre que celui qui a été fixé à Kyoto ?

Deuxièmement, à l'heure où de nouvelles puissances pointent du doigt certaines mesures de l'Union européenne, telle la proposition que nous avons faite d’introduire l’aviation dans le système des quotas, celle-ci, traversant une crise économique majeure, est-elle aujourd’hui en mesure d'imposer sa politique unilatérale de lutte contre le réchauffement climatique à la Chine et aux États-Unis d'Amérique ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean Leonetti, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez raison d’affirmer que nous nous trouvons actuellement dans une situation difficile.

Premièrement, le protocole de Kyoto arrive à échéance, alors même qu’il ne portait que sur 16 % des émissions de gaz à effet de serre, l’Union européenne ne représentant, quant à elle, que 11 % de l'ensemble des efforts qui ont été accomplis. Dans ce contexte, essayons d'abord d'intégrer ce qui a été prévu à Cancún en faisant en sorte que soient concrétisées à Durban les ébauches de décision qui ont été prises quant au Fonds vert et au contrôle des émissions de gaz à effet de serre.

Deuxièmement, au moment où le protocole de Kyoto arrivera à échéance en 2012, il faudra éviter tout hiatus en veillant à ce que de nouvelles décisions contraignantes, admises par tous, soient adoptées.

Troisièmement – et vous avez eu raison, monsieur le sénateur, d’évoquer ce point –, si les surplus des unités de quantité attribuées étaient entièrement reportés, l'intégrité de la seconde période s’en trouverait bien évidemment menacée.

La France a pour ambition de parvenir à la conclusion d’un Kyoto II, c'est-à-dire de ménager une période de transition avant l'élaboration d'un système contraignant et universel, et ce sans transiger avec les décisions qui ont été prises à Kyoto.

Vous le savez, de nombreux pays, parmi lesquels l’Inde, le Canada, le Japon, la Russie et les États-Unis, n’ont malheureusement pas fait leurs ces principes. Nous devons donc encore fournir beaucoup d'efforts, mais nous restons intimement persuadés qu’il est vital pour notre planète que la température globale n’augmente pas de plus de deux degrés.

M. le président. La parole est à M. Alain Chatillon.

M. Alain Chatillon. Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur les petites et moyennes entreprises.

Il est question cet après-midi de l'Europe, mais je considère, pour ma part, que, nous, les Français, nous devons être beaucoup plus solidaires à l’égard de nos 2,9 millions de PME, qui sont les véritables créateurs d'emplois dans ce pays.

Si l’on établit une comparaison entre notre pays et l’Allemagne, on s'aperçoit que, chez nos voisins, les entreprises de taille intermédiaire, les ETI, et les PME sont quatre fois plus importantes qu’elles ne le sont en France et que leur capacité d'autofinancement est, en moyenne, de deux à trois fois supérieure. Nous devons nous interroger sur cette disproportion.

Sur le plan des rémunérations, les salaires moyens horaires sont à peu près identiques, de l’ordre de 33 euros. En revanche, s’agissant des charges sociales, le différentiel est important, puisque celles-ci sont de 29 % en Allemagne, contre 43 % en France. Il y a là un vrai problème d'équité, qui pose la question de l’harmonisation de la fiscalité au niveau européen.

Par ailleurs, je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, sur la question de l’information relative à la réglementation communautaire.

En la matière, toutes les propositions émanent de nos collègues allemands et italiens. Les hauts fonctionnaires qui sont chargés de nous défendre et de nous représenter à Bruxelles n’ont aucune volonté d'évoquer ces sujets avec les syndicats professionnels de branche. C'est une erreur manifeste. Les Allemands et les Italiens ont, quant à eux – nous le constatons – un contact presque permanent avec leurs représentants.

Je prendrai un exemple concret, que vous connaissez bien, monsieur le ministre, puisque vous avez fermement défendu ce dossier, ce dont je vous remercie : une réglementation applicable aux entreprises a été récemment adoptée. Les Français en ont été informés voilà seulement un mois, cependant que les Allemands l’avaient été depuis dix-huit mois. Il faut vraiment que cette disparité de traitement disparaisse. C’est la raison pour laquelle il faut demander à ceux qui sont chargés de représenter la France à Bruxelles d'être plus au fait de ces questions et, surtout, d’évoquer ces dernières avec les syndicats de branche.

Alors que j’étais moi-même président d'un syndicat de branche agroalimentaire, je me rappelle avoir eu toutes les peines du monde, dans le cadre de l’IDACE, l’organisation communautaire, à rencontrer nos homologues. Aussi, je souhaite que nos entreprises puissent bénéficier d’un véritable suivi.

Enfin, j’aborderai la question de l'accompagnement au niveau international.

On parle d'exportation, mais j’incline à penser qu’il vaut mieux parler d'internationalisation des activités. Du reste, les Allemands nous en apportent la preuve. Au sein de nos ambassades, nous devons pouvoir trouver des jeunes sachant véritablement insuffler une volonté de compétitivité et d’intégration aux entreprises qu'ils sont censés devoir défendre.

M. le président. Je vous demande de bien vouloir conclure, mon cher collègue.

M. Alain Chatillon. Nous devons faire un effort important pour accompagner des jeunes en contrat d'alternance tout en leur permettant d’intégrer le tissu actif, en défendant l'image de nos entreprises internationales.

M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes pour s'exprimer.

La parole est à M. le ministre.

M. Jean Leonetti, ministre. J'ai rencontré récemment Yvon Jacob, ambassadeur de l’industrie française, avec lequel j'ai eu des échanges sur les sujets que vous avez abordés, monsieur le sénateur.

Assurant deux tiers des emplois et 60 % du chiffre d'affaires total de l'Union européenne, les PME sont effectivement la force économique de l'Europe. C'est dire si nous devons être très attentifs à leur environnement économique et administratif, et analyser, comme vous nous y engagez, monsieur le sénateur, les différences existant entre les capacités exportatrices de notre industrie et celles de nos voisins allemands, différences qui ne sont pas sans incidence sur l'équilibre de notre balance commerciale.

Vous le savez, le Small Business Act, qui a été adopté en 2008 sous la présidence française de l'Union européenne, a permis de mettre en place des mécanismes tendant à faciliter l'accès aux financements et aux marchés et à avoir une meilleure connaissance de l’environnement réglementaire.

Dans le cadre de l’Acte pour le marché unique, sur lequel travaille Michel Barnier, nous devons mettre en place un certain nombre de protections et adopter des mesures d'incitation.

D'abord, il convient de réduire les contraintes administratives. Vous avez été chef d'entreprise dans le secteur de l’agroalimentaire, monsieur le sénateur, et vous avez pu mesurer à quel point l'Europe peut parfois être pointilleuse, voire tatillonne, en édictant des réglementations n’ayant rien à voir avec la défense du consommateur.

Ensuite, il est nécessaire de réviser les directives relatives aux marchés publics, afin que les PME aient un meilleur accès à ces contrats.

Enfin, vous le savez, il est très important d’assouplir les règles communautaires applicables aux PME. C’est pourquoi nous essayons d'infléchir les directives dans le domaine du marché intérieur, pour permettre notamment aux PME d’accéder plus facilement aux fonds européens, pour protéger leurs intérêts commerciaux de la concurrence déloyale que nous avons évoquée tout à l'heure et pour leur garantir plus de souplesse dans l’accès aux petits marchés publics.

Comme vous l’avez indiqué à juste raison, nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir pour faciliter la vie de nos petites et moyennes entreprises et les inciter à devenir exportatrices, en dépit de volumes de production souvent insuffisants.

Par ailleurs, nous devons aussi consentir un effort en matière d’information. Lors de l’élaboration des directives, l’ensemble des acteurs économiques devraient être sollicités en amont, et non pas quinze jours avant que celles-ci ne soient définies, c’est-à-dire lorsque le lobbying auprès des responsables politiques que nous sommes devient quelque peu inefficace.

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. L’objet de ma question a déjà été abordé, mais, compte tenu de son importance, permettez-moi d’y revenir.

Le programme européen d’aide aux plus démunis permettait jusqu’à cette année d’apporter une aide alimentaire à 13 millions de citoyens des États membres. En France, cette aide se répartit principalement entre quatre grandes associations chargées de l’aide alimentaire : les Restos du Cœur, la Banque alimentaire, le Secours populaire et la Croix-Rouge.

Pour chaque association, on ne le dira jamais assez, ce programme représente un apport crucial en ce qu’il constitue jusqu’à 35 % des denrées alimentaires distribuées. Les aides de ce programme sont donc essentielles à l’action des associations françaises.

Plus largement, et en tant que composante incontournable de l’aide alimentaire en France, le PEAD est aussi l’un des premiers supports de nature à promouvoir l’insertion des publics en situation de précarité.

Sans revenir sur l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, qui a déjà été évoqué, qu’il me soit simplement permis de rappeler que les associations demandent instamment au Gouvernement de soutenir et de faire aboutir rapidement une réforme du PEAD, en prévoyant la création d’un dispositif renouvelé et pérenne, qui inscrirait durablement l’objectif de sécurité alimentaire des populations européennes.

Monsieur le ministre, je sais que vous avez déjà répondu aux interrogations de plusieurs de mes collègues sur ce sujet, mais je tiens à mon tour à vous demander d’être particulièrement vigilant sur la suite à donner à cette question.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean Leonetti, ministre. Monsieur le sénateur, je ne peux que vous répondre que je suis en mission avec Bruno Le Maire pour faire aboutir ce dossier. Le Président de la République s’est également impliqué au plus haut niveau auprès des autorités allemandes.

J’ai déjà eu l’occasion d’expliquer les difficultés que pose la comparaison entre l’aide aux plus démunis en Allemagne et en France. Je vous rappelle que le tribunal de première instance de l’Union européenne a condamné, en avril dernier, le fait que la distribution des denrées dans le cadre du PEAD se fasse à partir de stocks achetés et non pas des surplus de la PAC. De ce fait, le budget de ce programme chutera en 2012 de 500 millions d’euros à 113 millions d'euros.

La campagne de 2011 est, je le répète, totalement assurée. Les négociations et les efforts que nous avons entrepris avec Bruno Le Maire pour lever les minorités de blocage portent sur la campagne de 2012.

Je le rappelle, lors du dernier conseil des ministres européens de l’emploi et des affaires sociales, la Commission européenne a proposé une révision du règlement du PEAD, ce qui est probablement, à mes yeux, la solution.

Ce règlement s’appuierait désormais sur une double base juridique : la première est celle de la PAC – article 43, paragraphe 2 – et la seconde est le renforcement de la cohésion sociale de l’Union européenne – article 175, paragraphe 3.

En naviguant entre ces deux pendants, nous devrions pouvoir trouver le passage juridique qui nous permettrait de ne pas acheter de stocks supplémentaires, mais d’utiliser le peu de surplus de la PAC et de le compléter en recourant à la cohésion sociale et à la solidarité. Je ne doute pas que nous arrivions à trouver une solution avec nos partenaires.

De toute façon, je n’imagine pas que nous soyons obligés de dire à la Croix-Rouge, au Secours populaire et aux autres associations que nous n’avons pas les moyens d’assumer la campagne de 2012.

M. Jean Leonetti, ministre. Pour 2011, c’est fait ! Nous travaillons pour 2012.

M. Roland Courteau. Le Gouvernement peut prendre la relève !

M. Jean Leonetti, ministre. Je suis trop européen pour ne pas considérer comme une extrémité le fait que cette aide soit renationalisée.

M. Jean-Jacques Mirassou. Ce serait en effet une extrémité !

M. Roland Courteau. Ce serait exceptionnel !

M. Jean Leonetti, ministre. Je n’imagine pas davantage que le Président de la République et le Premier ministre prennent une autre décision que celle que vous évoquez si M. Bruno Le Maire et moi-même devions échouer.

M. Roland Courteau. C’est entendu, monsieur le ministre !

M. le président. La parole est à M. Alain Richard.

M. Alain Richard. Monsieur le ministre, pour vous permettre d’affiner votre réponse sur le sujet que nous venons d’aborder, il me semble souhaitable, pour la qualité et la véracité de notre débat, que vous nous apportiez des précisions sur deux autres sujets. Le premier porte sur la taxe sur les transactions financières.

L’attitude qui consiste à en rester à des généralités, certes vertueuses, mais quelque peu brumeuses, alors que huit jours nous séparent du Conseil européen, me paraît pour le moins perfectible.

Tout à l’heure, à titre d’illustration, vous avez évoqué le taux de 0,005 %. Compte tenu du changement intervenu au Danemark sur l’autre dossier, la famille politique à laquelle j’appartiens pourrait vous aider à soutenir le taux qu’elle préconise, à savoir 0,05 %. Ce qui est en jeu, vous le savez fort bien, c’est le caractère dissuasif ou non de cette taxe sur les mouvements spéculatifs.

La faisabilité et l’impact économique de ce projet ont été vérifiés de longue date et un rapport conclusif a été présenté au Conseil européen voilà maintenant quinze mois.

Il serait me semble-t-il judicieux que le Gouvernement indique la démarche qu’il entend suivre pour parvenir à un résultat et nous apporte des réponses précises aux questions suivantes, qu’il ne peut ignorer : quel groupe de pays constitue-t-il la cible ? Quels pays sont encore réticents devant ce projet ? Quelle sera l’assiette retenue ?

L’utilisation du produit de cette taxe, qui est un vrai choix politique et sur laquelle le Gouvernement a nécessairement une position, devrait également être abordée. Les ressources dégagées seraient d’ailleurs plus significatives si l’on adoptait notre proposition. Dans la situation de faible croissance que nous connaissons aujourd'hui, vouloir faire du produit de cette taxe une ressource de substitution par rapport aux recettes actuelles de l’Union européenne, au lieu de l’utiliser pour soutenir la croissance européenne, notamment la croissance verte, est un choix politique que l’on ne peut que qualifier d’insuffisant.

Le temps de parole qui me reste m’interdit d’aborder l’autre question que je souhaitais vous poser sur les titres de dette. Je dirai simplement que le refus commun des eurobonds, voilà quelques semaines, par Mme Merkel et par le Président de la République est une position d’étape fortement inspirée, si j’ose me permettre cette évocation, par des considérations bilatérales de politique intérieure. Il faudra donc, à mon avis, revoir cette question.

Enfin, vous avez parlé de « fédéralisme », mais de façon un peu audacieuse, me semble-t-il, puisque vous vous êtes référé en fait à un mécanisme « unanimitaire ». Avant d’arriver au fédéralisme, il faut s’efforcer de fédérer. Lorsque l’on veut construire un accord, il faut, au-delà de l’entente franco-allemande, traiter les autres partenaires européens de manière positive et attentive.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean Leonetti, ministre. Puisque vous voulez des chiffres, monsieur le sénateur, je vais vous en donner, d’autant que certains d’entre eux sont connus. Ainsi, la Commission européenne propose un taux de 0,1 % sur les actions obligataires et de 0,01 % sur les produits dérivés.

Je voulais simplement illustrer tout à l’heure mon propos en disant que le bon impôt est celui qui a l’assiette la plus large et le taux le plus bas, parce qu’il est indolore et productif.

Monsieur le sénateur, quelle assiette pouvons-nous espérer ? Est-il raisonnable de croire que les États-Unis accepteront demain une taxe sur les transactions financières, qu’ils ont déjà maintes fois refusé d’envisager par le passé ?

J’ai été amené à évoquer cette taxe à trois reprises pas plus tard que ce matin : une fois avec M. Van Rompuy, une autre fois lors d’une discussion sur les perspectives financières et une dernière fois dans le cadre de la préparation du G20. Mon homologue britannique, David Lidington s’est finalement déclaré défavorable à cette taxe, ce que nous savions.

Il me semble donc que le champ d’application de la taxe ne pourra qu’être européen, et peut-être même devra-t-il se limiter à la zone euro.

Vous m’excuserez de ne pas vous apporter une réponse précise sur la nature de l’objectif recherché, mais je puis le faire dans l’immédiat.

Si la taxe est d’application mondiale, elle aura un objet mondial, et il sera alors inconcevable qu’elle alimente le seul budget de l’Europe. Si elle s’applique dans l’Europe des Vingt-Sept, on peut imaginer qu’elle financera une partie du budget européen. En revanche, si son application se limite aux pays de la zone euro, son objet sera forcément plus réduit.

En fonction du taux, de l’assiette et du volume qui seront retenus, le rendement de la taxe oscillera entre 20 milliards d'euros et 250 milliards d'euros. D’aucuns font même état d’un produit de 400 milliards d'euros, mais ce serait dans le meilleur des mondes possibles !

L’esprit de la taxe est non pas de pénaliser les transactions financières, mais bien plutôt d’effectuer un prélèvement indolore, afin d’éviter les fuites d’une place bancaire vers une autre.

Je vais vous dire le fond de ma pensée. Au début, il faut opter pour un taux faible pour pouvoir franchir l’étape la plus difficile, c’est-à-dire obtenir l’adhésion du plus grand nombre possible d’États à ce dispositif. Cette question fait l’objet de débats depuis maintenant vingt ans. Mieux vaut ne pas placer la barre trop haut et parvenir à un accord même si, dans un premier temps, celui-ci concernera un plus petit nombre de pays que ce que l’on espérait. Lorsque la taxe existera, il sera toujours possible de la faire évoluer.

Je suis, pour ma part, persuadé – et je suis convaincu que vous partagez mon avis – qu’un taux faible n’entraînera pas de déplacement des places boursières.

M. Alain Richard. Je ne partage pas ce point de vue !

M. Jean Leonetti, ministre. Les eurobonds ont fait l’objet d’une décision d’étape. Cela signifie simplement que ce n’est pas le moment de trancher sur ce sujet, mais cela ne présage pas de l’avenir.

M. le président. La parole est à M. Christophe Béchu.

M. Christophe Béchu. Monsieur le ministre, je considère, comme vous, que le plus important est de « mettre un pied », si je puis m’exprimer ainsi, dans la taxe sur les transactions financières. Rien n’interdira ensuite d’en changer les modalités d’application. Dans ce domaine, le mieux est très clairement l’ennemi du bien.

Ma question a trait à la politique agricole commune. Alors que nos préoccupations immédiates portent sur la crise grecque et sur la question des dettes souveraines, demain matin, le commissaire européen à l’agriculture Dacian Ciolos doit dévoiler les intentions de la Commission européenne sur la PAC de l’après-2013.

À l’heure où l’on s’interroge sur les conséquences de la mondialisation, n’oublions pas que l’agriculture représente 9 milliards d’euros d’excédent commercial pour notre pays.

Par ailleurs, si l’on continue de voir les agriculteurs uniquement comme des adversaires de la lutte contre le changement climatique, on reculera par rapport aux objectifs que nous devons être capables d’atteindre. La question de l’alimentation de la planète se pose d’une manière toujours plus aiguë, avec une augmentation constante de la population terrestre et une surface agricole utile en diminution.

L’agriculture n’est pas une nostalgie, c’est un avenir ! Quand on voit que les Chinois achètent 3,8 millions d’hectares de terres en Afrique, on mesure le caractère fondamental de questions telles que la souveraineté alimentaire ou la qualité sanitaire des aliments.

En outre, si l’on tient compte du rôle de l’agriculture en termes d’aménagement du territoire, avec toutes les conséquences économiques et sociales qui en découlent – je rappelle que, peu ou prou, 2 millions de personnes vivent ou travaillent dans le domaine de l’agriculture, de la sylviculture et de l’agroalimentaire –, on mesure combien la décision qui sera annoncée demain est importante.

Elle est importante si l’on veut une PAC ambitieuse, qui ne relègue pas à une sous-politique cette politique agricole commune sur laquelle l’Europe s’est construite. Elle est importante aussi, car elle aura des répercussions entre autres sur l’emploi agricole. Sans doute faudra-t-il privilégier des dotations à l’hectare dégressives plutôt que proposer un système tourné uniquement vers les gros agriculteurs, qui risquerait de détruire une partie de la haute intensité humaine de l’agriculture française.

Monsieur le ministre, ma question est simple : dans quel état d’esprit le Gouvernement se trouve-t-il à la veille de cette annonce et jusqu’où est-il prêt à aller pour défendre nos agriculteurs ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean Leonetti, ministre. Monsieur le sénateur, l’état d’esprit du Gouvernement est déterminé, comme nous l’avons répété lors de tous les débats relatifs aux perspectives financières.

Tout d’abord, il s’agit d’une politique non pas française, mais européenne ; je dirai même que c’est l’une des rares politiques communautarisées.

Ensuite, si nous voulons être indépendants au niveau alimentaire, éviter la volatilité des marchés du secteur agroalimentaire et ses dérivés et avoir une veille sanitaire efficace, nous devons conserver une politique agricole commune. Fort heureusement, nous ne sommes pas les seuls à défendre cette position : un certain nombre de pays comme la Pologne soutiennent avec nous à la fois la politique agricole commune et les deux piliers.

J’ajoute que cette politique a été évaluée à quatre reprises, ce qui n’est pas le cas en matière de recherche, de développement ou de cohésion. Il est donc logique de considérer que la politique qui a été jugée pertinente doit être stabilisée, alors que celle qui n’a pas encore été passée au crible de l’expertise peut éventuellement évoluer.

Prenons l’exemple de la politique de cohésion territoriale.

Un grand nombre de pays européens, notamment l’Allemagne et l’Espagne – et même la France –, sont sortis des objectifs de cohésion. Ne doit-on pas réfléchir à la façon dont il faudrait redistribuer ces moyens plutôt que de les pérenniser : dès lors qu’un territoire a bénéficié une fois de cette aide, doit-il en profiter de toute éternité même s’il est devenu – et c’est tant mieux ! – plus prospère ?

La réponse du Gouvernement est toujours la même : la France n’acceptera aucun projet financier, aucune perspective financière qui ne soit pas de nature à assurer la stabilité de la politique agricole commune.

M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.

Mme Maryvonne Blondin. Monsieur le ministre, j’avais moi aussi prévu de vous poser une question relative au programme européen d’aide aux plus démunis. Mais le propre d’un débat interactif et spontané est de ne pas connaître par avance les questions de nos collègues, ni la teneur exacte des réponses qui nous sont apportées.

Au sujet du PEAD, vous avez évoqué quelques solutions. Ne serait-il pas envisageable de prévoir un nouveau règlement de ce programme, qui confirmerait sa place dans la politique agricole commune, tout en ne le limitant pas aux stocks d’intervention ?

D’ailleurs, la position actuelle de la Commission européenne est bien d’ancrer, en 2014, le PEAD dans le Fonds social européen.

Tout à l’heure, vous avez répondu à notre collègue Roland Courteau que l’aide était assurée pour 2011. Or nous arrivons au terme de l’année. Pouvez-vous nous confirmer que l’État français prendra le relais et viendra au secours des personnes les plus démunies ?

Par ailleurs, vous avez aimablement invité les membres du Conseil de l’Europe à venir vous rencontrer. Vous avez entendu nos observations et nos remarques, notamment quant aux difficultés de communication avec les commissions des affaires européennes du Sénat et de l’Assemblée nationale.

Nous avons émis le souhait, d’une part, d’une meilleure articulation du travail entre le Conseil de l’Europe et les commissions des affaires européennes des deux assemblées et, d’autre part, d’une plus grande reconnaissance du travail réalisé au sein du Conseil de l’Europe par les 47 membres de ce dernier, travail axé sur la démocratie, les droits de l’homme, l’État de droit.

Monsieur le ministre, comment concevez-vous cette meilleure articulation du travail entre le Conseil de l’Europe et les deux commissions parlementaires ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean Leonetti, ministre. Madame la sénatrice, j’ai longtemps été parlementaire, et lorsqu’un ministre me donnait un conseil sur l’organisation de nos travaux, j’avais vraiment l’impression qu’il se mêlait de ce qui ne le regardait pas ! Aussi me garderai-je bien d’exprimer une opinion sur ce sujet.

M. le président du Sénat et M. le président de l’Assemblée nationale mettront probablement en œuvre tous les moyens nécessaires pour faire en sorte que les travaux du Conseil de l’Europe, qui, regroupe, comme vous l’avez souligné, 47 pays, et traite de sujets qui sont l’essence même de la construction européenne – les droits de l’homme ou encore la démocratie – , puissent mieux s’articuler avec ceux du Parlement français et avoir une meilleure visibilité.

Madame la sénatrice, comme vous m’y avez aimablement invité, j’irai au Conseil de l’Europe, qui est, à mes yeux, un haut lieu de la démocratie où se dévoile un message européen qui va au-delà de la politique purement financière, voire fiscale, que nous avons l’habitude d’évoquer.

S’agissant du PEAD, vous m’avez plus spécifiquement interrogé sur la perspective de 2014. Mais, entre 2011 et  2014, il y a forcément 2012 et 2013 ! Or, c’est précisément pour cette période que nous essayons de faire adopter, en tentant de lever la minorité de blocage, un dispositif transitoire, qui s’appuierait sur deux lignes budgétaires différentes et équilibrées.

Nous ne pouvons malheureusement pas, comme vous l’avez suggéré, réintégrer le PEAD dans la PAC, car son objet n’est pas communautaire. Il s’agit d’un surplus utilisé à des fins de solidarité et, à l’inverse, on ne peut pas créer, au sein de la PAC, un élément de solidarité.

Pour me résumer, l’aide aux plus démunie est garantie pour l’année 2011. En 2014, le PEAD sera intégré au Fonds de solidarité ou à la politique de cohésion économique et sociale. Pour les années 2012 et 2013, la solution consiste à surmonter la minorité de blocage et à trouver deux lignes budgétaires pour faire la jonction entre les deux dispositifs.

Je ne suis pas Premier ministre (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.) et je ne veux surtout pas le remplacer, car il fait très bien son travail, pas plus que je ne veux m’engager à la place de Valérie Pécresse ! Mais, eu égard à la mission que François Fillon a confiée à Bruno Le Maire et à moi-même et aux propos qu’il a tenus publiquement, je ne doute pas une seconde que, si nous n’obtenions malheureusement pas ce pour quoi nous nous battons avec volontarisme et acharnement, l’aide aux plus démunis serait maintenue de manière temporaire et nationalisée.

M. le président. La parole est à M Joël Bourdin.

M. Joël Bourdin. Monsieur le ministre, je voudrais revenir sur le système bancaire, en évoquant les capitaux propres des banques et leur liquidité.

Nous ne pouvons que recommander aux banques au moins d’augmenter leurs capitaux propres. En effet, on considérait jusqu’alors qu’un taux de 8 % des ressources propres des banques par rapport à leurs engagements était satisfaisant. Mais on observe que les créances des banques se sont dégradées ; pis, des titres souverains, considérés jusqu’à maintenant comme de la quasi-monnaie, se sont aussi dégradés. De ce fait, le ratio entre les ressources propres des banques et leurs engagements a quelque peu changé. Il faut donc provisionner les ressources propres et s’orienter vers une recapitalisation des banques, afin que le ratio de 8 % de Bâle II soit supérieur à 9 % ou à 10 %.

Cette nécessité est d’autant plus impérieuse que, avec la crise des dettes qui se poursuit, les titres souverains dans les bilans des banques vont être de moins en moins certains.

J’en viens maintenant au problème actuel, qui est lié au précédent, celui de la liquidité des banques.

Le système bancaire est ainsi fait que les banques « se tiennent par la barbichette » en empruntant et en prêtant. Dans ce système dynamique et vivant, les uns dépendent des autres ; dès lors qu’il y a un blocage, on assiste à un phénomène de digues.

À cet égard, je me réjouis que des solutions aient pu être trouvées pour Dexia, ce qui redonnera un peu d’aisance au système qui était quelque peu encombré. Mais les banques continuent de souffrir d’un manque de liquidités. Pour pallier ce manque, elles s’adressent à la Banque centrale européenne et lui remettent des titres souverains contre de la monnaie. Toutefois, la BCE ne pourra pas servir très longtemps d’une sorte de station d’épuration qui donne de la bonne monnaie contre de la mauvaise dette ou des mauvais titres. Cette situation ne peut pas durer.

M. le président. Mon cher collègue, veuillez conclure.

M. Joël Bourdin. Par conséquent, il faut trouver le moyen de faire en sorte que les liquidités puissent circuler entre les banques. Pour ce faire, il importe de restaurer la confiance et de mettre à contribution les organismes européens et français.

Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour que la liquidité circule entre les banques et pour restaurer la confiance entre les banques elles-mêmes ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean Leonetti, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez parfaitement expliqué les mécanismes de la liquidité et de la solvabilité : ce sont les deux piliers sur lesquels se fondent la fiabilité d’une banque et la confiance qu’elle inspire.

Une banque ne vit pas isolée, elle évolue dans un réseau. Si une banque ne prête pas à une autre banque, si une banque a des difficultés pour s’approvisionner en dollars, elle se retrouve effectivement dans une situation de faiblesse. Le ratio de 8 % qui avait été antérieurement envisagé doit aujourd’hui être augmenté puisque nous sommes dans une situation non pas de « stress tests » mais de stress réel, et à un niveau que l’on n’imaginait même pas lorsque les « stress tests » ont été réalisés.

Néanmoins, rappelons que les fonds propres des banques françaises ont augmenté de 50 milliards d’euros au cours du premier semestre, ce qui veut dire qu’elles ont déjà anticipé le Bâle II, et même le Bâle III.

Rappelons également que l’exposition des banques françaises à la dette grecque n’est jamais que de 10 milliards d’euros – je ne devrais pas dire des choses pareilles ! – : elle est de 10 milliards d’euros. Cela signifie que les banques françaises sont solides.

Dexia est, vous le savez, un cas très particulier, car cela fait vingt ans qu’elle fonctionne avec un système de liquidités à très court terme : elle emprunte à très court terme à des taux très bas et elle prête à très long terme à des taux très élevés. En période de croissance, le système fonctionne, mais le jour où se pose un problème de crédits ou de dettes souveraines, il s’enraye.

Pour autant, ce que font les États belges, luxembourgeois et français pour sauver Dexia, ce n’est pas de l’argent perdu ! Il s’agit de créer un système transitoire par le biais duquel on nettoie une dette « pourrie » à moyen et à long terme pour sauver, d’une part, un certain nombre de collectivités territoriales en France et, d’autre part, les épargnants en Belgique.

À ce propos, lorsque l’État français a prêté de l’argent aux banques en 2008, il a eu très rapidement 2,8 milliards d’euros en retour. Le prêt octroyé par l’État français à Dexia a notamment rapporté à la France 500 millions d’euros.

Ne croyons pas que l’on est en train de jeter l’argent par les fenêtres ! Il faut obliger les banques, vous venez de le dire, à augmenter leur solvabilité et leur liquidité. Tel est d’ailleurs l’objet des mesures qui vont être prises pour rétablir la stabilité et restaurer la confiance. C’est ainsi que l’argent pourra circuler entre les banques et être disponible.

Le vrai problème aujourd’hui, c’est effectivement que les banques se prêtent moins entre elles et qu’elles prêtent moins aux entreprises et aux collectivités. Or, si une entreprise qui fonctionne bien n’a pas la solvabilité nécessaire pour s’engager dans un projet sain et rentable, il y a risque de récession.

La recapitalisation des banques, principalement à partir de leurs fonds propres, est donc un objectif indispensable, surtout si l’on considère qu’elles pourront de nouveau être sollicitées, alors même que les prêts qu’elles ont accordés à la Grèce ont été restructurés avec une décote pour elles de 21,5 %. Cette situation créera un stress supplémentaire, et les banques auront tout intérêt à avoir une solvabilité et une liquidité plus fortes.

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, le Conseil européen évoquera les négociations de Durban, car la crise climatique reste extrêmement grave.

En effet, même si la crise financière est aujourd’hui au centre des débats, n’oublions pas que les conséquences de la crise climatique seront, dans les prochaines décennies, aussi importantes, voire plus graves encore que celles de la crise financière que nous connaissons.

Je ne reviendrai pas sur la réunion du conseil des ministres de l’environnement de l’Union européenne qui a eu lieu hier, sinon pour m’inquiéter des divergences de vues qui apparaissent aujourd’hui entre les États européens, lesquelles fragilisent le rôle de leader que joue l’Europe en la matière sur la scène internationale.

Je fais miens les propos tenus tout à l'heure par l’un de nos collègues : ne soyons pas trop optimistes sur les résultats européens obtenus en termes d’émission de gaz à effet de serre. Les chiffres de l’année dernière révèlent en effet une nouvelle augmentation des émissions de ces gaz en Europe, ce qui est inquiétant.

Pour animer depuis plusieurs années, notamment comme porte-parole, des réseaux mondiaux de collectivités locales dans cette négociation internationale, je mesure toute la difficulté et la complexité de ce problème. Ce qui va se jouer à Durban, c’est d’abord la capacité de restaurer la confiance entre les pays du Sud et les pays du Nord après l’échec de Copenhague.

Dans ce cadre, la question du financement du Fonds vert dont la création, décidée à Copenhague, a été confirmée à Cancún, et qui doit aider les pays en développement à agir dans les domaines de l’adaptation et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, sera un point clé. Les pays africains seront extrêmement attentifs à cette question.

Je lierai ma question au débat qui a eu lieu sur la taxation des transactions financières, non pas par opportunisme, mais parce que nous trouverons, me semble-t-il, la solution dans notre capacité à faire preuve de cohérence pour réguler de manière globale les crises internationales.

Depuis plusieurs années, nous, écologistes, défendons l’idée d’une taxation des transactions financières, et nous sommes heureux que, au-delà de nos alertes, nos réponses soient aujourd’hui au cœur du débat public. Or, monsieur le ministre, ne pensez-vous pas que le Fonds vert pourrait être abondé par une partie de cette taxe ?

C’est une proposition que l’Union européenne pourrait porter, et que la France pourrait défendre lors du G 20, car elle permettrait peut-être de nouer d’autres alliances à l’échelle mondiale et de recréer une dynamique dans la négociation internationale. Cette possibilité correspond d’ailleurs à ce qu’a dit Mme la rapporteure générale sur l’idée de départ de cette mesure. Il serait dommage que nous nous en privions.

Enfin, monsieur le ministre, je vous poserai une question annexe : si le Fonds vert n’est pas financé par le biais de cette taxe, comment l’Europe pourra-t-elle être demain en capacité d’alimenter une partie de ce fonds, qui devra atteindre, je le rappelle, environ 100 millions de dollars à l’échéance de 2020 ? (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste–EELV.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean Leonetti, ministre. Monsieur le sénateur, rêvons au meilleur des mondes…

Dans le meilleur des mondes, le bon exemple est suivi au lieu d’être pénalisé.

Dans le meilleur des mondes, l’Europe, qui fait des efforts importants pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, est plus récompensée que la Chine ou les États-Unis, qui refusent d’entrer dans un quelconque protocole.

Dans le meilleur des mondes, lorsqu’une production industrielle se développe dans de nouveaux pays avec une productivité telle qu’elle met en danger notre compétitivité, on adopte des schémas doublement innovants : d’une part, on cherche à produire l’énergie de demain en protégeant la planète et, d’autre part, on crée des mécanismes de recherche et d’innovation susceptibles, ensuite, de s’exporter et de produire de nouvelles richesses.

Dans le meilleur des mondes, lorsqu’un problème mondial se pose, on crée une taxe mondiale pour le résoudre et on n’a pas recours à une suite de contributions nationales. Il est évident que, demain, des impôts seront perçus au niveau international.

La taxe sur les billets d’avion qui a été créée n’a pas empêché les voyageurs d’emprunter ce moyen de transport ! Elle a permis de soigner de nombreux malades du sida, qui étaient totalement démunis : aucun pays, y compris en Europe, n’avait la capacité de mobiliser suffisamment de fonds pour lutter efficacement contre ce fléau.

Quittons à présent le meilleur des mondes pour revenir dans celui où nous vivons, ici et maintenant.

Le véritable danger – Nathalie Kosciusko-Morizet l’a très clairement souligné – serait de dire : il y a eu Kyoto, Kyoto s’arrête ; un jour, il y aura Durban et un Kyoto II ; d’ici là, oublions Cancún et laissons tomber Kyoto ! Cela reviendrait à adresser aux États pollueurs et aux pays émergents un message désastreux, et cela poserait un vrai problème.

À Durban, il faut à la fois tenir les engagements pris antérieurement, qui feront d’ailleurs oublier l’échec de Copenhague, et poser les bases de règles plus contraignantes et plus efficaces.

Enfin, comme nous ne sommes pas dans le meilleur des mondes, il faudra, à un moment donné, que l’Europe prenne ses responsabilités. Au lieu d’annoncer la bonne nouvelle, elle devra imposer une mesure vertueuse, à savoir le MIC, le mécanisme d’inclusion carbone, plus communément appelé « la taxation carbone aux frontières ». Cela n’a rien à voir avec la réciprocité ou avec la loyauté des échanges commerciaux. Si l’on impose à son industrie et à son économie une contrainte vertueuse, il faut aussi, à l’intérieur de l’espace que l’on veut vertueux, imposer aux pays importateurs les mêmes règles de vertu.

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai.

Mme Bernadette Bourzai. Monsieur le ministre, je souhaitais vous poser une question au sujet du PEAD, mais je vous en fais grâce, car vous y avez déjà largement répondu.

Cela étant, je prends acte de votre engagement à trouver des solutions. En effet, sur le terrain, les associations caritatives sont extrêmement inquiètes. Depuis des mois, elles demandent à être rassurées : le nombre de personnes bénéficiaires du PEAD a déjà augmenté de manière considérable dans les années passées, et elles savent que ce mouvement risque malheureusement de se poursuivre du fait de la situation économique et sociale.

J’espère donc que l’Europe trouvera l’équivalent d’un euro par Européen, ce qui correspond aux 500 millions d’euros destinés à aider les plus démunis d’entre nous.

Permettez-moi d’évoquer le secteur de l’agriculture. Notre collègue Christophe Béchu ayant très justement mis en perspective les enjeux des propositions que fera demain M. Ciolos – et nous aurons sans doute l’occasion d’en reparler ! –, je me bornerai à vous poser, monsieur le ministre, une question plus pointue, que M. Raoul n’a pas traitée dans son intervention liminaire, celle des négociations bilatérales qui pourraient aboutir à un accord avec le Mercosur.

Je suis une élue du Massif central, une région où l’élevage bovin est essentiel pour la viande, en termes non seulement de qualité de la production, mais aussi d’aménagement du territoire. Aussi souhaiterais-je savoir où en est la négociation des accords du Mercosur ? (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean Leonetti, ministre. Madame la sénatrice, vous avez évoqué un certain nombre d’accords de libre-échange qui posent problème.

L’accord avec le Japon est refusé, car il déséquilibrerait considérablement les marchés européens.

Avec le Mercosur, le déséquilibre est spécifiquement agricole : les négociations ou renégociations sont en cours, mais, très clairement, la situation est bloquée.

Ma réponse est une réponse d’attente, mais brève et déterminée : en l’état actuel, eu égard au déséquilibre qu’il créerait au sein de la filière bovine, nous ne pouvons pas signer un tel accord.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.

M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le ministre, voilà maintenant plus d’une année que nos concitoyennes et nos concitoyens entendent parler de la note AAA, de l’effondrement des marchés et des banques, de pays qui vacillent. Or, pour couronner le tout, il faut des mois et des mois de négociations – vous en êtes la preuve vivante ! (Sourires.) – pour que l’on puisse, à l’échelle européenne, garantir à ceux qui n’ont pas de quoi se nourrir qu’ils pourront peut-être manger en 2012 ou en 2014 !

Ce faisant, réalisez-vous, monsieur le ministre, que la rupture entre l’opinion publique française et l’ambition européenne, qui garde, malgré tout, toute sa noblesse, est en train d’être consommée ?

Sans vouloir nier les difficultés existant à l’échelon européen, y compris celles auxquelles le Gouvernement est confronté, quand allons-nous entendre parler d’une vraie réhabilitation du tandem franco-allemand ? Du primat du politique et de l’économique sur le monétaire ? Ou encore d’une initiative européenne de croissance, qui pourrait passer par de grands projets, à l’image de ceux qui existent déjà ? Je fais notamment allusion au partenariat entre EADS et Airbus, dont la réussite pourrait constituer un exemple.

Pour autant, vous avez évoqué tout à l'heure, monsieur le ministre, le divorce entre la Banque centrale européenne et le Conseil européen, issu de leur incapacité commune à « faire le ménage » sur les taux de change. Savez-vous ce que ne cesse de répéter M. Gallois ? Chaque fois que l’euro gagne dix centimes sur le dollar, il manque 1 milliard de plus dans l’exercice comptable d’EADS en fin d’année.

Pourrons-nous, oui ou non, donner quelques espoirs…

M. Roland Courteau. Aux Garonnais ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Mirassou. ... aux Garonnais bien sûr, mais aussi à tous ceux qui, dans l’Hexagone et en Europe, œuvrent au quotidien à la concrétisation d’un projet industriel fort et performant, que j’appelle de mes vœux !

M. Roland Courteau. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean Leonetti, ministre. Last but not least ! Votre parole était ferme et claire, monsieur le sénateur. Aussi vais-je m’employer à adopter le même ton. (Sourires.)

Vous me demandez si je me rends compte de la situation. Oui, et d’ailleurs le Président de la République a employé les mêmes termes que vous ! Il a indiqué qu’il n’accepterait pas que les plus démunis soient abandonnés par l’Union européenne, dont l’image serait ternie d’une manière désastreuse. Je n’ai de cesse de le répéter ici : nous sommes déterminés à trouver des solutions, et je n’imagine pas une seconde que l’on puisse abandonner les plus démunis en 2012 et en 2013.

Vous me demandez également quand le politique reprendra la main sur l’économique et le financier. Mais tel a déjà été le cas le 21 juillet dernier.

Quand le couple franco-allemand se rapproche, on critique son initiative, arguant du fait que les États membres devraient se réunir à vingt-sept ! Dans le cas contraire, on lui reproche de ne pas agir ! Quand il énonce des décisions fortes, on se demande pourquoi il ne les a pas prises plus tôt ! Et quand il prend des décisions rapides, on s’écrie : comment ces dirigeants peuvent-ils mépriser les parlements au point de ne pas les écouter ?

Monsieur le sénateur, je suis certain que, en bon parlementaire, vous vous offusqueriez – légitimement ! – si les décisions n’étaient pas soumises au Parlement...

M. Jean Leonetti, ministre. C’est dire si l’Europe est complexe : elle est composée de démocraties, dont les majorités sont quelquefois formées de coalitions. Le couple franco-allemand a toujours su trouver le consensus nécessaire, surtout en période de crise : il l’a trouvé le 21 juillet, le 16 août et dimanche dernier encore, en nous permettant de franchir une étape supplémentaire. Je suis convaincu que le politique gagnera sur l’économique et le financier.

Je crois profondément que le pouvoir politique, parce qu’il procède du peuple, et qu’il est, à ce titre, légitime pour déterminer les droits et les devoirs de celui-ci, l’emportera sur les pouvoirs économique et financier. Je ne doute pas une seule seconde que les décisions politiques qui ont été prises seront rapidement mises en œuvre et que les marchés financiers s’y plieront, car c’est le propre de toute démocratie. Toutefois, le processus de décision est toujours un peu plus lent dans les régimes démocratiques que dans les dictatures !

Dans ces conditions, il n’est pas donc illégitime d’attendre que le débat ait lieu au Sénat et à l’Assemblée nationale, afin que chacun puisse donner son avis, comme vous avez eu la possibilité de le faire aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs. J’espère d’ailleurs que mes réponses ne vous ont pas trop déçus…

M. Jean-Jacques Mirassou. Vous n’avez pas répondu à ma question portant sur Airbus !

M. Jean Leonetti, ministre. Vous avez raison !

M. le président. Deux de nos collègues doivent encore prendre la parole, monsieur le ministre…

M. Jean Leonetti, ministre. Je conclurai en quelques mots, monsieur le président.

ITER, GMS Galileo, les énergies renouvelables : les grands projets sont là. Ils constitueront demain les moteurs de la croissance et de l’innovation et, dans quelque temps, nous en serons fiers au même titre qu’Airbus, par exemple. Ces projets existent d’ores et déjà, mais n’oublions pas qu’ils sont soumis à la concurrence internationale. Il s’agit de défendre une certaine idée de l’Europe, celle qui innove, celle qui avance. Il n’y a pas qu’une Europe qui protège ; il y a aussi une Europe qui projette !

M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller.

Mme Fabienne Keller. Je souhaiterais évoquer la taxe sur les transactions financières, un sujet qui a déjà été longuement évoqué, et le rôle européen de Strasbourg – nous n’en avons pas encore parlé ; il est grand temps de le faire ! (Sourires.)

En ce qui concerne la taxe sur les transactions financières, je voudrais à mon tour plaider en sa faveur, en reprenant vos arguments, monsieur le ministre : nous allons répondre à la dictature des marchés financiers par la démocratie volontariste.

Les marchés tanguent, les banques sont en souffrance, l’euro est menacé. Si nous n’instaurons pas maintenant la taxe sur les transactions financières, nous ne le ferons jamais !

S’agissant des recettes de cette taxe, tout le monde en profitera ! Bien sûr, il ne faudra pas oublier l’Europe. D’ailleurs, la Commission européenne a formulé des propositions en ce sens, ce qui était franchement inespéré voilà un an, mais elle est aujourd’hui consciente qu’elle a besoin d’une ressource si elle veut élaborer un projet. De leur côté, les États membres seront bien contents de percevoir une partie du produit de cette taxe pour combler leurs déficits.

Enfin, il ne faudra pas oublier le défi climatique et la transition énergétique, en pensant tout particulièrement aux pays situés près de l’Équateur, qui seront les premières victimes innocentes du réchauffement de la planète.

L’affectation des recettes ne posera donc pas de difficultés majeures. Mais l’enjeu de la création d’une telle taxe est aussi moral : il est légitime de faire payer les marchés financiers qui sont à l’origine de la crise.

Permettez-moi maintenant de plaider en faveur de Strasbourg, la capitale européenne de la France, autrement appelée « l’autre capitale », qui doit toutefois partager cette mission avec Bruxelles et Luxembourg.

Si la liaison avec Luxembourg, améliorée par la deuxième phase du TGV Est, est de bonne qualité, celle avec Bruxelles reste un maillon faible.

C’est pourquoi je plaide auprès de vous, monsieur le ministre, en faveur de la mise en place d’une liaison ferroviaire régulière Bruxelles-Roissy-Strasbourg. Pour ce faire, il suffit de faire circuler des trains sur les lignes rapides existantes, comme ce fut le cas, avec succès, durant la présidence française de l’Union européenne. Avec de la volonté et un peu de souplesse de la part de la SNCF, nous pourrons relier les deux grandes capitales européennes ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean Leonetti, ministre. Je m’étonnais que vous ne soyez pas intervenue dans ce débat, madame la sénatrice, et, plus encore, que vous n’ayez pas encore défendu la cause de Strasbourg, connaissant votre attachement à cette ville… (Sourires.)

En ce qui concerne la taxation des transactions financières, vous avez pleinement raison : il serait à la fois logique et opportun de l’instaurer maintenant. Les crises créent aussi des opportunités, et il me semble que le moment est venu de franchir cette étape.

En ce qui concerne Strasbourg, les traités reconnaissent son rôle. Mais, au-delà du droit, cette ville constitue aussi un symbole fort. C’est en effet là, entre Forêt noire et forêt vosgienne, qu’ont surgi les plus fortes tensions, que se sont noués les plus grands drames, mais aussi qu’a eu lieu la plus grande réconciliation. Si l’on ne comprend pas cela, on ne comprend pas l’Europe ! En même temps, comme vous l’avez rappelé, l’Europe est multiple, et elle a aussi pour capitales Francfort, Luxembourg et Bruxelles.

Vous le savez, nous nous sommes opposés à ce que l’on condense les réunions strasbourgeoises en une session unique, ce qui aurait, à mon sens, pour conséquence d’altérer le travail des députés européens, le but ultime de l’opération étant de démontrer qu’il est impossible de siéger à Strasbourg.

Vous avez ensuite évoqué, madame la sénatrice, une liaison ferroviaire Strasbourg-Bruxelles. Celle-ci a en effet été utilisée et mérite donc d’être étudiée. Mais d’autres solutions sont également à l’étude pour améliorer la desserte de Strasbourg, notamment via l’aéroport de Bâle, avec la possibilité d’une connexion à Francfort. Le but est de placer Strasbourg, capitale européenne, à une heure de trajet des autres capitales nationales et européennes.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Initialement symbole d’une construction européenne qui avançait et d’une Union économique et monétaire qui annonçait une plus grande intégration politique, l’euro est aujourd’hui en crise.

Cette crise ne concerne pas seulement la zone euro, mais toute l’Union européenne, par l’impact qu’elle est susceptible d’avoir sur l’ensemble de la construction européenne.

Les euro-obligations apparaissent aujourd’hui comme une solution puissante pour répondre aux difficultés actuelles. Elles sont aussi une solution conforme à l’esprit de la construction européenne, par la communautarisation des moyens et la solidarité qu’elles impliquent.

Toutefois, la mise en place d’euro-obligations, comme d’ailleurs la mise en place d’une mutualisation des efforts ou d’un gouvernement économique, ne peut faire l’économie de préalables politiques.

Les dettes qui, aujourd’hui, sont imposées aux États pour sauver les banques ou pour répondre aux défaillances de tel ou tel État européen devront être payées par les citoyens européens.

Pourtant, cet argent prêté, qui témoigne d’une solidarité, doit correspondre à une responsabilité politique partagée et à un contrôle démocratique.

Le remboursement de cette dette devra donc être effectué selon un principe d’égalité entre les citoyens et les entreprises des différents pays de l’Union européenne, par un fédéralisme fiscal, obligatoire dans ce cas-là, par un fédéralisme économique et social, bref, par un fédéralisme politique.

Tous les pays de l’Union européenne doivent être impliqués dans les décisions prises. Aujourd’hui, la réaction slovaque est logique, car nous devons veiller à laisser en permanence une marge de manœuvre à tous nos partenaires pour ne pas imposer les décisions du couple franco-allemand.

Veillons aujourd’hui à ne pas pratiquer une fuite en avant dans la recherche d’outils économiques et financiers, dictée par l’urgence, sans assumer politiquement ce que cela doit signifier en termes d’intégration politique, de gouvernance et de démocratie, c'est-à-dire de fédéralisme européen pour l’ensemble de l’Union européenne.

Si nous ne le faisons pas aujourd’hui, si nous n’assumons pas ce choix, nous échouerons demain et, après-demain, nous creuserons encore plus le fossé entre, d’une part, les opinions publiques européennes – j’allais même dire l’opinion publique européenne – et la construction européenne.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean Leonetti, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez prononcé quatre fois le mot « fédéralisme ». Eu égard à ce qui a été dit tout à l'heure, voilà qui fait de vous un candidat à la déportation ! (Sourires.)

M. Jean-Yves Leconte. Vous vous adressez à un Français de l’étranger originaire d’Europe centrale et orientale, monsieur le ministre ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean Leonetti, ministre. Vous avez abordé, monsieur le sénateur, un vrai sujet.

La création d’euro-obligations nécessite de mutualiser la dette. Or l’hétérogénéité des dettes des différents pays de la zone euro est aujourd’hui telle qu’il est impossible de mutualiser la dette de la Grèce et celle de l’Allemagne, sauf à franchir préalablement les étapes successives d’harmonisation économique, fiscale et financière que vous avez évoquées. C’est pour cette raison que j’ai parlé tout à l’heure d’une certaine forme de fédéralisme économique.

En effet, comment les Allemands – mais les Français auraient sans doute la même réaction ! – pourraient-ils accepter de voir leurs taux d’intérêt augmenter à la suite de cette mutualisation et de se retrouver pénalisés lors de leurs achats, et ce au nom de la solidarité ? Certes, ils ne diraient sans doute pas non à la solidarité, mais ils exigeraient en contrepartie une certaine discipline. Vous voyez donc que des règles contraignantes sont indispensables.

De même, comment faire accepter aux Français que le taux de l’impôt sur les sociétés ne soit que de 12 % en Irlande, contre 34 % en France ? Une fois la crise passée, nous devrons encourager les Irlandais à relever leur taux. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Président de la République française et la Chancelière allemande ont choisi de faire converger les taux français et allemand de l’impôt sur les sociétés, car il ne saurait y avoir de solidarité sans convergence.

Nous avons une monnaie unique ; il nous faut une économie unifiée et harmonisée, ainsi que des fiscalités qui convergent progressivement, afin que les peuples – et non les marchés ! – comprennent que l’effort est justement et équitablement réparti. Une fois ces conditions réunies, nous pourrons envisager de créer des euro-obligations, lesquelles constitueraient alors l’aboutissement d’un processus de mutualisation des efforts et de la croissance. Mais, aujourd’hui, leur création ne ferait que ruiner les efforts des États les plus vertueux et les conduirait à la situation difficile que connaissent actuellement certains pays.

Je partage votre avis, monsieur le sénateur, mais pas dans le temps. J’espère qu’un jour viendra où les euro-obligations s’imposeront à nous, parce que la dette grecque ne posera plus de problèmes à la zone euro, que l’euro sera resté une monnaie forte et que l’Europe aura su trouver cet équilibre, indispensable dans toute gestion, qu’il s’agisse d’une ville, d’un État ou de l’espace européen, entre discipline et solidarité.

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat préalable au Conseil européen du 23 octobre 2011.

12

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 12 octobre 2011, à quatorze heures trente :

1. Débat sur la réforme portuaire ;

2. Débat sur la couverture numérique du territoire.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures quarante-cinq.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART