Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame le rapporteur, mes chers collègues, il n’est pas si fréquent qu’un texte étudié et présenté dans les circonstances actuelles fasse l’objet d’un vrai consensus, ce qui mérite d’être salué haut et fort.

Oui, monsieur le ministre, je veux rendre hommage aux conditions d’écoute et de dialogue qui ont prévalu durant l’élaboration de ce projet de loi, un texte sensible, aux enjeux nombreux pour qui connaît l’histoire de la fonction publique depuis 1984, avec ses trois versants que sont la fonction publique d’État, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière, le un et le multiple, la diversité dans l’unité.

Exercice redoutable que de vouloir faire prévaloir des règles communes pour des institutions dont les besoins, les modes de gestion et de fonctionnement sont – personne ne saurait le contester – spécifiques et qui, cependant, nécessitent absolument de se retrouver sur des fondamentaux partagés.

Exercice largement réussi, parce que, sous votre autorité, monsieur le ministre, les acteurs principaux – je ne veux en aucun cas parler de « partenaires » –, chacun dans son rôle, ont écouté, entendu et agi dans l’intérêt de celles et ceux qui sont concernés au premier chef par ce projet de loi : les agents fragilisés de la fonction publique, dont les situations de précarité nécessitaient d’être corrigées.

Exercice doublement réussi avec la vigilance de notre excellente collègue rapporteur de ce projet à la commission des lois, qui a enrichi le texte pour qu’il soit réellement mis fin à ces enchaînements insupportables de contrats à durée déterminée, les uns après les autres, et que soient valorisés les acquis : ces deux principes paraissent évidents, mais il a pourtant fallu des années pour qu’ils soient inscrits dans ce texte !

Il est d’autant plus méritoire d’être parvenu à ce texte équilibré que le contexte de la révision générale des politiques publiques, telle qu’elle est appliquée actuellement dans la fonction publique d’État, c’est-à-dire au couperet, n’était pas le plus porteur.

Je n’étais probablement pas la seule à m’être inquiétée des récents propos tenus par le Président de la République lors de la cérémonie des vœux aux parlementaires pour inciter les élus locaux à suivre l’exemple de l’État en réduisant, mathématiquement parlant, le nombre d’emplois de leurs fonctionnaires territoriaux !

Monsieur le ministre, je voudrais réagir, comme d’autres l’ont fait avant moi, et réfuter l’idée que les 350 000 dernières créations d’emplois seraient intervenues dans la fonction publique territoriale, hors transferts de ressources entre l’État et les collectivités locales, de façon inconsidérée.

La RGPP s’applique, chacun le sait, autant aux collectivités locales qu’à l’État ; mais cette révision n’a pas pour objet de réduire les effectifs. Elle vise d’abord à la rationalisation, la réorganisation des modes de fonctionnement avec pour conséquence, le cas échéant, une réduction des effectifs, et non pas le contraire.

Je ne serai pas aux côtés de celles et ceux qui refuseraient d’admettre ou simplement de constater les créations d’emplois dans la fonction publique territoriale, mais je ne saurais pas davantage ignorer les métiers nouveaux, les compétences nouvelles que ces mêmes collectivités ont dû intégrer dans le paysage habituel des ressources humaines : tous les services à la personne par exemple, cela a été cité, les métiers de l’ingénierie, et tant d’autres…

Il n’est donc pas étonnant que les collectivités aient été incitées à employer un nombre de contractuels et d’agents non titulaires dont les compétences ou les fractions de temps plein d’activité étaient mal ou peu adaptées aux règles d’emploi imposées par les cadres d’emplois.

Dans la fonction publique hospitalière, une augmentation identique des effectifs d’agents contractuels ou non titulaires occupant des emplois permanents a été enregistrée en raison de l’évolution de la politique médico-sociale.

Il était donc grand temps d’actionner le levier du statut de la fonction publique pour redonner cohérence et stabilité à un dispositif qui a fait la fierté et la force de l’administration française.

Je ne reprendrai pas ici l’ensemble des mesures qu’il nous est proposé d’adopter – elles sont résumées dans le rapport de Catherine Tasca – dans le texte de la commission des lois. Je voudrais en revanche relever quelques-unes des dispositions qui me paraissent corriger de réels dysfonctionnements au rang desquels figurent : la précarisation d’une partie de la fonction publique, précarisation injustifiée au regard des conditions normales de recrutement – non-publicité des vacances d’emploi, emplois de contractuels déguisés, recours abusif à des remplacements – ; le cloisonnement excessif entre les fonctions publiques, et au sein même des fonctions publiques ; la rigidité appliquée au fractionnement des temps de travail, adaptation nécessaire aux besoins des collectivités locales en fonction de leur taille ; enfin, l’absence de lieux de dialogue pour la gestion et le suivi des situations d’emploi des non-titulaires.

Sur l’ensemble de ces points, le texte qui nous est présenté a dégagé des voies d’amélioration qui, sans imposer des mesures qui viendraient réduire l’autonomie des collectivités, clarifient les règles d’emploi, les harmonisent entre les trois fonctions publiques, facilitent la mobilité interne et externe, offrent la souplesse nécessaire à l’adaptation aux besoins propres aux différents employeurs.

De manière tout aussi opportune, sont créées les instances consultatives relatives au personnel contractuel et aux non-titulaires, agents jusqu’ici écartés de ces lieux d’évocation des situations et des parcours professionnels.

Au-delà de ce constat, je ne peux qu’émettre le vœu qu’à chacun des niveaux de décision et de gestion, les mesures inscrites dans ce projet de loi puissent être réellement mises en œuvre, qu’aucune frilosité, aucune attitude corporatiste ne vienne freiner les mesures auxquelles les acteurs concernés ont, unanimement ou presque, donné leur accord.

Enfin, j’évoquerai les dispositions spécifiques relatives aux membres du Conseil d’État, du corps des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel et du corps des chambres régionales des comptes.

En la matière, le registre diffère, puisque ces mesures consistent en une amélioration du fonctionnement des juridictions administratives et financières, dont les membres manifestent leur impatience de voir vivre une réforme qu’on leur promet depuis trop longtemps.

Le présent texte tend à ouvrir ces juridictions à des promotions internes ou à des accueils en mobilité, dont l’objectif sera de revitaliser le vivier des hauts fonctionnaires, soumis à des contraintes et à un cloisonnement peu favorables aux confrontations d’expériences.

Au total, monsieur le ministre, même si ce projet de loi comporte encore quelques imperfections que les auteurs des différents amendements ne manqueront pas de souligner, le groupe auquel j’appartiens se plaît à reconnaître le bien-fondé des dispositions arrêtées. C’est pourquoi ses membres voteront ce texte, assurés que vous mobiliserez toute votre énergie pour que son application puisse être assurée à la fois vite et bien. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Hugues Portelli.

M. Hugues Portelli. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mes chers collègues, j’abonderai tout d’abord dans le sens de mes collègues à propos du texte qui nous est présenté : ce projet de loi a pour objectif premier d’opérer une mise en forme législative des accords collectifs, et c’est là une bonne initiative.

Par le passé, j’ai été rapporteur de projets de loi de cette nature. À mes yeux, il importe qu’un véritable contractualisme se développe au sein de la fonction publique, et qu’ainsi une part des compétences relève désormais des accords collectifs conclus entre l’État et les organisations syndicales.

À ce titre, il serait bon que nous puissions engager un semblable dialogue au sein de la fonction publique territoriale (M. le ministre acquiesce.) et que de nouvelles instances jouent, à l’avenir, le rôle aujourd’hui assumé par l’État. En effet, il n’est pas normal que ce dernier agisse en lieu et place des collectivités territoriales pour ce qui concerne les dispositifs de ce type.

M. Hugues Portelli. Cette évolution va donc dans le bon sens.

Toutefois, compte tenu du calendrier politique, ce texte s’apparente fatalement aux projets de loi portant diverses mesures d’ordre administratif ou autre, que nous examinions il y a quelques années et qui s’appellent désormais « de simplification du droit »…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ils s’appellent « Warsmann » ! (Sourires.)

M. Hugues Portelli. En effet, monsieur le président de la commission ! Le but de ces textes n’en reste pas moins le même : fournir un véhicule législatif commode à un certain nombre de dispositions.

Monsieur le ministre, il n’est donc pas étonnant – vous voudrez bien, je l’espère, nous en pardonner – que nous ayons voulu introduire dans ce texte un certain nombre de dispositions nouvelles. Je précise que nous avons veillé à ce que celles-ci ne constituent pas des cavaliers sans rapport avec la fonction publique et, partant, avec l’objet du présent projet de loi.

M. Delebarre a cité un certain nombre de ces dispositions, dont je suis pour partie à l’origine, concernant la fonction publique territoriale et, notamment, les centres de gestion.

Ces amendements ont été élaborés lors de l’examen du projet de loi de réforme des collectivités territoriales. Certes, ils n’avaient pas été déposés à l’époque, afin de ne pas interférer avec les débats liés à l’organisation territoriale de l’État et des collectivités. Toutefois, de mon point de vue et de celui de la commission des lois tout entière, ces dispositions n’en sont pas moins importantes.

En effet, au sein de la fonction publique territoriale, les centres de gestion jouent un rôle essentiel en matière de ressources humaines.

M. François Sauvadet, ministre. Bien sûr !

M. Hugues Portelli. Il s’agit d’un outil indispensable pour aider l’ensemble des collectivités, et pas uniquement les plus petites d’entre elles.

M. François Sauvadet, ministre. C’est juste.

M. Hugues Portelli. Certes, la loi dispose que l’affiliation est obligatoire pour les collectivités comptant moins de 350 agents à temps plein – et employant donc, dans les faits, un personnel beaucoup plus nombreux. Mais, au-delà de ce seuil, les collectivités gardent l’entière liberté d’y adhérer, et ainsi de bénéficier de prestations plus ou moins importantes.

Quelle est l’idée qui sous-tend l’ensemble de ces dispositions que nous proposons d’intégrer au présent projet de loi ? Contrairement à ce que certains ont pu conclure d’une lecture hâtive, ces amendements n’ont pas pour but d’aggraver les charges publiques. Ils visent deux objectifs principaux : premièrement, introduire davantage de transparence dans la gestion de la fonction publique territoriale ; deuxièmement, harmoniser le fonctionnement des centres de gestion.

Concernant le premier objectif – la transparence –, je souligne que de nombreuses collectivités, notamment au-delà d’une certaine taille, ont recours aux services des centres de gestion, mais uniquement de manière marginale, au coup par coup, voire – si je puis m’exprimer ainsi – en passagers clandestins, c'est-à-dire sans rémunérer les prestations dont elles bénéficient ! (M. le président de la commission des lois acquiesce.)

En la matière, les amendements déposés ont pour objet non pas de créer des charges nouvelles mais tout simplement d’introduire de la transparence : de fait, lorsque des collectivités bénéficient des prestations fournies par les centres de gestion, elles doivent les solliciter ouvertement et les obtenir moyennant une contribution dont le coût est négocié avec le centre de gestion lui-même. En contrepartie, les collectivités concernées jouissent de ces prestations, d’une part, et prennent part aux délibérations dans le cadre d’un nouveau collège créé au sein desdits centres, d’autre part.

Monsieur le ministre, il ne s’agit de rien d’autre que de cela ! Je le souligne, le but n’est en aucun cas de porter ombrage au Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT, comme certains ont pu le croire un instant, ni de poser des problèmes aux collectivités qui préfèrent s’organiser par elles-mêmes, au sein des intercommunalités auxquelles elles appartiennent – elles ont pleinement le droit de conserver ce mode de gestion : il s’agit simplement de fournir un dispositif pratique de prestations, au sein duquel les collectivités pourront choisir librement.

Le second objectif visé par ces amendements consiste à rapprocher les fonctions publiques territoriales existant au sein des différents départements. En effet, du fait de l’éclatement entre les collectivités qui ont recours aux services des centres de gestion et celles qui ont opté pour une gestion interne à travers leurs structures communales, départementales, régionales, ou dans le cadre d’intercommunalités, lesquelles sont appelées à se développer avec la mise en œuvre de la réforme territoriale, à quel mouvement allons-nous assister ? À une diversification croissante des statuts des fonctionnaires territoriaux.

Or on ne peut pas soutenir qu’on cherche à préserver l’homogénéité de la fonction publique – et c’est l’objectif du présent projet de loi –, qu’elle soit territoriale, nationale ou hospitalière, tout en laissant de facto les différences se creuser entre les agents des diverses collectivités territoriales, selon la taille du département dans lequel ils exercent leurs fonctions, que les centres de gestion disposent, ou non, d’une structure légère.

Monsieur le ministre, notre objectif est donc simple : introduire de la cohérence, garantir une certaine homogénéité au sein de la fonction publique afin que, dans les diverses collectivités, les statuts des différents fonctionnaires soient harmonisés, non seulement sur la forme mais aussi dans l’esprit. Ce n’est rien d’autre que cela !

Je remercie tous nos collègues, de gauche ou de droite, qui, ensemble, ont accompli ce travail et ont abouti à un accord que la commission des lois a approuvé de manière unanime.

Monsieur le ministre, j’espère que vous abonderez dans ce sens, car c’est tout simplement le bon sens ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Michel Delebarre. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, sous l’impulsion efficace de Mme la rapporteure Catherine Tasca, la commission des lois a tenté d’améliorer un texte important pour la qualité de notre service public comme pour le statut des agents qui le servent.

Ainsi, le législateur est aujourd’hui appelé à valider les termes d’un accord négocié entre le Gouvernement et les organisations syndicales il y a près d’un an, le 31 mars 2011.

Le présent projet de loi était très attendu par les partenaires sociaux et nous pouvons légitimement nous interroger sur la cause de tels délais, sur les priorités réelles du Gouvernement et sur la place que celui-ci accorde au débat parlementaire pour améliorer ce texte. (M. le ministre manifeste son désaccord.)

Ainsi, quelques dispositions prévues par le protocole, qui traduisaient des engagements du Gouvernement, ne figurent pas dans le projet de loi. Nous avons tenté d’en rétablir certaines par voie d’amendement, en particulier à l’article 3. Malheureusement, ces amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution.

Cette situation met en lumière le constat suivant : le Gouvernement ne s’est pas donné les moyens de respecter les engagements pris devant les organisations syndicales, ce qui engendre des inquiétudes quant à la mise en œuvre de ce texte, en particulier dans certains ministères, en raison des plafonds d’emplois imposés.

Pour l’heure, le présent projet de loi constitue le quinzième plan de titularisation, général ou sectoriel, mis en œuvre depuis 1946. Or le recours commode aux non-titulaires ne se tarit pas, et ce texte ne résoudra rien.

De fait, au 31 décembre 2009, on recensait plus de 890 000 contractuels dans l’ensemble de la fonction publique, placés dans des situations très diverses, variant du CDI à l’enchaînement de contrats de très courte durée. Variables d’ajustement d’effectifs tendus, un nombre bien trop élevé d’entre eux sont installés dans la précarité, alors même qu’ils contribuent à assurer le fonctionnement du service public.

Rappelons que la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations a tiré les conséquences de la jurisprudence du tribunal des conflits conférant la qualité d’agents de droit public aux personnels non statutaires travaillant pour le compte d’un service public à caractère administratif géré par une personne publique, quel que soit leur emploi.

Le gouvernement de Lionel Jospin avait souhaité sécuriser la situation des agents en fonction à la date de publication de la loi du 12 avril 2000 recrutés sur la base de contrats de droit privé.

Si le texte qui nous est proposé pose des conditions restrictives à l’accès à la titularisation, nous devons admettre qu’il présente un certain nombre d’avancées pour les non-titulaires : les concours ou examens professionnalisés réservés seront ouverts à des agents contractuels de droit public en CDD étant en fonction au 31 mars 2011, dès lors qu’ils justifient d’une durée de service public effectif au moins égale à quatre ans au cours des six années précédant la date de clôture des inscriptions du recrutement.

M. François Sauvadet, ministre. Voilà !

M. Jean-Yves Leconte. À ce titre, je défendrai un amendement afin que la date butoir puisse être fixée au premier jour des épreuves, disposition qui, du reste, avait été validée par le protocole d’accord.

Le projet de loi prévoit également l’obligation d’accorder un CDI à un agent contractuel dès lors qu’il a été employé six années durant au sein d’un même ministère au cours des huit dernières années à la date de publication de la loi.

En outre, l’ancienneté exigée sera réduite à trois ans pour les agents âgés d’au moins cinquante-cinq ans à la date de la publication de la loi.

De plus, l’ancienneté pourra être acquise de manière discontinue, ce qui constitue une avancée, puisqu’une interruption de trois mois entre deux contrats sera désormais tolérée.

Toutefois, ce texte n’est pas encore voté que nous en constatons déjà des effets pervers : ainsi, certaines administrations – notamment dans l’enseignement supérieur ou au sein du ministère des affaires étrangères – refusent de renouveler des CDD afin d’empêcher leurs titulaires de bénéficier d’un CDI.

Monsieur le ministre, de semblables attitudes doivent être condamnées, car elles constituent une violation de l’esprit du projet de loi que nous discutons présentement. Dans ce cadre, je compte sur votre écoute pour résoudre les problèmes que nous pourrions être conduits à vous signaler.

C’est également pour cette raison que j’ai déposé, avec plusieurs de mes collègues, un amendement qui tend à empêcher l’administration de justifier le non-renouvellement d’un CDD par le seul intérêt du service. Le « CDD Kleenex », qui affranchit l’administration de toute gestion de ses ressources humaines, n’est acceptable ni pour les personnels ni pour la qualité du service et sa pérennité.

Voici le témoignage d’une enseignante en université : « Les universités emploient en effet de multiples intervenants en qualité d’enseignants contractuels. Ces enseignants possèdent la qualification et l’expérience requises pour pouvoir enseigner à ce niveau du système éducatif. Bien souvent, les cours dont ils ont la charge nécessitent par ailleurs une spécialisation particulière, peu répandue parmi les enseignants titulaires, qu’ils soient professeurs des universités, maîtres de conférences ou agrégés du secondaire.

« Au fil des années, les universités, pour pouvoir conserver ces enseignants, ont imposé différents types de contrats – lecteur, attaché temporaire d’enseignement et de recherche, contractuel d’enseignement, vacataire, et j’en passe – qui n’ont contribué qu’à pérenniser leur précarité. Parfois, l’enseignant en poste se voit attribuer un contrat à durée déterminée de six mois, à temps plein ou à temps partiel, à l’issue duquel il est rétrogradé à un autre régime encore plus fragile, celui de vacataire : il assure ainsi ses enseignements et les tâches adjacentes qui lui incombent, notamment le suivi des étudiants, pendant une année universitaire complète, mais en n’en étant salarié que durant la moitié de celle-ci.

« L’université conserve de la sorte des enseignants compétents, dont l’utilité est reconnue, sans pour autant leur fournir un statut stable, par exemple en leur proposant un contrat à durée indéterminée, ainsi que le prévoit la loi. Cette instabilité contractuelle permanente et le manque de reconnaissance statutaire ont pour conséquence que les enseignants ne disposent d’aucune perspective d’évolution de carrière et que leurs droits à la retraite deviennent sérieusement limités.

« Aujourd’hui, des enseignants contractuels, enseignants précaires, assurent les cours en master 1 et master 2, les cursus qui requièrent le plus de qualifications. Ils font partie des jurys de mémoires et de diplômes. On fait très souvent appel à eux pour remplacer les enseignants titulaires pour la surveillance des examens, pour assurer une permanence lors de journées portes ouvertes ou pour bien d’autres services, pour lesquels ils ne sont d’ailleurs souvent pas rémunérés. En un mot, ils effectuent les mêmes tâches que les titulaires et, dans de nombreux cas, depuis plus de dix ans.

« Mais, à cause des “pauses contractuelles” qu’on leur impose, ces enseignants contractuels se retrouvent bien souvent empêchés d’avoir les six années d’ancienneté requises par la nouvelle loi pour pouvoir être titularisés ou passer sur un contrat à durée indéterminée, alors même qu’ils ont une ancienneté bien supérieure dans la même université et que leurs activités professionnelles y ont été, de fait, continues. »

Pourtant, le texte actuellement en discussion ne corrige rien de tout cela. Au contraire, les effets pervers de la loi appliquée par une administration tétanisée par la RGPP vont aggraver de nombreuses situations. Les étudiants seront ainsi privés d’enseignants compétents, qui font de surcroît preuve, le plus souvent, d’une forte implication pédagogique, ce qui n’améliorera pas de ce point de vue la situation des universités françaises.

En voulant lutter contre la précarité, on incite certaines administrations à ne pas renouveler les contrats avec les mêmes intervenants, afin que ces derniers ne puissent pas bénéficier de la loi : cela n’est pas acceptable !

Au ministère des affaires étrangères, les 5 000 recrutés locaux ne sont pas concernés par ce plan, ce qui est regrettable pour certains d’entre eux, compte tenu des fonctions fondamentales pour nos services qui leur sont confiées.

Les assistants techniques sont également exclus de ce plan. Cette exclusion est compréhensible lorsqu’il s’agit de faire appel à leurs compétences pointues pour une période donnée. Toutefois, certains d’entre eux répondent à des besoins récurrents et ne devraient pas entrer dans cette catégorie.

Et je ne parle pas des personnels à qui l’on propose un changement de contrat à l’occasion de la mise en place de l’Institut français.

Au demeurant, ce n’est pas seulement une histoire de statut. Si nous voulons conserver, préserver et renforcer notre capacité d’influence et d’action dans le monde, nous devons respecter tous ceux qui y contribuent.

Il ne faut pas oublier non plus le recours aux stagiaires et aux volontaires internationaux, qui acceptent ces emplois pour avoir une première expérience à l’étranger, mais qui se retrouvent souvent, après leur mission, sans emploi et sans aucune protection sociale.

Aucune personne qui effectue une mission, même provisoire, au sein d’une administration publique ou de l’un de ses établissements rattachés ne devrait être dans une telle situation, y compris à l’étranger.

Au ministère des affaires étrangères, sur les 1 800 agents qui sont encore en CDD, seuls 3 % sont susceptibles d’obtenir une titularisation, et 3 % un CDI. Cela souligne bien que, malgré les effets d’annonce, le projet de loi est profilé pour ne rien changer à la politique de gestion de la fonction publique du Gouvernement, bien au contraire.

Les administrations justifient souvent les CDD par des besoins spécifiques de personnels, qui ne sauraient faire l’objet de formations ou d’un suivi de carrière.

Lorsqu’ils ne sont plus assez opérationnels, l’administration les rejette et les remplace. C’est déplorable ! La formation professionnelle des personnels en CDD est donc indispensable. L’administration est un mauvais employeur, car elle ne prévoit aucune évolution de carrière pour son personnel contractuel.

La lutte contre la précarité est essentielle. C’est une question de dignité et d’efficacité.

Sur le plan de la dignité, il n’est pas concevable qu’un salarié accomplisse toute sa carrière avec la peur au ventre que son engagement ne soit pas renouvelé, jonglant entre différents types de contrats. Maintenir des personnels dans de telles situations, c’est en outre leur limiter, voire leur empêcher tout accès au crédit et au logement dans des conditions autonomes, ce qui devrait pourtant être le cas de tous ceux qui travaillent.

Sur le plan de l’efficacité, c’est les empêcher de s’impliquer totalement dans leur travail ; c’est renoncer à avoir une démarche d’amélioration progressive de leurs compétences et de leur projet professionnel ; c’est, finalement, une atteinte à la qualité du service public.

La demande que nous formulons à l’État n’est pas extravagante. Il s’agit simplement d’une exigence d’exemplarité. Pourquoi l’État s’affranchirait-il des règles qui s’imposent – qu’il impose – au secteur privé ?

L’État considérerait-il qu’il est préférable de recourir à « l’emploi Kleenex » plutôt que d’assurer un suivi de carrière, une progression et une formation pour tous ses contractuels ? C’est ce suivi qui permettrait d’avoir une gestion plus efficace des ressources humaines, gage à la fois d’économies et de qualité.

Malgré le principe de l’unicité de l’État, ce texte permet de multiplier les types d’employeur – département ministériel, établissement public… Cette solution de facilité permet d’échapper à une vision d’ensemble, qui imposerait une gestion plus rigoureuse mais aussi plus humaine de l’ensemble des agents travaillant pour l’État.

Pour l’heure, malgré toutes ces réserves et en dépit de son caractère ambigu au regard de la politique qui frappe la fonction publique depuis 2007 – qu’il s’agisse de son périmètre d’action ou de ses moyens –, nous voterons ce texte, par respect pour l’accord conclu avec les organisations syndicales, après lui avoir apporté quelques améliorations dont nous allons maintenant discuter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)