M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Sage décision !

M. François Sauvadet, ministre. Je vous remercie. Je me suis permis de le signaler, car vous ne l’aviez pas encore fait. (Sourires.) Ce qui va sans dire, va encore mieux en le disant, monsieur le président Sueur… Je voulais dire par là que le Gouvernement a pris toute sa part dans la recherche de cette convergence. En tout cas, nous avons fait, me semble-t-il, œuvre utile pour notre pays et pour une conception du service au public que nous partageons.

J’ai conscience, comme membre du Gouvernement, des efforts que nous avons demandés à nos agents publics. Quels que soient les gouvernements qui nous succéderont, sans précipitation, le moment venu, tout le monde sera appelé à consentir les mêmes efforts. Simplement, dans le même temps que nous demandons des efforts nous devons donner des signaux de justice et d’équité.

Telle était la volonté du Gouvernement à travers ce texte dont nous avons tenu à faire en sorte qu’il soit voté. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de la part que vous y avez prise. C’est tout à l’honneur du Parlement et du Gouvernement que, sur des sujets qui tiennent à la cohésion sociale et territoriale, à l’idée finalement que nous avons en partage de la République, nous sachions, en certaines circonstances, nous rassembler ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.

Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons donc cet après-midi les conclusions d’une commission mixte paritaire qui est parvenue à un texte commun entre le Sénat et l’Assemblée nationale : il faut saluer cet événement car, cela n’a échappé à personne, une commission mixte paritaire qui aboutit, voilà une chose devenue assez rare ces derniers mois...

Il faut par conséquent se féliciter du dialogue constructif que nous avons pu avoir d’abord dans cet hémicycle, puis avec nos collègues députés lors de cette commission mixte paritaire.

Le présent projet de loi découle d’une intense concertation entre les partenaires sociaux, vous venez de le rappeler, monsieur le ministre, au printemps 2009 et à l’automne 2010.

Cette concertation a permis l’établissement d’un diagnostic partagé de tous sur la situation des agents contractuels, et a démontré l’existence d’un large consensus sur l’opportunité d’une réforme du cadre législatif et réglementaire qui leur est applicable.

Cette réforme concerne l’ensemble des agents contractuels : ceux de la fonction publique d’État mais aussi ceux des fonctions publiques territoriale et hospitalière.

Le 31 mars 2011, la négociation a abouti à la signature d’un protocole d’accord, largement consensuel. Le présent projet de loi en est la traduction législative. (M. le ministre opine.)

Ce processus est exemplaire : d’abord la concertation, puis la législation. Il procède d’une méthode logique, et la démarche adoptée en ce domaine par le Gouvernement a été bonne ; parfois, on eût aimé qu’il en soit de même pour d’autres textes…

Cette démarche doit être saluée, car les étapes de négociations n’ont pas été sacrifiées à l’urgence qu’il y avait, d’une part, d’apporter une réponse immédiate aux situations de précarité rencontrées sur le terrain et, d’autre part, de prévenir la reconstitution de telles situations pour l’avenir, en encadrant mieux les cas de recours au contrat. Tels étaient, d’ailleurs, les deux principaux axes du protocole signé le 31 mars dernier.

Il est important de rappeler que les agents non titulaires représentent aujourd’hui près de 16,8 % des effectifs de l’ensemble de la fonction publique, soit quelque 900 000 agents.

Comme nous l’avions fait en première lecture, nous tenons à saluer les travaux de notre commission des lois et particulièrement notre collègue Catherine Tasca qui a accompli un travail de fond sur ce texte complexe.

Le projet de loi, qui comportait initialement 63 articles, en compte désormais 137, dont 40 introduits par le Sénat et 34 par l’Assemblée nationale. Lors de la commission mixte paritaire du 16 février dernier, à laquelle j’ai participé, 71 articles restaient en navette. Je me réjouis que nous soyons parvenus à un accord sur l’ensemble de ces articles.

Je tiens à saluer les initiatives des députés qui, après les importants aménagements introduits au Sénat, ont cherché à enrichir le texte sur des thèmes tels que la lutte contre les discriminations, le développement du dialogue social ou encore la réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique territoriale.

Concernant l’avenir des centres de gestion de la fonction publique territoriale, le Sénat avait amorcé un travail important, avec un dispositif visant à renforcer la coordination des centres de gestion au niveau régional ou interrégional.

Je tiens d’ailleurs à saluer le travail important qui a été accompli sur ce thème par notre collègue Hughes Portelli, qui avait lancé le débat grâce à sa proposition de loi. Cette thématique avait ensuite été soutenue en séance publique par notre collègue Jean-Pierre Vial dont je tiens également à saluer le travail.

Le texte adopté à l’issue des travaux de nos deux assemblées donnera la possibilité aux coordinations régionales ou interrégionales des centres de gestion de s’organiser au niveau national par convention pour exercer en commun leurs missions. Le dispositif tend ainsi à favoriser la mise en place de plateformes mutualisées à l’échelon national.

Le dispositif retenu correspond, selon moi, à un véritable consensus sur l’ensemble des travées de l’Assemblée nationale comme du Sénat.

Nous nous réjouissons également de l’accord qui a été trouvé sur les articles concernant le Conseil d’État, qui avaient fait l’objet de nombreuses remarques. L’essentiel a été maintenu, j’allais dire « sauvé » (M. le ministre rit.), mais cela aurait été un mauvais jeu de mots…

Je me réjouis que nous soyons parvenus à un accord sur ce texte résultant lui-même d’un accord entre les partenaires sociaux. Je tiens encore une fois à féliciter notre rapporteur pour son travail sur une matière quelque peu complexe.

Globalement, le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire apparaît équilibré. C’est pourquoi le groupe de l’Union centriste et républicaine votera en faveur des conclusions de cette commission mixte paritaire afin que ce texte très attendu puisse être rapidement promulgué. (Applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP. – Mme Anne-Marie Escoffier et M. Jean-Claude Requier ainsi que M. le président de la commission des lois applaudissent également.) 

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur les 5,3 millions d’agents employés par l’État, près de 900 000 sont en situation de précarité car non fonctionnaires, soit 16,5 % des agents de la fonction publique.

Ce sont les trois versants de la fonction publique – d’État, hospitalière et territoriale – qui connaissent des records de précarisation. Il est donc impératif de tout entreprendre pour mettre fin au recours excessif à des contractuels.

Ce projet de loi fait suite aux accords du 31 mars 2011 signés par six organisations syndicales sur huit, au terme de deux ans de négociations. Il est censé résorber cette précarité en permettant aux agents contractuels qui pourvoient des emplois permanents d’accéder, sous certaines conditions, à des postes de titulaires ou à des CDI.

Contribuant au moins à sécuriser le parcours d’un certain nombre d’agents, cette action semble pourtant bien insuffisante au regard de l’ampleur du phénomène, puisque deux tiers des agents ne pourront bénéficier ni de la titularisation ni de la « CDIsation » prévue par la loi !

De fait, ce projet de loi est loin de revaloriser le rôle et la place de la fonction publique comme de ceux qui y travaillent. Il « CDIse » 100 000 personnes, mais ne prévoit que des titularisations partielles et circonscrites, pour mieux s’inscrire dans la logique qui est celle du Gouvernement, le démantèlement du statut de fonctionnaire, considéré comme un coût et un obstacle à la flexibilité ultralibérale des politiques actuelles.

Conséquence de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, il réduit la précarité dans des conditions si restrictives que l’essentiel des précaires ne sera pas concerné.

De nouvelles dispositions ont par ailleurs été introduites à l’Assemblée nationale, notamment sur la représentation des femmes au sein de la fonction publique – Tant mieux ! Espérons que le contexte de RGPP ne viendra pas trop nuire à tout cela. Cependant, monsieur le ministre, je regrette, en ma qualité de présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, que ces dispositions n’aient pu être examinées par le Sénat. Un sujet d’une telle importance ne saurait être traité au détour d’un projet de loi et mérite un débat en tant que tel, suivi par les deux chambres et en dehors de toute procédure accélérée.

Outre ces insuffisances, ce texte aurait suscité notre opposition radicale et définitive si la commission mixte paritaire n’avait, sur une initiative particulière de la présidente de notre groupe Mme Nicole Borvo, abouti à la suppression de l’article 32 bis A inséré par l’Assemblée nationale.

En contradiction totale avec l’objectif affiché de ce projet de loi, cet article aurait en effet eu pour conséquence le développement de la précarité dans le domaine de la recherche. Il aurait permis aux établissements publics à caractère scientifique et technologique de recruter des agents contractuels pour occuper des fonctions techniques ou administratives correspondant à des catégories A, non plus seulement en CDI comme cela est actuellement le cas, mais également en CDD.

Le Gouvernement prévoyait ainsi de créer un nouveau CDD spécifique à la recherche, via un « contrat de projet » liant le recrutement des personnels de catégorie A à la durée de vie d’une convention de recherche conclue entre un organisme de recherche et une instance assurant un financement externe.

Cette disposition, que le Gouvernement avait déjà tenté d’introduire dans le protocole d’accord en mars 2011 – on s’en souvient ! – a cette fois encore été rejetée : c’est une bonne chose ! De fait, au sein d’un texte censé résorber l’emploi précaire dans la fonction publique, il serait inadmissible de voir figurer un article contribuant à ériger l’emploi précaire en norme de l’emploi dans le domaine de la recherche.

Cette disposition aurait été d’autant plus problématique que le secteur de la recherche – tout comme celui de l’enseignement supérieur, du reste – est déjà fortement touché par la précarité. Il devrait donc, au contraire, bénéficier tout particulièrement des dispositifs prévus par un semblable projet de loi.

En effet, la précarité est particulièrement développée dans ce domaine, puisqu’elle y concerne 30 % à 35 % des emplois, alors que la moyenne dans la fonction publique – je le rappelle – s’élève à 16,5 %. En 2010, on estimait à 55 000 le nombre de non-titulaires dans ce secteur. Ainsi, il est fréquent que les salariés y travaillent entre cinq et dix ans dans le cadre de contrats de courte durée ou de vacations, y compris après obtention de leur doctorat.

En dépit de cette situation, largement dénoncée par les personnels concernés, le ministère n’a recensé que 11 000 non-titulaires de longue durée éligibles au dispositif de titularisation prévu par le présent projet de loi. Cette mesure est bien trop insuffisante pour enrayer le développement de la précarité, ou même pour réduire significativement le nombre de salariés précaires de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Pis, comme chacun sait, une stratégie a été mise en œuvre pour réduire au maximum le nombre de titularisations : ainsi, certains contrats, dont les titulaires étaient éligibles aux mesures prévues par le protocole et le présent projet de loi, n’ont pas été renouvelés.

En outre, nous ne pouvons que déplorer l’ajout par l’Assemblée nationale d’une disposition visant à exclure les contrats de doctorant des CDD ouvrant droit à CDIsation ou titularisation.

Il est donc assez aisé de démontrer les insuffisances de ce texte : d’ailleurs, je n’ai cité que quelques exemples. Cependant, le groupe CRC s’abstiendra sur ce projet de loi car, si faible que soit le nombre de contractuels de la fonction publique susceptibles de bénéficier des mesures prévues dans ce cadre, nous ne pouvons nous opposer à un texte qui – il faut le souligner – met un terme à la détresse d’un certain nombre d’agents, aussi insuffisant soit-il. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mmes Marie-Noëlle Lienemann et Françoise Laurent-Perrigot ainsi que M. Jean-Yves Leconte applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un projet de loi examiné en procédure accélérée et qui, à l’issue de la commission mixte paritaire, bénéficie d’une quasi-unanimité en sa faveur : voilà qui est suffisamment rare pour être souligné. (M. le ministre opine.)

En première lecture, nous avions déjà été nombreux à signaler l’exception que constitue ce texte. Notre excellent rapporteur, Catherine Tasca, avait notamment mentionné l’accord recueilli par les organisations syndicales, dans leur grande majorité.

Si la Haute Assemblée fait souvent grise mine aux textes discutés en procédure accélérée, ce projet de loi fait exception, et chacun se réjouit que des dispositions réduisant la précarité des emplois de contractuel dans la fonction publique aient pu être arrêtées.

En effet, il n’est que justice de reconnaître que, bien souvent, les personnels contractuels sont de facto des fonctionnaires déguisés, dont les emplois sont adaptés aux spécificités des services des trois fonctions publiques qu’ils servent. Dès lors, on ne peut que se féliciter, pour ces trois fonctions publiques – la fonction publique d’État, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière –, des mesures adoptées qui reprennent les propositions formulées par le protocole d’accord, lequel – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre – a été signé par six des huit organisations représentatives de la fonction publique.

Pour occuper les emplois permanents des services publics administratifs, le principe d’accès à la fonction publique reste le concours,…

Mme Catherine Tasca, rapporteur. Tout à fait !

Mme Anne-Marie Escoffier. … mais un concours dont on a compris qu’il doit davantage s’appuyer sur une expérience ou sur des potentialités professionnelles que sur des connaissances académiques (M. le ministre acquiesce.), comme les uns et les autres l’ont déjà souligné. À mes yeux, il faut insister encore sur ce point, car force est de constater que nos concours n’ont parfois rien à voir avec les compétences nécessaires pour assumer des fonctions dans l’administration.

Le recrutement de contractuels s’est assoupli, pour ce qui concerne la nature des emplois occupés comme la durée des contrats eux-mêmes.

Plus particulièrement, j’ajouterai un mot pour me réjouir du travail accompli concernant les centres de gestion. Sur ce point, je salue également l’intervention de notre collègue Hugues Portelli.

J’ajouterai également un mot pour ce qui est du recrutement des collaborateurs de groupes, dont on avait pu craindre que la précarité ne s’aggrave encore. La durée et les modalités de renouvellement de leurs contrats sont clairement les dispositions du droit commun applicables aux agents contractuels, et leurs indemnités dues au titre de l’assurance chômage comme leurs indemnités de licenciement, en cas de fin de contrat, restent à la charge du budget général de la collectivité concernée, même si ces personnels relèvent de l’autorité desdits groupes.

Par ailleurs, – et chacun s’en est félicité – le présent texte a introduit un ensemble de mesures destinées à lutter contre les discriminations, en favorisant par contrecoup la parité entre les hommes et les femmes. Certes, il aurait pu sembler nécessaire de fixer pour but un véritable équilibre 50-50, mais c’eût été méconnaître les freins réels existants. La sagesse a conduit à limiter à 40 % le seuil rendu opposable aux administrations frileuses et, sur ce point, dame Sagesse me paraît bonne conseillère ! (Sourires.)

Je n’évoquerai pas les emplois des juridictions administratives et financières, sinon pour relever que les mesures proposées ont pour objectif de corriger la déperdition inéluctable des compétences imposée par la révision générale des politiques publiques, la RGPP.

Enfin, parmi l’ensemble des dispositions introduites, je salue la « petite dernière », relative au télétravail, heureuse mesure qui tient compte de la réalité de nos territoires et qui – sous réserve de l’existence d’un bon réseau de haut débit – permettra aux juridictions de poursuivre leur tâche, au bénéfice de tous les citoyens.

Sur ce point précis, je songe notamment à l’expérimentation conduite avec succès, depuis deux ans, par la présidente du tribunal de grande instance de Rodez. À la suite de la fermeture intempestive et accélérée du tribunal de Millau,…

Mme Nathalie Goulet. Merci Mme Dati !

Mme Anne-Marie Escoffier. … celle-ci a, pour la première fois en France, mis en place un service à distance, fonctionnant pour le bien et l’intérêt de tous, sur la base du télétravail. Il s’agit d’une expérience réussie, qu’a d’ailleurs saluée le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, au total, le groupe du RDSE votera à l’unanimité en faveur de ce texte, au sujet duquel on aurait bien sûr pu souhaiter encore d’autres améliorations, ou une réflexion plus globale, s’agissant en particulier des juridictions administratives et financières.

Enfin, formons ensemble un vœu : que cette loi anti-précarisation soit bien la dernière d’une trop longue série,…

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cela risque d’être difficile !

Mme Anne-Marie Escoffier. … seize textes, avez-vous dit, monsieur le ministre, visant à normaliser des comportements de l’État, des collectivités locales et des hôpitaux, qui sont parfois critiquables. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE. – Mme la rapporteur ainsi que MM. Alain Richard et Hugues Portelli applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli.

M. Hugues Portelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, mes chers collègues, il est rare de pouvoir intervenir dans un débat dans le cadre duquel chacun converge vers une même position : je le souligne, c’est peu fréquent depuis quelques mois (M. André Reichardt sourit.), mais aussi en règle générale !

Mme Catherine Tasca, rapporteur. C’est vrai !

M. Hugues Portelli. En effet, mettre d’accord le Gouvernement et le Parlement, l’Assemblée nationale et le Sénat, la gauche et la droite relève de l’exceptionnel. Dans ces conditions, ne boudons pas notre plaisir !

En premier lieu, je tiens à remercier Mme le rapporteur, qui, au sein de la commission, a accompli un travail remarquable dont chacun a souligné l’importance, et ce pour deux raisons.

Premièrement, le présent projet de loi, pour être bien cadré, n’en visait pas moins un objectif central : la mise en forme législative d’accords collectifs.

Deuxièmement, ce texte intégrait également de nombreux autres textes, comme c’est souvent le cas en fin de session : ainsi, comme toujours en pareil cas, nous courions le risque d’aboutir à un véhicule législatif uniquement composé de cavaliers ! Il convenait donc avant tout d’assurer une cohérence à toutes ces dispositions : à mes yeux, madame le rapporteur, vous avez parfaitement atteint cet objectif.

Je tiens également à remercier M. le ministre, qui a fait preuve d’une grande intelligence en parvenant à rassembler tout le monde, qui plus est par le haut :…

M. André Reichardt. Très bien !

M. Hugues Portelli. … non pas par des compromis de bouts de ficelle, mais en dégageant les éléments saillants du débat et en s’efforçant d’en préserver la cohérence. Merci, monsieur le ministre, d’avoir débloqué de nombreuses situations, en apportant ainsi la preuve que le Gouvernement en était capable !

Les précédents orateurs l’ont déjà souligné : sur le fond, ce texte constitue, pour l’essentiel, la mise en forme législative d’accords collectifs. Il s’agit d’un enjeu primordial, relevant d’une tendance croissante qui, à mon sens, va devenir de plus en plus nécessaire. De fait, cette méthode introduit une respiration démocratique dans un système statutaire. D’une part, nous sommes attachés au statut mais, de l’autre, nous accordons une grande importance au dialogue social.

Le seul moyen de combiner ces deux enjeux, c’est de garantir que le statut forme non pas un carcan mais un cadre à l’intérieur duquel les partenaires sociaux peuvent débattre et avancer.

M. François Sauvadet, ministre. Exactement !

M. Hugues Portelli. En outre, c’est précisément la bonne manière d’être contractuel, c'est-à-dire…

Mme Catherine Tasca, rapporteur. De contracter ! (Sourires.)

M. Hugues Portelli. … de conventionner, de conclure des accords entre des partenaires représentatifs.

À ces solutions s’ajoute la contractualisation, qui est devenue proprement inévitable : mes chers collègues, en tant que maire ou président de conseil général, nous signons chaque mois des centaines de contrats de vacation pour les centres de loisirs ou les différents services où nous sommes – hélas ! – contraints d’employer des personnels sous un semblable statut. Ce faisant, ces vacations servent de variable d’ajustement. Il ne s’agit pas d’une critique mais d’un constat, car les municipalités ne peuvent pas faire autrement : même les mairies communistes y ont recours !

M. Christian Favier. Beaucoup moins !

M. Hugues Portelli. Peut-être moins…

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il y a un seuil, monsieur Portelli !

M. Christian Favier. Tout à fait, 5 % !

M. Hugues Portelli. … j’en suis bien conscient, ma chère collègue : je ne suis certes pas communiste, mais je fais autant d’efforts que vous en la matière !

En outre, dans ce domaine, d’autres facteurs doivent être pris en compte. En effet, certains métiers ne relèvent pas du statut de la fonction publique. Il est donc nécessaire de pourvoir les postes concernés par le biais de CDD ou de CDI. En outre, les agents travaillant à temps partiel étant de plus en plus nombreux, nous devons nous adapter en conséquence : ce n’est pas violer les règles que d’agir ainsi !

La contractualisation est un fait, mais il convient d’en limiter l’usage, de la rendre la plus cohérente possible, et d’empêcher qu’advienne le règne du CDD. Au contraire, il faut favoriser le développement du CDI.

Plusieurs textes législatifs ont déjà été votés dans cet hémicycle pour résorber le recours au CDI, mais on n’a jamais légiféré de manière cohérente et pérenne. C’est pourquoi je vous remercie, monsieur le ministre, de permettre d’assurer une application cohérente et durable de ce type de dispositions.

Par ailleurs, ce texte permet d’intégrer de nombreuses dispositions relatives à divers sujets. À ce titre, je vous suis reconnaissant d’avoir pris en compte les centres de gestion de la fonction publique territoriale, qui jouent un rôle essentiel dans les ressources humaines des collectivités : à mes yeux, le présent texte permet d’assurer l’avenir de ces organismes, et surtout leur développement homogène ! De fait, ce n’est pas l’avenir des grands centres qui pose problème, mais celui des petites structures : le risque que nous courons déjà dans de nombreux départements, c’est que les centres de gestion ne se consacrent qu’aux petites collectivités,…

Mme Jacqueline Gourault. Tout à fait !

M. Hugues Portelli. … et que les grandes vivent leur propre vie, en ne fréquentant les centres de gestion que comme des passagers clandestins !

Désormais, une véritable cohérence sera assurée. À mes yeux, le texte élaboré grâce à vous a atteint un juste équilibre.

On peut dresser le même constat concernant les juridictions administratives et financières. Nous sommes certes toujours dans l’attente d’une grande loi, mais, personnellement, je préfère patienter encore un peu plutôt que de voir déposer un texte comparable à celui qui nous a été présenté voilà un an et demi, dont les trois quarts des dispositions relevaient de l’article 38 de la Constitution !

Permettez-moi de le souligner : ces instances ont beau être financières ou administratives, elles n’en restent pas moins des juridictions. Or on ne peut pas fixer le statut des magistrats des ordres administratif et financier par voie d’ordonnance : ces questions relèvent de la « vraie loi », celle qui est intégralement votée par le Parlement.

S’il s’agit, aujourd’hui, de résoudre quelques cas particuliers, il me semble que vous avez eu raison d’opérer un tel choix : le compromis atteint en commission mixte paritaire est tout à fait honorable. Néanmoins, un jour venant, il faudra bien envisager l’ensemble des juridictions administratives comme un seul corps et non pas deux, afin que le juge administratif soit considéré comme le juge judiciaire : je le souligne, il n’y a pas deux catégories de magistrats, mais une seule !

De même, concernant les juridictions financières, on sait pertinemment que si le projet de loi qui était en cours de réflexion – et même de prérédaction – a été bloqué, c’est notamment du fait des différences statutaires existant entre les magistrats des chambres régionales des comptes – ce ne sont pas des personnes indignes ! – et ceux de la Cour des comptes. À mes yeux, ces disparités ne sont pas équitables.

Enfin, pour ce qui concerne les dispositions ajoutées au fur et à mesure des débats, nous sommes d’accord avec les conclusions de la commission mixte paritaire.

Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, le groupe UMP soutient ce texte sans la moindre hésitation, et se félicite par avance de son entrée en vigueur. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mmes Corinne Bouchoux et Anne-Marie Escoffier ainsi que M. Jean-Yves Leconte applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, le projet de loi relatif à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique comporte de réelles avancées, mais suscite aussi un certain nombre d’inquiétudes.

Résultat d’un véritable dialogue social qu’il convient de saluer, ce texte patchwork comporte des initiatives de nature très variée.

D’un côté, le Gouvernement n’a pas hésité à introduire, après l’examen de ce texte par le Sénat, de nouvelles mesures, dont certaines sont positives, et d’autres beaucoup moins.

Il n’a pas résisté à diverses pressions de l’École polytechnique ou du Conseil d’État – et j’en passe… – visant à faire figurer dans le projet de loi des mesures dépourvues de tout lien avec l’intitulé et le propos initial de celui-ci.

Il est pour le moins paradoxal que nous en soyons réduits à examiner ce texte selon la procédure accélérée et à en faire un « fourre-tout », alors qu’il s’agissait en réalité de prendre en compte la précarité à laquelle sont réduits des centaines de milliers de salariés, l’État étant un bien mauvais employeur.

D’un autre côté, nous ne pouvons que saluer les avancées qui nous sont proposées, notamment la tentative de résorption de cette poche de précarité, qui est devenue extrêmement préoccupante au fil des ans.

Nous ne pouvons que louer le souci de mieux définir le CDI applicable dans la fonction publique, afin de disposer d’une loi plus lisible, plus sûre, de contrats harmonisés, de conditions de renouvellement plus claires et de garanties de passage d’un CDD à un CDI.

Ainsi que l’a signalé Mme la rapporteure, sur tous ces points, les syndicats souhaitent – ils nous l’ont fait savoir – que la représentation nationale prenne acte des accords qui ont été trouvés. Nous les entendons.

Ce texte est positif dans la mesure où il permet de trouver une solution honorable pour résoudre la situation de dizaines de milliers de salariés qui travaillent pour le service public dans des conditions d’insécurité forte, sans pour autant remettre en cause le modèle d’accès à la fonction publique par concours.

Les mesures concrètes de lutte contre les discriminations liées au handicap constituent une bonne surprise.

Par ailleurs, on ne peut que saluer les ajouts sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique, tout particulièrement s’agissant du haut encadrement.

Toutefois, pourquoi, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous en tenir à l’objectif résolument insuffisant de 40 % de femmes à certains emplois ? Nous devons tendre vers la parité totale et mener sans attendre un important travail de lutte contre les stéréotypes, à travers une politique active et ambitieuse incitant à la mixité dans toutes les professions.

Il n’est pas sage que l’immense majorité des enseignants du primaire soient des femmes alors que la quasi-totalité des magistrats des hautes juridictions sont des hommes.

Nous tenons à souligner l’attachement des écologistes au maintien du statut de la fonction publique, et sommes très satisfaits de voir que, aujourd’hui, une partie du personnel exerçant des fonctions au service de l’État ou des collectivités territoriales va pouvoir quitter la précarité et bénéficier d’une situation plus digne et plus stable.

Nous nous réjouissons également que la CMP ait écarté l’article 32 bis A visant à modifier l’article L. 431–2–1 du code de la recherche. Celui-ci, en effet, au motif d’aider les LABEX et IDEX, les laboratoires et initiatives d’excellence retenus par le grand emprunt, introduisait des durées de convention dérogatoires dangereuses, qui risquaient à la fois de réintroduire une nouvelle précarité et de donner un mauvais signal aux étudiants envisageant un doctorat.

Je me permets d’insister sur ce point : il faut massivement soutenir la recherche publique et offrir de nouveaux emplois d’enseignants-chercheurs, et non multiplier les dérogations...

Ce texte doit donc non seulement résorber la précarité, mais aussi être en mesure de la prévenir – à l’instar de l’un de nos collègues, nous espérons que ce soit le dernier du genre.

Par ailleurs, si l’ajout de l’article 8 ter permet d’inclure les établissements d’enseignement supérieur d’arts plastiques délivrant des diplômes d’école ou des diplômes nationaux dans le dispositif, qu’en est-il des écoles d’agronomie de l’enseignement supérieur relevant du ministère de l’agriculture ? Rien n’est spécifié les concernant, mais nous espérons qu’elles relèvent du même régime ! Peut-être pourrez-vous nous éclairer sur ce point, monsieur le ministre.

Nous espérons également que l’article 8 quater, consacré à l’Office national des forêts, permettra de remédier au malaise de ses salariés.