M. Jean Desessard. Nous l’avons souvent entendu affirmer depuis le début de l’examen du texte, tant dans l’hémicycle qu’en commission des affaires sociales : ce projet de loi vise à attribuer un certain nombre de droits nouveaux aux salariés.

Parmi ces droits nouveaux, on compte une innovation intéressante : la mobilité volontaire sécurisée. J’ai quelques petites divergences sur ce point avec nos camarades du groupe CRC, qui se sont montrés très critiques sur l’article 3.

Permettre au salarié justifiant d’une ancienneté minimale de vingt-quatre mois d’aller exercer une activité dans une autre entreprise, dans des conditions qui lui sont favorables, constitue à mon sens un progrès.

Mais pourquoi ne pas pousser la logique jusqu’au bout ? En l’état actuel de la rédaction de l’article, on a le sentiment qu’il s’agit d’octroyer un droit nouveau au salarié tout en donnant à l’employeur la possibilité de le lui retirer aussitôt. En effet, l’article subordonne l’acceptation de la demande de mobilité externe au bon vouloir de l’employeur.

La logique de cette disposition nous échappe donc quelque peu. Elle nous échappe d’autant plus que, après deux refus successifs de la part de l’employeur, le salarié aura automatiquement droit à un congé individuel de formation, un CIF. Franchement, où est la logique ?

En dépit de tout l’intérêt de ce nouveau droit, quel rapport y a-t-il entre la mobilité externe, qui permet à un salarié d’aller travailler dans une autre entreprise, en répondant à une offre d’emploi qui lui plaît, et le CIF, qui relève de la formation professionnelle ? Certes, je sais bien, l’ANI c’est formidable, il faut s’en tenir à l’ANI, en avant toute ! Mais où est la logique ? Le salarié qui veut diversifier son expérience professionnelle ne ressent pas nécessairement le besoin ou l’envie de se former !

Nous pensons donc que, pour faire de la mobilité volontaire sécurisée un véritable droit nouveau pour le salarié, il est nécessaire de supprimer la mention « avec l’accord de son employeur » et de prévoir que l’employeur ne pourra opposer qu’une seule fois un refus à la demande de mobilité du salarié. Nous laissons cette marge de manœuvre à l’employeur, parce que nous comprenons que des difficultés conjoncturelles puissent justifier un refus. Cependant, si le salarié trouve une seconde offre d’emploi qui l’intéresse, sa demande doit être satisfaite, afin que son droit à la mobilité externe soit véritablement garanti.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. L’article 3 prévoit l’instauration d’un système de mobilité volontaire sécurisée pour le salarié. L’ANI précise que l’employeur ne pourra pas opposer plus de deux refus à la demande d’un salarié de bénéficier de ce dispositif : au-delà, le salarié pourra automatiquement accéder au CIF.

M. Jean Desessard. Quel rapport, monsieur le rapporteur ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Cela offre une solution alternative au salarié. L’équilibre de l’ANI a été construit autour de l’impossibilité, pour l’employeur, de refuser indéfiniment la mobilité volontaire sécurisée ; le dispositif est donc encadré. C’est cet équilibre qui a été retenu par les partenaires sociaux : je ne m’estime pas fondé à inviter le législateur à le modifier. C'est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable au nom de la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Monsieur Desessard, est-il possible aujourd'hui de quitter son entreprise pour aller travailler dans une autre tout en bénéficiant d’un droit au retour ? La réponse est non.

M. Jean Desessard. J’ai dit que c’était positif !

M. Michel Sapin, ministre. Il s'agit d’un progrès considérable ! Aujourd'hui, la possibilité d’une mobilité avec un droit au retour, qui n’est d'ailleurs pas aussi sécurisé que ce que prévoit le projet de loi, n’existe que dans quelques grandes entreprises, qui l’ont ouverte par le biais d’un accord interne, généralement parce qu’elles y trouvaient un intérêt en période de restructuration. C’est de cette situation que nous partons.

À entendre certaines critiques, on a le sentiment que nous proposons une sorte de recul. Non, il s'agit d’une avancée considérable ! Prenons-la comme telle. Certes, on pourrait peut-être faire encore plus, encore mieux, garantir encore plus de sécurité, assurer le droit au retour dans tous les cas, etc., mais consolidons déjà cette avancée, en respectant l’équilibre défini par les partenaires sociaux. Nous verrons ensuite, dans quatre, cinq ou six ans, comment les choses peuvent être améliorées.

Nous retrouverons un tel débat au sujet de très nombreuses dispositions du projet de loi. J’entends parfois dire que celui-ci marque une régression : non, c’est un texte de progrès ! Pourrait-on aller encore plus loin, vers l’idéal ? Oui, mais engrangeons déjà cette avancée considérable, consolidons-la sans en rajouter : même si je comprends très bien votre volonté d’aller plus loin, il convient de s’en tenir à l’équilibre trouvé par les partenaires sociaux.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, j’ai reconnu que le dispositif constituait un progrès. J’ai même dit que mon analyse différait de celle de nos collègues du groupe CRC.

Cependant, le dispositif ne représentera réellement un progrès que s’il peut être appliqué. Or, la rédaction actuelle du texte accorde à l’employeur la possibilité de refuser deux fois la demande de mobilité du salarié, puis, la troisième fois, de l’envoyer en formation. Qu’est-ce que cela signifie ? Le progrès n’est que virtuel, car le droit à la mobilité ne sera en fait pas facilement accessible.

Certes, le dispositif est intéressant, mais, en l’état, le droit à la mobilité professionnelle du salarié pourra se transformer, en cas d’opposition réitérée de l’employeur, en un droit à la formation avant retour dans l’emploi d’origine… C’est pourquoi je parle d’avancée virtuelle, monsieur le ministre : nous voulons une avancée réelle. (M. Jean-Vincent Placé applaudit.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 577 rectifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe écologiste.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 211 :

Nombre de votants 176
Nombre de suffrages exprimés 174
Majorité absolue des suffrages exprimés 88
Pour l’adoption 32
Contre 142

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° 83, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L’ancienneté du salarié demandant à bénéficier d’une période de mobilité volontaire sécurisée s’évalue au regard de l’ancienneté acquise dans toute autre entreprise du même groupe.

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Cet amendement vise à compléter l’alinéa 4 de l’article 3 qui, je le rappelle, a pour objet d’instaurer une mobilité volontaire sécurisée.

Dans cet alinéa est posé le principe de cette mobilité qui concernera les salariés justifiant d’une ancienneté minimale de vingt-quatre mois, consécutifs ou non, travaillant dans une entreprise ou un groupe d’entreprises d’au moins 300 salariés.

Par cet amendement, nous demandons que soit explicitement précisé que cette ancienneté pourra avoir été acquise dans toute entreprise d’un même groupe. Cette précision ne serait pas superfétatoire, son omission dans la rédaction actuelle de l’article 3 pouvant conduire à une interprétation défavorable au salarié.

Dans le même alinéa, il est par ailleurs indiqué que les vingt-quatre mois d’ancienneté ouvrant droit à demander à bénéficier d’une telle mobilité peuvent être non consécutifs. Le texte étant donc plutôt précis, pourquoi ne pas disposer que l’ancienneté nécessaire pourra avoir été acquise dans toutes les entreprises du même groupe ?

Nous avons relevé, à l’occasion de nos premières interventions sur l’article 3, que la mobilité volontaire sécurisée est un concept qui, dans certains cas, pourrait desservir les salariés, en permettant aux chefs d’entreprise, dans un rapport de force donné, d’imposer de manière déguisée des départs et de s’assurer une grande flexibilité dans la gestion de l’effectif. Nous ne sommes donc pas dupes quant aux conséquences possibles de sa mise en œuvre.

Cependant, pour les cas où cette possibilité pourrait s’avérer utile au salarié, nous pensons que l’ancienneté acquise dans l’ensemble des entreprises du groupe doit pouvoir être cumulée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Monsieur Watrin, vous préconisez que l’ancienneté s’apprécie au regard des emplois tenus dans l’ensemble des entreprises du groupe, et non pas dans la seule entreprise d’appartenance, dans l’hypothèse, bien entendu, où le salarié aurait travaillé dans différentes entreprises.

En droit du travail, le calcul de l’ancienneté s’effectue dans le strict périmètre de l’entreprise d’appartenance. À l’évidence, les signataires de l’accord n’ont pas voulu déroger à cette clause du code du travail. En conséquence, je ne peux qu’émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 83.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 576, présenté par MM. Placé et Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Un accord d’entreprise définit et précise les modalités de mise en œuvre de la période de mobilité volontaire sécurisée.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Nous partageons les inquiétudes, les doutes, les interrogations exprimés par certains de nos collègues. Il convient d’éviter que le dispositif de mobilité volontaire sécurisée puisse servir à pousser des salariés dehors en contournant l’obligation de mettre en place un plan de sauvegarde de l’emploi. Cet amendement vise à prévoir qu’un accord collectif encadrera les modalités complémentaires de mise en œuvre du dispositif pour chaque entreprise et organisera son suivi par le comité d’entreprise. (Mmes Laurence Cohen et Éliane Assassi applaudissent.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Monsieur Desessard, j’ai quelque difficulté à comprendre le sens de cet amendement. Vous voulez introduire une contrainte supplémentaire pour la mise en œuvre de la mobilité volontaire sécurisée en imposant la signature d’un accord collectif. À mon sens, cela ne se justifie pas dans le cadre des relations contractuelles entre le salarié et son employeur. C’est dans ce cadre strict que le dispositif doit être envisagé ; il ne s’agit pas de préparer un plan de sauvegarde de l’emploi.

L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Monsieur Desessard, je crains que, en voulant bien faire, vous ne proposiez en fait une disposition qui serait défavorable aux salariés.

En effet, grâce à ce texte, un droit sera ouvert à tous les salariés, sans qu’il soit nécessaire de conclure un accord d’entreprise, comme c’est le cas aujourd’hui. En voulant imposer la signature préalable d’un tel accord, vous proposez en fait de maintenir la situation actuelle, ce qui peut apparaître comme une régression.

Le dispositif de l’article 3 s’appliquera partout, sans que cela interdise, évidemment, la conclusion d’accords d’entreprise qui iraient plus loin pour apporter davantage encore de sécurité aux salariés.

Vraiment, je pense qu’il vaudrait mieux que vous retiriez cet amendement. À défaut, j’y serai défavorable, car il convient de préserver l’avancée considérable permise par le texte.

M. le président. Monsieur Desessard, maintenez-vous l’amendement ?

M. Jean Desessard. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 576 est retiré.

Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 656, présenté par MM. Desessard et Placé, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. L’amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 84, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Le bénéfice d’une période de mobilité volontaire sécurisée demandée est de droit, sauf dans le cas où l’employeur estime, après avis du comité d’entreprise ou, s’il n’en existe pas, des délégués du personnel, que cette absence pourrait avoir des conséquences préjudiciables à la production et à la marche de l’entreprise.

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. L’alinéa 5 de l’article 3, tel qu’il est rédigé, au prétexte d’apporter de la souplesse au salarié et à l’entreprise, me semble introduire un mélange des genres qui risque, au final, d’être préjudiciable au salarié.

Transcrivant fidèlement sur ce point l’accord du 11 janvier, le texte qui nous est proposé prévoit que, après deux refus opposés par l’employeur à la demande de mobilité d’un salarié, le droit au congé de mobilité volontaire se transforme en droit à l’accès au congé individuel de formation.

Cette « mutation génétique » va soulever de nombreuses difficultés et sera inévitablement source d’incertitudes, en raison du flou qu’elle introduit.

En effet, si la mobilité est bizarrement assimilée à un congé individuel de formation, le financement de celui-ci sera problématique. Durant le CIF, le salaire est versé par l’employeur qui en demande le remboursement au Fonds de gestion des congés individuels de formation, le FONGECIF. Cela signifie-t-il que, dans ce cas, l’employeur d’origine devra continuer à verser sa rémunération au salarié en en demandant le remboursement au FONGECIF ? Cet organisme devra-t-il alors se retourner vers le nouvel employeur ?

En revanche, si cette période n’est pas assimilée à un CIF, mais se transforme en CIF, cela revient tout simplement à dénaturer la demande du salarié. Il n’est pas correct de présenter une action de formation comme une compensation consentie à un salarié ayant clairement exprimé sa volonté, non pas de se former, mais de quitter temporairement son entreprise afin d’en rejoindre une autre. Une telle disposition introduira une suspicion quant aux intentions réelles des directions d’entreprise à l’égard de leurs salariés.

C’est pour lever ce type d’ambiguïtés que nous proposons au Sénat d’adopter cet amendement tendant à récrire l’alinéa 5 afin de clarifier les choses et de renforcer les droits des salariés qui demandent la suspension de leur contrat de travail au seul titre d’une période de mobilité volontaire.

M. le président. L'amendement n° 85, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« L’employeur peut différer le départ du salarié en période de mobilité volontaire sécurisée dans la limite de six mois à compter d’une date déterminée par voie réglementaire.

« Cette durée est portée à neuf mois dans les entreprises de moins de deux cents salariés.

La parole est à M. Pierre Laurent.

M. Pierre Laurent. Notre proposition pour régler le problème des refus successifs à une demande de mobilité professionnelle diffère de celle que M. Desessard a présentée tout à l’heure, mais elle va dans le même sens.

Si l’on maintient la disposition actuelle, aux termes de laquelle le salarié est invité à solliciter un CIF après deux refus opposés à sa demande de mobilité, cela donnera la possibilité à l’employeur, qui aura le dernier mot, de contourner ce droit.

M. Jean Desessard. C’est tellement évident !

M. Pierre Laurent. De plus, nous savons tous que les demandes de congé individuel de formation sont très loin d’être toutes satisfaites, faute notamment de financement. Un nombre très important de salariés attendent déjà de pouvoir bénéficier d’un CIF : est-il vraiment nécessaire d’aggraver la situation en ajoutant à la liste des demandeurs des salariés qui, à l’origine, souhaitaient une mobilité professionnelle, et non une formation ?

Nous proposons de renforcer le droit à la mobilité volontaire sécurisée, de le rendre plus efficace, en s’inspirant du mécanisme actuellement en vigueur pour le congé sabbatique : il s’agit d’un véritable droit, l’employeur ne pouvant reporter sans justification l’octroi d’un tel congé que de six mois pour les entreprises de plus de 200 salariés et de neuf mois pour celles de moins de 200 salariés.

M. le président. L'amendement n° 86, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Dans un tel cas, le salarié ne peut se faire opposer un délai de carence si, à l’issue de la réalisation de ce congé individuel de formation, il formule une nouvelle demande à son employeur.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Nous nous sommes déjà étonnés, à propos de la mobilité volontaire sécurisée, de la « mutation génétique » d’un droit.

En effet, aux termes de l’article 3, après deux refus de l’employeur, le droit au congé de mobilité volontaire se transforme en un droit à l’accès au congé individuel de formation.

Il est assez contestable qu’une action de formation puisse ainsi constituer une sorte de compensation offerte à un salarié ayant exprimé la volonté non de se former, mais de quitter pour un temps son entreprise afin d’en rejoindre une autre.

Cela étant, si le salarié se trouve dans cette situation non par choix, mais par la volonté du législateur, il ne faudrait pas qu’il en résulte une réduction de ses droits.

Nous considérons en effet que, dans la mesure où c’est le refus réitéré de la demande de mobilité volontaire du salarié qui conduit à la transformation de celle-ci en une demande de CIF, l’employeur n’est pas fondé à s’opposer à une nouvelle demande de congé individuel de formation au retour du salarié dans l’entreprise.

Il s’agit d’une question de principe, le congé individuel de formation étant, je le rappelle, un droit. À ce titre, demander à en bénéficier relève de la seule volonté du salarié, et non d’une décision indirecte de l’employeur.

En l’occurrence, nous estimons donc que le salarié ne saurait se voir opposer un délai de carence si, à l’issue d’un premier congé individuel de formation, il formulait une nouvelle demande à son employeur. Nous souhaitons que cette précision soit clairement inscrite dans la loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. L’amendement n° 656 étant un amendement de cohérence avec l’amendement n° 577 rectifié, qui a été rejeté, j’en demande le retrait. À défaut, l’avis serait défavorable.

L’amendement n° 85 tend à retirer à l’employeur le droit de refuser une demande de mobilité volontaire sécurisée, en lui substituant la possibilité de reporter cette mobilité de six mois au maximum pour les entreprises de plus de 200 salariés et de neuf mois au plus pour les entreprises de moins de 200 salariés.

Une fois encore, cette proposition est en contradiction avec les termes de l’ANI et, partant, avec le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, qui en est la fidèle transcription juridique.

L’amendement n° 86 concerne la suppression du délai de carence en cas de nouvelle demande de CIF consécutive à un CIF obtenu à la suite de deux refus de mobilité volontaire sécurisée. Dans ce cas, il est prévu que l’accès au CIF est de droit pour le salarié, sans que les conditions minimales d’ancienneté ou de simultanéité avec d’autres CIF puissent lui être opposées.

Cet amendement vise, autrement dit, à permettre à un salarié ayant achevé un CIF, demandé après deux refus de son employeur de lui accorder une mobilité volontaire sécurisée, de ne pas être soumis au délai de carence minimal de six mois entre deux CIF. J’avoue avoir du mal à comprendre : est-il vraiment dans l’intérêt du salarié d’enchaîner deux CIF ? Quel aura été, dans cette hypothèse, l’intérêt du premier ? Un schéma aussi compliqué nous éloigne des termes de l’accord national interprofessionnel. L’avis de la commission est donc défavorable.

L’amendement n° 84 tend à limiter les cas dans lesquels l’employeur peut refuser une demande de mobilité volontaire sécurisée. Cet amendement pose le principe de la mobilité volontaire sécurisée en tant que droit du salarié opposable à l’employeur. Celui-ci ne pourrait refuser que dans le cas où l’absence du salarié aurait pour conséquence de porter atteinte à la production et à la marche de l’entreprise.

Tel n’est pas le choix fait par les partenaires sociaux signataires de l’ANI, qui ont décidé que cette mobilité devrait être mise en œuvre par accord entre l’employeur et le salarié. Les dispositions de l’article 3 du projet de loi sont strictement fidèles à cette orientation et il n’y a pas lieu de les remettre en cause, sauf à vouloir bouleverser complètement l’équilibre même de cet accord. L’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis.

Comme je l’ai déjà dit, ce dispositif représente un progrès considérable. Je peux tout à fait comprendre que l’on veuille aller plus loin, mais la mesure proposée est le fruit d’une négociation, d’un compromis entre les partenaires sociaux signataires de l’ANI. À vouloir aller plus loin, on risque de rompre l’équilibre au cœur de cet accord. Engrangeons cette avancée, réjouissons-nous-en ensemble, faisons-la vivre dans les entreprises. Ensuite, nous pourrons voir comment améliorer les choses, mais je tiens, pour l’heure, à préserver l’équilibre qui a permis cette avancée !

M. le président. Monsieur Desessard, l’amendement n° 656 est-il maintenu ?

M. Jean Desessard. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 656 est retiré.

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l’amendement n° 84.

Mme Nathalie Goulet. Je vais rompre avec l’hémiplégie qui caractérise aujourd’hui cet hémicycle. (Sourires.) N’étant pas spécialiste de la question, je me suis reportée à l’article 7 de l’accord national interprofessionnel. Or je ne retrouve absolument pas le texte de cet accord dans les amendements qui viennent d’être présentés, ni dans les explications de nos collègues.

En effet, je ne vois prévue nulle part, dans le texte de l’ANI, l’obligation, pour le salarié qui se serait vu opposer deux refus de mobilité externe, de prendre un congé individuel de formation. Le rapport fait état d’un « accès libre » et l’accord stipule que le salarié, dans cette situation, « bénéficie d’un accès privilégié au CIF » : cela ne signifie en rien qu’il soit tenu de prendre un tel congé !

L’article 3 du projet de loi constitue un véritable progrès. Ayant beaucoup travaillé au sein de la commission de la formation du conseil régional de Basse-Normandie, j’ai pu constater que la mise en place d’un tel dispositif était souvent demandée. Cette mesure représente donc incontestablement une avancée.

Autant je comprends que l’on puisse s’interroger sur le délai séparant les deux refus de mobilité, autant il me semble indéniable que l’obligation, pour le salarié s’étant vu opposer ces refus, de prendre un CIF ne figure ni dans le projet de loi ni dans le texte de l’accord. Nous ne voterons donc pas ces amendements.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Vous avez complètement raison, ma chère collègue ! Je viens du pays de l’horlogerie, où la précision est de mise : vous avez bien lu l’accord.

L’équilibre de ce dispositif est le résultat d’un ajustement très fin : prendre un congé individuel de formation est une possibilité offerte au salarié quand son employeur lui a refusé deux fois une mobilité volontaire sécurisée, mais il est bien entendu parfaitement libre de ne pas y recourir. Il était bon de le souligner, au cas où certains auraient compris que prendre un congé individuel de formation serait obligatoire dans l’hypothèse visée.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Je confirme que prendre un CIF ne sera évidemment pas une obligation pour le salarié : il s’agit simplement de lui en offrir le droit. Ce n’est quand même pas mal, de créer des droits !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ils l’avaient déjà, ce droit !

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Nous n’avons pas la même lecture du texte. L’alinéa 5 de l’article 3 précise que « si l’employeur oppose deux refus successifs à la demande de mobilité, l’accès au congé individuel de formation est de droit pour le salarié ».

M. Claude Jeannerot, rapporteur. C’est bien ce que nous vous disons !

M. Marc Daunis. Il ne faut pas confondre le droit et le devoir !

M. Jean-Pierre Caffet. Ce n’est pas une obligation !

M. Jean Desessard. Les écologistes comprennent moins vite que les socialistes, c’est bien connu !

J’ai bien compris, néanmoins, que le salarié pouvait refuser de prendre un congé individuel de formation. Pour autant, a-t-il un droit à la mobilité externe ? Là est la question ! On refuse à deux reprises une mobilité volontaire sécurisée à un salarié, et finalement on lui propose une formation : ce n’est pas ce qu’il a demandé !

M. Marc Daunis. Quel rétablissement !

M. Jean Desessard. Certes, il n’est pas obligé de prendre ce congé de formation, mais où est l’avancée ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Une véritable avancée aurait consisté à prévoir que l’employeur ne puisse rejeter une troisième demande de mobilité. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.

M. Pierre Laurent. J’abonde tout à fait dans le sens de M. Desessard : on crée un droit pour les salariés et, parallèlement, un droit pour l’employeur de contourner ce nouveau droit accordé aux salariés ! (M. Jean-Vincent Placé applaudit.)

M. Pierre Laurent. En effet, la seule obligation faite à l’employeur, après deux refus d’une demande de mobilité, est de proposer un CIF. Il ne s’agit pas d’un nouveau droit, puisque le CIF existe déjà ! Il est d’ailleurs souvent difficile d’y accéder, je l’ai dit tout à l’heure.

Dans les faits, le droit à la mobilité volontaire sécurisée restera fictif pour nombre de salariés, puisque l’employeur aura la possibilité de le contourner.

On ne cesse de nous objecter que, pour l’heure, il faut s’en tenir à l’ANI, en nous renvoyant en toute occasion à de futurs progrès : nous allons être submergés par les avancées sociales dans les mois à venir ! Cependant, petit détail, ces futurs progrès devront eux aussi recevoir l’aval du MEDEF !

M. François Rebsamen. Ou de la CGT…

Mme Éliane Assassi. C’est l’accord des signataires de l’ANI qui est requis ! La CGT n’est pas signataire !

M. Pierre Laurent. Or, lors la négociation de l’ANI, le MEDEF a repoussé de telles avancées. Donc, si les progrès ne sont pas inscrits dans la loi, ils ne verront jamais le jour ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.