Mme la présidente. Je suis saisie de treize amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 341 rectifié, présenté par M. Lenoir, Mme Lamure, M. Calvet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Alinéas 9 à 17

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« ...° À titre exceptionnel, et afin de tenir compte du caractère dispersé de l’habitat dans certaines zones géographiques, délimiter, dans les zones naturelles, agricoles ou forestières, des secteurs de taille et de capacité d'accueil limitées dans lesquels des constructions peuvent être autorisées à la condition qu'elles ne portent atteinte ni à la préservation des sols agricoles et forestiers ni à la sauvegarde des sites, milieux naturels et paysages. Le règlement précise les conditions de hauteur, d'implantation et de densité des constructions permettant d'assurer leur insertion dans l'environnement et leur compatibilité avec le maintien du caractère naturel, agricole ou forestier de la zone ;

La parole est à M. Philippe Dallier.

M. Philippe Dallier. En tant que sénateur de Seine-Saint-Denis, on ne peut pas dire que je sois un grand spécialiste des questions agricoles (Sourires.), mais comme mon collègue Lenoir, qui aurait voulu défendre cet amendement, n’a pas pu être présent, je vais le présenter à sa place en vous rappelant son objet.

L’article 73 vise à encadrer la possibilité prévue par le deuxième alinéa du 14° de l’article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme de délimiter en zones agricoles ou naturelles des PLU des secteurs de taille et de capacité d’accueil limitées, appelés « pastilles » ou « stecal », dans lesquels des constructions peuvent être autorisées après accord du préfet et avis de la commission départementale de consommation des espaces agricoles, la CDCEA.

Cet amendement vise donc à conserver la souplesse que procure la rédaction actuelle de l'article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme, qui permet d'autoriser le changement de destination et les modifications de constructions existantes en zones agricoles ou naturelles. Ainsi, lorsque les propriétaires et les agriculteurs le souhaitent, d'anciens sièges d'exploitation qui n'ont plus d’utilité pourraient devenir des habitations. Ces changements constituent une évolution rationnelle en permettant la mise sur le marché d’habitations supplémentaires sans consommation d'espaces agricoles.

Cet amendement permet en outre de traduire la plus grande préoccupation du législateur à l'endroit de l'habitat dispersé.

Mme la présidente. L'amendement n° 528 rectifié bis, présenté par MM. Collomb et Chiron, Mme Demontès et M. Nègre, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 9

Supprimer les mots :

À titre exceptionnel,

II. - Alinéa 10

Compléter cet alinéa par les mots :

, à condition qu’elles ne portent pas atteinte ni à la préservation des sols agricoles et forestiers, ni à la sauvegarde des sites, des milieux naturels et des paysages

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 635 rectifié, présenté par MM. Jarlier, Tandonnet, Dubois, Roche, Guerriau et Amoudry, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Supprimer les mots :

À titre exceptionnel,

La parole est à M. Pierre Jarlier.

M. Pierre Jarlier. Nous engageons la discussion sur un article important, qui porte sur la clarification du règlement du plan local d’urbanisme et d’autres mesures de densification. Nous touchons là à la question de l’urbanisation en secteur rural, qui, selon moi, doit être réglée dans le cadre des documents d’urbanisme.

Nous l’avons dit, de nombreuses communes ne disposent pas de tels documents. Nos débats ont montré que nous souhaitions aller dans le sens d’une plus large planification. Reste à savoir comment y parvenir.

Il faut reconnaître que le texte réduit considérablement les possibilités d’urbanisation dans les secteurs agricoles, sujet que nous aborderons dans plusieurs amendements.

Je tiens à dire que, dans notre pays, il existe diverses formes d’urbanisation. Dans les secteurs ruraux, on constate un maillage de villages, souvent très nombreux, qui méritent de pouvoir être urbanisés de façon évidemment modérée et maîtrisée. Ces villages ont un patrimoine agricole historique extrêmement intéressant qui mériterait d’être réhabilité si l’on veut pouvoir accueillir de nouvelles populations ; cela permettrait aussi de prévenir le mitage. En effet, la réhabilitation des bâtiments existants permet d’éviter la construction de pavillons, dont il faut bien reconnaître qu’ils sont quelquefois de piètre qualité.

Il faut veiller à ce que le texte n’empêche pas une redynamisation de ces villages, et c’est le sens de mon amendement.

L’amendement que vient de défendre M. Dallier vise, à peu de choses près, à revenir au code de l’urbanisme actuel. Pour ma part, j’estime qu’il faut veiller à maîtriser l’urbanisation. Il faut évidemment maintenir les terres agricoles – de fortes pressions vont en ce sens –, mais il est aussi dans l’intérêt des agriculteurs que les villages continuent à être habités.

Le projet de loi prévoit que le règlement peut « à titre exceptionnel, en zone rurale, délimiter dans les zones naturelles, agricoles ou forestières des secteurs » de taille limitée dans lesquels peuvent être autorisées les constructions. Cette possibilité est déjà très encadrée : ces secteurs peuvent être ouverts à l’urbanisation après autorisation du préfet et - c'est « ceinture et bretelles » ! – avis de la commission départementale de consommation des espaces agricoles.

Ces deux sécurités permettent de contenir l’urbanisation. Cependant, si les constructions ne peuvent être autorisées qu’à titre exceptionnel, on risque d’éliminer un très grand nombre de villages dans lesquels on aurait pu envisager des constructions maîtrisées.

Mon amendement a justement pour objet d’éviter que cette urbanisation ne se fasse qu’à titre exceptionnel : elle doit aussi se faire dans les villages.

Je prendrai l’exemple d’une communauté d’une trentaine de communes, qui comprend moins de 15 000 habitants et 250 villages. Évidemment, il n’est pas question de les urbaniser tous, mais au moins certains d’entre eux, notamment les villages principaux de chacune des communes.

L’emploi du terme « exceptionnel » ne convient pas, surtout si on s’inscrit dans une logique de PLU intercommunal. À une échelle encore plus grande, il sera nécessaire de maintenir une certaine possibilité d’urbanisation, maîtrisée, des villages.

Mme la présidente. L'amendement n° 21 rectifié, présenté par Mme Primas, MM. G. Larcher et Gournac, Mme Duchêne et M. Savin, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 9

Après le mot :

lesquels

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

des constructions peuvent être autorisées.

II. - En conséquence, alinéas 10, 11 et 12

Supprimer ces alinéas.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 598 rectifié, présenté par MM. Collombat, Alfonsi, Baylet, Bertrand, Chevènement, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Mézard, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Le règlement précise les conditions de hauteur, d'implantation et de densité des constructions, permettant d'assurer leur insertion dans l'environnement et leur compatibilité avec le maintien du caractère naturel, agricole ou forestier de la zone. Il fixe les conditions de raccordement au réseau de distribution d’eau potable ainsi que les conditions relatives à l'hygiène et à la sécurité auxquelles les constructions, les résidences démontables ou les résidences mobiles doivent satisfaire.

Cet amendement n'est pas soutenu.

Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 448 rectifié bis est présenté par MM. Tandonnet et Roche, Mme Férat et MM. Amoudry et Guerriau.

L'amendement n° 529 rectifié bis est présenté par MM. Collomb et Chiron, Mme Demontès et M. Nègre.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 14

Supprimer cet alinéa.

Ces amendements ne sont pas soutenus.

L'amendement n° 599 rectifié, présenté par MM. Collombat, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Mézard, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Ces secteurs sont délimités avec l'accord du représentant de l'État dans le département, après avis de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles et des services départementaux d’incendie et de secours. Ces avis sont réputés favorables s'ils ne sont pas intervenus dans un délai de trois mois à compter de la saisine.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 636 rectifié, présenté par MM. Jarlier, Dubois, Roche, Guerriau, Amoudry et Maurey, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Toutefois, dans les zones agricoles, les bâtiments agricoles qui présentent un intérêt architectural ou patrimonial peuvent faire l’objet d’un changement de destination et d’une extension limitée, dès lors que ce changement de destination ou cette extension limitée ne compromettent pas l’exploitation agricole. Le règlement précise les critères qui définissent cet intérêt. »

La parole est à M. Pierre Jarlier.

M. Pierre Jarlier. Je viens d’évoquer le cas du pastillage, avec la possibilité de définir les zones de construction. Mais il y a aussi toutes les autres zones agricoles qui ne font pas l’objet d’un pastillage. Pour celles-ci, le projet de loi prévoit que le changement de destination, et donc la réhabilitation, ne sera possible que dès lors qu’un inventaire de l’ensemble du patrimoine aura été effectué. Je ne sais pas si vous vous rendez bien compte de ce que cela implique !

Je reprends l’exemple, que j’ai précédemment cité, des 250 villages dans une communauté de moins de 15 000 habitants. Pour une quinzaine de bâtiments d’exploitation agricole intéressants – des bâtiments historiques en pierre – qui pourraient être réhabilités en logements, il faudra faire un inventaire de 3 000 ou 4 000 bâtiments, ce qui est pratiquement impossible.

C'est la raison pour laquelle je présente cet amendement. Mon idée est la suivante : s’il faut bien évidemment maîtriser l’urbanisation, les bâtiments agricoles qui présentent un intérêt architectural ou patrimonial doivent pouvoir faire l’objet d’un changement de destination et d’une extension limitée, dès lors que l’exploitation agricole n’est pas compromise.

Ce n’est pas au maire d’en décider. Le règlement doit préciser les critères qui définissent l’intérêt architectural ou patrimonial. Ainsi, on pourra changer la destination de ces bâtiments, accueillir de nouvelles populations, construire des logements, éviter le mitage et l’extension urbaine. Ces villages ont le mérite d’exister. Ne les laissons pas tomber en ruine !

Mme la présidente. L'amendement n° 637 rectifié, présenté par MM. Jarlier, Dubois, Roche, Guerriau et Amoudry, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Toutefois, dans les zones agricoles, les bâtiments agricoles qui présentent un intérêt architectural ou patrimonial peuvent faire l’objet d’un changement de destination, dès lors que ce changement de destination ne compromet pas l’exploitation agricole. Le règlement précise les critères qui définissent cet intérêt. »

La parole est à M. Pierre Jarlier.

M. Pierre Jarlier. Cet amendement est plus réducteur que le précédent, puisque je n’y intègre pas l’extension limitée. Mais ce serait dommage...

Mme la présidente. L'amendement n° 813, présenté par M. Bérit-Débat, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Dans les zones agricoles, le règlement peut désigner les bâtiments qui, en raison de leur intérêt architectural ou patrimonial, peuvent faire l'objet d'un changement de destination ou d’une extension limitée, dès lors que ce changement de destination ou cette extension limitée ne compromet pas l'exploitation agricole. Le changement de destination et les autorisations de travaux sont soumis à l'avis conforme de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles prévue à l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime.

La parole est à M. Claude Bérit-Débat, rapporteur.

M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Cet amendement permettra – je l’espère ! – de répondre aux demandes formulées par MM. Jarlier et Dallier dans leurs amendements.

Nous avons eu en commission des affaires économiques, je vous le rappelle, une discussion assez animée sur la problématique des constructions en milieu rural et en zone de montagne. Ce matin, nous avons réintroduit, sur proposition du rapporteur, et la commission l’a accepté, la règle de dérogation ; des amendements avaient été proposés en ce sens par tous les groupes.

Je vous propose par cet amendement d’introduire une souplesse dans les règles relatives aux autorisations d’urbanisme en zone agricole – il n’est pas question ici des zones naturelles – dans les communes dotées d’un PLU.

Le changement de destination est étendu à tous les bâtiments agricoles, au lieu d’un seul dans le droit en vigueur, à condition que ces bâtiments aient été inventoriés par le PLU. Par ailleurs, ces bâtiments pourront également faire l’objet d’une extension limitée.

Cette extension du champ de la disposition actuellement prévue par le code de l’urbanisme est équilibrée par un renforcement des contrôles, puisque les autorisations de travaux sont soumises à l’avis conforme de la CDCEA, comme nous l’avons proposé ce matin.

Je voudrais vous convaincre, mes chers collègues, qu’il s’agit d’une avancée non négligeable en direction des communes non seulement des zones rurales, mais aussi des zones de montagne.

Si cet amendement est adopté, il sera de nature à satisfaire les amendements présentés par MM. Jarlier et Dallier, au nom de Mme Lamure et de M. Lenoir.

Monsieur Dallier, il faudra en faire part à M. Lenoir, auprès duquel je m’étais engagé en commission à retravailler la question, mais il le verra en lisant le compte rendu de nos débats…

Mme la présidente. L'amendement n° 530 rectifié bis, présenté par MM. Collomb et Chiron, Mme Demontès et M. Nègre, est ainsi libellé :

Alinéa 16

1° Après les mots :

zones agricoles

insérer les mots :

naturelles ou forestières,

2° Remplacer les mots :

bâtiments agricoles

par les mots :

bâtiments

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 642 rectifié, présenté par MM. Jarlier, Guerriau et Amoudry, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 16

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les zones naturelles, le règlement peut désigner les bâtiments qui, en raison de leur intérêt architectural ou patrimonial, peuvent faire l'objet d'un changement de destination, dès lors que ce changement de destination ne compromet pas l'exploitation agricole ou la qualité paysagère du site. Dans ce cas, les autorisations de travaux sont soumises à l'avis conforme de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites.

La parole est à M. Pierre Jarlier.

M. Pierre Jarlier. Il s’agit de traiter du problème des bâtiments d’intérêt particulier dans les zones naturelles. Il faut veiller à maîtriser parfaitement les évolutions dans ces zones, y compris les changements de destination de locaux.

Cet amendement permet d’identifier ces bâtiments afin de pouvoir les rénover, procéder à un changement de destination, sous réserve de l’avis conforme de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Cette disposition est tout de même très encadrée.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. La commission sollicite le retrait des amendements nos 341 rectifié, 635 rectifié, 636 rectifié et 637 rectifié. En effet, ces quatre amendements seront satisfaits si mon amendement n° 813 est adopté.

La commission sollicite également le retrait de l’amendement n642 rectifié. À défaut, elle émettra un avis défavorable, car, comme je l’ai dit tout à l'heure, nous ne souhaitons pas que ce dispositif, ouvert aux zones agricoles, soit étendu aux zones naturelles.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Cécile Duflot, ministre. Pour être tout à fait honnête, il me semble que l’ensemble des amendements ne sont pas complètement satisfaits par l’amendement du rapporteur. Néanmoins, ce dernier constitue une position équilibrée par rapport à la philosophie générale du projet de loi. Il répond à chacun des points que les uns et les autres ont soulevés, et le Gouvernement le soutient.

Je pense notamment, monsieur Jarlier, que l’un de vos amendements pose un risque en n’encadrant pas suffisamment le changement de destination et les extensions de bâtiments : il convient, notamment, d’éviter la disparition des exploitations agricoles au profit de résidences secondaires. En effet, à partir du moment où les bâtiments ont vraiment changé de destination, un vrai risque pèse sur le maintien de l’activité agricole en tant que telle.

Au reste, ce n’est pas moi qui le dis ; ce sont les représentants des syndicats agricoles, très vigilants sur les conséquences de l’urbanisation, y compris s’agissant des bâtiments agricoles transformés en résidences secondaires. De telles exploitations sont parfois complexes : elles peuvent créer des difficultés et des conflits d’usage dans des zones qui n’en connaissaient pas avec les pratiques agricoles traditionnelles.

Je sollicite donc le retrait des amendements nos 341 rectifié, 635 rectifié, 636 rectifié et 637 rectifié, au profit de l’amendement n° 813, présenté par le rapporteur. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.

M. Marc Daunis. Je pense que la proposition de M. le rapporteur est particulièrement bienvenue. Elle répond à de vrais problèmes, évoqués lors de nos débats. Elle permet aux petites communes – non seulement en zones de montagne, mais aussi dans les zones périurbaines ou périrurales – de s’adapter à une réalité concrète.

Cela étant, je me pose une question de terminologie. Je veux être certain que l’expression « extension limitée » est appropriée. Personnellement, je ne connais que l’« extension mesurée », et j’aimerais qu’il soit vérifié qu’il n’y a pas, derrière, une portée juridique et des conséquences qui nous auraient éventuellement échappé.

Mais, sur le fond, je remercie le rapporteur de cet amendement très sain.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, rapporteur.

M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Monsieur Daunis, avec le cabinet de la ministre, qui pourra, je pense, vous apporter ses propres précisions, nous avons veillé à l’équilibre ainsi qu’à la justesse des mots, pour parer à tout risque juridique.

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis de la commission des lois. Parfait !

Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.

Mme Évelyne Didier. Je souhaiterais illustrer le débat en vous faisant part d’un cas concret.

Dans ma commune, il y a une ferme en plein champ, au milieu d’une exploitation agricole, complètement à l’écart.

Cette ferme a fait l’objet d’une vente « à la découpe », si je puis dire, lorsque les membres de la famille se sont séparés. De fait, une grange a été transformée en habitation. Or la personne qui s’y est installée a cherché des difficultés à l’agriculteur, qui avait entreposé des produits – des herbicides notamment – dans le local situé juste à côté.

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis de la commission des lois. Un comble !

Mme Évelyne Didier. Par ailleurs, les personnes concernées ont entonné le couplet classique : payant mes impôts comme tout le monde, je veux une route, etc.

M. Marc Daunis. Des trottoirs, l’éclairage,…

Mme Évelyne Didier. Méfions-nous donc des bonnes intentions. Il faut aussi parfois juger au cas par cas et faire confiance aux élus.

Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour explication de vote.

Mme Mireille Schurch. Nous partageons tous ces préoccupations. Je suis moi-même élue dans une commune rurale.

J’aimerais savoir si une vieille grange abandonnée, qui n’a ni l’eau ni l’électricité, fait partie des bâtiments visés par l’amendement de M. Bérit-Débat. Si tel est le cas, il va falloir la raccorder à ces réseaux. On imagine les problèmes qui se poseront !

M. Marc Daunis. Il faut régler au cas par cas !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Cécile Duflot, ministre. D'abord, je veux remercier Mme Didier pour l’exemple concret qu’elle a évoqué : il illustre ce que je venais de dire, à savoir qu’au-delà des seules questions d’urbanisme se posent des problèmes d’usage et de vie.

Pour répondre à Mme Schurch, la possibilité de rendre utilisable ce bâtiment ne préjuge en rien de la délivrance du permis de construire, lequel est fonction de la possibilité de relier ledit bâtiment aux réseaux et à l’assainissement. On retombe là dans les règles traditionnelles de délivrance du permis de construire,…

M. Marc Daunis. Bien sûr !

Mme Cécile Duflot, ministre. … puisqu’il ne s’agit pas d’un bâtiment autonome et démontable.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jarlier, pour explication de vote.

M. Pierre Jarlier. Je ne nie pas que le rapporteur améliore considérablement le texte de la commission. Mais, soyons clairs, deux difficultés vont se poser.

Premièrement, ce sera seulement à titre exceptionnel que l’on pourra pastiller les zones agricoles de certains villages et donc y construire. Je le répète, en prévoyant l’obligation de recueillir l’autorisation du préfet et l’avis de la commission agricole, vous mettez ceinture et bretelles. Soyez tranquilles, il ne se passera plus rien dans ces villages ! Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, pour l’heure, il y a encore une vie dans ces territoires ruraux. J’espère que cela continuera…

Deuxièmement, en dehors des zones pastillées, il faudra réaliser un inventaire systématique de tous les bâtiments susceptibles d’être réhabilités pour pouvoir les changer de destination.

Une communauté d’environ 12 000 habitants, 250 villages, une vingtaine de bâtiments intéressants par village : en Auvergne, dans le Massif central, les Pyrénées ou les Alpes, c’est souvent à cela que ressemble l’urbanisation. Cela représente à peu près 5 000 bâtiments à identifier pour pouvoir les intégrer dans le règlement. Ce n’est pas réaliste !

J’ai entendu ce qu’a dit Mme Didier sur les potentiels abus dans les changements de destination de locaux et les problèmes de voisinage qui risquent de se poser quand une nouvelle population arrive. Or, dans les territoires ruraux, ce sont les agriculteurs qui veulent rénover les maisons, les anciennes granges et les anciens bâtiments agricoles. Ils veulent les rénover pour habiter au village, pour ne pas construire et parce que ces bâtiments appartenaient bien souvent à leurs ancêtres – quant aux bâtiments d’exploitation, ils se situent à l’extérieur du village.

On va donc à rebours de ce qu’il faudrait faire. Je pense vraiment qu’il faut travailler sur ce sujet au cours de la navette.

Très sincèrement, monsieur le rapporteur, autant l’esprit de votre amendement est intéressant, autant il est beaucoup trop restrictif de prévoir que le règlement peut désigner des bâtiments. Je le répète, ce n’est pas réaliste. Je vous laisse imaginer le coût que représentera l’inventaire de ces bâtiments pour l’EPCI qui sera chargé de l’élaboration de ce document. Malheureusement, on condamne ainsi un patrimoine très intéressant qui aurait pu être réhabilité et faire l’objet d’un changement de destination pour accueillir une nouvelle population.

En outre, je vous le dis franchement, madame la ministre, une telle disposition constitue aussi un frein à l’équilibre et à l’égalité des territoires, parce que l’on ne pourra pas développer les villages, y accueillir de nouveaux habitants si l’on ne réhabilite pas ce patrimoine intéressant. Je pense que l’on va trop loin en prévoyant qu’il faut désigner tous les bâtiments susceptibles de changer de destination.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Cécile Duflot, ministre. Monsieur Jarlier, je ne peux vous laisser dire cela, pour deux raisons.

Premièrement, l’idée est bien que cette procédure demeure exceptionnelle. Sinon, on inverserait la logique et on participerait à la destruction des terres agricoles. On ne peut à la fois avoir des objectifs et ne prendre aucune des mesures qui permettent de répondre aux problèmes identifiés sur le terrain depuis des années. Je peux tout entendre, mais je refuse les contradictions.

Deuxièmement, si l’on n’identifie pas la liste des bâtiments, ainsi que le propose le rapporteur, c’est le maire qui devra décider au coup par coup. Je vous laisse imaginer la pression qui va peser sur ses épaules.

M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Oui !

Mme Cécile Duflot, ministre. La solution de règles discrétionnaires est mauvaise : elle met les élus dans des situations extrêmement inconfortables.

A contrario, l’amendement du rapporteur est équilibré. Vous ne pouvez pas dire qu’il tend à tout mettre sous cloche. Ne nous engageons pas dans ce type de débat ! Depuis le début, nous avons essayé de travailler sur ce texte – notamment pour toutes les dispositions relatives à l’urbanisme – de manière extrêmement fine et responsable, en nous appuyant sur les réalités actuelles, et pas sur de grands mots.

Je le dis sans mauvais esprit, mais toutes les dispositions sur lesquelles nous travaillons actuellement auraient très bien pu figurer dans le cadre de la loi dite « Grenelle 2 ». La loi Grenelle 1 contenait de grands engagements en matière de lutte contre la disparition des règles agricoles. Il eût été logique que la loi Grenelle 2 traduise ces engagements.

Il faut avancer, et le faire de manière responsable et précise. Monsieur Jarlier, ne tombons ni les uns ni les autres dans la caricature !

Je le répète, la disposition présentée par le rapporteur est équilibrée et fine. Elle donnera la possibilité de ne pas bloquer ou laisser se dégrader des bâtiments ayant vocation à changer d’usage, sans faire peser sur les épaules des élus le risque lié aux compétences discrétionnaires : celui d’avoir à prendre des décisions complexes.

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis de la commission des lois. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Malgré mon incompétence manifeste en la matière, j’ai été convaincu par les arguments du rapporteur. Je retire donc l’amendement n° 341 rectifié.

Je pense que mon collègue Lenoir ne m’en voudra pas. De toute façon, la navette permettra d’améliorer les choses.

Mme la présidente. L'amendement n° 341 rectifié est retiré.

Monsieur Jarlier, les amendements nos 635 rectifié, 636 rectifié et 637 rectifié sont-ils maintenus ?

M. Pierre Jarlier. Oui, madame la présidente.

Je précise que, aux termes de mon amendement n° 635 rectifié, ce n’est pas le maire qui décide : c’est le règlement qui fixe les conditions dans lesquelles on peut envisager le changement de destination. Le maire n’a donc pas à prendre de décision en opportunité.