Mme Françoise Férat. Je suis d’autant plus surprise que M. le ministre a, voilà quelques instants, apporté de l’eau à mon moulin. Et voilà que, tout d’un coup, je constate un recul ! J’aimerais comprendre pourquoi.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.

M. Charles Revet. J’émets les mêmes réserves que Mme Férat. Je suppose que l’on n’a pas bien lu la disposition proposée, qui tend à faire obligation au préfet d’examiner les seuils en question régulièrement, et non pas selon tel ou tel aléa.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Ce n’est pas ce qui est écrit !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Si nous n’avons pas développé de nouveau nos explications, cela ne signifie pas pour autant que nous n’avons pas accordé d’attention à ce qui est proposé !

Dans le droit actuel, le réexamen des barèmes des loyers des terres nues et des bâtiments d’exploitation doit intervenir « au plus tard tous les six ans ». C’est mieux qu’un simple réexamen au bout des six ans ! En effet, « au plus tard », ce peut être avant ce terme, mais non après. Cette disposition couvre donc l’ensemble de la période considérée.

M. Yvon Collin. Tout à fait !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Au surplus, passé un délai de six ans, il reste impératif de réviser ces seuils.

Il est toujours possible d’améliorer les textes mais, en l’occurrence, le droit actuel me semble mieux traduire vos préoccupations que ces deux amendements.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 37 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote sur l’amendement n° 71 rectifié ter.

M. Charles Revet. Monsieur le ministre, la rédaction que nous proposons étant longue d’une ligne et demie, je vous invite à bien lire la fin de la seconde phrase, si ces maxima et minima sont modifiés, « ils sont immédiatement applicables à tous les baux en cours ». Tel n’est pas le cas actuellement ! Voilà pourquoi nous avons déposé ces amendements.

Pour avoir reçu en même temps propriétaires et locataires – dans ma région, les uns et les autres travaillent en harmonie –, je peux vous assurer qu’ils s’accordent sur ce point : une modification de ces seuils devrait s’appliquer immédiatement aux baux en cours,…

M. Charles Revet. ce qui n’est pas le cas actuellement.

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume, rapporteur.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Je ne voudrais pas que M. Revet et Mme Férat se figurent que nous avons balayé ces amendements d’un revers de main.

M. Charles Revet. Je n’ai pas dit cela !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Si on lit bien votre amendement, c’est précisément sur ce point que nous ne sommes pas d’accord.

M. Didier Guillaume, rapporteur. On ne va pas changer les minima. C’est comme les deux amendements précédents.

Mme Françoise Férat. Pas tout à fait !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Certes, puisqu’ils prévoyaient un cadre plus strict. En l’occurrence, vous proposez d’élargir le cadre de cette révision, mais vous mentionnez bien les baux en cours. Cela signifie qu’une telle modification peut entrer en vigueur avant la fin du bail. C’est précisément sur ce point que nous avons argumenté tout à l’heure pour refuser les dispositions proposées. C’est pourquoi j’ai également émis un avis défavorable sur les présents amendements. Peut-être nous comprenons-nous mal… (Mme Françoise Férat opine.)

M. Charles Revet. C’est sans doute cela !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Dans ce cas, nous en reparlerons tout à l’heure, à l’apéritif ! (Sourires.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 71 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 255 rectifié ter est présenté par M. Adnot, Mlle Joissains et MM. Huré, Laménie, Beaumont et Deneux.

L'amendement n° 404 rectifié bis est présenté par Mme Férat, M. Détraigne, Mmes Morin-Desailly et N. Goulet et MM. Guerriau, Roche et Tandonnet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 411–12 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le bailleur ne peut notamment subordonner la conclusion du bail ou son renouvellement à la souscription par le preneur d’un engagement contractuel de fourniture de biens ou de service ou de commercialisation des produits de l’exploitation. »

La parole est à M. Marcel Deneux, pour présenter l’amendement n° 255 rectifié ter.

M. Marcel Deneux. Cet amendement tend à préciser la réglementation en vigueur, afin d’éviter des dérives que l’on déplore aujourd’hui. Il s’agit d’insérer la phrase suivante dans le code rural et de la pêche maritime : « Le bailleur ne peut notamment subordonner la conclusion du bail ou son renouvellement à la souscription par le preneur d’un engagement contractuel de fourniture de biens ou de service ou de commercialisation des produits de l’exploitation. »

Si ces pratiques sont illégales, elles n’en ont pas moins cours. Par principe, le fermage ne peut comprendre, en sus du prix calculé, aucune stipulation en matière de services. Je songe par exemple à la Champagne. Il est fréquent que des maisons de champagne, donc des négociants, louent à des exploitants les vignes leur appartenant, à la condition que ces derniers s’engagent à leur vendre leur production pendant la durée du bail. En outre, il est courant que cet engagement de vente porte sur la récolte d’une surface représentant plusieurs fois la terre donnée en location. Ainsi, la conclusion d’un bail de dix-huit ans sur un hectare peut être conditionnée à l’engagement par le preneur de vendre, pendant la même période, la récolte de cinq hectares de vigne, dont quatre qu’il exploite par d’autres biais.

Cette obligation va beaucoup plus loin que la livraison en nature du fermage ou du métayage, autorisée par les dispositions du statut. Elle porte atteinte à la liberté économique du preneur, étant donné qu’elle l’empêche, pendant toute la durée du bail, de choisir d’autres modes de valorisation de sa production. En contrepartie de la signature du bail, le preneur doit abdiquer le droit, appartenant à tout exploitant agricole, de transformer lui-même sa production pour en tirer une meilleure rentabilité.

Cette pratique induit donc un effet pervers, en incitant des négociants désireux de sécuriser leurs approvisionnements à capter la propriété foncière à des prix élevés qui la rendent progressivement inaccessible aux exploitants.

Dans le but de mettre fin à ces dérives, cet amendement tend à compléter l’article L. 411–12 du code rural et de la pêche maritime en prévoyant expressément l’interdiction, pour le bailleur, de subordonner la conclusion du bail ou son renouvellement à la souscription, par le preneur, d’un engagement contractuel de fourniture de biens, de service ou de commercialisation des produits de ladite exploitation.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Férat, pour présenter l’amendement n° 404 rectifié bis.

Mme Françoise Férat. Je n’aurai pas l’outrecuidance de reprendre l’exemple de la Champagne après mon collègue de la Somme ! (Sourires.) Cet amendement étant strictement identique au précédent, je le considère comme défendu. Je souligne simplement, à mon tour, que le contrat de bail ne peut être soumis à une autre contrepartie que le loyer.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. La commission considère que ces amendements sont déjà satisfaits.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Il s’agit, comme M. Deneux l’a indiqué, d’interdire les clauses de revente aux propriétaires bailleurs des produits issus de terres louées par lui. Le bail rural doit laisser l’exploitant libre de son exploitation et de la commercialisation de ses productions. La remise d’un fermage en nature reste en revanche possible.

On peut souscrire aux intentions des auteurs de ces amendements : le bail rural ne doit pas conduire à un esclavage économique.

Mme Françoise Férat. C’est précisément ce qui se passe !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Attendez ! Oui, nous sommes d’accord, cela se passe peut-être ainsi dans les faits.

Il existe d’ailleurs un type de bail qui permet le versement d’une partie de la production au propriétaire : il s'agit du bail à métayage. Ce versement partiel est donc déjà possible – les spécialistes connaissent cela mieux que moi.

Cependant, en l’état actuel du droit, il me semble qu’un engagement contractuel sur des volumes est déjà interdit par le statut du fermage – je crois que c'est la réalité, cher Marcel Deneux –, car il contrevient aux règles sur l’encadrement des prix du fermage. Par conséquent votre amendement paraît être satisfait.

Toutefois, sur ce point, je ne fais que lire l’expertise établie par les excellents administrateurs de la commission. Ce sujet est très compliqué, mais en regardant ce qui existe déjà dans les textes, la disposition que vous proposez semble satisfaite, même si l’on peut comprendre votre argumentation.

La commission demande donc le retrait de ces deux amendements identiques ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je ne ferai pas de commentaire sur l’expertise des excellents administrateurs de la commission.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Ils sont très forts !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Le droit interdit ce que vous dénoncez. En effet, légalement, le statut du fermage porte sur le fermage entre preneur et bailleur et il n’est pas permis d’ajouter d’autres clauses au-delà de la relation contractuelle.

Que se passe-t-il en Champagne, dans les grandes maisons de champagne ?

Mme Françoise Férat. La pression !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Vous l’avez dit, madame la sénatrice, une pression s’exerce hors du cadre légal. Étant donné qu’elle ne s'exerce pas dans la légalité, ajouter des clauses dans le droit n’empêchera pas qu’une pression se forme, comme dans la bière !

Le problème se situe donc plutôt au niveau de la responsabilité de l’administration dans l’application de la loi, ce qui pose de nouveau la question des fonctionnaires.

À la suite du débat à l’Assemblée nationale, j’ai pris l’initiative d’envoyer une circulaire aux préfets pour renforcer les contrôles de l’application de la loi dans le cadre du statut du fermage, en particulier là où s'exercent des pressions.

Nous allons donc essayer d’exiger que la loi soit tout simplement respectée. Vous voyez que pour ce faire, nous aurons besoin de fonctionnaires et d’une administration.

Mme la présidente. Monsieur Deneux, l'amendement n° 255 rectifié ter est-il maintenu ?

M. Marcel Deneux Il est clair que sur le plan légal vous avez raison, monsieur le ministre, et c’est pourquoi j’accepte de retirer cet amendement.

Toutefois, cet amendement avait aussi pour objet d’attirer votre attention, car, dans la pratique, les contrôles ne sont pas faits en raison de problèmes de divergences entre administrations.

Essayons de réfléchir ensemble : qui, dans toute l’administration, a accès au libellé du bail ? Ce n’est pas l’administration de l’agriculture qui peut contrôler les baux, mais l’administration fiscale, après leur enregistrement. Nos amis de l’administration de l’agriculture ne se préoccupent pas de contrôler les baux, aussi ces contrôles n’ont pas lieu. Arrangeons-nous donc pour qu’ils soient faits !

Il est vrai que cette pression est illégale, cependant elle se pratique et apparemment tout le monde s'en fiche !

M. Jean Bizet. C'est exact !

Mme la présidente. L'amendement n° 255 rectifié ter est retiré.

Madame Férat, l'amendement n° 404 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Françoise Férat. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 404 rectifié bis est retiré.

La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je souhaite simplement répondre à M. Deneux. La circulaire que j’ai mentionnée a été envoyée aux préfets précisément en raison des problèmes que vous évoquez. Ainsi, cette application n’est pas une question de services administratifs, mais, au travers des préfets, c'est l’État qui doit faire appliquer la loi.

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 38 rectifié bis, présenté par Mme Férat, M. Détraigne, Mmes Morin-Desailly et N. Goulet et MM. Guerriau, Roche et Tandonnet, est ainsi libellé :

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 411–13 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigé :

« Art. L 411–13. – Le preneur ou le bailleur qui, lors de la conclusion du bail, a contracté à un prix supérieur ou inférieur d'au moins deux dixièmes à la valeur locative de la catégorie du bien particulier donné à bail peut, au cours de la troisième année de jouissance, et une seule fois, saisir le tribunal paritaire qui fixe, pour la période du bail restant à courir à partir de la demande, le prix normal du fermage selon les modalités ci-dessus. »

La parole est à Mme Françoise Férat.

Mme Françoise Férat. Il nous semble que la révision du prix du bail au cours de la troisième année doit être plus strictement encadrée pour éviter les effets pervers qu’elle engendre : aujourd’hui, il arrive qu’un preneur propose un fermage dépassant l’arrêté préfectoral de plus de 10 % et introduise ensuite, comme nous l’avons hélas constaté, au cours de la troisième année du bail, une révision judiciaire du montant du loyer.

Cet amendement vise à encadrer la révision du prix du bail possible dès la troisième année. Aujourd’hui, la révision judiciaire du prix peut être enclenchée en cas de dépassement de fermage de plus de 10 % par rapport au montant prévu dans l’arrêté préfectoral. Nous souhaiterions, afin d’accroître la pérennité, porter le seuil à 20 %.

Mme la présidente. L'amendement n° 67, présenté par MM. Revet et Trillard, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l’article L. 411–13 du code rural et de la pêche maritime, les mots : « un dixième » sont remplacés par les mots : « deux dixièmes ».

La parole est à M. Charles Revet.

M. Charles Revet. Cet amendement a le même objet, même si sa rédaction est un peu plus brève. Il a été très bien défendu par Mme Férat.

Mme la présidente. L'amendement n° 200 rectifié bis, présenté par M. Savary, Mmes Boog et Bruguière, MM. Cambon, Cardoux et Cointat, Mme Deroche, MM. Doligé, Houel, Huré, Laménie, Lefèvre et Longuet et Mmes Masson-Maret et Sittler, est ainsi libellé :

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le second alinéa de l’article L. 411–13 du code rural et de la pêche maritime est supprimé.

Cet amendement n'est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 38 rectifié bis et 67 ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Je suis vraiment désolé de m'adresser de nouveau à M. Revet et à Mme Férat sans être d’accord avec eux.

Là encore, on peut comprendre votre argumentation, mais si on relève le seuil de 10 % à 20 %, on va diminuer le nombre de cas et ainsi laisser un certain nombre de gens dans la difficulté.

Le statut du fermage dans son ensemble est très fragile. Par conséquent, je serai partisan de ne pas trop le modifier, car sinon, la situation sera bouleversée. Que deviendront les personnes dont le fermage connaît un changement entre 10 % et 20 % ? Comment justifier le seuil de 20 %. Pourquoi pas 30 % ? Pourquoi 10 % aujourd’hui plutôt que 0 % ?

Depuis des lustres, le seuil de 10 % est acté ; on ne voit pas pourquoi le porter à 20 % : cela empêcherait certaines personnes de présenter un recours alors qu’elles en ont aujourd’hui la possibilité.

Cependant, vous en conviendrez, ma défense de l’argument n’est pas outrancièrement convaincante.

M. Charles Revet. Merci de le reconnaître, monsieur le rapporteur !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Je l’avoue franchement.

Toutefois, je n’ai pas trouvé non plus votre argumentation en faveur du passage de 10 % à 20 % très convaincante.

M. Charles Revet. Je peux reprendre la parole si vous le souhaitez...

M. Didier Guillaume, rapporteur. Non ! Pourquoi porter le seuil à 20 %, et pas à 25 % ?

Je suis favorable au maintien des dispositions actuelles ; elles ne fonctionnent pas si mal et pourraient faire l’objet d’une expertise.

M. Charles Revet. Il s'agit simplement d’éviter des actions judiciaires !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Certes, on peut éventuellement vouloir éviter des actions judiciaires, mais elles permettent aussi à certains de se défendre !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Ce sont des sujets extrêmement complexes puisqu’ils relèvent du droit contractuel entre preneurs et bailleurs. Les logiques contractuelles dépendent des situations, des intentions, de rapports de force que l’on ne maîtrise pas, comme cela a été dit tout à l’heure, car ils ne peuvent être inscrits dans la loi puisque, par définition, ils relèvent du domaine contractuel.

Comme le rapporteur le disait, plus on modifie ce qui existe, moins on connaît exactement les conséquences éventuelles. Élever le seuil de 10 % à 20 % exclut un certain nombre de possibilités de révision. Qu’y a-t-il derrière une surévaluation de la valeur locative au moment du bail ? Sans doute la volonté du preneur de prendre.

M. Charles Revet. Exactement !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Plus vous élevez le seuil à partir duquel une révision est possible, plus vous allez faire augmenter le prix du fermage,…

M. Didier Guillaume, rapporteur. Effectivement !

M. Stéphane Le Foll, ministre. … pour ensuite peut-être le voir baisser, puisque si la valeur locative a été surévaluée de plus de 20 %, on peut baisser le prix du fermage.

Vous voyez que le processus peut être extrêmement contradictoire avec l’objectif. Notre objectif, en effet, n’est pas de renforcer le prix du fermage et donc de limiter l’accès à l’exploitation, mais plutôt, au contraire, de faciliter ce dernier.

Dans ce débat sur la contractualisation entre preneur et bailleur, il existe un risque, en modifiant ce qui existe, d’obtenir des conséquences que l’on ne souhaite pas, en particulier si en portant le seuil à 20 % on ne fait qu’encourager l’inflation des fermages. Je pense que ce serait une erreur.

Cela fait toutefois l’objet d’un débat, que nous avons aujourd'hui. Je comprends cependant votre proposition et vos objectifs. Nous examinons ensemble ces questions extrêmement pointues et compliquées jusqu’au bout. Néanmoins, sur la question spécifique du seuil de réévaluation, je pense que le modifier serait une erreur.

Le Gouvernement demande donc le retrait de ces amendements.

Mme la présidente. Madame Férat, l'amendement n° 38 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Françoise Férat. Si je voulais faire un peu d’humour, je dirais qu’à la demande pressante du rapporteur je vais défendre à nouveau cet amendement en essayant d’être plus convaincante !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Ben voilà !

Mme Françoise Férat. Plus sérieusement, je comprends que l’on ne puisse pas tout mettre dans la loi. Cependant, dans des moments privilégiés comme celui-ci, qui sont utiles pour faire remonter par les parlementaires ce qui pose de réels problèmes sur le terrain, dès lors que l’on a pointé des difficultés et les intentions pas toujours convenables, pour le dire gentiment, de certaines personnes, pourquoi ne pas essayer d’améliorer les choses ?

Mme Françoise Férat. Votre projet de loi s'intitule projet de loi d’avenir !

M. Charles Revet. Exactement !

Mme Françoise Férat. Si l’on n’améliore pas ce qui se passe sur le terrain, les difficultés dont nous sommes régulièrement avertis, à quoi cela sert-il ? Je me demande – pardonnez-moi – à quoi va servir ce débat s'il faut revenir, chaque fois, à ce qui fait le moins de difficultés, le moins de vagues, et dont on ne mesure pas très bien les conséquences.

Je retire l’amendement que j’ai présenté, madame la présidente. Mais, monsieur le rapporteur, rendez-vous en deuxième lecture !

Mme la présidente. L'amendement n° 38 rectifié bis est retiré.

Monsieur Revet, l'amendement n° 67 est-il maintenu ?

M. Charles Revet. Même avis que Mme Férat. Je retire cet amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 67 est retiré.

L'amendement n° 345 rectifié bis, présenté par M. César, Mme Lamure, MM. Pointereau, Hérisson et Houel, Mme Masson-Maret, MM. Billard, Hyest, Reichardt, Couderc et Milon, Mme Mélot, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 3° du I de l’article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime est complété par les mots : « s’il est de nature à porter préjudice au bailleur ».

La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Je propose, par cet amendement, de régler un problème qui pourrait survenir entre le bailleur et le preneur en cas de non-respect des clauses environnementales.

Pour éviter une multiplication des litiges, et donc des contentieux non fondés, cher Charles Revet, ayant pour objectif l’éviction du preneur en place, il est important que le bailleur invoquant la résiliation démontre que l’attitude du preneur qui ne respecte pas les clauses du bail est de nature à lui porter préjudice. Il y va de la pérennité des exploitations en fermage.

Une telle disposition préserve également le maintien de l’équilibre entre les parties au contrat de bail. Elle permettra donc, surtout, d’éviter de futurs contentieux.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Avec la même conviction que précédemment, j’émets un avis défavorable.

La rédaction que vous proposez, cher Gérard César, risque de laisser penser que le respect des clauses n’est pas nécessaire.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Mais si ! Est-ce le message que nous voulons faire passer ? J’en doute !

M. Gérard César. Au contraire, je cherche à garantir le respect du contrat : il y a résiliation si les clauses ne sont pas respectées !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Cet amendement tend à réviser ce motif de résiliation, en ne l’autorisant que si le bailleur prouve que le non-respect des clauses du bail lui cause un préjudice. Or les clauses environnementales ont aussi un motif d’intérêt général et il est parfois complexe de prouver leur non-respect.

Nous nous trouvons dans la même configuration qu’avec les amendements présentés par Françoise Férat et Charles Revet. Forts de ce qui leur remonte du terrain, nos collègues ont pu affirmer qu’il fallait passer de dix à vingt. Je pourrais toutefois faire valoir d’autres informations indiquant qu’une telle modification aurait des effets inflationnistes, qui risqueraient d’interdire à certains acteurs d’ester en justice et de se défendre. On peut faire dire tout et son contraire au terrain !

Monsieur César, prouver un préjudice, c’est fort complexe !

M. Gérard César. Il s’agit de s’assurer qu’il y a préjudice !

M. Didier Guillaume, rapporteur. J’ai bien compris, mais, en ce qui concerne les clauses environnementales, la preuve peut être parfois difficile à rapporter.

Mon avis reste donc plutôt défavorable, mais je m’en remets à la sagesse du ministre, beaucoup plus compétent que moi ! (Sourires.)

M. Stéphane Le Foll, ministre. Encore ! (Nouveaux sourires.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Il s’agit, dans ce débat, du respect des clauses d’un contrat. Or le droit prévoit d’ores et déjà que, lorsque ces clauses ne sont pas respectées, le préjudice est automatiquement constitué.

Est-il nécessaire d’ajouter dans la loi l’obligation pour le bailleur de prouver le préjudice ? Si la clause n’est pas respectée, alors il y a préjudice ! Sinon, la charge de la preuve du préjudice reposerait tout entière sur le bailleur.

En ce qui concerne les clauses environnementales, je prendrai l’exemple, que nous évoquions avec M. Deneux, d’un système de conservation des sols. Le niveau de matière organique peut varier de 1,5 % à 3 %, 4 % ou 5 %. Supposons que bailleur souhaite conserver 5 % de matière organique, mais que l’agriculteur, pour des raisons qui lui sont propres, change complètement de modèle de production, et que le taux de matière organique baisse : le préjudice est alors facile à mesurer. Dans d’autres domaines, en revanche, comme en matière de biodiversité, la mesure est beaucoup plus difficile.

En droit, mesdames, messieurs les sénateurs, on ne peut s’appuyer que sur le respect de la clause acceptée par les parties. En gros, je vous ai loué des terres avec telle ou telle caractéristique ; si tout se trouve complètement bouleversé, vous ne respectez pas la clause sur laquelle vous vous êtes engagé ; il y a donc préjudice.

Demander au bailleur de prouver le préjudice revient à lui imposer une charge qui ne nous semble pas nécessaire : encore une fois, si la clause n’est pas respectée, le préjudice est constitué.

Cette question est très technique, et je ne doute pas que M. César, en présentant cet amendement, avait à l’esprit l’exemple précis d’une situation rencontrée dans sa région. Cette proposition ne peut pas venir de nulle part !

M. Gérard César. Tout à fait !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Est-elle généralisable ? Je ne le crois pas.

Peut-être pouvons-nous régler cette question par voie réglementaire ? En tout cas, cette disposition n’a pas sa place dans la loi.

L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 345 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, j’attire votre attention sur le fait qu’il nous reste 639 amendements à examiner. (Exclamations sur un grand nombre de travées.)

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Dossier législatif : projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt
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