Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur le sénateur, je renouvelle auprès de vous les excuses de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé, qui ne peut être présente ce matin, en vous priant de les transmettre à votre collègue M. Kerdraon.

Vous avez attiré l’attention de Mme Touraine sur la problématique des implants intraoculaires multifocaux, un dispositif qui permet de traiter au cours d’une même opération les troubles non seulement de la vision, mais également de la réfraction.

Plus largement, la question que vous avez soulevée est celle de l’accès à l’innovation, de l’évaluation et de la prise en charge de l’innovation, un sujet auquel la ministre est particulièrement attachée.

L’accès à l’innovation renvoie très concrètement à la question des modalités d’évaluation des produits afin d’assurer la sécurité des patients et à celle des modalités de la prise en charge de ces produits par les régimes de base d’assurance maladie.

Les implants multifocaux illustrent bien cette problématique. Ils sont aujourd’hui pris en charge selon une procédure dérogatoire qui n’a pas vocation à perdurer.

Les procédures dérogatoires doivent favoriser l’accès à l’innovation, mais, en régime de croisière, l’innovation doit être évaluée et prise en charge selon des modalités de droit commun.

Pour les implants multifocaux, tous les acteurs sont d’accord sur la nécessité de procéder à cette évaluation. Ils ne divergent que sur la procédure à suivre pour la mener à bien. L’assurance maladie a exprimé une préférence pour une simple évaluation médico-technique du service attendu par la Haute Autorité de santé.

Il s’agit d’une nouvelle procédure d’évaluation qui découle de la loi de 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. Cette procédure ne peut être utilisée que pour une liste limitative de produits, fixée par arrêté. Les implants multifocaux n’en font pas partie et n’ont jamais été évoqués en tant que « candidats » à cette procédure avant la publication en novembre dernier de l’arrêté qui a défini le programme de travail pluriannuel de la Haute Autorité de santé en la matière. La publication de l’arrêté auquel vous faites référence dans votre question, monsieur le sénateur, ouvrirait donc la voie à cette procédure.

Mais il existe une autre procédure plus complète, notamment du point de vue médico-économique : la demande d’inscription sur la liste des produits et prestations, la LPP. Cette modalité d’évaluation doit également être prise en considération, car une évaluation favorable de la Haute Autorité de santé dans ce cadre ouvrirait le droit à une meilleure prise en charge pour les patients.

Mme Marisol Touraine a donné les instructions nécessaires pour que l’évaluation de ces produits soit menée dans les délais les plus brefs et selon les modalités les plus appropriées pour l’intérêt des patients. Bien entendu, elle maintiendra la tolérance de la facturation au patient jusqu’à la clôture du dossier d’évaluation et ne manquera pas de vous communiquer le moment venu les résultats obtenus.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.

M. Jean-Marc Todeschini. Autant j’ai été long dans la présentation de ma question, autant je serai bref pour la réplique ! (Sourires.) Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse qui va dans l’intérêt des patients.

sécurisation des quittances d'électricité utilisées comme justificatifs de domicile

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 741, adressée à M. le ministre de l'intérieur.

Mme Catherine Procaccia. Madame la présidente, je salue votre désignation à la fonction de vice-présidente du Sénat, qui débute aujourd'hui par cette séance de questions orales.

Monsieur le ministre, ma question porte sur les quittances d’électricité utilisées comme justificatifs de domicile.

Malgré son obtention en un simple coup de fil, la quittance d’électricité demeure l’une des pièces acceptées comme justificatifs de domicile. Cette procédure simplifie sans conteste les démarches liées aux déménagements et aux installations dans un logement. Toutefois, l’absence totale de contrôle favorise, dans certains cas, l’occupation illégale de domicile.

Ce procédé est fréquemment utilisé dans les situations de squat et figure parmi les méthodes recommandées sur internet pour « squatter en toute tranquillité ». Monsieur le ministre, vous avez certainement eu connaissance, comme moi, de ces sites sur lesquels figurent de telles « recommandations ». La personne qui s’est introduite illégalement dans un logement n’a qu’à fournir le numéro du compteur et le relevé de l’index par téléphone au fournisseur d’électricité pour que celui-ci lui adresse un justificatif. Et ce justificatif d’abonnement servira à prouver l’authenticité de l’adresse du domicile pour de nombreux actes de la vie courante, notamment, dans les collectivités, pour bénéficier de certaines aides ou pour obtenir des documents connexes et papiers d’identité.

Sans vouloir freiner la dématérialisation ou l’exécution de démarches rapides, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous m’indiquiez les moyens permettant de lutter contre ce type de fraude et de sécuriser ces justificatifs de domicile.

Le Gouvernement compte-t-il demander aux fournisseurs d’électricité de ne délivrer, par exemple, qu’une attestation provisoire, en attendant qu’une vérification soit faite auprès du précédent titulaire du contrat ? Ce contrôle a posteriori n’empêcherait pas l’exécution du nouveau contrat, mais éviterait que l’éventuelle fraude ne puisse perdurer dans le temps.

Ne pourrait-on pas mettre en place un justificatif unique et sécurisé prouvant le domicile ? Non seulement il limiterait les fraudes, mais il permettrait aussi d’harmoniser les exigences diverses des organismes et administrations qui réclament des justificatifs. Il soulagerait aussi les démarches quotidiennes des Français.

Je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, d’être venu en personne répondre à cette question qui concerne la sécurité.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur la fiabilité des quittances d’électricité comme justificatifs de domicile.

La sécurisation des justificatifs de domicile est une préoccupation très importante du ministère de l’intérieur. En effet, ce dernier est compétent pour la délivrance des titres d’identité dont le dossier de demande comporte, dans la plupart des cas, une facture d’électricité valant justificatif de domicile.

À ce titre, le ministère de l’intérieur conduit, s’agissant de la délivrance de passeports biométriques, une expérimentation de sécurisation des justificatifs de domicile par apposition d’un code-barres 2D sur chaque facture, code reprenant les nom, prénom et adresse du titulaire du contrat. Le simple contrôle de cohérence entre les informations délivrées par le code et celles qui figurent sur la facture papier permet de lutter efficacement contre la falsification des pièces.

Un opérateur de téléphonie mobile sécurise ses factures par ce système depuis le mois d’octobre 2013. Un deuxième opérateur de téléphonie mobile entre dans le dispositif à la fin du mois de juin prochain.

EDF a également prévu de sécuriser par code-barres 2D une attestation de contrat valant justificatif de domicile pour la fin de l’année 2014. Le système retenu est très performant dans le cadre de la lutte de la fraude documentaire, car toute corruption d’un justificatif papier est immédiatement et automatiquement détectée.

Ce système ne couvre cependant pas – madame la sénatrice, je vous le concède – tous les cas de fraude : les usurpations de contrat auxquelles vous avez fait référence ne sont ainsi pas détectées.

Dans ce cas, la responsabilité revient à l’opérateur de vérifier que, initialement, c'est bien au bon destinataire et pour son compte qu’est émise l’attestation de contrat ou la facture. La chaîne de sécurisation de l’identité nécessite une implication de tous les acteurs, dont les opérateurs fournisseurs d’énergie, à leur place et dans leur rôle respectifs.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le ministre, le code-barres 2D empêchera effectivement les falsifications, qui sont aujourd'hui relativement faciles avec internet et les logiciels de traitement de texte.

Comme vous le releviez, ce procédé ne permet pas de couvrir les cas d’usurpation de contrat. Je constate qu’il suffit d’appeler son fournisseur d’énergie en indiquant le numéro de compteur pour obtenir une quittance. On peut même, en toute bonne foi, résilier l’abonnement de son voisin si l’on fait une erreur de numéro !

Cela prouve bien que la question n’est pas réglée. Vous renvoyez le problème aux opérateurs pour les responsabiliser. Ces derniers ont grandement facilité les modalités de transfert d’un contrat, ce qui est une bonne chose pour la très grande majorité de leurs clients, qui sont de bonne foi. Mais je ne crois pas que les opérateurs aient reçu des directives pour mener des vérifications, notamment pour vérifier que l’ancien titulaire a bien cédé ou quitté son logement. Il faudrait maintenant leur demander de vérifier, soit par téléphone soit par courrier, que le nouveau titulaire est bien le bon et qu’il n’abuse pas de cette adresse.

Monsieur le ministre, je vous remercie en tout cas des premiers éléments de réponse que vous m’avez apportés.

situation des mineurs étrangers accédant à la majorité

Mme la présidente. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, auteur de la question n° 689, adressée à M. le ministre de l'intérieur.

Mme Maryvonne Blondin. Madame la présidente, c'est avec beaucoup de plaisir que je salue votre désignation à la fonction de vice-présidente.

Monsieur le ministre, ma question porte sur la situation des mineurs étrangers isolés accédant à la majorité et sur les difficultés rencontrées à cette période où ces jeunes basculent, pour nombre d’entre eux, dans une « zone grise ».

Le cadre juridique actuel distingue deux situations lors de l’accession à la majorité, selon que le mineur ait été confié à l’aide sociale à l’enfance, l’ASE, du département où il se trouve avant ou après son seizième anniversaire. C'est dans cette dernière situation qu’on retrouve le plus de difficultés.

Si le jeune avait moins de seize ans lorsqu’il a été confié à l’aide sociale à l’enfance, sa situation est simple : elle est régie par l’article L. 313-11, alinéa 2 bis, du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA. Le titre est alors automatiquement remis, sous réserve du respect de certaines conditions.

À l’inverse, lorsque le mineur a été confié à l’ASE après son seizième anniversaire, l’article L. 313-15 du CESEDA s’applique et prévoit la délivrance à titre exceptionnel, et non de façon automatique, dans l’année qui suit son dix-huitième anniversaire, de la carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » ou « travailleur temporaire » au jeune majeur étranger, qui doit justifier « suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle ».

Cette disposition est également mise en œuvre « sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation » suivie par le jeune, « de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion de cet étranger dans la société française ». La régularisation est laissée à l’appréciation souveraine du préfet.

Il convient dès lors de pointer, dans ce cas, le manque de continuité juridique entre les deux logiques différentes – ASE puis ministère de l’intérieur –, qui a pu être relevé par notre ancienne collègue Hélène Lipietz, lors de l’examen de la mission « Immigration, intégration et nationalité » du projet de loi de finances pour 2014.

Outre la nature des liens avec la famille dans le pays d’origine, l’article L. 313-15 du CESEDA dispose que le jeune doit justifier suivre une formation dont le caractère est réel et sérieux. Il est ajouté que le jeune doit suivre cette formation depuis au moins six mois.

Combien de jeunes étrangers, monsieur le ministre, pris en charge à seize ans ou dix-sept ans, pourront, à dix-huit ans, se prévaloir d’au moins « six mois [de] formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle », sachant qu’ils sont, pour la plupart, soit non francophones, soit peu ou non scolarisés avant leur arrivée en France ?

Enfin, l’entrée en formation professionnelle nécessite une autorisation de travail qu’ils n’ont pas, et qui est obligatoire pour signer un contrat d’apprentissage ou une formation en alternance.

Je souhaiterais savoir si une réflexion approfondie est engagée sur le sujet de l’accession à la majorité des mineurs isolés étrangers confiés à l’aide sociale à l’enfance alors qu’ils étaient âgés de plus de seize ans : une transition et une sécurité juridique sont en effet nécessaires.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur la situation des mineurs étrangers isolés accédant à la majorité. Ces mineurs se voient délivrer de plein droit une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » s’ils ont été confiés au préalable à l’aide sociale à l’enfance avant l’âge de seize ans.

Pour les mineurs étrangers isolés confiés à l’aide sociale à l’enfance après cet âge, la loi prévoit que le préfet peut les régulariser en tenant compte du sérieux de la formation suivie à la date de leurs dix-huit ans, mais aussi de leurs perspectives d’insertion.

Comme vous le savez, ce dernier dispositif d’admission au séjour a été précisé par la circulaire du 28 novembre 2012, laquelle invite les préfets à faire « un usage bienveillant » de leur pouvoir de régularisation pour les mineurs étrangers isolés en France âgés de plus de seize ans, en délivrant soit un titre de séjour « salarié », si les conditions de suivi d’une formation professionnelle sont remplies, soit un titre de séjour « étudiant » si le jeune est engagé dans une formation généraliste.

Cette circulaire clarifie également la notion de « liens avec le pays d’origine », qui constitue souvent le frein le plus important aux régularisations.

Ces dispositions ont permis d’assouplir autant que faire se peut les conditions d’admission au séjour de ces mineurs étrangers isolés accédant à la majorité. Elles constituent un progrès, qui doit pouvoir être encore conforté à l’occasion de l’examen par la Haute Assemblée des textes à venir sur l’immigration et l’asile.

Mme la présidente. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.

Mme Maryvonne Blondin. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.

En guise d’illustration de mon propos, sachez que, sur les cinquante-neuf mineurs isolés accueillis dans mon département, trente étaient âgés de plus de seize ans ! Le problème de leur sortie du territoire se pose donc avec acuité.

Je veux également vous rappeler que la question des mineurs isolés qui accèdent à la majorité a été évoquée au niveau du Conseil de l’Europe. Ainsi, une résolution intitulée Enfants migrants non accompagnés : quels droits à dix-huit ans ? a été adoptée par la commission des migrations de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, ou APCE.

Cette résolution vise à mettre en place un statut de transition pour les personnes migrantes devenant majeures, tout en continuant à leur accorder les droits les plus élémentaires aussi longtemps que nécessaire. Elle s’adresse à tous les États-parties du Conseil de l’Europe. Il serait bon de s’en inspirer ! D'ailleurs, le rapport ayant servi de support à son élaboration sera débattu lors de la réunion de la commission permanente de l’APCE à Bakou, le 23 mai prochain.

liaison ferroviaire lyon-turin

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Vial, auteur de la question n° 731, adressée à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Jean-Pierre Vial. Madame la présidente, je vous remercie de me donner la parole, pour une question que vous auriez d’ailleurs pu poser vous-même !

Monsieur le ministre, ne voyez pas dans cette question une quelconque obstination à obtenir une réponse à la demande que j’ai formulée lors du débat sur l’avenir des infrastructures de transport, qui s’est tenu ici même le 6 février dernier ; il s’agit de rassurer ceux qui s’interrogent et, surtout, de donner les gages attendus par Bruxelles sur ce grand projet européen qu’est le Lyon-Turin.

Je le répète, nous ne pouvons qu’être satisfaits de la nouvelle étape engagée par le sommet bilatéral du 20 novembre 2013, lequel a fait suite à la ratification par le Sénat, le 18 novembre dernier, de l’accord de Rome du 30 janvier 2012 et à l’adoption par le Parlement européen, le 19 novembre, des financements des grandes infrastructures pour la période 2014-2020, avec un budget de 26 milliards d’euros, niveau sans équivalent. D’ailleurs, ce même 6 février, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, ou AFITF, présentant ses engagements financiers, évoquait le Lyon-Turin.

Le 15 mars, le Président de la République et le nouveau Président du Conseil italien réaffirmaient l’importance de ce projet, dont la convention de 2012 était définitivement ratifiée par le Parlement italien le 9 avril dernier.

Dès lors, si le « nœud lyonnais » mérite des précisions, si une partie des accès requiert de toute évidence une remise à plat, dans le prolongement du rapport Duron, si la plateforme de ferroutage de Grenay nécessite un engagement de Bruxelles pour assurer le basculement du transport de marchandises de la route vers le rail, avec le succès de l’autoroute ferroviaire alpine, ou AFA, que l’on constate depuis bientôt deux ans, l’important, c’est l’engagement de la réalisation du tunnel international, dit « tunnel de base ».

Certes, le début des travaux de Saint-Martin-La-Porte est attendu, mais l’octroi des financements européens disponibles relève directement de l’appel à projets qui sera lancé dans les prochains mois.

Pour bénéficier de ces financements, la France et l’Italie devront impérativement satisfaire à deux exigences : la première, déjà ancienne, porte sur la mise en place d’ici à l’été 2014 d’un promoteur public en charge de la réalisation du chantier ; la seconde, qui est de même niveau, concerne le montage financier de l’opération et la certification des coûts du projet conjoints avec nos partenaires italiens, dont l’ingénierie et le plan financier devront être finalisés d’ici à l’automne 2014.

Monsieur le ministre, la réponse à l’appel d’offres, la mise en place d’un opérateur, l’adoption du montage financier de l’opération sont les conditions auxquelles les États français et italien doivent impérativement satisfaire pour répondre aux exigences de l’Europe. Vous le savez, et je vous remercie de nous confirmer que le Gouvernement mettra tout en œuvre pour s’y soumettre !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question et vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche, qui est retenu ce matin par le vingtième anniversaire de l’inauguration du tunnel sous la Manche.

Comme vous l’avez rappelé dans votre propos, la nouvelle liaison ferroviaire entre Lyon et Turin est un projet stratégique pour la France et l’Italie, qui sont engagées sur ce dossier par des accords internationaux, dont le dernier, en date du 30 janvier 2012, a été ratifié à la fin de l’année 2013 par la France et vient de l’être par l’Italie – en avril dernier. Le sommet franco-italien qui s’est tenu à Rome le 20 novembre 2013 a été l’occasion de rappeler l’importance accordée à la mise en œuvre du projet par les deux États.

En raison de son coût, le projet Lyon-Turin doit être conduit dans un esprit de responsabilité, en tenant compte, d’une part, de sa dimension européenne, et, d’autre part – vous en conviendrez ! –, de la situation des finances publiques.

En conséquence, une participation communautaire au niveau le plus élevé possible, correspondant à 40 % du coût des travaux et à 50 % du coût des études, est un élément décisif de la réalisation de ce grand projet d’infrastructure. La Commission européenne semble se montrer rassurante quant à l’obtention de ces taux, mais elle devra bien entendu confirmer cette intention. Aussi, les deux États sont mobilisés pour présenter, en 2014, une demande de financement conjointe, dans le cadre de l’appel à projets qui sera lancé par la Commission européenne.

S’agissant de la mise en place du promoteur public, opérateur chargé de conduire les travaux définitifs de la liaison, la France et l’Italie sont parvenues à un accord sur les statuts de cette société, amenée à succéder à la société actuelle, Lyon Turin Ferroviaire, ou LTF. Cette nouvelle entité, qui pourra être mise en place après la réalisation des formalités afférentes de transformation de LTF, permettra aux deux États de renforcer le pilotage de cette opération.

Enfin, pour ce qui concerne le montage financier du projet, les gouvernements ont, au cours du sommet de Rome, chargé la commission intergouvernementale d’approfondir les travaux.

Dans ce cadre, je peux vous assurer de la mobilisation des services du secrétaire d’État chargé des transports, aux côtés de ceux du ministre des finances et des comptes publics et du secrétaire d’État chargé du budget, pour que ce projet poursuive son développement dans les meilleures conditions.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Vial.

M. Jean-Pierre Vial. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse, à la précision de laquelle je suis sensible.

Lors du débat sur l’avenir des infrastructures de transport, je m’étais quelque peu étonné que M. le ministre chargé des transports ne nous ait pas fourni ces éléments d’information. Je suis désormais convaincu qu’il avait voulu attendre l’anniversaire du tunnel sous la Manche, que nous célébrons aujourd'hui, les deux infrastructures présentant un lien évident.

Je vous remercie des réponses que vous nous avez apportées, à la fois sur l’opérateur, point essentiel mis en avant par l’Europe, et, bien évidemment, sur les conditions de financement.

Je considère donc que nous sommes aujourd'hui en bonne voie au regard des conditions posées par l’Europe, qui, comme vous le savez, s’est engagée sur une participation exceptionnelle, correspondant à 40 % du coût des travaux.

Mme la présidente. Mes chers collègues, avant d’aborder la question orale suivante, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures vingt-cinq, est reprise à dix heures trente.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

avenir de la filière bois en lorraine

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, auteur de la question n° 715, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le ministre, ma question porte sur la situation préoccupante de la filière bois en Lorraine. Du reste, je sais que c'est un sujet que vous connaissez, pour vous être déjà rendu sur place.

Il s’agit d’une filière historique et stratégique, d’un véritable moteur de l’économie régionale, qui couvre 37 % du territoire lorrain et représente 23 500 emplois, dans 5 078 entreprises.

Or cette filière rencontre aujourd’hui des difficultés majeures, auxquelles les entreprises seules ne pourront pas faire face. L’export de grumes de feuillus réduit l’approvisionnement des entreprises lorraines, et les outils de production dans la région ne fonctionnent qu’à 50 % de leurs capacités, ce qui pénalise la compétitivité des entreprises et leur positionnement sur le marché local, national et international. Certaines sociétés se voient dans l’obligation de refuser des commandes, et les prix de revient ne cessent d’augmenter.

Il s'agit d’une véritable fragilisation de l’économie régionale. La situation est paradoxale, alors que le pacte lorrain, signé par le Premier ministre et le président de la région Lorraine, accorde une place prioritaire à la filière bois en l’insérant dans la vallée européenne des matériaux et des procédés.

Afin d’éviter à court terme une catastrophe irréversible, il est essentiel de sécuriser les approvisionnements des entreprises. Ces derniers sont mis en danger par un marché de ressources de bois quasi monopolistique sous l’égide de l’Office national des forêts, par une contractualisation qui s’apparente davantage à une vente de gré à gré et par un développement de l’export de grumes non transformées.

En janvier 2014, pour faire face à cette situation de crise, l’interprofession du bois s’est fédérée en une Union régionale des scieurs de feuillus de Lorraine, appelant ses entreprises à adopter des mesures opérationnelles d’urgence contre la confiscation de la matière première.

Lors d’une visite ministérielle dans les Vosges, en février dernier, M. Arnaud Montebourg a réaffirmé la place fondamentale de la filière au sein de l’économie lorraine. En mars 2014, vous-même, monsieur le ministre, installiez conjointement un comité stratégique de la filière bois, visant à dynamiser la filière et à développer une offre plus compétitive.

Dans ces conditions, monsieur le ministre, je souhaite savoir quelles mesures le Gouvernement compte adopter pour assurer les approvisionnements des scieries et garantir l’avenir de la filière bois en Lorraine.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, comme vous l'avez rappelé, je me suis déplacé il y a quelque temps en Lorraine, et il faudra d'ailleurs que j’y retourne pour cette question forestière. J’y ai visité un certain nombre de forêts et rencontré les forestiers de l’ONF, l’Office national des forêts.

Vous avez posé la question du marché du bois à l’exportation. Certains propriétaires, privés ou publics, trouvent là un débouché pour des grumes, qu’elles soient de résineux ou de feuillus. Toutefois, le prix du bois pose problème pour l’approvisionnement des scieries, c'est-à-dire des outils industriels de la transformation du bois en France.

Un hiver extrêmement pluvieux a rendu la question encore plus aiguë : les difficultés pour chercher le bois en forêt se sont accrues, et la ressource s'est encore un peu plus raréfiée.

Tout cela explique les difficultés rencontrées au niveau des scieries et de la transformation, que vous avez parfaitement décrites, d'ailleurs, monsieur le sénateur. Le préjudice pour notre économie est d’autant plus grand que couper et scier du bois permet aussi d’obtenir des coproduits valorisés en France. Lorsque les grumes sont exportées, ces coproduits sont perdus, tout comme la valeur ajoutée.

Une réorganisation s'impose donc. Vous le savez, un engagement a été pris, avec le ministre du redressement productif, sur des objectifs en termes forestiers, sur une mobilisation dans le cadre de la loi de finances et sur une organisation de la forêt dans le cadre de la loi d’avenir pour l’agriculture, avec la création d’un fonds stratégique et la mise en place de moyens nouveaux.

Je suis parfaitement conscient de la question posée : comment, pour satisfaire le besoin d’approvisionnement des industriels, mieux contractualiser l’approvisionnement des scieries avec les producteurs et fournisseurs de bois ? C'est sur ce point que je souhaite poursuivre le travail engagé.

Bien des choses ont été faites, mais nous devons aller plus loin. Lors d’une visite en Lorraine, un transformateur, fabricant de planchers en chêne exportés dans le monde entier, m’avait très bien expliqué le problème : on passe plus de temps à chercher du bois qu’à chercher à en vendre.

Il s'agit donc d’une vraie question. Je l’ai dit, si elle est déjà anticipée dans le cadre de la loi, des débats et de l’organisation mise en place, nous devons aller plus loin sur la contractualisation. C'est en tout cas le souhait que j'ai déjà formulé auprès de l’ONF, de sorte que l’on s'engage réellement, d’une manière plus structurante, à organiser l’approvisionnement en bois des scieries.

Vous avez également abordé la question du prix du marché. S’il est lié à des facteurs conjoncturels, son niveau structurel doit néanmoins permettre de produire du bois.

En tout état de cause, il importe vraiment que, dans le cadre de la contractualisation, on assure aux scieries un approvisionnement régulier et une visibilité à moyen terme pour que la transformation du bois, l’emploi et la valeur ajoutée restent en France. C'est tout l’enjeu des semaines qui viennent, et j’entends m'impliquer pour faire en sorte que cette contractualisation soit effective.