M. Charles Revet. Nous sommes d’accord.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. Il me semble que nous pouvons tous nous entendre sur ces éléments fondamentaux et nous aurons l’occasion, au cours du débat sur les amendements, de discuter de telle ou telle procédure qui pourrait poser problème. Nous l’avons déjà fait lors du débat à l’Assemblée nationale pour le secteur social ; nous avons su alors trouver ensemble une solution, et je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à débattre dans cet état d’esprit positif de ce texte qui concerne notre jeunesse, donc notre avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jean Desessard applaudit également.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi tendant au développement, à l'encadrement des stages et à l'amélioration du statut des stagiaires
Article 1er (interruption de la discussion)

Article 1er

I. – Le code de l’éducation est ainsi modifié :

1° Le titre II du livre Ier de la première partie est complété par un chapitre IV intitulé : « Stages et périodes de formation en milieu professionnel » et comprenant les articles L. 124-1 à L. 124-20 ;

2° Au même chapitre IV, sont insérés des articles L. 124-1 à L. 124-3 ainsi rédigés :

« Art. L. 124-1. – Les enseignements scolaires et universitaires peuvent comporter, respectivement, des périodes de formation en milieu professionnel ou des stages. Les périodes de formation en milieu professionnel sont obligatoires dans les conditions prévues à l’article L. 331-4.

« Les périodes de formation en milieu professionnel et les stages ne relevant ni du 2° de l’article L. 4153-1 du code du travail, ni de la formation professionnelle tout au long de la vie, définie à la sixième partie du même code, font l’objet d’une convention entre le stagiaire, l’organisme d’accueil et l’établissement d’enseignement, dont les mentions obligatoires sont déterminées par décret.

« Les périodes de formation en milieu professionnel et les stages correspondent à des périodes temporaires de mise en situation en milieu professionnel au cours desquelles l’élève ou l’étudiant acquiert des compétences professionnelles et met en œuvre les acquis de sa formation en vue de l’obtention d’un diplôme ou d’une certification et de favoriser son insertion professionnelle. Le stagiaire se voit confier une ou des missions conformes au projet pédagogique défini par son établissement d’enseignement et approuvées par l’organisme d’accueil.

« Art. L. 124-2. – L’établissement d’enseignement est chargé :

« 1° D’appuyer et d’accompagner les élèves ou les étudiants dans leur recherche de périodes de formation en milieu professionnel ou de stages correspondant à leur cursus et à leurs aspirations et de favoriser un égal accès des élèves et des étudiants, respectivement, aux périodes de formation en milieu professionnel et aux stages ;

« 2° De définir dans la convention, en lien avec l’organisme d’accueil et le stagiaire, les compétences à acquérir ou à développer au cours de la période de formation en milieu professionnel ou du stage et la manière dont celui-ci s’inscrit dans le cursus de formation ;

« 3° De désigner un enseignant référent au sein des équipes pédagogiques de l’établissement, qui s’assure du bon déroulé de la période de formation en milieu professionnel ou du stage et du respect des stipulations de la convention mentionnées à l’article L. 124-1. Le nombre de stagiaires suivis simultanément par un même enseignant référent et les modalités de ce suivi régulier sont définis par le conseil d’administration de l’établissement, dans des conditions fixées par décret ;

« 4° D’encourager la mobilité internationale des stagiaires, notamment dans le cadre des programmes de l’Union européenne.

« Art. L. 124-3. – Les périodes de formation en milieu professionnel et les stages sont intégrés à un cursus pédagogique scolaire ou universitaire, selon des modalités déterminées par décret. Un volume pédagogique minimal de formation en établissement, ainsi que les modalités d’encadrement de la période de formation en milieu professionnel ou du stage par l’établissement d’enseignement et l’organisme d’accueil sont fixés par ce décret et précisés dans la convention de stage. » ;

3° L’article L. 612-14 devient l’article L. 124-4 et, à la première phrase, après le mot : « achevé », sont insérés les mots : « sa période de formation en milieu professionnel ou » ;

4° L’article L. 612-9 devient l’article L. 124-5 et est ainsi modifié :

a) À la première phrase, après le mot : « stages », sont insérés les mots : « ou périodes de formation en milieu professionnel » et les mots : « une même entreprise » sont remplacés par les mots : « un même organisme d’accueil » ;

b) (Supprimé)

5° L’article L. 612-11 devient l’article L. 124-6 et est ainsi modifié :

a) La première phrase du premier alinéa est ainsi modifiée :

– les mots : « de stage au sein d’une même entreprise, administration publique, assemblée parlementaire, assemblée consultative, association ou au sein de tout autre » sont remplacés par les mots : « du stage ou de la période de formation en milieu professionnel au sein d’un même » ;

– après le mot : « stages », sont insérés les mots : « ou la ou les périodes de formation en milieu professionnel » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La gratification mentionnée au premier alinéa est due au stagiaire à compter du premier jour du premier mois de la période de stage ou de formation en milieu professionnel. » ;

6° Après l’article L. 124-6, dans sa rédaction résultant du 5° du présent article, sont insérés des articles L. 124-7 à L. 124-10 ainsi rédigés :

« Art. L. 124-7. – Aucune convention de stage ne peut être conclue pour exécuter une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent, pour faire face à un accroissement temporaire de l’activité de l’organisme d’accueil, pour occuper un emploi saisonnier ou pour remplacer un salarié ou agent en cas d’absence ou de suspension de son contrat de travail.

« Art. L. 124-8. – Le nombre de stagiaires dont la convention de stage est en cours sur une même semaine civile dans l’organisme d’accueil ne peut pas être supérieur à un nombre fixé par décret en Conseil d’État. Pour l’application de cette limite, il n’est pas tenu compte des périodes de prolongation prévues à l’article L. 124-15.

« Art. L. 124-9. – L’organisme d’accueil désigne un tuteur chargé de l’accueil et de l’accompagnement du stagiaire. Le tuteur est garant du respect des stipulations pédagogiques de la convention prévues au 2° de l’article L. 124-2.

« Un accord d’entreprise peut préciser les tâches confiées au tuteur, ainsi que les conditions de l’éventuelle valorisation de cette fonction.

« Art. L. 124-10. – Un tuteur de stage ne peut pas être désigné si, à la date de la conclusion de la convention, il est par ailleurs désigné en cette qualité dans un nombre de conventions prenant fin au-delà de la semaine civile en cours supérieur à un nombre fixé par décret en Conseil d’État. » ;

7° L’article L. 612-10 devient l’article L. 124-11 ;

8° Après l’article L. 124-11, dans sa rédaction résultant du 7° du présent article, sont insérés des articles L. 124-12 à L. 124-15 ainsi rédigés :

« Art. L. 124-12. – Les stagiaires bénéficient des protections et droits mentionnés aux articles L. 1121-1, L. 1152-1 et L. 1153-1 du code du travail, dans les mêmes conditions que les salariés.

« Art. L. 124-13. – En cas de grossesse, de paternité ou d’adoption, le stagiaire bénéficie de congés et d’autorisations d’absence d’une durée équivalente à celles prévues pour les salariés aux articles L. 1225-16 à L. 1225-28, L. 1225-35, L. 1225-37 et L. 1225-46 du code du travail.

« Pour les stages dont la durée est supérieure à deux mois et dans la limite de la durée maximale prévue à l’article L. 124-5, la convention de stage doit prévoir la possibilité de congés et d’autorisations d’absence au bénéfice du stagiaire au cours de la période de formation en milieu professionnel ou du stage.

« Pour les stages ou les périodes de formation en milieu professionnel d’une durée supérieure à celle mentionnée à l’article L. 124-6 du présent code, le stagiaire a accès au restaurant d’entreprise ou aux titres-restaurant prévus à l’article L. 3262-1 du code du travail, dans les mêmes conditions que les salariés de l’organisme d’accueil. Il bénéficie également de la prise en charge des frais de transport prévue à l’article L. 3261-2 du même code.

« Art. L. 124-14. – La présence du stagiaire dans l’organisme d’accueil suit les règles applicables aux salariés de l’organisme pour ce qui a trait :

« 1° (Suppression maintenue)

« 2° À la présence de nuit ;

« 3° Au repos quotidien, au repos hebdomadaire et aux jours fériés.

« Pour l’application du présent article, l’organisme d’accueil établit, selon tous moyens, un décompte des durées de présence du stagiaire.

« Le temps de présence du stagiaire fixé par la convention de stage ne peut excéder la durée légale hebdomadaire de travail fixée par l’article L. 3121–10 du code du travail.

« Il est interdit de confier au stagiaire des tâches dangereuses pour sa santé ou sa sécurité.

« Art. L. 124–15. – Lorsque le stagiaire interrompt sa période de formation en milieu professionnel ou son stage pour un motif lié à la maladie, à un accident, à la grossesse, à la paternité, à l’adoption ou, en accord avec l’établissement, en cas de non-respect des stipulations pédagogiques de la convention ou en cas de rupture de la convention à l’initiative de l’organisme d’accueil, le rectorat ou l’établissement d’enseignement supérieur peut choisir de valider la période de formation en milieu professionnel ou le stage, même s’il n’a pas atteint la durée prévue dans le cursus. En cas d’accord des parties à la convention, un report de la fin de la période de formation en milieu professionnel ou du stage, en tout ou partie, est également possible. » ;

9° L’article L. 612-12 devient l’article L. 124-16 ;

10° Après l’article L. 124-16, dans sa rédaction résultant du 9° du présent article, sont insérés des articles L. 124-17 à L. 124-20 ainsi rédigés :

« Art. L. 124-17. – La méconnaissance des articles L. 124-8, L. 124-9 et L. 124-14 est constatée par les agents de contrôle de l’inspection du travail mentionnés aux articles L. 8112-1 et L. 8112-5 du code du travail.

« Les manquements sont passibles d’une amende administrative prononcée par l’autorité administrative.

« Le montant de l’amende est d’au plus 2 000 € par stagiaire concerné par le manquement et d’au plus 4 000 € en cas de réitération dans un délai d’un an à compter du jour de la notification de la première amende.

« Le délai de prescription de l’action de l’administration pour la sanction du manquement par une amende administrative est de deux années révolues à compter du jour où le manquement a été commis.

« L’amende est recouvrée comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine.

« Art. L. 124-18. – La durée du ou des stages et de la ou des périodes de formation en milieu professionnel prévue aux articles L. 124-5 et L. 124-6 est appréciée en tenant compte de la présence effective du stagiaire dans l’organisme d’accueil, sous réserve de l’application de l’article L. 124-13.

« Art. L. 124-19. – Pour favoriser la mobilité internationale, les stages ou les périodes de formation en milieu professionnel peuvent être effectués à l’étranger. Les dispositions relatives au déroulement et à l’encadrement du stage ou de la période de formation en milieu professionnel à l’étranger font l’objet d’un échange préalable entre l’établissement d’enseignement, le stagiaire et l’organisme d’accueil, sur la base de la convention définie au deuxième alinéa de l’article L. 124-1.

« Art. L. 124-20. – Pour chaque stage ou période de formation en milieu professionnel à l’étranger, est annexée à la convention de stage une fiche d’information relative aux droits et devoirs du stagiaire dans le pays d’accueil, dans des conditions fixées par décret. » ;

11° La deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 611-5 est ainsi rédigée :

« Ce bureau remplit la mission définie au 1° de l’article L. 124-2. » ;

12° Les articles L. 612-8 et L. 612-13 sont abrogés ;

13° La division et l’intitulé de la section 4 du chapitre II du titre Ier du livre VI sont supprimés.

II. – Au premier alinéa de l’article L. 351-17 du code de la sécurité sociale, la référence : « L. 612-8 » est remplacée par la référence : « L. 124-1 » et la référence : « L. 612-11 » est remplacée par la référence : « L. 124-6 ».

III. – Le chapitre IV du titre V du livre IV de la première partie du code du travail est complété par une section 3 ainsi rédigée :

« Section 3

« Demande de requalification en contrat de travail d’une période de formation en milieu professionnel ou d’un stage

« Art. L. 1454–5. – Lorsque le conseil de prud’hommes est saisi d’une demande de requalification en contrat de travail d’une période de formation en milieu professionnel ou d’un stage mentionnés à l’article L. 124–1 du code de l’éducation, l’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui statue au fond dans un délai d’un mois suivant sa saisine. »

IV (nouveau). – Un décret fixe les formations pour lesquelles il peut être dérogé à la durée de stage prévue à l’article L. 124–5 du code de l’éducation pour une période de transition de deux ans à compter de la publication de la loi n° … du … tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires.

V (nouveau). – Au 3° de l’article L. 6241–8–1 du code du travail, la référence : « L. 612–8 » est remplacée par la référence : « L. 124–1 ».

VI (nouveau). – À la deuxième phrase du troisième alinéa de l’article L. 4381–1 du code de la santé publique, les mots : « l’article 9 de la loi n° 2006–396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances » sont remplacés par les mots : « l’article L. 124–6 du code de l’éducation ».

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, sur l'article.

Mme Françoise Férat. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, les indiscutables excès relatifs aux stages non rémunérés, parfois de longue durée, réalisés dans le cadre d’études supérieures, voire même en dehors de tout cursus de formation, ont été justement dénoncés.

Ils ont déjà été corrigés par la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, elle-même complétée à trois reprises, en 2009, 2011 et 2013.

La proposition de loi dont nous débattons ce soir étend à tous les stages de l’enseignement professionnel le champ des dispositions législatives envisagées, y compris le cas particulier de l’enseignement agricole.

Ce sont près de 150 000 jeunes, en formation de CAP ou de bac professionnel, qui seront impactés dans l’enseignement agricole. Ces formations nécessitent l’accomplissement de stages en milieu professionnel, indispensables à leur parcours pédagogique.

On ne peut raisonnablement mettre sur un même plan des jeunes titulaires d’un bac au moins et âgés de dix-huit ans et plus, et des jeunes qui ont, par exemple, quinze ans.

Tout d’abord, il s’agit d’élèves souvent mineurs, qui n’ont pas la maturité des étudiants. Ils ne sont pas davantage liés par un contrat de travail – d’apprentissage – qui, par nature, crée une exigence employeur-salarié.

Cette proposition de loi souhaite soumettre aux mêmes caractéristiques des publics différents. L’état d’adolescence, voire de préadolescence, devrait permettre d’opérer un distinguo entre les types de stages.

L’accueil d’un jeune stagiaire nécessite un fort investissement du maître de stage : il faut préparer sa venue, lui présenter et expliquer la structure, lui faire rencontrer le personnel, quand il y en a, préparer ce qu’il aura à faire, l’accompagner, corriger, expliquer, réexpliquer…

Le jeune stagiaire est avant tout en situation de formation, et non de production.

Ensuite, les entreprises ou structures relevant des formations de l’enseignement agricole sont assaillies de demandes de stages, car ceux-ci sont obligatoires dans le cadre de la formation.

Mais comme rien n’oblige à prendre un jeune, la vérité est que jeunes et familles rencontrent des difficultés croissantes à trouver des stages.

M. Charles Revet. Exactement !

Mme Françoise Férat. Les propositions faites dans ce texte – formalités administratives, gratification du stagiaire dès le premier jour si le stage est d’une durée supérieure à deux mois, risques de contentieux, sanctions pécuniaires, etc. – seront contre-productives et freineront le développement des stages.

N’oublions pas qu’il existe d’ores et déjà des dispositions protectrices pour les jeunes stagiaires.

En effet, les articles D. 331–3 du code de l’éducation et R. 715–1 du code rural prévoient l’obligation d’une convention de stage entre l’établissement d’enseignement et l’organisme d’accueil. Celle-ci rappelle l’obligation de désigner un tuteur, l’obligation de définir une annexe pédagogique précisant les activités de l’élève dans l’organisme, en relation avec le diplôme préparé, la durée de présence hebdomadaire, qui ne peut dépasser 35 heures hebdomadaires – 32 heures pour les élèves de moins de seize ans –, l’interdiction du travail de nuit, les exigences en matière de repos hebdomadaire, qui doit être de deux jours consécutifs dont le dimanche – sauf exception.

Les mesures nouvelles risquent de décourager les entreprises familiales ou individuelles de former des jeunes stagiaires. Et, en milieu rural, il est encore moins commode de trouver des structures.

Je défendrai deux amendements visant à restreindre l’application de cette proposition de loi, et aussi à en exclure les stages réalisés dans le cadre des enseignements dispensés selon les modalités définies dans le code rural.

Par ailleurs, madame, monsieur les ministres, je crois qu’il sera indispensable de prévoir, dans un an, un bilan de cette réforme. (M. le ministre opine.) Je ne vous propose pas un nouveau document, que notre assemblée aurait des difficultés à produire, mais un vrai bilan objectif, qui devrait permettre de vérifier si ces mesures n’ont pas été néfastes pour les jeunes de l’enseignement professionnel, en particulier ceux de l’agriculture et des services à la personne.

Il serait pertinent de s’assurer que les élèves trouvent encore des stages pour parfaire leur formation et que les structures accueillantes n’ont pas été découragées pour former nos jeunes. (Mmes Muguette Dini et Esther Sittler ainsi que MM. Gérard Bailly et François Trucy applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, l’article 1er de cette proposition de loi a le mérite de prévoir un début d’encadrement des stages, censés compléter l’apprentissage académique par la pratique, qui sont initialement pensés pour mettre en œuvre l’idée selon laquelle une formation qui dispense essentiellement des savoirs peut utilement être accompagnée par la confrontation à un milieu professionnel, lequel permet de passer du savoir au savoir-faire.

Pour autant, les stages ont été détournés de leur vocation première, et servent dans une grande majorité des cas aux entreprises, qui les utilisent comme moyen de substitution à de véritables emplois.

Les stagiaires présentent en effet l’avantage pour les entreprises d’être une main-d’œuvre extrêmement économique, à peine plus de 450 euros par mois, tout en étant quasiment dépourvue de droits.

Si nous continuons de penser que les stages peuvent avoir une utilité, dans leur dimension éducative, il est indispensable et urgent d’enrayer les dérives qui les entourent.

Pour cela, il faut les encadrer et les définir plus strictement dans la loi. Tel est l’objectif de la présente proposition de loi.

Faute de quoi, la progression du chômage aidant, les propositions du MEDEF d’un SMIC inférieur pour les jeunes n’auront plus besoin de nouvelles lois, mais viendront trouver leurs applications de manière détournée dans les stages.

L’article 1er de cette proposition de loi répond à un certain nombre des questions que nous pouvons nous poser.

Il prévoit, par exemple, de limiter la durée des stages à six mois, ainsi d’ailleurs que le nombre de stagiaires par entreprise. C’est indispensable si l’on veut que les stages ne soient pas un mode de fonctionnement pérenne de l’entreprise, substitutif à l’emploi.

Dans la même optique, cette proposition de loi prévoit l’interdiction de conclure une convention de stage sur des missions correspondant à un poste de travail permanent, ou pour remplacer un salarié absent ou malade.

L’article 1er inscrit également dans la loi l’obligation pour l’établissement universitaire délivrant des conventions de stages de dispenser un volume minimal de formation au sein de l’établissement.

Ce point permettra de lutter contre les établissements qui créent des formations, essentiellement des DU, ou diplômes universitaires, qui ne sont pas diplômantes, ne comportent aucun cours, mais sont uniquement destinées à délivrer des conventions de stages, en général à des jeunes ayant fini leurs études, mais qui, ne trouvant pas d’emplois et faute de mieux, préfèrent acquérir une expérience « professionnelle » supplémentaire en effectuant un stage.

Cet article 1er prévoit aussi un meilleur encadrement, avec la désignation d’un tuteur qui doit accompagner le stagiaire au sein de l’entreprise, et une amélioration des droits du stagiaire, notamment en termes de congés.

Ces dispositions sont des avancées positives, mais qu’il faut à notre sens compléter. C’est dans cet esprit que nous allons présenter un certain nombre d’amendements.

Je ne ferai que les énumérer ici, puisque nous allons vous les présenter plus en détail lors de l’examen de l’article.

Nous proposerons notamment une revalorisation de la gratification des stagiaires, pour la porter, au minimum, à 50 % du SMIC. Les jeunes stagiaires se retrouvent en effet dans une situation de précarité inadmissible, et ils doivent pouvoir disposer de plus d’argent afin de pouvoir subvenir à leurs besoins.

Et encore, quand ils sont rémunérés, car, actuellement, les stages effectués au sein d’administrations publiques et les stages de moins de deux mois ne font pas l’objet de rémunérations obligatoires. Cela nous semble un point important, sur lequel il nous faudra revenir.

Pour lutter efficacement contre l’utilisation des stages en lieu et place d’emplois pérennes, nous proposons également d’introduire un délai de carence d’une durée équivalant à la période de stage, pour éviter que les stagiaires ne se succèdent sur des postes qui, finalement, sont permanents.

Enfin, nous proposerons de supprimer la période d’essai pour les jeunes qui seraient embauchés à l’issue de leur stage par l’entreprise au sein de laquelle ils l’ont effectué.

Toutes nos propositions, comme vous avez pu le constater si vous avez été attentifs à mon propos,…

M. Jean Desessard. Nous l’avons été !

Mme Laurence Cohen. … s’inscrivent dans la même optique que cet article 1er, et viennent utilement le compléter pour lutter efficacement contre le recours abusif aux stages et assurer la protection des stagiaires.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, sur l'article.

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne doute pas que je bénéficierai de la même attention de la part de mes collègues que Mme Cohen à l’instant. Elle et moi sommes solidaires dans cette supplique !

Avant d’entamer la discussion de l’article 1er, monsieur le ministre, je tenais à dire combien, dans le monde rural, les responsables des maisons familiales rurales sont préoccupés par les conséquences attendues de cette proposition de loi. Son principe n’est pas contesté. Qu’il y ait eu des abus dans un certain nombre de secteurs, notamment dans l’enseignement supérieur, personne ne peut le contester. En revanche, vouloir étendre à plus de 1 million de stagiaires les dispositions inscrites dans ce texte va en fait tarir la source.

Aujourd'hui, pour chaque stage, il faut un maître de stage. Or qui sont les maîtres de stage ? Ce sont de petites entreprises, pas seulement agricoles. Les maisons familiales rurales forment aujourd'hui à des métiers qui intéressent un certain nombre de secteurs d’activité. Je pense au bois, bien sûr, à l’agriculture, mais également à d’autres domaines. Or les maîtres d’apprentissage ont peu à peu renoncé à accueillir des stagiaires. On le voit bien, monsieur le ministre, un stagiaire est accueilli parce que quelqu’un accepte de rendre service. C’est déjà très difficile.

Nous-mêmes, en tant qu’élus, nous sommes sollicités par des jeunes qui rencontrent de graves difficultés alors qu’il leur faut impérativement trouver un stage. Demain, les maîtres de stage renonceront, compte tenu de la difficulté. (Mme Françoise Férat opine.)

Une confusion va s’installer concernant le statut des jeunes qui sont concernés. Un apprenti relève du code du travail. C’est un salarié. Il est soumis aux règles. Bien sûr, je ne le conteste pas. Mais ces jeunes ne sont pas des apprentis, ce sont des stagiaires. Or les stagiaires vont être également concernés par un certain nombre de dispositions particulièrement lourdes. Je les cite rapidement : tenir un registre du personnel, la gratification si le stage est supérieur à deux mois – par voie de conséquence, refus de tout stage dépassant cette durée –, décompte le temps de travail, risques juridiques liés notamment à la requalification éventuelle du stage en contrat de travail, sans parler des contrôles de l’inspection du travail.

D’une façon générale, on le sent bien, l’alternance suscite des inquiétudes, qui sont légitimes. Les maisons familiales rurales – je suis, comme d’autres ici le seront tout à l’heure en présentant des amendements, l’un de leurs porte-parole – estiment que la volonté affichée par le Gouvernement de soutenir la formation en alternance ne se traduit pas dans les faits en leur faveur. Ainsi, elles assistent à la suppression des différentes formes de préapprentissage ; elles rencontrent des difficultés avec les procédures de dérogation pour l’utilisation des machines dites « dangereuses » ; elles doivent faire face à des incertitudes sur la taxe d’apprentissage ; elles subissent les coups de rabot sur les aides accordées aux employeurs d’apprentis et la réduction du crédit d’impôt d’apprentissage ; elles sont confrontées au blocage du financement attribué aux maisons familiales rurales jusqu’en 2017.

Bref, je le répète, ce sont des inquiétudes légitimes. Monsieur le ministre, nous sommes tout à fait favorables à ce que des dispositions soient adoptées pour mettre fin aux excès que tout le monde connaît, mais la généralisation à tous les stagiaires du dispositif proposé entraînera de graves difficultés, dont les jeunes seront malheureusement les victimes. (M. Gérard Bailly applaudit.)