Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Les propos de Mme la secrétaire d’État peuvent paraître apaisants, mais ils ne tiennent pas compte de l’investissement des personnels, de leur qualité et de leurs compétences, notamment en termes de diagnostic, alors qu’il s’agit d’un point primordial.

Dès lors que les instances concernées affirment dans leur ensemble qu’il n’est pas possible de transférer cette maternité à Montreuil, il faut savoir les entendre. Il y a là un déficit d’écoute ; on ne fait pas vivre la démocratie sanitaire.

Par ailleurs, il est assez paradoxal que Marisol Touraine défende certaines mesures importantes, comme vous l’avez indiqué, madame la secrétaire d'État – les parlementaires ont voté la suppression de la notion de détresse pour une femme voulant demander l’IVG, et le remboursement à 100 % de l’IVG est désormais inscrit dans le code de la sécurité sociale – et prenne une décision qui remettrait en cause la possibilité de réaliser 1 000 interruptions volontaires de grossesse.

En outre, le sort réservé aux maternités de proximité est très préoccupant : je l’avais souligné lors de l’examen de la proposition de loi tendant à instaurer un moratoire sur les fermetures de service et d’établissements de santé ou leur regroupement, que nous avions déposée, le nombre de maternités est passé de 1 369 en 1975 à 554 en 2008 et, en dix ans, ce sont 130 centres d’interruption volontaire de grossesse qui ont disparu.

À la lumière de ces faits, il importe que le soutien soit réel et que, par respect pour l’engagement des personnels et des élus et en considération de leur opiniâtreté, ainsi que de celle des couples, le Gouvernement ne fasse pas la sourde oreille et entende l’expression de toutes les compétences de ces personnels. Sinon, le risque est grand non seulement que la maternité ferme, mais également que les personnels soient totalement anéantis par une telle décision et les parents, complètement désappointés.

La responsabilité du Gouvernement en la matière est entière. Les agences régionales de santé ne considèrent cette question que d’un point de vue comptable, ce qui est contraire à l’éthique que nous défendons à gauche.

interdiction du dehp dans les tubulures

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger, auteur de la question n° 789, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Patricia Schillinger. Ma question, qui s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé, concerne la loi du 24 décembre 2012 visant à la suspension de la fabrication, de l’importation, de l’exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A.

Plus particulièrement, en son article 3, la loi prévoit que, à compter du 1er juillet 2015, l’utilisation de tubulures comportant du DEHP est interdite dans les services de pédiatrie, de néonatologie et de maternité.

Or les entreprises qui fournissent les dispositifs médicaux sont aujourd’hui confrontées à de nombreuses difficultés et ne seront pas en mesure de fournir le nouveau matériel en juillet 2015 et d’assurer pleinement la sécurité des patients.

En effet, des incertitudes existent toujours quant à la composition du produit de remplacement. Les effets à long terme des produits alternatifs au DEHP ne sont pas connus, et des études sont toujours en cours.

Par exemple, il n’existe à ce jour aucune alternative au DEHP présentant des caractéristiques comparables, notamment pour ce qui est de la durée de conservation des globules rouges jusqu’à 42 jours. Le produit de remplacement proposé à l’heure actuelle ne permettrait qu’une conservation de 28 jours, ce qui poserait des problèmes d’approvisionnement sanguin.

De plus, des études complémentaires doivent être réalisées pour ce qui concerne la résistance et la fiabilité des produits.

Comme vous le savez, madame la secrétaire d'État, à partir du moment où une solution alternative est choisie pour la fabrication d’un dispositif de collecte et de transfusion de sang, un délai minimum de trois ans est nécessaire avant que le matériel ne soit disponible sur le marché, auquel s’ajoute une phase de deux ans pour la France, ce qui nous conduit au 1er juillet 2017.

La situation est identique pour les dispositifs médicaux cardiovasculaires. Les entreprises ont la capacité de procéder à ce changement technologique, mais, pour des raisons de sécurité, elles ne peuvent pas le faire à l’échéance de juillet 2015.

Par ailleurs, la loi prévoyant l’interdiction du DEHP ne précise pas les types de tubulures concernés. Dans la transfusion sanguine, il s’agit d’un ensemble : les poches de sang, tubulures, embouts, canaux ne peuvent être considérés individuellement.

Si les principales entreprises fournissant le matériel médical se retirent de notre pays, les répercussions seront catastrophiques. Il faut donc évaluer le rapport entre le bénéfice que le matériel procure au patient et le risque qu’il lui fait courir.

Madame la secrétaire d’État, dites-nous quels types de tubulures sont concernés par cette loi et si le Gouvernement envisage de reporter l’interdiction du DEHP, afin d’aider les entreprises à s’adapter à cette mesure et, surtout, d’assurer la sécurité des patients ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Marisol Touraine. Je vous répondrai de façon précise.

Vous avez attiré l’attention du Gouvernement sur l’article 3 de la loi du 24 décembre 2012 visant à la suspension de la fabrication, de l’importation, de l’exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A.

Il est important de préciser que cet article interdit l’utilisation du DEHP - de DiEthylHexyl Phthalate en anglais -dans les tubulures destinées à être utilisées au sein des services de pédiatrie, de néonatalogie et de maternité. Cette interdiction prendra effet à compter du 1er juillet 2015 ; celle-ci ne concerne pas l’utilisation du DEHP dans les poches destinées à contenir des produits sanguins labiles.

Vous indiquez que les entreprises qui fournissent les dispositifs médicaux sont aujourd’hui confrontées à de nombreuses difficultés et ne seront pas en mesure de fournir le nouveau matériel en juillet 2015 ni d’assurer pleinement la sécurité des patients, car il n’existe pas à ce jour d’alternative au DEHP présentant des caractéristiques comparables.

La restriction d’utilisation du DEHP est nécessaire, au regard notamment du rapport établi à la demande des autorités européennes dès 2008 par le Comité scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux sur la sécurité des dispositifs médicaux contenant du PVC plastifié au DEHP utilisés pour les nouveau-nés et d’autres populations éventuellement à risque.

Ce rapport indique que, même en l’absence de preuves cliniques et épidémiologiques d’effets délétères chez l’homme, les doses auxquelles sont exposés les patients dans certaines procédures médicales, notamment répétées, suscitent l’inquiétude. Il souligne aussi un risque particulier d’intoxication aiguë due à l’exposition au DEHP du nouveau-né en unités de soins intensifs de néonatalogie.

Du fait de sa petite taille, de sa vulnérabilité physique et des nombreux soins reçus au travers de dispositifs médicaux contenant du DEHP, le nouveau-né est en effet très exposé.

C’est pour toutes ces raisons que Marisol Touraine a soutenu l’initiative parlementaire relative à l’article 3 de la loi précitée.

En ce qui concerne les tubulures, il est indispensable d’appuyer toutes les initiatives permettant la mise en œuvre, dans les meilleures conditions, des dispositions de la loi du 24 décembre 2012.

Au vu de ces éléments, vous comprendrez, madame la sénatrice, que Marisol Touraine soit particulièrement attachée à ce que la loi s’applique le plus rapidement possible.

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Madame la secrétaire d'État, j’ai bien entendu la réponse de Mme Touraine, mais celle-ci n’est pas claire s’agissant des tubulures autorisées pour la transfusion sanguine à partir de 2017.

J’attire l’attention du Gouvernement sur le fait que l’autorisation d’un médicament ou d’un dispositif médical doit obligatoirement répondre à la question du rapport entre le bénéfice qu’il apporte au patient et le risque qu’il lui fait courir. S’il est toujours possible de se passer d’un jouet ou d’un conditionnement alimentaire, il n’en est pas de même d’un traitement médical, qui, par définition, présente toujours des risques. Il est donc nécessaire d’évaluer ces risques pour estimer si ceux-ci sont inférieurs aux bénéfices attendus pour le patient.

De plus, le produit de remplacement prévu pour les tubulures risque d’être plus dangereux que le DEHP. Aussi, il me semble important de laisser un peu de temps aux entreprises pour réaliser l’ensemble des études relatives à la fiabilité et à la sécurité du matériel médical.

avenir des laboratoires de biologie médicale

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, auteur de la question n° 793, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

M. Jacques Mézard. Ma question concerne l’avenir des laboratoires de biologie médicale.

En France, ces laboratoires occupent une place centrale dans le parcours de soins des patients. Contrairement à plusieurs de nos voisins européens, qui ont privilégié une approche plus « industrielle » de la biologie médicale, la France se distingue par la proximité, un suivi personnalisé avec un professionnel et la rapidité dans le rendu des résultats.

Malheureusement, ces dernières années, l’évolution de la biologie médicale a conduit les laboratoires à faire d’importants investissements, qui étaient nécessaires, et a subi l’assaut de grands groupes financiers connus – et reconnus, d’ailleurs ! –, qui ont vu là l’occasion d’accroître leurs dividendes.

La loi du 30 mai 2013, qui avait été préparée sous le précédent quinquennat, a été présentée comme devant mettre un terme à cette situation d’insécurité juridique, préjudiciable aux professionnels et aux patients. L’enjeu de ce texte était prétendument de garantir une biologie médicale de proximité et de qualité, et d’enrayer la financiarisation de ce secteur.

Aujourd’hui, quelle est la situation ?

Un an après l’adoption de cette loi, nous constatons tous, sur nos territoires, que non seulement ce texte n’a pas empêché la disparition des laboratoires de proximité, mais que, pis encore, le mouvement s’est accéléré !

Lors des débats en séance publique, le groupe du RDSE avait pourtant alerté le ministre qui siégeait alors au banc du Gouvernement – je constate ce matin que le Gouvernement est, si je puis dire, une et indivisible ! (Sourires.) Nous avions d’ailleurs été l’un des seuls groupes, avec le groupe CRC, à voter unanimement contre ce texte. Nous étions alors conscients du lobbying efficace, et inquiétant, qui s’était alors manifesté avec le concours de courroies de transmission bien introduites.

La réforme a imposé des normes industrielles particulièrement lourdes et inadaptées aux petites structures indépendantes qui les mettent en grande difficulté financière. Les laboratoires de proximité sont contraints de vendre à des groupes financiers, qui licencient le personnel et suppriment les machines. Ils deviennent de simples centres de prélèvements ou des boîtes aux lettres, totalement déshumanisés, puisque plus aucune analyse n’est effectuée sur place. Les prélèvements sont envoyés vers des plateaux techniques toujours plus éloignés des territoires ruraux, ce qui, bien sûr, augmente les délais d’attente et supprime tout suivi personnalisé des patients, devenus de simples codes-barres. Il pourra d’ailleurs en être de même avec la réforme régionale !

Aussi, madame la secrétaire d'État, je vous remercie de bien vouloir me préciser si le Gouvernement entend prendre des mesures pour préserver les laboratoires de proximité, indispensables au maintien d’un tissu sanitaire local de qualité, et, si oui, lesquelles.

Par ailleurs, comment le Gouvernement entend-il lutter contre les groupes financiers qui ont malheureusement mis le grappin sur ce secteur ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, je vous prie, tout d’abord, de bien vouloir excuser l’absence de Marisol Touraine. Je vais vous répondre de façon d’autant plus précise que j’étais rapporteur à l'Assemblée nationale du texte qui devait devenir la loi de 2013.

La réforme adoptée visait avant tout à assurer la qualité des examens réalisés. En effet, il avait été constaté dans un certain nombre de laboratoires, en France, des erreurs dans les résultats et les analyses, qui pouvaient être dramatiques pour certains patients. Or, avant toute chose, notre objectif est de permettre l’égalité d’accès aux soins pour tous sur l’ensemble du territoire, avec, pour ce faire, une offre de proximité de qualité.

Par ailleurs, cette loi tendait à lutter contre la financiarisation du secteur, qui est l’une de vos craintes. Nous souhaitons en effet éviter une situation identique à celle que connaissent nos partenaires européens. En France, la biologie médicale est une activité médicale, et non commerciale. Nous tenons beaucoup à cet aspect des choses, et Marisol Touraine y est particulièrement attachée.

Tel est l’objet de ce texte, qui interdit à un même laboratoire de biologie médicale d’avoir le monopole de l’ensemble de l’activité de biologie médicale sur un territoire de santé donné.

L’obligation d’accréditation, dont vous avez parlé, représente sans doute un investissement pour les professionnels de la biologie médicale, mais elle concourt à l’amélioration des pratiques dans ce secteur. Du reste, madame la sénatrice, je tiens à vous rassurer : la quasi-totalité des laboratoires de biologie médicale ont obtenu, au 31 octobre 2013, la preuve d’entrée dans la démarche d’accréditation sans laquelle ils n’auraient pas pu continuer de fonctionner.

La possibilité pour ces laboratoires de s’organiser en structures multi-sites est une nouveauté introduite par la loi du 30 mai 2013 ; elle vise à donner aux professionnels la liberté de s’organiser de manière optimale pour réaliser les examens de biologie médicale. Les laboratoires multi-sites fournissent une offre d’examens de biologie médicale plus diversifiée. En outre, ils permettent, sur un même territoire rural, le maintien de plusieurs sites à des endroits différents.

Certes, les examens les plus spécifiques ne sont réalisés que sur un seul site, ce qui nécessite des transports ; mais c’est le prix de la qualité. En effet, quand un laboratoire ne réalise un examen très spécifique qu’une fois par semaine, voire une fois par mois, la plupart du temps il le fait mal. De là vient que ces examens, pour être de qualité et faire l’objet de contrôles suffisants, doivent être confiés à des sites qui les réalisent de manière fréquente.

Ainsi, monsieur Mézard, l’organisation des différents sites sur le territoire permet de mieux répondre aux besoins des patients. Permettez-moi d’illustrer mon propos par quelques résultats chiffrés.

Le coût direct de l’accréditation, facturé par le comité français d’accréditation, le COFRAC, comprend les frais d’instruction des dossiers, les frais d’évaluation et la redevance annuelle du maintien du service public d’accréditation ; il représente, en moyenne, de 0,25 à 0,5 % du chiffre d’affaires annuel d’un laboratoire.

Des coûts supplémentaires, que l’on peut évaluer entre 1 et 1,5 % du chiffre d’affaires, sont supportés par certains laboratoires : ils correspondent à des recrutements, par exemple de qualiticiens, ou à des opérations de contrôle métrologique des équipements.

Il faut remarquer que ces dépenses liées à l’accréditation affectent probablement davantage les laboratoires qui n’ont pas réalisé de démarches particulières d’amélioration et de vérification de la qualité avant la réforme de la biologie médicale, alors qu’ils y ont pourtant été incités par le guide de bonne exécution des analyses de biologie médicale.

Au total, l’investissement dans la qualité au titre de la démarche d’accréditation est évalué entre 1,25 et 2 % du chiffre d’affaires d’un laboratoire. Ce coût reste modeste et amortissable du fait des économies résultant des restructurations dues aux regroupements.

À la faveur de ces regroupements, qui ne sont pas, monsieur le sénateur, synonymes de financiarisation, le nombre des laboratoires est passé de 4 000 avant la réforme à 1 300 : 1 000 laboratoires privés et 300 laboratoires publics. Concrètement, de nombreux laboratoires mono-sites ont fusionné entre eux, notamment dans les territoires ruraux ; ce faisant, du reste, ils ont concrétisé des collaborations qui existaient déjà, sous la forme de partage d’analyses ou d’une présence alternée des biologistes.

Je tiens à souligner que ces regroupements n’ont pas modifié, au bout du compte, le nombre total de sites en France ; ce nombre est demeuré constant depuis 2010, ce qui a permis de maintenir l’offre de proximité.

Comme vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, la réforme de la biologie médicale a bien les mêmes objectifs que ceux que vous avez énoncés : une biologie de qualité et de proximité.

Au demeurant, si vous désirez faire part à Marisol Touraine de problèmes propres à votre département, le Cantal, la ministre sera bien entendu à votre écoute.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Madame Neuville, autant je puis souscrire au discours du médecin, autant je ne puis pas souscrire à la réponse de la secrétaire d’État, une réponse technocratique qui ne correspond pas à la réalité du terrain.

Dans les faits, à quoi assistons-nous depuis un an ? À la reprise pratiquement contrainte et forcée de nombreux petits laboratoires par des structures financières. Telle est la réalité ; elle ne concerne pas seulement mon département, mais tous les départements, y compris les plus peuplés – je pense, par exemple, aux Bouches-du-Rhône.

Ce phénomène, qui de surcroît s’accélère, résulte d’un choix qui, venant du gouvernement actuel, peut tout de même étonner, car il ne s’accorde guère avec la sensibilité de celui-ci.

Je ne citerai pas les noms des grands groupes qui profitent de la situation actuelle ; le fait est qu’ils ont été efficaces. Je connais des cas dans lesquels certains praticiens ont été obligés de céder leur laboratoire à un prix très bas, sans même pouvoir travailler les cinq ou six mois de plus pour prendre leur retraite, parce qu’ils n’avaient pas d’autre solution.

Aussi bien, madame la secrétaire d’État, il y a les chiffres que vous avez présentés, et que, du reste, je ne conteste pas, et il y a la réalité. Il faut voir aussi que les pourcentages sont fonction du chiffre d’affaires. L’accréditation était vraisemblablement nécessaire, mais on n’a pas prévu les instruments financiers pour aider les laboratoires de faible dimension à en supporter les coûts.

Malheureusement, c’est encore une fois – je le dis parce que je le pense profondément – le résultat d’une réforme d’inspiration financière réalisée de manière très technocratique.

frais d'inscription aux épreuves du cap et du bep

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, auteur de la question n° 750, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la secrétaire d’État, depuis environ cinq ans, le service interacadémique des examens et concours, le SIEC, dont le champ de compétence couvre les académies de Paris, Créteil et Versailles, réclame des frais aux familles dont les enfants s’inscrivent aux épreuves du certificat d’aptitude professionnelle, le CAP, et du brevet d’études professionnelles, le BEP.

Cette pratique est inacceptable.

D’abord, elle est illégale au regard du principe de gratuité des examens, réaffirmé dans un rapport de l’inspection générale de l’éducation nationale. Dans ce rapport de 2002, on lit que, depuis la circulaire sur la gratuité scolaire de 2000, « la gratuité des examens est complète à tous les niveaux de l’enseignement scolaire : CAP/BEP, diplôme national du brevet, baccalauréat ; tous les droits d’inscription ont été supprimés. »

Ensuite, cette pratique apparaît discriminatoire dans la mesure où elle concerne exclusivement les élèves de CAP et de BEP : de tels frais, en effet, ne sont pas exigés des candidats au baccalauréat.

Elle est également injuste, car elle vient pénaliser des élèves qui, souvent, appartiennent à des milieux socioprofessionnels défavorisés.

Comment en est-on arrivé là ?

Dans le cadre d’une réforme de 2008, le SIEC, qui dépend de l’éducation nationale, s’est vu attribuer l’organisation des épreuves du CAP et du BEP, qui relevait auparavant des inspections académiques. Cette réorganisation, réalisée dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, s’est accompagnée, dans les inspections académiques, de suppressions de postes d’agents dévolus à cette mission.

Dès lors, le SIEC s’est trouvé chargé de gérer plusieurs centaines de diplômes, mais sans disposer de moyens supplémentaires.

C’est ainsi que, à partir de la session 2009, les familles dont les enfants s’inscrivaient aux épreuves du CAP et du BEP se sont vu demander une « participation aux frais d’affranchissement », d’un montant de quatre euros, à payer sous forme de chèque à l’ordre du Trésor public ou de mandat cash. Ces frais étaient destinés à couvrir l’envoi des diplômes au domicile des familles par lettre recommandée, alors que, je le répète, de tels frais ne sont pas exigés des candidats au baccalauréat.

En 2011, une nouvelle modification est intervenue : désormais, les établissements assureraient eux-mêmes la distribution des diplômes aux lauréats, comme ils le font pour le baccalauréat.

Pourtant, le SIEC continue de réclamer des frais aux familles ! Ces frais, qui s’élèvent aujourd’hui à cinq euros, doivent être collectés par les établissements auprès des familles. Or demander aux établissements de collecter ces sommes sans émettre ni reçu ni facture s’apparente à une gestion de fait, pratique pour le moins contestable d’un point de vue comptable.

Pour toutes ces raisons, madame la secrétaire d’État, je demande au Gouvernement d’intervenir très rapidement pour que le SIEC cesse cette pratique illégale et discriminatoire, dont les victimes sont les élèves et leur famille.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Madame la sénatrice, je vous prie d’excuser Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, qui m’a chargée de vous communiquer sa réponse.

Les élèves des filières dont vous avez parlé, ceux qui se présentent aux épreuves du CAP et du BEP, sont les futurs artisans, commerçants, ouvriers qualifiés, techniciens et ingénieurs qui, demain, contribueront à la richesse du pays.

Comme vous l’avez souligné, le SIEC demande, lors de l’inscription à certains examens et à tous les concours qu’il organise, une participation financière, d’environ cinq euros, aux affranchissements des courriers destinés aux candidats. En effet, ce service assimile l’envoi des convocations et des diplômes à un service rendu aux familles.

Cette pratique n’est pas isolée et des différences existent selon les académies et selon les examens.

Comme vous, madame la sénatrice, le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche souhaite que le principe de gratuité, énoncé à l’article L. 132-2 du code de l’éducation, soit pleinement respecté. C’est pourquoi il a demandé à la Direction générale de l’enseignement scolaire de réaliser un état des lieux des frais d’affranchissement demandés par les académies pour les examens, de vérifier si ces pratiques sont justifiées et de présenter des propositions à cet égard.

L’ensemble du Gouvernement est attaché à l’école gratuite, qui a permis, en quarante ans, de multiplier par trois le nombre de bacheliers ; c’est notamment grâce à elle que les jeunes sortent du système éducatif plus diplômés en France que dans l’ensemble de l’Union européenne.

Madame Gonthier-Maurin, vous aurez très rapidement connaissance du travail que la Direction générale de l’enseignement scolaire va remettre au ministre de l’éducation nationale.

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la secrétaire d’État, je me réjouis que M. le ministre de l’éducation nationale se préoccupe de ce problème grave, qui remet en cause le principe de gratuité.

Dans cette affaire, on est face à une sorte de jeu de dupes – passez-moi l’expression. En effet, alors que l’on parle le plus souvent de frais d’affranchissement – vous-même venez de le faire –, le SIEC parle quelquefois d’une participation pour le matériel nécessaire aux épreuves.

C’est la preuve qu’il est nécessaire de réaliser, et rapidement, un inventaire des pratiques qui ont cours et d’y mettre de l’ordre tout aussi rapidement, dans la mesure où la période des examens s’ouvre dans quelques jours.

Je veux encore souligner que certains chefs d’établissement, qui s’émeuvent de la situation, sont placés dans des situations impossibles. En effet, c’est à eux qu’il revient de collecter les sommes, tâche à laquelle certains refusent de procéder. Résultat : dans certains endroits, des bras de fer sont engagés entre le chef d’établissement et le SIEC, ce qui ne me paraît guère compatible avec la tranquillité qui doit présider au travail de chacun.

Il faut enfin signaler que toutes ces pratiques sont parfaitement connues des inspections et, je pense, des recteurs.

Madame la secrétaire d’État, je crois vraiment qu’il faut se hâter d’y mettre bon ordre et de faire respecter le principe de gratuité dans l’acquisition des diplômes.

réglementation des donations faites aux musées

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Eblé, auteur de la question n° 774, adressée à Mme la ministre de la culture et de la communication.

M. Vincent Eblé. Ma question porte sur la réglementation des donations d’œuvres d’art faites aux musées, qu’il s’agisse de musées d’État ou de musées territoriaux.

La loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités permet la signature de pactes familiaux pour les donations faites aux musées. Depuis l’adoption de cette loi, la valeur des œuvres prise en considération est celle qui est fixée au moment de la donation, et non plus au moment du décès du donateur.

Cette disposition est essentielle pour les musées, puisque la valeur des œuvres d’art, qui augmente presque toujours, dépasse souvent, et parfois de façon considérable, la quotité disponible au décès du donateur.

Bien que cette mesure permette de réduire de manière significative le nombre de litiges avec les familles, elle ne les supprime pas tous, surtout lorsque des désaccords surviennent au sein de la famille lors de la succession.

Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement envisage-t-il d’autoriser les conservateurs des musées d’État et des musées territoriaux à émettre un avis négatif sur un don, lorsqu’il n’y a pas de consensus familial, afin d’éviter que certains musées voient leur collection remise en cause au décès du donateur ?