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Communication du Conseil constitutionnel

M. le président. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le mercredi 26 novembre 2014, qu’à l’occasion d’une requête tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans le département de l’Yonne le 28 septembre 2014 en vue de la désignation de deux sénateurs, il a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité transmise par le Conseil d’État (2014–4909 SEN).

Le texte de cette saisine est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.)

PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l'auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.

livraison d'un navire mistral

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du RDSE.

M. Jean-Claude Requier. Ma question s'adresse à MM. les ministres de la défense et des affaires étrangères et fait suite au nouveau report de la livraison à la Russie du porte-hélicoptères d’assaut de type Mistral.

M. Jean-Claude Requier. La situation est connue de tous, mais personne ne peut dire aujourd’hui quelle en sera l’issue et pas davantage quand elle interviendra, d’autant qu’elle dépend du conflit en Ukraine. Pourtant, il faudra bien sortir de cette situation, tant les enjeux sont importants, notamment pour notre pays.

Mardi, M. le Président de la République a donc décidé de suspendre « jusqu’à nouvel ordre » la livraison du Vladivostok, le premier des deux navires Mistral commandés par la Russie, en invoquant un cas de « force majeure », pour tenir compte, semble-t-il, de la dégradation de la situation en Ukraine.

Il convient de rappeler que le Vladivostok est terminé, que les marins russes en ont pris possession et qu’ils ont achevé leur formation au large de Saint-Nazaire, où le bâtiment attend désormais de pouvoir rejoindre sa base en Russie. Quant au second navire, le Sébastopol, il vient tout juste d’être mis à l’eau. Il sera aménagé au cours de l’année 2015 et doit être livré aux Russes normalement en 2016.

À l’issue de ce nouvel ajournement, si la France décidait, au regard de ce qui se passe en Ukraine, que les conditions permettant d’envisager la livraison de ces deux bâtiments ne sont toujours pas réunies, nous pourrions nous exposer à de sérieuses difficultés : contentieux long et coûteux avec la Russie, risques financiers pour les trois entreprises concernées par ce contrat,…

M. Alain Fouché. Absolument !

M. Jean-Claude Requier. … difficulté supplémentaire pour le budget de la défense déjà sous tension, possible fragilisation de la parole de la France. J’y ajouterai les conséquences très néfastes pour nos exportations agricoles en direction de la Russie. (Applaudissements sur les travées du RDSE et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC.)

M. Jean-Claude Requier. Dans ces conditions, le Gouvernement peut-il nous éclairer sur son appréciation de ce dossier, informer le Sénat sur nos échanges avec la Russie ? Jusqu’à quand peut-on envisager d’ajourner la livraison ?

Enfin, peut-il nous informer de la situation en Ukraine ? Le cessez-le-feu entre Kiev et les pro-Russes a-t-il des chances, à terme, d’être respecté ? Qu’est-ce qui, sur le terrain ukrainien, pourrait permettre de débloquer le dossier des Mistral ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question sur ce dossier, qui ne doit prêter à aucune polémique s’agissant d’un contrat signé en 2011 et sur lequel il est indispensable de prendre en compte l’ensemble de la situation.

Comme vous l’avez rappelé, le Président de la République a annoncé hier qu’il avait décidé de surseoir jusqu’à nouvel ordre à l’examen de la demande d’autorisation nécessaire à l’exportation du premier BPC, bâtiment de projection et de commandement. C’est une décision forte et même exceptionnelle.

Cette décision est forte, parce que, nous l’avons toujours dit, la France tient à la parole donnée et respecte ses engagements. Cette décision de report sine die, le Président de la République l’a donc prise avec la gravité qui convient et après en avoir pesé toutes les conséquences. Le Gouvernement s’assurera évidemment de la protection de nos intérêts industriels et des emplois liés dans les entreprises concernées.

Cette décision est exceptionnelle, car elle répond à des circonstances elles-mêmes exceptionnelles. La situation en Ukraine, sur laquelle vous m’avez interrogé, se détériore. Les combats ne cessent pas. Le bilan humain s’alourdit avec près de 1 000 personnes tuées depuis le cessez-le-feu du 5 septembre. La situation est donc préoccupante avec toutes les implications de cette crise sur la sécurité du continent européen. Je le dis à ceux qui nous pressent de livrer ces bateaux : prendre une telle décision, alors que le conflit s’aggrave, serait-il responsable ?

Par cette position, nous adressons un signal clair : il y a urgence à mettre en œuvre sur le terrain les engagements pris le 5 septembre à Minsk et à enclencher un véritable processus politique. C’est ce que nous disons très nettement à la fois aux Russes et aux Ukrainiens. Il faut reprendre le chemin de la négociation, enrayer la spirale du fait accompli et de l’affrontement, respecter le cessez-le-feu sous contrôle de la FCE et revenir, conformément aux accords de Minsk, à un règlement diplomatique et politique de ce conflit.

Dans cette affaire, ce qui doit prévaloir, c’est la responsabilité et la volonté de tout faire pour mettre fin à ce conflit. C’est la ligne de la diplomatie française et de la diplomatie européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

coût financier et économique de la pollution de l’air

M. le président. La parole est à Mme Leila Aïchi, pour le groupe écologiste.

Mme Leila Aïchi. Une fois n’est pas coutume en matière de pollution de l’air, je m’adresserai non pas à la ministre de l’écologie ou à la ministre de la santé, mais au ministre des finances, M. Michel Sapin.

M. Alain Gournac. Il est là !

Mme Leila Aïchi. Un cap vient d’être franchi ! Le préjudice sanitaire de la pollution de l’air est aujourd’hui avéré, mais il semble également acquis que la pollution de l’air représente un préjudice grave pour notre économie et nos finances.

Il y a quelques jours, ici même, tout le monde a reconnu le drame sanitaire que constituait la pollution de l’air, en particulier celle qui est due au diesel. Oui, tout le monde ! Malgré ce constat unanime, et alors que le groupe écologiste avait proposé une solution, peu de personnes ont eu le courage de voter pour. Pourtant, 42 000 à 50 000 morts prématurées sont enregistrées chaque année en France ; on constate une explosion des risques d’infarctus, d’accidents vasculaires cérébraux, d’infections respiratoires et même de cancers des voies aériennes ainsi que des centaines de milliers d’hospitalisations liées à des problèmes cardiaques et respiratoires.

L’urgence sanitaire pour les Français est bien là, notamment pour les habitants de grandes agglomérations comme Paris et de l’Île-de-France. Pourtant, monsieur le ministre, le Gouvernement ne prend pas ses responsabilités et fait preuve d’une désinvolture manifeste face aux conséquences de la pollution de l’air. Il est vrai que la facilité est de céder aux lobbies

Le monde entier considère le diesel comme une impasse industrielle. Or, l’an dernier encore, la France, de manière surréaliste, dans le cadre du grand emprunt, a subventionné Renault à hauteur de 20 millions d’euros et Peugeot à hauteur de 90 millions d’euros pour le développement de moteurs diesel hybrides. Force est de constater que seuls les industriels automobiles et le Gouvernement ne comprennent pas le message. Oserais-je penser que vous envisagez sérieusement, par nos impôts, de développer des technologies dangereuses pour la santé des Français ?

Le conservatisme empêche de manière coupable la recherche, l’innovation et le développement d’alternatives propres et durables, qui seront à n’en pas douter les emplois de demain.

Que dire des 650 000 journées d’arrêt de travail par an du fait de la pollution de l’air, des 50 milliards d’euros que la pollution de l’air coûte à l’économie française chaque année – il ne s’agit là que d’une fourchette basse – et des 7 milliards d’euros d’exonération fiscale par an pour le diesel ?

Ma question est simple : l’État a-t-il déjà estimé de manière certaine le coût global de la pollution de l’air et des pollutions chimiques ? Dans la négative, le Gouvernement pourrait-il lancer un audit indépendant pour estimer le préjudice financier et économique subi par l’État, les entreprises et la société française dans son ensemble ou saisir la Cour des comptes sur ce sujet ?

Monsieur le ministre des finances, Michel Sapin – car c’est bien à vous que s’adresse cette question ! –, vous feriez acte de responsabilité et de justice sociale et environnementale si vous accédiez à cette demande. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la sénateur,…

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. … la qualité de l’air, vous avez raison de le souligner, est un enjeu sanitaire majeur. En France, le coût pour la société de la pollution de l’air extérieur a été évalué, vous l’avez rappelé, à 30 milliards d’euros, dont près de 1 milliard d’euros directement supportés par le système de soins. C’est l’un des thèmes de la conférence environnementale qui se tient aujourd’hui et demain et, à cet égard, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence dans cet hémicycle de Mme Ségolène Royal.

L’État, vous le savez, agit pour améliorer la qualité de l’air.

Dans le projet de loi relatif à la transition énergétique, il est prévu d’accélérer la mutation du parc automobile vers des véhicules moins polluants, par l’octroi d’un bonus porté à 10 000 euros pour l’achat d’un véhicule électrique en remplacement d’un véhicule diesel dans les zones les plus polluées. Il est également prévu de développer des infrastructures de recharge des véhicules électriques, de renouveler les flottes de véhicules publics par des véhicules propres, de donner enfin la possibilité aux maires de mettre en place des zones de circulation restreinte réservant la circulation aux véhicules les moins polluants, de mieux prendre en compte dans ces enjeux la planification territoriale.

Plusieurs dispositifs de soutien ont été mis en place par l’État.

Dans l’industrie, des projets permettant de réduire les émissions de polluants atmosphériques peuvent bénéficier de prêts bonifiés, les prêts verts gérés par Bpifrance.

Dans l’agriculture, le projet de feuille de route sur la santé et l’environnement prévoit de mettre en œuvre des opérations pilotes de réduction des émissions polluantes, notamment avec le concours de l’ADEME, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.

Enfin, pour le remplacement d’un ancien appareil de chauffage au bois par un appareil récent, les particuliers pourront bénéficier du crédit d’impôt de transition énergétique de 30 %.

Concernant l’audit supplémentaire que vous demandez, madame la sénateur,…

Mme Leila Aïchi. La sénatrice !

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. … je vous rappelle que vous avez la possibilité, en tant que membre de cette assemblée, de saisir la Cour des comptes. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste.)

finances locales

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour le groupe CRC.

Mme Marie-France Beaufils. Vous avez fait le choix, monsieur le ministre des finances et des comptes publics, de réduire la dépense publique pour retrouver de la croissance, dites-vous. De nombreux économistes, y compris ceux de l’OCDE, rappellent les limites de cette austérité budgétaire.

Pour y parvenir, vous avez considéré que les dotations aux collectivités pouvaient être réduites de 11 milliards d’euros, soit 22 % de la masse totale de ces efforts.

Mme Marie-France Beaufils. Aujourd’hui, plus de 13 000 conseils communaux ou communautaires ont voté une motion de l’Association des maires de France vous rappelant l’importance de la dépense publique locale pour la vie économique : selon une estimation faite en 2006, 800 000 emplois ont été conservés ou créés dans le privé grâce aux achats ou travaux commandés par les collectivités territoriales.

Les collectivités, plus particulièrement les communes, ont subi le gel des dotations quatre années de suite, puis la réduction de 1,5 milliard d’euros en 2014. Elles ont fait des efforts de maîtrise de leurs dépenses de fonctionnement. Elles réduisent leurs travaux. Ce sont les entreprises du bâtiment et des travaux publics qui en ressentent immédiatement les conséquences. Combien d’entre elles diminuent déjà leurs effectifs ?

La nouvelle ponction que vous voulez imposer aux collectivités territoriales va maintenant toucher directement les services à la population et, en premier lieu, ceux qui sont réalisés par des emplois saisonniers ou par l’intermédiaire d’associations. Cela concerne au premier chef les loisirs des enfants et de la jeunesse, les activités culturelles et sportives. Autant de domaines qui participent à la cohésion sociale ! Que deviendront tous ces salariés ? Des chômeurs supplémentaires !

Les collectivités territoriales ne peuvent pas retrouver par l’intermédiaire de l’impôt local la perte de croissance que vous leur imposez. C’est une dégradation de la vie des habitants, de leur pouvoir d’achat que vous décidez ainsi.

Cette austérité, les habitants n’en peuvent plus. Notre pays en souffre. Quand, monsieur le ministre, allez-vous prendre enfin en compte…

Mme Marie-France Beaufils. … les effets négatifs de ces choix et décider de maintenir les dotations aux collectivités pour qu’elles puissent répondre aux besoins de leur population ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des finances.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Madame la sénatrice, il est bien légitime que vous posiez une question de cette nature à l’heure où le Sénat, après l’Assemblée nationale, examine le projet de loi de finances, c'est-à-dire le budget de la France, et au moment où les maires tiennent leur congrès et attirent l’attention du Gouvernement sur ce sujet sensible, qui nécessite des efforts de tous dans des conditions maîtrisées.

Vous le savez, quand nous sommes arrivés aux responsabilités, la France avait un déficit public considérable. Je n’ai entendu personne me dire qu’il fallait l’augmenter. Il faut le réduire ! Nous le faisons à un rythme que nous considérons comme compatible avec le retour de la croissance, c’est-à-dire à un rythme moindre que celui que certains voudraient nous imposer.

M. Michel Sapin, ministre. Mais des efforts doivent être demandés à tous : d’abord, bien sûr, à l’État (Ah ! sur les travées de l'UMP.), dont le budget baisse en euros en 2014 et continuera à diminuer en euros en 2015, à la sécurité sociale, s’agissant tout particulièrement des dépenses de maladie, et aux collectivités locales.

On ne peut pas considérer, dans notre pays, que des efforts sont à faire en matière de dépense publique sans en demander aux collectivités locales. Nous avons bien évidemment conscience de l’effort qu’elles fournissent, mais cela est nécessaire. Ce sont ces 11 milliards d’euros sur trois ans de diminution des concours financiers de l’État qui traduisent cet effort demandé aux collectivités.

La véritable difficulté tient à la très grande hétérogénéité des collectivités locales, qu’il s’agisse des régions, des départements ou – c’est sur ce sujet que vous m’interrogez principalement – des communes.

Des dispositifs de péréquation prennent déjà en compte cette diversité, mais ils doivent être améliorés. Je citerai quelques exemples : le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales va encore progresser en 2015. (Protestations sur les travées de l'UMP.) Son montant aura fait plus que quintupler, en passant, de 2012 à 2015 – je dis cela à l’intention de ceux que j’entends protester et qui ne me paraissent pas être très avertis –, de 150 millions à 780 millions d’euros. Ce n’est pas la droite qui l’a fait, c’est la majorité de l’époque au Sénat qui l’a voté ! Or ce fonds de péréquation soutient tout particulièrement les communes rurales en difficulté. Il en va de même s’agissant des 10 000 communes qui touchent la « DSR cible » ou des 250 communes qui perçoivent la « DSU cible ».

M. Jean-Claude Lenoir. Temps de parole écoulé !

M. Michel Sapin, ministre. Je le répète, il faut encore améliorer ce dispositif de péréquation.

Le secrétaire d’État chargé du budget l’a annoncé ce matin, le Gouvernement est ouvert à la discussion et souhaite votre collaboration pour réformer la DGF, la dotation globale de fonctionnement, afin que celle-ci soit plus justement répartie. Il n’y a pas de raison que Neuilly touche plus par habitant que Guéret, par exemple, pour ne pas citer Argenton-sur-Creuse… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

violences faites aux femmes

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, pour le groupe socialiste.

Mme Claudine Lepage. Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État chargée des droits des femmes.

L’existence même de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, célébrée il y a deux jours, révèle combien ce fléau demeure plus que jamais d’actualité. Bien sûr, en France, des avancées notables ont été réalisées. Permettez-moi, à cet égard, d’évoquer la loi Veil sur l’interruption volontaire de grossesse, dont l’examen devant les députés débutait il y a juste quarante ans. Pourtant, aujourd’hui encore, dans notre pays, 216 000 femmes sont victimes chaque année de violences commises par leur partenaire et, tous les trois jours, une femme meurt sous les coups de son compagnon ou ex-compagnon ; 86 000 femmes indiquent avoir été victimes de viol ou de tentative de viol, mais seulement 10 % d’entre elles déposent plainte.

Madame la secrétaire d’État, je suis fière de soutenir un gouvernement (Exclamations sur les travées de l'UMP.) qui a pris des mesures fortes pour lutter contre les inégalités entre les femmes et les hommes, et particulièrement contre le symptôme le plus grave et inacceptable que constituent les violences dont elles sont victimes. Je salue les mesures volontaristes prises dans le cadre du quatrième plan interministériel et le vote de la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. Le doublement des moyens, la plateforme téléphonique d’écoute, le nombre d’intervenants sociaux dans les commissariats et gendarmeries, le renforcement de l’ordonnance de protection, la généralisation du téléphone « grand danger » sont des mesures efficaces pour aider concrètement les femmes.

La prévention et la lutte contre les mariages forcés, qui concernent 400 millions de femmes et d’enfants dans le monde – 70 000 jeunes femmes en France étant potentiellement menacées –, et les mutilations sexuelles font également l’objet d’un dispositif installé par le ministère des droits des femmes et le ministère des Français de l’étranger, qui a mobilisé notre réseau consulaire. Mais il reste tant à faire !

Madame la secrétaire d’État, vous venez de signer, avec Bernard Cazeneuve, Christiane Taubira et Marisol Touraine, une convention avec la police visant à systématiser le dépôt de plainte des femmes victimes de violences. Quels sont les conditions d’application et les objectifs de ce dispositif ? Plus généralement, quelles autres actions seront engagées ? Je vous remercie également de m’apporter des précisions sur le rôle de nos postes diplomatiques dans la lutte contre les mariages forcés et sur la formation dédiée que reçoivent nos agents consulaires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des droits des femmes.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes. Madame la sénatrice, vous avez rappelé des chiffres terribles : 216 000 femmes sont victimes de violences chaque année, une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son compagnon ou ex-compagnon et, dans le cadre des violences conjugales, trente-trois enfants meurent par an. Les femmes qui subissent des violences perdent aussi entre une et quatre années d’espérance de vie.

Vous l’avez dit, nous avons pris des mesures importantes pour contrecarrer ce fléau. Nous y consacrons 66 millions d’euros, ce qui correspond à un doublement des moyens alloués. Nous avons notamment dédié des moyens à la formation de l’ensemble des professionnels, qu’il s’agisse de personnels du ministère de l’intérieur, de la justice ou des personnels de santé.

Des protocoles ont déjà été signés dans trente-cinq départements – le trente-sixième a été signé mardi dernier avec Christiane Taubira, Bernard Cazeneuve et Marisol Touraine – pour mettre en relation tous les acteurs associatifs et les intervenants sociaux présents dans les commissariats ou les gendarmeries. L’objectif est de garder comme priorité le dépôt de plainte, mais de déclencher, dès le dépôt d’une main courante ou le procès-verbal, un accompagnement immédiat de la victime, la convocation immédiate de l’agresseur et des mesures de protection de la victime et de ses enfants.

M. Didier Guillaume. C’est très important !

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. Cette protection est notamment assurée par les hébergements d’urgence : 600 places ont déjà été créées depuis 2013 et 1 050 le seront d’ici à 2017.

Nous avons également signé avec Geneviève Fioraso, le 25 novembre dernier, une convention spécifique pour les étudiantes victimes de violences, afin qu’elles puissent avoir accès en priorité au logement étudiant.

Nous ne baissons donc pas les bras, bien au contraire, puisque nous déployons de nombreux moyens.

Au travers de mon intervention, je souhaite aussi m’adresser aux femmes pour leur dire que si elles n’osent pas encore se rendre dans un commissariat ou à l’hôpital, elles doivent appeler le 3919, aussi bien pour des cas de mariages forcés que pour des violences subies au quotidien. Des équipes les aideront à franchir ce cap. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'UDI-UC.)

dotation de solidarité pour la polynésie

M. le président. La parole est à Mme Teura Iriti, pour le groupe UDI-UC.

Mme Teura Iriti. Ma question s'adresse à Mme la ministre des outre-mer, et je souhaite la poser de façon tout à fait solennelle.

Pour aider le gouvernement polynésien à opérer notre redressement économique, l’assemblée de Polynésie française va examiner une résolution afin d’obtenir réparation du plus grave préjudice écologique fait à une collectivité de la République, après les tirs de 193 essais nucléaires entre 1966 et 1996 sur les atolls de Mururoa et Fangataufa. La question est d’actualité, à la veille de la conférence environnementale, présentée comme une étape décisive pour obtenir, à la fin de 2015, la signature de l’accord historique contre les dérèglements climatiques, dont les négociations durent depuis vingt ans.

Sur la même période, après la prise de conscience de la gravité des effets des expérimentations nucléaires, les défenseurs de l’environnement et des victimes civiles, ainsi que des élus de diverses sensibilités, n’ont cessé de réclamer que soit reconnu et compensé cet état de fait.

La résolution examinée ce soir à Papeete tend à refuser que la rente nucléaire compensant la dérégulation économique causée par l’implantation, puis par le départ, du centre d’expérimentation nucléaire, soit versée pour « solde de tout compte ».

Les compensations financières demandées se fondent sur deux principes : celui du « préjudice écologique », adopté à l’unanimité par le Sénat en avril 2013, ce qui est tout à son honneur, et celui du « pollueur-payeur », défendu résolument par la ministre de l’écologie.

Enfin, si la presse se fait l’écho d’approches différentes entre le gouvernement et l’assemblée de Polynésie française pour obtenir des crédits, je témoigne ici que, à Papeete comme à Paris, tous les efforts convergent sur le plan politique pour opérer le redressement économique.

Aussi, alors que la France se veut, à juste titre, exemplaire pour défendre l’environnement de notre planète, quelles garanties le Gouvernement peut-il donner aux Polynésiens pour que soit, enfin, reconnu et indemnisé l’un des pires préjudices écologiques infligé à l’environnement depuis la naissance de l’humanité ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées de l’UMP, du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. Madame la sénatrice, nous connaissons le grave problème des essais nucléaires dans le Pacifique. Nous avons été nombreux à souhaiter, notamment du côté gauche de l’hémicycle, que ces essais nucléaires s’arrêtent et que le préjudice écologique qui en résulte soit réparé. Par conséquent, je ne vois pas de difficultés entre nous sur le principe.

S’agissant de la résolution que vous avez évoquée, je n’ai pas, pour ma part, à me prononcer sur son opportunité, puisque c’est la liberté du territoire et de l’assemblée de Polynésie française que de faire de telles demandes. Toutefois, je tiens à rappeler que certaines aides spécifiques avaient été mises en place précisément pour réparer ce préjudice. Malheureusement, d’abord en 2002, puis en 2008, alors que M. Yves Jégo était secrétaire d’État chargé de l’outre-mer, les montants alloués à ces aides ont été réduits de manière significative. Cela étant, depuis 2002, plus de 1,7 milliard d’euros, soit 204 milliards de francs pacifiques, ont déjà été versés.

Vous le savez, depuis notre arrivée au pouvoir en 2012, nous travaillons en étroite collaboration avec l’actuel président Édouard Fritch, qui était auparavant député, et les députés Maina Sage et Jean-Paul Tuaiva pour réparer un certain nombre de préjudices subis par la Polynésie, notamment liés au fait que le financement de l’État au régime de solidarité de la Polynésie française a été arrêté. Nous sommes donc en train de voir comment nous pourrions rétablir ce financement, qui est tout à fait indispensable à la Polynésie.

Je ne crois pas que ce soit particulièrement le moment de relancer ce sujet, alors que nous essayons déjà de régler d’importants problèmes de fond.

Par ailleurs, nous assurons aussi la sécurité de ces deux atolls : là encore, l’État assume des responsabilités qui sont tout à fait naturelles.

Nous travaillons actuellement à rétablir des liens et à essayer de répondre correctement aux demandes de la Polynésie. Ma porte est toujours ouverte : je vous invite à venir me voir si vous souhaitez reparler de ce sujet. Nous verrons quelles suites apporter à cette résolution quand elle sera votée. Néanmoins, compte tenu des montants stratosphériques demandés, nos discussions dureront certainement longtemps. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

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