M. Alain Houpert. Madame la ministre, les élus ruraux sont des gens qui ont du bon sens.

M. Philippe Kaltenbach. Les élus en milieu urbain aussi ont du bon sens !

M. Alain Houpert. Je crois qu’il faut les laisser faire.

La ruralité, c’est une chance pour la France. La France est une mosaïque de 36 000 communes, dont 80 % ont moins de 500 habitants.

Comme l’a dit M. Marc, il faut avancer ; cependant, cela nécessite un rééquilibrage, qui peut parfois prendre du temps, et il faut donner du temps au temps. Un Président de la République a dit, mais il l’a emprunté à un saint bourguignon qui s’appelait Saint Bernard : « Aimer, c’est donner ». Alors donnons !

M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour explication de vote.

M. Claude Kern. Je voudrais commencer par saluer la sagesse de la commission des lois, de son président, et naturellement de son rapporteur.

Pour appuyer mon propos, je prendrai pour exemple le département dont je suis l’élu, le Bas-Rhin. Celui-ci compte trente-quatre intercommunalités, qui couvrent l’ensemble de son territoire. Quelques-unes d’entre elles comptent de 10 000 à 18 000 habitants. Leur fonctionnement est salué par tous, surtout par la population, qui commence enfin à identifier ses EPCI, voir à s’y identifier.

Dès lors, pourquoi casser ce qui fonctionne ? Nous le savons tous très bien, un mariage forcé ne marchera jamais. Pardonnez-moi, mais je trouve franchement stupide de remettre tout cela en cause ! Tout le travail mené par les commissions départementales de la coopération intercommunale, les CDCI, en totale concertation avec les collectivités concernées, et avec leur accord, aurait été fait pour rien ?

Laissons faire les élus ; ce sont des gens responsables, qui savent ce qu’ils font et ce qu’il faut à leur collectivité. En tant que président d’une association départementale des maires en contact régulier avec les EPCI et l’ensemble des élus, je puis vous assurer, mes chers collègues, que les élus concernés par des EPCI fragiles sont également conscients de leurs difficultés. Ils sont déjà en train de travailler pour fusionner, sans qu’on les y oblige.

Ce n’est pas le nombre d’habitants qui fera qu’une intercommunalité sera forte ou non ; prenez plutôt en compte les bassins de vie, ainsi que le dynamisme et les projets des territoires !

M. Claude Kern. Je prendrai l’exemple de la communauté de communes dont j’étais président avant d’être élu sénateur. Composée de sept communes, elle comprend 17 000 habitants. Elle est aujourd’hui considérée comme une communauté de communes forte du département du Bas-Rhin.

Une autre communauté de communes regroupe 15 000 habitants répartis sur dix communes, dont le bourg-centre, qui compte plus de 10 000 habitants. Fusionnez ces deux communautés et, vous verrez, cela ne marchera plus : leurs projets, leurs compétences, leurs orientations ne sont pas les mêmes !

Enfin, une troisième communauté de communes, qui compte 33 000 habitants, ne fonctionne pas bien. Pourquoi, dès lors, casser la communauté de communes de 17 000 habitants qui, aujourd'hui, marche ?

Il n’est nul besoin de légiférer sur ce sujet, madame la ministre. Ayez un peu de bon sens, faites confiance, pour une fois, aux élus locaux, et retirez votre amendement. (Mme Sophie Joissains applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour explication de vote.

M. Joël Guerriau. Les dispositions de l’amendement déposé par le Gouvernement constituent, à mes yeux, une belle avancée : il s’agit manifestement d’introduire de la souplesse pour la fixation du seuil à 20 000 habitants. Ce faisant, on reconnaît en réalité que ce seuil ne peut pas tenir, car aucun critère objectif ne permet de le défendre.

Notons d’ailleurs, cela a été souligné par Claude Kern, que certaines intercommunalités de moins de 20 000 habitants fonctionnent parfaitement bien. Elles ne se plaignent pas de leur sort et n’ont pas nécessairement envie d’évoluer, parce que la loi les y obligerait.

Le dispositif de cet amendement prévoit des outils devant permettre d’adapter le seuil pour les territoires insulaires ou les zones montagneuses. Mais la liste est-elle vraiment complète ? N’y a-t-il pas d’autres situations, non prévues par le présent amendement ? Et que faire, dans ce cas ?

En outre, la rédaction de l’amendement ne précise pas qui réalisera les adaptations de seuil. Il s’agira probablement de la CDCI, où siègent les élus eux-mêmes. Dès lors, s’ils ont l’intention d’adapter le seuil, ils n’ont pas besoin, pour ce faire, d’une règle supplémentaire, fixée par la loi. Cela se fera naturellement.

Il se peut aussi que le préfet soit chargé de ces adaptations. Si c’est le cas, cela irait à l’encontre même des intérêts des maires. J’ai sous les yeux un compte rendu faisant état des réactions de maires siégeant à la CDCI. Ils expriment très largement des réserves quant à la modification des périmètres de leurs communautés et craignent de voir leurs intercommunalités intégrées dans une fusion contre leur gré.

Toute décision en ce sens émanant de la préfecture s’opposerait à l’avis d’élus communautaires qui sont issus du suffrage universel et qui, rappelons-le, ont été fléchés lors du dernier scrutin municipal. À ce titre, ils revendiquent s’être engagés sur un programme communautaire et entendent le mettre en œuvre. Il serait donc incohérent de revenir sur une situation qui est le fruit d’une élection tenue il y a encore peu de temps !

À l’appui de votre amendement, madame la ministre, vous faites valoir que les intercommunalités éprouvent des difficultés. Les élus sont conscients de la raréfaction des deniers publics – ils ont parfaitement reçu le message de la diminution de 11 milliards d’euros des dotations aux collectivités territoriales – ; ils sont également conscients que leurs actions publiques doivent être plus efficaces.

Je crois qu’on peut leur faire confiance, et ce pour deux raisons.

Tout d’abord, les débats sur ce sujet au sein des CDCI sont largement engagés. Je ne crois pas que les élus fassent preuve de mauvaise volonté en la matière. Passer par la loi, ce serait donc leur donner le sentiment qu’on les oblige à évoluer. Ils sont plus proches des réalités du terrain : s’il y a souffrance, ils sauront réagir et prendre les décisions qui conviennent.

Ensuite, depuis le 1er janvier 2015, ont été créés, je le rappelle, des pôles d’équilibre territoriaux et ruraux. Donnons-leur la possibilité d’échanger sur les questions intercommunales et de prendre leur destin en main ; ils en sont tout à fait capables. En tout cas, cela ne se fera pas par des mesures jacobines, sans véritable logique, qui tomberaient d’en haut.

Pour terminer, nous venons de décider que de nouveaux schémas départementaux devront être adoptés pour le 1er janvier prochain. Les discussions sont bien engagées, car, pour respecter l’échéance, tout devra être bouclé pour le mois de juin prochain. Dès lors, laissons-les se concerter !

M. Claude Kern. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.

M. Michel Canevet. Je voudrais à mon tour louer la sagesse des propositions de la commission des lois. Je ne comprends pas l’entêtement du Gouvernement à vouloir maintenir un seuil.

Nous n’avons déjà pas retiré beaucoup de satisfaction de l’examen du projet de loi sur le redécoupage des régions, où l’on a imposé un nouveau schéma à l’ensemble des élus, lesquels, pour la plupart, y étaient opposés... Avec le présent texte, on veut procéder de la même façon, à un moment où, pourtant, on parle beaucoup de liberté.

J’ai interrogé les maires du département que je représente. Je n’en ai guère trouvé qui soutient l’idée d’instituer un seuil pour l’intercommunalité.

Pourquoi vouloir casser ce qui marche ? Dans le département que je représente et que vous connaissez parfaitement, madame la ministre, l’intercommunalité s’est organisée et fonctionne plutôt bien. La communauté de communes que je préside doit être la plus intégrée du département ; pourtant, elle ne compte pas 20 000 habitants. Cela ne veut pas dire qu’elle ne marche pas bien : au contraire, elle a des leçons à donner à beaucoup d’intercommunalités plus peuplées. C’est dire que ce seuil n’a pas de légitimité pour ce qui concerne l’opportunité de l’exercice des responsabilités.

Je ne comprends pas ce que veut le Gouvernement, et en tout cas je le regrette. Il vaudrait mieux instituer des notions plus réalistes, comme celle du bassin de vie, par exemple, qui semble beaucoup plus logique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Mais c’est de cela qu’il s’agit !

M. Michel Canevet. Pour les départements comme le mien, dont le territoire, restreint, est bordé par la mer d’un côté et par les grosses intercommunalités de l’autre, il n’est pas aisé de créer des intercommunalités comptant plus de 20 000 habitants.

J’espère que la raison prévaudra et que l’on s’en remettra à la grande sagesse des élus locaux, qui ont su montrer leur capacité à s’organiser. Ce n’est pas en mettant en cause les 36 000 communes de France que l’on apportera une réponse adaptée à la situation.

M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, pour explication de vote.

M. Yannick Botrel. Comme beaucoup ici, j’assiste depuis quelques jours à des cérémonies de vœux. Or le sujet qui anime notre débat est régulièrement évoqué par les élus que l’on rencontre en ces circonstances et il revient dans toutes les prises de parole des présidents.

Comme M. Canevet, je suis d’une région où l’intercommunalité est désormais chose ancienne. Elle a émergé dès le début des années 1990 ; dès que la loi, en somme, s’est appliquée. C’est une région, en effet, où l’intercommunalité se pratique avec conviction.

Le premier argument mis en avant par les élus pour s’opposer à la mesure dont nous discutons tient à la remise en cause du travail conduit il y a seulement deux ans. C’est une réaction que l’on pouvait attendre et que l’on peut entendre.

Toutefois, j’entends aussi d’autres arguments, mes chers collègues, exprimés de façon dépassionnée, car nous avons une certaine expérience de ces questions. Une idée ressort principalement : nous avons besoin d’intercommunalités ayant une masse critique suffisante, pour des raisons que j’ai notées et que je partage évidemment.

Nous en avons besoin, par exemple, pour pratiquer les solidarités territoriales. J’étais hier sur le territoire de Lannion-Trégor, une grosse communauté, si l’on peut dire, qui compte 80 000 habitants, répartis sur un territoire dont une zone est très rurale et l’autre est spécialisée dans l’industrie de pointe. Dans cette intercommunalité, la richesse est partagée : 700 000 euros sont répartis entre les communes, dont beaucoup sont petites.

Un autre élément revient souvent dans la bouche des élus : certaines communes doivent trouver les moyens en ingénierie pour venir en appui des conseils municipaux et des maires. Or cela ne pourra se faire que dans des intercommunalités de dimension suffisante.

M. Canevet a indiqué que les 36 000 communes pourraient être remises en cause. Au contraire, mes chers collègues, dans des intercommunalités de dimension suffisante, les communes, pour des raisons de subsidiarité, ont encore plus de raisons d’exister. Elles en ont d’autant plus que les transferts de certaines de leurs compétences aux intercommunalités ont été opérés il y a quelques années, sans que leurs ressources aient vraiment baissé, ce qui leur a permis de continuer à vivre dans des conditions tout à fait acceptables, me semble-t-il.

On peut toujours débattre du seuil d’habitants. J’ai entendu les arguments exposés par Mme la ministre ; je considère qu’il y a là, manifestement, une avancée. Elle aurait d’ailleurs été encore plus grande si le sous-amendement de M. François Marc, qui visait à prendre en compte les presqu’îles, avait été adopté !

L’amendement n° 937, qui a été défendu à l’instant par Philippe Kaltenbach, tend à fixer le seuil à 15 000 habitants, ce qui représente, à mon sens, une masse critique significative. On peut bien sûr trouver des accommodements en fonction des situations locales, qui sont nombreuses. Elles sont tellement nombreuses, d’ailleurs, que l’on pourrait aisément retomber aujourd’hui dans le débat qui nous a animés lors de l’examen du texte relatif à la délimitation des régions et qui a vu la présentation d’un projet différent par orateur, ou presque !

Porter le seuil à 15 000 habitants, en donnant une large marge d’appréciation et de manœuvre aux CDCI, me semble tout le contraire de l’approche jacobine dénoncée tout à l’heure ; il s’agit bien plutôt d’une approche girondine, qui prend en compte les particularités des territoires.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. J’ai lu avec beaucoup d’intérêt le texte de cet amendement. J’ai même, sur sa base, réalisé une simulation pour le département de la Marne, qui compte 566 000 habitants, soit une densité moyenne de 74 habitants au kilomètre carré. Si l’on retire Reims, ses 217 000 habitants et sa densité de 1 250 habitants au kilomètre carré, le calcul est bien entendu différent ! Or quinze intercommunalités, sur les trente que compte le département, connaissent une densité de population inférieure à moitié de la densité moyenne du département.

Sur cette base, j’ai également élaboré un « pré-schéma », pour voir ce que cela donnerait. Je peux vous le dire, madame la ministre, la mesure que vous défendez conduit à un résultat inverse de ce que vous recherchez. En effet, les intercommunalités dont la densité est supérieure à la moitié de la densité moyenne du département, contraintes de s’unir, se situent dans le territoire périurbain. Elles vont donc faire front pour empêcher les agglomérations de grossir,…

M. René-Paul Savary. … une évolution déjà difficile dans le milieu rural, qui n’y est pas naturellement enclin.

Avec les seuils et les regroupements obligatoires, des zones entières bloqueront le développement des agglomérations pendant des années ! De même, forcer au regroupement d’intercommunalités d’une densité deux fois moindre que la moyenne, notamment autour de bourgs-centres éloignés des agglomérations, créera des « poches », qui entraveront aussi le développement de ces dernières. Le système est totalement contreproductif ; je tenais à le souligner.

Nous venons de vivre le regroupement des communes au 1er janvier dernier, avec les contraintes fiscales. Une commune de mon département rend de l’argent aux contribuables compte tenu de son adhésion par obligation à l’intercommunalité ! En effet, l’harmonie fiscale a été impossible à trouver avec les directions des impôts : la seule solution, c’est de rendre de l’argent. C’est tout de même extraordinaire ! Nous avons là un cas d’espèce illustrant la complexité du dispositif.

En ces temps de vœux, les élus que nous rencontrons nous font part de leurs craintes sur la proximité, sur les disparités des compétences – telle communauté n’a pas la compétence scolaire, par exemple – et sur les différences de fiscalité, comme sur la taxe des ordures ménagères.

Ma communauté de communes de 10 000 habitants n’a pas de siège ; c’est la mairie de la commune-centre qui en tient lieu. Les services sont mutualisés. Elle n’a pas non plus de fonctionnaires ; ce sont ceux de la commune qui sont mis à sa disposition. Le seuil des 20 000 habitants nous obligera à avoir un siège. Surtout, avec plus de cent communes, il n’y aura plus ni proximité ni représentation. La meilleure manière d’abandonner les habitants du monde rural – un phénomène contre lequel vous prétendez lutter –, c’est d’éloigner encore les centres de décisions ! J’insiste sur la gravité de la situation.

À chaque équipement correspond une taille critique de population. Un seul d’environ 5 000 habitants correspond à une structuration des communautés de communes autour des collèges. Si l’on veut une structuration autour des lycées, il faut 40 000 habitants ou 50 000 habitants. Là, on obtient la taille critique pour rationaliser les services et faire des économies. Ces dernières, on peut aussi en réaliser dans les petites intercommunalités, de 5 000 habitants ou 10 000 habitants, qui sont à taille humaine. Mais le seuil intermédiaire que vous proposez ne fera que complexifier la situation !

Le plus sage serait de faire confiance aux commissions départementales de coopération intercommunale et de favoriser par des dotations les intercommunalités qui mutualisent leurs moyens pour des équipements ou de services précis. Là, il y aurait une vraie politique incitative, en fonction des contraintes propres des territoires ! (MM. Alain Houpert et Jean-Claude Lenoir applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, pour explication de vote.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Madame la ministre, même si cela ne saute peut-être pas aux yeux, nous avançons. (Marques d’ironie sur diverses travées.)

M. Jean-Claude Lenoir. Vous êtes bien optimiste !

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. En effet, l’amendement du Gouvernement ne nous satisfait pas entièrement, mais il a au moins le mérite de faire bouger les lignes.

M. le rapporteur a indiqué que la commission souhaitait un compromis. Cela suppose que chacun fasse un bout de chemin. D’ailleurs, en France, nous n’avons peut-être pas suffisamment la culture du compromis, ce qui pose un certain nombre de problèmes.

Le Gouvernement a proposé des avancées extrêmement importantes sur les possibilités d’adaptation ou de dérogation, ainsi que sur les pouvoirs des commissions départementales de coopération intercommunale, sous l’autorité des préfets. Tout cela va dans le bon sens, mais ce n’est sans doute pas suffisant.

Nous le savons, les seuils posent toujours problème. Celui qui se fait verbaliser à 93 ou 94 kilomètres-heure sur une route départementale où la vitesse est limitée à 90 kilomètres-heure se dit que le seuil devrait être à 95 kilomètres-heure !

Le seuil des 20 000 habitants pose peut-être en plus un problème psychologique. À mon avis, l’amendement du groupe socialiste tend à permettre de garder une taille critique pour les intercommunalités. En effet, le Gouvernement a raison de vouloir une taille critique : il faut que des dynamiques puissent se créer.

En ce début d’année, je forme le vœu que nous cessions d’opposer le rural et l’urbain. Il n’y a pas, d’un côté, les élus ruraux, dont je fais partie, qui auraient du bon sens et détiendraient la vérité révélée, et, de l’autre, les élus urbains, qui auraient nécessairement toujours tort !

Pour un élu départemental et, plus encore, pour le président d’un exécutif départemental, c’est la quadrature du cercle au quotidien. Il faut faire cohabiter des élus de territoires extrêmement ruraux et des élus de territoires extrêmement urbains, qui ont tous une légitimité et qui doivent tous être animés par le souci de l’intérêt général départemental. Avançons donc aujourd'hui et cessons de les opposer !

Madame la ministre, votre proposition de seuil peut-elle évoluer encore un peu ? Essayons d’arriver à une taille convenable tout en tenant compte des spécificités locales ; ce sera d’ailleurs le rôle de la commission départementale de coopération intercommunale. Nous le savons, il existe certaines absurdités. Il est parfois impossible de faire travailler ensemble deux communes, d’ailleurs moins pour des raisons politiques, les deux maires pouvant être de la même sensibilité, qu’en raison de rivalités de clocher remontant à des temps immémoriaux.

À mon avis, les commissions départementales de coopération intercommunale permettront de prendre en compte de telles réalités. Cela devrait nous permettre de retenir votre idée d’un seuil sans pour autant violer les consciences ! (Exclamations.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Mme Catherine Morin-Desailly. Je profite du débat sur le seuil des 20 000 habitants pour interroger Mme la ministre sur les instructions qui ont été données aux préfectures au cours des derniers mois.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il n’y en a eu aucune !

Mme Catherine Morin-Desailly. Au lendemain des élections municipales, lors d’une réunion organisée à la préfecture de Haute-Normandie, en présence des 245 maires nouvellement élus, venus s’informer du fonctionnement de services auxquels ils pourraient avoir recours, j’ai eu la surprise d’entendre le secrétaire général considérer le seuil des 20 000 habitants comme acquis et inciter les édiles à s’organiser en ce sens.

J’ai dû intervenir pour lui signaler que le Parlement n’avait encore rien voté de tel, et il m’a répondu qu’il suffisait de lire la presse pour savoir que ce seuil serait retenu ! (Exclamations sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.) Assez choquée, il m’a fallu rappeler à nos collègues élus que nous étions encore en démocratie et que leurs représentants au Sénat ne s’étaient pas prononcés à ce stade.

Voilà qui explique pourquoi les élus se sentent sous pression et manifestent à juste titre leur étonnement, voire leur désaccord, en s’interrogeant sur l’opportunité d’élargir les intercommunalités avant même d’en avoir parlé ! Ils se sont rebellés contre les seuils, car ils veulent être acteurs de la stratégie de développement de leur territoire. Pour eux, un territoire, c’est aussi un bassin de vie, de projet et de développement ; ils en ont la responsabilité.

J’attire donc l’attention du Gouvernement sur les pressions exercées sur les élus avant même que les dispositions ne soient votées démocratiquement au Parlement. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. L’heure est à la recherche de la synthèse ! (M. Bruno Sido s’exclame.)

Je partage totalement l’analyse de notre collègue René-Paul Savary, pour qui le seuil des 40 000 habitants, c'est-à-dire celui d’une structuration autour des lycées, correspond à l’échelle de rationalisation de l’action publique. Je pense qu’il faut entendre ses propos, qui sont importants.

M. Bruno Sido. Ces compliments sont louches ! (Sourires.)

M. Ronan Dantec. En même temps, je rejoins notre collègue Michel Canevet sur la pertinence du raisonnement en termes de bassins de vie. Il faut que les citoyens s’identifient à un véritable territoire. Certes, il y a sans doute un travail de définition à mener. Faut-il reprendre celle de l’Institut national de la statistique et des études économiques ? Une définition culturelle est-elle préférable ? S’agit-il des pays ? Nous ne trancherons sans doute pas ce soir, mais je pense que, de toute manière, il faut creuser l’idée des bassins de vie.

Nombre de nos collègues, cela m’a particulièrement frappé, ont souligné que beaucoup d’intercommunalités fonctionnaient mal. Mme Catherine Morin-Desailly nous a apporté un début d’explication : il arrive que les habitants, voire les maires de deux communes ne s’entendent pas ! Certes, il existe également des intercommunalités où une belle dynamique se crée, par exemple autour d’un président consensuel. Néanmoins, ce n’est pas le cas partout, beaucoup d’intervenants ont insisté sur ce point.

Madame la ministre, les débats de ce soir nous offrent une solution : il faut des intercommunalités avec un seuil de 40 000 habitants, conçues autour des bassins de vie et des pays ! (Exclamations amusées.) Surtout, pour résoudre le problème des maires qui ne parviennent pas à se mettre d'accord, élisons les présidents des intercommunalités au suffrage universel direct ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Rémy Pointereau. Et supprimons les maires, tant que nous y sommes !

M. Ronan Dantec. Je vois que vous comprenez bien le raisonnement, mon cher collègue ! Et nous pourrions même élire demain les conseillers départementaux à la proportionnelle dans ces grands territoires.

Je pense donc avoir trouvé la solution qui permet d’avancer. Bien entendu, des esprits doivent encore mûrir sur certaines travées, mais vous ne me remercierez jamais assez d’avoir opéré la synthèse entre vous ! (Sourires sur les travées du groupe écologiste.)

Cela dit, ceux qui veulent ne toucher à rien, ou seulement à la marge, délivrent une nouvelle fois un message extrêmement problématique. Comme l’a souligné Mme la ministre, et nous en faisons tous le constat, les fractures s’aggravent. Certains territoires n’ont rien, tandis que d’autres bénéficient d’une manne, liée par exemple à une centrale thermique ou, dans certains cas, à une centrale nucléaire. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.) L’absence de répartition des richesses et de solidarité produit un climat anxiogène.

La synthèse que je viens d’esquisser ne sera peut-être pas retenue dès ce soir. Mais elle correspond à ce que ce sera un jour la réalité de notre pays, dans un avenir pas si lointain.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendlé, pour explication de vote.

Mme Catherine Troendlé. Dans un article, un ancien directeur général des collectivités locales, dont je ne me puis me rappeler le nom, a redessiné notre pays autour de douze à treize régions, de métropoles et de 4 500 intercommunalités, ce qui correspond d’ailleurs, si l’on fait le calcul, au fameux seuil des 20 000 habitants.

La suite de son propos était beaucoup plus grave ; j’espère que Mme la ministre nous rassurera à cet égard. Pour lui, les établissements publics de coopération intercommunale devaient, à terme, être dotés de compétences obligatoires. Or nous défendons tous le principe de la coopérative.

M. Ronan Dantec. Non ! Pas tous ! (Sourires.)

Mme Catherine Troendlé. En tout cas, cher collègue, nous sommes une majorité à défendre le principe selon lequel les transferts de compétences des communes vers les intercommunalités doivent s’effectuer sur la base du volontariat. Les compétences obligatoires signifient donc, à terme, la disparition de nos communes. J’aimerais que Mme la ministre nous rassure et nous convainque que nous ne sommes pas sur cette pente glissante.

Madame la ministre, vous avez évoqué avec maints arguments les nombreux petits EPCI, ruraux, qui n’ont pas les moyens, dont la population est mécontente, etc. Je conclurai simplement sur quelques maîtres mots : il faut avoir confiance dans les élus locaux ; ce sont des gens responsables, des gens de bon sens. (Mme la ministre acquiesce.)

On affirme que certains EPCI n’ont plus les moyens de fonctionner, mais il faut se demander pourquoi ! La baisse des dotations y contribue tout de même.

M. Claude Kern. Exactement !

Mme Catherine Troendlé. Lorsque des EPCI n’ont plus les moyens de fonctionner, par conséquent, il faut faire confiance aux élus pour nouer des rapprochements volontaires. On a parlé de « mariages forcés », qui ne fonctionnent pas. Cela s’est justement produit avec les EPCI qui ont été mis en place récemment. Certains ont été créés dans la douleur. Aujourd'hui, les élus ont besoin de s’apprivoiser, de prendre le temps de souffler un peu.

Madame la ministre, vous aviez annoncé un seuil de 20 000 habitants. Vous proposez aujourd'hui des assouplissements, des dérogations, ce qui prouve bien que, là encore, nous ne pouvons pas avancer à marche forcée.

Par conséquent, moi non plus, je ne pourrai voter votre amendement.