M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, corapporteur. Nous discuterons ultérieurement des conseils territoriaux de santé.

Toutefois, dans la mesure où la commission des affaires sociales du Sénat a supprimé ces instances, elle ne peut qu’être défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Pour des raisons différentes de celles de la commission, même s’il ne soutient pas la suppression des conseils territoriaux de santé, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

La démocratie sanitaire a les moyens de s’exprimer et de se faire entendre. Pour dire la vérité, ce n’est pas sur la procédure que je souhaite vous répondre, madame la sénatrice. Il faut être attentif à ne pas donner le sentiment qu’on met la réalité sous cloche et qu’aucune évolution ne peut jamais intervenir.

Dans le cas local que vous avez longuement évoqué, il y avait trois établissements pour deux autorisations, avec une sous-utilisation des équipements. Faire évoluer les choses dans un contexte de sous-utilisation des équipements n’est pas totalement anormal, pourvu que cela se fasse dans le dialogue, la concertation et l’intérêt des patients et de la population.

On ne peut considérer que l’intérêt des patients réside dans les structures d’il y a vingt ans. Ce qui existe aujourd’hui a-t-il vocation à valoir encore dans vingt ou trente ans ?

Nous devons tenir compte des mouvements de population, des évolutions de structures et de technologie. On ne saurait imaginer qu’on puisse conserver le même cadre, ne rien changer et se contenter d’ajouter des choses. Ce n’est pas la bonne façon d’envoyer des messages aux équipes médicales, qui ont aussi besoin d’entendre un discours de modernisation, d’implication, d’adaptation aux situations locales ou nationales.

Oui à la démocratie ! À 300 % ! Oui à la concertation ! Oui au dialogue ! D’ailleurs, c’est tout le sens des consignes que j’ai données aux agences régionales de santé, en leur rappelant qu’elles ne sont pas là uniquement pour mettre en œuvre des projets administratifs, mais qu’elles doivent aussi répondre à des enjeux politiques, au sens fort du terme, qui concernent la vie de la cité, la vie sanitaire, dans nos territoires.

Je comprends bien qu’un élu soit attaché non pas simplement à l’établissement de son territoire, mais à chaque service de cet établissement. Toutefois, ne faisons pas comme si la répartition des services au sein d’un établissement était immuable ! Comment alors créer de nouvelles structures ? Comment moderniser l’offre de soins ?

Madame la sénatrice, il nous faut aussi tenir un discours de modernisation, de mobilisation, de rénovation. C’est aussi ce qu’attendent les professionnels de santé et l’ensemble des Français.

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Yonnet, pour explication de vote.

Mme Evelyne Yonnet. J’ai bien entendu les propos de M. le rapporteur et de Mme la ministre. Il n’en reste pas moins que les élus ne sont plus représentés dans les ARS. Cela pose un véritable problème.

Je suis pour la rénovation, les nouveaux équipements et plein d’autres choses encore, mais, dans un territoire comme la Seine-Saint-Denis, très stigmatisé, les pathologies sont quelque peu différentes de celles qui peuvent être rencontrées dans les Yvelines ou les Hauts-de-Seine. Les élus sont donc amenés à développer, voire imaginer, des tas de choses pour soigner les habitants.

Le vrai problème, c’est que l’ARS n’est pas comptable des fermetures qu’elle décide. Les habitants ne connaissent pas cette structure, quand bien même nous essayons de leur expliquer son rôle. Il en est de même pour le SROS, le schéma régional d’organisation des soins, le SCOT, le schéma de cohérence territoriale, le PLU, le plan local d’urbanisme, et j’en passe. Tout retombe toujours sur le dos des élus locaux !

C'est la raison pour laquelle nous voulons que les élus locaux siègent au sein des ARS, dont ils ne sont plus membres, tout comme ils ne sont plus membres de la Haute Autorité de santé.

L’élu se bat quotidiennement. Aussi, pour qu’il puisse être reconnu et répondre aux habitants en toute connaissance de cause, il doit être présent lors de la prise de décision, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.

M. Gérard Roche. Nous touchons là au mal français actuel.

D’une part, les acteurs de terrain – élus ou médecins, par exemple – ont du mal à accepter l’autorité d’une ARS, qui apparaît bien souvent comme un commissaire politique dépendant plus de Bercy que du ministère de la santé.

D’autre part, j’ai bien entendu votre appel, madame la ministre, la difficulté de voir des acteurs de terrain être force de résistance, se repliant sans arrêt sur de petits intérêts locaux et régionaux et refusant de voir les problèmes dans leur globalité, alors qu’ils devraient être force de proposition pour moderniser le système.

Le jour où les acteurs de terrain seront force de proposition et que l’État cessera de penser qu’il a toujours raison et réalisera qu’il faut, de temps en temps, écouter les élus locaux, nous parviendrons à trouver des compromis et à avancer.

En attendant, nous serons toujours tentés d’adopter des amendements tels que celui-ci, contre l’avis de la commission et du Gouvernement. Vous avez raison, madame la ministre, mais cette situation est fâcheuse pour le législateur.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Je veux réagir à ce qui vient d’être dit. À vous entendre, les élus seraient des ringards, des femmes et des hommes qui résisteraient à la modernisation, tandis que le Gouvernement serait moderne et innovant !

Franchement, on est là dans un mode binaire, tout blanc ou tout noir. Or ce n’est pas la réalité !

Les élus, femmes et hommes de terrain, sont là pour être associés aux décisions. La démocratie s’exerce justement quand elle est partagée. Le problème des ARS, c’est précisément que cette démocratie n’est pas partagée. Les directeurs y exercent leur toute-puissance. C’était déjà le cas dans le cadre de la loi précédente, et, aujourd'hui, avec ce texte, ce système est encore renforcé.

Prétendre que les élus, s’ils sont présents dans ces instances, s’accrocheront à ce qui existe déjà ou devront expliquer la situation à la population, qui est tellement bête qu’elle ne comprend pas, me paraît vraiment extrêmement réducteur !

Les élus sont des femmes et des hommes de terrain, qui doivent prendre part aux décisions et peuvent influer sur celles-ci. Ils peuvent également, comme les habitants et les personnels, participer à la concertation. C’est précisément en créant un collectif qu’on pourra avancer, faire progresser les choses et innover, et non pas l’inverse !

C’est pourquoi nous voterons cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 100 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 207 rectifié, présenté par MM. Barbier et Requier, est ainsi libellé :

Alinéas 48 et 49

Rétablir les I et II de l’article L. 1434-9 dans la rédaction suivante :

« Art. L. 1434-9. - I. - Le directeur général de l'agence régionale de santé constitue un conseil territorial de santé sur chacun des territoires définis au 1° de l'article L. 1434-8.

« Le conseil territorial de santé est notamment composé de représentants des élus des collectivités territoriales, des services départementaux de protection maternelle et infantile mentionnés à l'article L. 2112-1 et des différentes catégories d'acteurs du système de santé du territoire concerné dont les organisations et ordres de professionnels de santé dotés d'une représentation territoriale. Il veille à conserver la spécificité des dispositifs et des démarches locales de santé fondées sur la participation des habitants. Il organise au sein d'une formation spécifique l'expression des usagers, en intégrant la participation des personnes en situation de pauvreté ou de précarité. Il comprend également une commission spécialisée en santé mentale.

« II. - Sans préjudice de l'article L. 3221-2, le conseil territorial de santé participe à la réalisation du diagnostic territorial partagé mentionné au III du présent article en s'appuyant notamment sur les projets des équipes de soins primaires définies à l'article L. 1411-11-1 et des communautés professionnelles territoriales de santé définies à l'article L. 1434-11.

« Il contribue à l'élaboration, à la mise en œuvre, au suivi et à l'évaluation du projet régional de santé, en particulier sur les dispositions concernant l'organisation des parcours de santé.

« Il est informé des créations de plates-formes territoriales d'appui à la coordination des parcours de santé complexes mentionnées à l'article L. 6327-2 ainsi que de la signature des contrats territoriaux et locaux de santé. Il contribue à leur suivi, en lien avec l'union régionale des professionnels de santé et les conseils régionaux des ordres de professions de santé.

« L'agence régionale de santé informe les équipes de soins primaires et les communautés professionnelles de territoire de l'ensemble de ces travaux.

La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Cet amendement vise à rétablir les conseils territoriaux de santé, les CTS, supprimés par la commission.

J’étais très hésitant quant au rétablissement de ces instances, l’expérience des conférences régionales de la santé et de l’autonomie n’ayant pas été très positive au cours des années passées. Toutefois, après réflexion, je me suis dit que, si l’on voulait réorganiser notre territoire, il fallait absolument prévoir une autorité, tout en maintenant la participation des élus à la concertation, comme c’est souhaité.

Permettez-moi de reprendre un exemple que j’ai déjà cité.

En 2008, une étude avait été menée sur la dangerosité ou l’efficacité des plateaux techniques dans notre pays : 137 d’entre eux avaient alors été considérés comme inefficaces, voire dangereux. À l’époque, le ministre de la santé avait souhaité engager une procédure pour résoudre ce problème. Cette affaire était tombée à l’eau, à la suite, bien évidemment, d’une révolte des élus locaux, qui s’étaient opposés à toute restructuration.

Malheureusement, même si les élus locaux doivent être consultés, il faut avoir une autorité étatique, par le biais des ARS, pour restructurer notre service d’hospitalisation, notamment. On le sait très bien, dans notre pays, entre 1 400 et 1 500 hôpitaux sont plus ou moins opérationnels, ce qui engendre des dépenses de santé excessives.

Enfin – c’est le dernier argument qui m’a décidé à déposer cet amendement –, avec le regroupement des régions que nous avons voté, si notre système de santé n’est pas organisé à l’échelle de ces nouvelles régions, nous assisterons à des luttes sanglantes entre les différents hôpitaux, notamment les CHU, pour savoir qui fait quoi dans chacune des régions regroupées.

M. le président. L'amendement n° 1076, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéas 48 et 49

Rétablir les I et II de l’article L. 1434-9 dans la rédaction suivante :

« Art. L. 1434-9. I. – Le directeur général de l’agence régionale de santé constitue un conseil territorial de santé sur chacun des territoires définis au 1° de l’article L. 1434-8.

« Le conseil territorial de santé est notamment composé de représentants des élus des collectivités territoriales, des services départementaux de protection maternelle et infantile mentionnés à l’article L. 2112-1 et des différentes catégories d’acteurs du système de santé du territoire concerné. Il veille à conserver la spécificité des dispositifs et des démarches locales de santé fondées sur la participation des habitants. Il organise au sein d’une formation spécifique l’expression des usagers, en intégrant la participation des personnes en situation de pauvreté ou de précarité. Il comprend également une commission spécialisée en santé mentale.

« II. – Sans préjudice de l’article L. 3221-2, le conseil territorial de santé participe à la réalisation du diagnostic territorial partagé mentionné au III du présent article en s’appuyant notamment sur les projets des équipes de soins primaires définies à l’article L. 1411-11-1 et des pôles de santé définies à l’article L. 1434-11.

« Il contribue à l’élaboration, à la mise en œuvre, au suivi et à l’évaluation du projet régional de santé, en particulier sur les dispositions concernant l’organisation des parcours de santé.

« Il est informé des créations de plates-formes territoriales d’appui à la coordination des parcours de santé complexes mentionnées à l’article L. 6327-2 ainsi que de la signature des contrats territoriaux et locaux de santé. Il contribue à leur suivi, en lien avec l’union régionale des professionnels de santé.

« L’agence régionale de santé informe les équipes de soins primaires et les pôles de santé de l’ensemble de ces travaux.

La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. La suppression, par amendement, des conseils territoriaux de santé entraîne des incohérences et nuit à la compréhension de l’organisation territoriale, en créant un vide entre le projet régional de santé, l’élaboration des diagnostics partagés et les contrats territoriaux ou locaux de santé, tous deux facultatifs.

Actuellement, il n’existe plus aucune instance de concertation clairement chargée de l’élaboration, de la mise en œuvre, du suivi et de l’évaluation du projet régional de santé, ainsi que de la participation à la réalisation du diagnostic territorial partagé.

Cet amendement vise donc à réintroduire les conseils territoriaux de santé tels qu’ils avaient été définis lors de l’adoption du texte par l’Assemblée nationale, qui reconnaissait, notamment, la nécessité d’une coordination élargie aux services départementaux de protection maternelle et infantile, les PMI, et aux personnes en situation de pauvreté ou de précarité.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 531 est présenté par Mmes Yonnet et Génisson, M. Daudigny, Mme Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, M. Durain, Mmes Emery-Dumas et Féret, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme D. Gillot et les membres du groupe socialiste et républicain.

L'amendement n° 1135 rectifié est présenté par MM. Amiel, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mme Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 48

Rétablir le I de l’article L. 1434-9 dans la rédaction suivante :

« Art. L. 1434-9. – I. – Le directeur général de l’agence régionale de santé constitue un conseil territorial de santé sur chacun des territoires définis au 1° de l’article L. 1434-8.

« Le conseil territorial de santé est notamment composé de représentants des élus des collectivités territoriales, des services départementaux de protection maternelle et infantile mentionnés à l’article L. 2112-1 et des différentes catégories d’acteurs du système de santé du territoire concerné. Il veille à conserver la spécificité des dispositifs et des démarches locales de santé fondées sur la participation des habitants. Il organise au sein d’une formation spécifique l’expression des usagers, en intégrant la participation des personnes en situation de pauvreté ou de précarité. Il comprend également une commission spécialisée en santé mentale.

La parole est à Mme Evelyne Yonnet, pour présenter l’amendement n° 531.

Mme Evelyne Yonnet. Aux termes de l’article 38, les conseils territoriaux de santé remplaceront les conférences de territoire. Cependant, leur composition, dans le texte tel qu’il a été adopté par la commission des affaires sociales du Sénat, reste la même que celle des conférences de territoire.

La composition des conseils territoriaux de santé créés dans le projet de loi et telle que définie par l’Assemblée nationale permet une meilleure appréhension de la réalité, ainsi que des besoins et des expériences des habitants.

Par ailleurs, il paraît essentiel de renforcer la place des élus au sein de cette institution, dans la mesure où ils ont une connaissance fine de leur territoire. Ces derniers constituent un élément important du dialogue territorial et sont souvent les traducteurs des décisions de l’agence régionale de santé auprès de nos concitoyens.

M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, pour présenter l’amendement n° 1135 rectifié.

M. Michel Amiel. Cet amendement vise à consacrer le conseil territorial de santé comme un outil essentiel de la démocratie sanitaire.

Par cet amendement, nous voulons accorder une place privilégiée à la psychiatrie, compte tenu de la spécificité de cette spécialité et du fait qu’elle est, pour employer un terme un peu fort, sinistrée.

En effet, bien souvent, les situations rencontrées en psychiatrie, d’ordre pénal ou social, recouvrent d’autres réalités que la question sanitaire. Le fait de créer une commission spécialisée au sein de ces conseils territoriaux de santé permettra d’engager une réflexion plus pointue, plus approfondie, sur la question psychiatrique.

M. le président. L'amendement n° 532, présenté par Mmes Yonnet et Génisson, M. Daudigny, Mme Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, M. Durain, Mmes Emery-Dumas et Féret, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme D. Gillot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 49

Rétablir le II de l’article L. 1434-9 dans la rédaction suivante :

« II. – Sans préjudice de l’article L. 3221-2, le conseil territorial de santé participe à la réalisation du diagnostic territorial partagé mentionné au III du présent article en s’appuyant notamment sur les projets des équipes de soins primaires définies à l’article L. 1411-11-1 et des communautés professionnelles territoriales de santé définies à l’article L. 1434-11.

« Il contribue à l’élaboration, à la mise en œuvre, au suivi et à l’évaluation du projet régional de santé, en particulier sur les dispositions concernant l’organisation des parcours de santé.

La parole est à Mme Evelyne Yonnet.

Mme Evelyne Yonnet. La création du conseil territorial de santé, en remplacement des conférences de territoire, a pour objet de renforcer le dialogue territorial entre les agences régionales de santé, les professionnels de la santé et les élus locaux. La participation des conseils territoriaux de santé dans les différents dispositifs d’organisation des soins est à la fois le moyen le plus sûr d’y parvenir et la conséquence la plus inéluctable.

Le projet régional de santé, le PRS, constitue l’un des outils principaux de l’organisation territoriale des soins. L’inscription dans la loi de la participation des conseils territoriaux de santé à l’élaboration, à la mise en œuvre, au suivi et à l’évaluation du PRS apparaît comme la meilleure garantie de l’effectivité du renforcement du dialogue territorial.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, corapporteur. La suppression des conseils territoriaux de santé par la commission des affaires sociales s’explique par plusieurs problèmes de fond. Outre un simple changement cosmétique de dénomination, ces instances n’étaient que la reproduction, quasiment à l’identique, des conférences territoriales de santé.

L’utilité de ces structures avait pourtant été fortement remise en question, aussi bien par la MECSS du Sénat, la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, que par la Cour des comptes.

La Cour des comptes, dans son rapport sur la sécurité sociale de 2014, a ainsi souligné un « risque d’essoufflement » du fonctionnement des instances de la démocratie sanitaire que sont les CRSA, les conférences régionales de la santé et de l’autonomie, et les conférences territoriales de santé.

Si les CRSA ont joué un rôle important durant le processus de concertation ayant précédé l’adoption de la première génération des PRS, l’apport des conférences de territoire ne paraît pas « avéré ». De nombreuses raisons ont été avancées à l’appui de ce constat : l’étroitesse de leurs missions réglementaires, l’hétérogénéité de leur fonctionnement, l’irrégularité de leur calendrier de réunion, la faiblesse de leur coordination avec les CRSA, la méconnaissance de l’ensemble des structures de la démocratie sanitaire, le manque de formation de certains de leurs membres, ainsi que l’absentéisme de ces derniers.

Le rapport de la MECSS du Sénat sur la mise en place des ARS faisait, quelques mois auparavant, un constat du même ordre, en relevant la « diversité de fonctionnement » des conférences de territoire et la « quasi-absence d’articulation » entre celles-ci et les CRSA, conduisant à une « grande mobilisation d’énergie pour un intérêt encore limité ». Les auteurs de ce rapport s’interrogeaient, dans leur conclusion, sur le point de savoir « si les conférences de territoire [devaient] rester obligatoires partout ».

Or, dans la rédaction qui nous est proposée, rien ou presque ne change. La définition des compétences de ces instances demeure presque inchangée, de même que leur composition, qui se voit simplement étoffée par la mention explicite de la présence d’élus locaux et de représentants de la PMI.

Surtout, il subsiste encore deux étages de concertation, avec les CRSA et les CTS, sans aucune précision de nature à améliorer la coordination : les CTS devraient donc toujours constituer des CRSA en miniature.

Enfin, des strates intermédiaires au sein de ces structures, telles que les commissions de coordination des politiques publiques de santé, demeurent.

On voit mal comment une telle réforme pourrait parvenir à remédier aux problèmes évoqués par les différents acteurs entendus par la MECSS du Sénat, qui portaient, notamment, sur la lourdeur des concertations à mener du fait d’une telle structuration de la démocratie sanitaire, sans que l’intérêt de la concertation menée au niveau des conférences de territoire soit véritablement démontré.

On s’interroge sur cette situation eu égard à l’ambition affichée avec ce projet de loi, présenté comme une réforme de simplification, et, surtout, au regard de l’absence de décision face à la dispersion – inutile ! – des énergies et des bonnes volontés, qui sont pourtant bien réelles au niveau local.

C’est pourquoi, sur l’initiative de ses rapporteurs, la commission des affaires sociales a décidé de supprimer ces instances, qui, en l’état actuel, ne semblent pas avoir d’autre effet que celui de complexifier le paysage de la démocratie sanitaire.

Toutefois, pour rassurer notre collègue Gilbert Barbier, je tiens à souligner que les CRSA et les conseils locaux de santé sont maintenus, car ils sont, selon nous, des acteurs plus opérationnels et mieux identifiés.

C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur les amendements nos 207 rectifié et 1076, ainsi que sur les amendements identiques nos 531 et 1135 rectifié.

Par voie de conséquence, la commission est également défavorable à l’amendement n° 532 relatif aux compétences des conseils territoriaux de santé, à savoir la participation à l’élaboration du diagnostic territorial partagé, ainsi que le suivi et l’évaluation du projet régional de santé.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Vous ne vous en étonnerez pas, mesdames, messieurs les sénateurs, l’avis du Gouvernement est très différent de celui de la commission.

Je voudrais profiter de cette occasion pour expliciter l’objectif recherché avec l’introduction des conseils territoriaux de santé.

L’avis est unanime, les conférences de territoire étaient un échec. Je ne le conteste pas, elles ne fonctionnaient pas. Toutefois, il ne s’agit pas de remplacer les conférences de territoire par un dispositif plus complexe encore, en s’« amusant » – ce n’est certes pas le terme que vous avez employé, monsieur le rapporteur ! – à rajouter une strate dans un paysage qui peut paraître compliqué.

Quel est l’enjeu ? Nous avons créé – c’est l’objet de l’article 12 bis – les communautés professionnelles territoriales de santé. Des projets émergeront donc sur l’initiative des professionnels de santé. Tout l’enjeu consiste précisément à créer un lieu où puissent être prises en compte les préoccupations exprimées tout à l’heure par Mme Yonnet, c’est-à-dire un lieu où les dynamiques professionnelles, les propositions d’offre de soins ou de services médico-sociaux, rencontrent un écho du côté des élus et des usagers.

C’est d’ailleurs pour cette raison que les associations d’usagers et les associations de patients plébiscitent la création des conseils territoriaux de santé : il s’agit d’un lieu où elles pourraient co-élaborer des projets de territoire.

Avec le dispositif des conférences de territoire, les agences régionales de santé imposaient d’en haut les projets qui devaient être mis en œuvre.

Avec les conseils territoriaux de santé, la logique est tout autre. L’ARS devient en quelque sorte spectatrice : elle devra s’assurer que les projets correspondent aux besoins d’un territoire. Mais les projets sont le fruit d’une véritable discussion, d’une élaboration collective, où chaque groupe – les professionnels, les élus et les usagers – exerce ses responsabilités propres. Ici, les dynamiques partent du terrain, à l’inverse de la dynamique administrative, qui était impulsée par l’agence régionale de santé.

La création des conseils territoriaux de santé, loin de constituer une réplique à l’identique de ce qui existait auparavant, correspond, comme en miroir, à la création des communautés professionnelles territoriales de santé en termes de démocratie sanitaire. Ainsi, les communautés professionnelles territoriales de santé ne seront pas suspendues dans le vide et ne seront pas sans lien avec la démocratie sanitaire, les associations et les élus.

Pour en revenir aux amendements en discussion, je suis favorable à la démarche qui sous-tend l’ensemble de ces amendements, mais la rédaction diffère d’un amendement à l’autre.

Concernant l’amendement n° 207 rectifié, la consultation obligatoire de l’Ordre des médecins ne me semble pas justifiée, puisque les missions des conseils territoriaux de santé sont clairement distinctes de celles qui sont remplies par les ordres des professionnels de santé.

C’est pourquoi je demande à M. Barbier de bien vouloir retirer l’amendement n° 207 rectifié au profit de l’amendement n° 1076 présenté par Mme Archimbaud, dont la rédaction est mieux adaptée.

Le Gouvernement est donc favorable à l’amendement n° 1076, malgré une imprécision de la rédaction : vous avez repris, madame la sénatrice, les termes de « pôles de santé » au lieu des termes « communautés professionnelles territoriales de santé ». Toutefois, je préfère que l’on réintroduise les conseils territoriaux de santé ; à charge pour l’Assemblée nationale de procéder ultérieurement à la rectification terminologique qui s’imposera.

Les amendements identiques nos 531 et 1135 rectifié ainsi que l’amendement n° 532 ont le même objet, mais ils ne visent qu’à rétablir partiellement les dispositions relatives aux conseils territoriaux de santé.

Comme ils seront satisfaits par l’adoption de l’amendement n° 1076, je demande à leurs auteurs respectifs de bien vouloir les retirer, au bénéfice de cet amendement.