Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Olivier Cadic.

M. Olivier Cadic. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les conclusions des deux rapports qui viennent de nous être exposées soulignent l’amélioration, depuis le dernier exercice, de la situation de la mission « Régimes sociaux et de retraite ».

Cette amélioration intervient après presque dix années de forte augmentation des crédits. Pouvons-nous, pour autant, nous en réjouir pleinement ? D’un point de vue purement financier, oui, dans la mesure où il est nécessaire de faire des économies partout où cela est possible.

La baisse des concours de l’État constatée aujourd’hui se justifie avant tout par l’effet de la diminution des effectifs des régimes fermés, qui entraîne une baisse des prestations qu’ils servent, mais également par l’effet des dernières réformes des retraites.

Cela dit, nous parlons bien d’un effort de solidarité nationale de 6,3 milliards d’euros à destination de onze régimes spéciaux de retraite en déséquilibre démographique pour financer les deux tiers de ces prestations, ce qui n’est tout de même pas négligeable.

Lors de l’examen en commission du rapport de notre collègue Agnès Canayer, je me suis interrogé sur l’état d’avancement du processus d’unification des régimes de retraite.

S’il est évident que les spécificités des métiers doivent être prises en compte – l’exemple des marins était parfaitement justifié concernant, notamment, la pénibilité –, il n’est plus pour autant nécessaire qu’elles le soient par le biais de régimes spéciaux qui répondent à des règles trop éloignées de celles qui sont applicables aux autres régimes.

Il faudrait que l’on prenne conscience que la pénibilité n’est, pour certains de ces métiers, sans doute plus la même aujourd’hui qu’à la création de ces régimes, et que ces derniers devraient donc évoluer, comme l’ensemble du système des retraites.

Si je prends l’exemple de l’âge de départ à la retraite, celui-ci était en moyenne de 56 ans et 4 mois à la SNCF – 52 ans et 4 mois pour les personnels roulants – et de 54 ans et 6 mois à la RATP en 2014, contre 63 ans en moyenne pour le régime général. La différence est-elle vraiment justifiée ?

Il a effectivement été acté dans les dernières réformes qu’un relèvement de l’âge de départ s’effectuerait progressivement pour les régimes de retraite de la SNCF et de la RATP à partir de 2017. Toutefois, ces efforts ont été demandés dès 2010 pour les autres salariés. Il est grand temps de prendre conscience que nos compatriotes ne comprennent plus en quoi se justifient ces régimes spéciaux et qu’ils ressentent un véritable sentiment d’injustice.

C’est pourquoi nous appelons de nos vœux une véritable réforme systémique, afin de garantir l’avenir et la justice du système de retraites. Une réforme d’ampleur, en profondeur, pourrait ainsi nous conduire vers l’institution d’un régime universel par points ou en comptes notionnels. Cela passerait nécessairement par une remise à plat de tout le système et par la définition de critères permettant d’assurer la prise en compte la plus juste des différentes situations.

Certes, il y aura prochainement des améliorations, et il faut espérer que, au minimum, la tendance à la baisse des crédits affectés à la mission « Régimes sociaux et de retraite » se poursuive. De même, et cela a été souligné dans les rapports, les efforts de gestion des caisses de retraite des régimes spéciaux devraient permettre d’aller dans ce sens, et nous le saluons.

Pour autant, parce que les crédits de cette mission sont présentés en baisse par rapport aux précédents exercices et que le contexte économiquement difficile que nous connaissons nous oblige à aller dans ce sens, mais tout en appelant à une importante réforme des régimes de retraite, le groupe UDI-UC votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais rappeler que la mission « Régimes sociaux et de retraite » recouvre des régimes en déséquilibre démographique, du fait de l’écart entre le nombre de cotisants et de pensionnés, comme cela a été souligné.

À ce titre, l’État est sollicité non pas pour subventionner les régimes, mais pour contribuer à l’équilibre des régimes sociaux et de retraite des transports terrestres, des marins, des mines et de la SEITA notamment.

Si le nombre de pensionnés a encore diminué en 2015, les crédits de la mission ont aussi décru. Cette diminution s’explique certes par la baisse du nombre de pensionnés, mais surtout par la très faible revalorisation des prestations et le report de la revalorisation pour 2015.

Je voudrais insister sur deux éléments précis : d’une part, les conséquences de la reconnaissance des mineurs licenciés lors des grèves de 1948, d’autre part, la négociation de la future convention d’objectifs et de gestion, la COG.

Le régime des mines représente 20 % des crédits de la mission en 2016 et occupe donc une part non négligeable dans notre discussion. Il possède une histoire intimement liée au mouvement ouvrier et à l’action syndicale. Ainsi, lorsque les mineurs ont entamé, le 4 octobre 1948, une grève en réaction à un projet du Gouvernement de démantèlement de leur statut et de baisse de leur rémunération, leur action fut violemment réprimée.

En plus des milliers de blessés et des dizaines de morts, plusieurs centaines de mineurs furent condamnés et emprisonnés pour « atteinte à la liberté de l’industrie et du travail » et de nombreux mineurs grévistes furent par ailleurs licenciés par la société des Houillères du Nord et du Pas-de-Calais, là où la grève débuta.

Depuis des années, les anciens mineurs ont fait de la reconnaissance de cette répression et du préjudice subi un combat pour l’honneur, appuyés par des élus locaux, des parlementaires, dont notre collègue Dominique Watrin, qui a fait entendre, au sein de cet hémicycle, leur voix.

Lors du projet de loi de finances pour 2015, la garde des sceaux a répondu à cette demande de justice. Aussi, alors que l’on ne connaissait l’an dernier qu’une trentaine de dossiers, cette reconnaissance a permis qu’une centaine de nouveaux cas se fassent connaître. Malheureusement, l’examen de ces dossiers est directement menacé par le cadre restrictif de la loi. À ce projet de loi de finances, nous avons donc déposé un amendement visant à garantir que tous les mineurs ou ayants droit concernés puissent accéder à cette reconnaissance, et ce indépendamment des contraintes administratives.

Devant l’engagement du ministère de la justice d’organiser une concertation avec les représentants syndicaux et Dominique Watrin, nous avons retiré cet amendement, que nous redéposerons si nécessaire dans le cadre du projet de loi de finances rectificative. Cette reconnaissance illustre en tout cas que des modifications remettant en cause cette logique de diminution inexorable des crédits peuvent avoir lieu, même si les régimes spéciaux sont fermés et que le nombre de pensionnés est en diminution.

Je voudrais également insister sur la négociation de la future convention d’objectifs et de gestion 2016-2020 avec ces régimes spéciaux. En effet, cet outil de gestion pluriannuel ne doit pas se transformer en simple outil pour organiser le remplacement des départs à la retraite par des logiciels informatiques. Nous avons vu encore récemment que l’absence de réflexion globale sur le non-remplacement des départs à la retraite à la CNAV a entraîné des cafouillages administratifs regrettables – c’est le moins que l’on puisse dire.

Selon la CGT, quelque 8 000 pensions auraient été versées en retard cette année. Mes chers collègues, je vous laisse imaginer le nombre de personnes qui ont dû connaître des difficultés. Il est donc indispensable que, lors de la négociation de la future COG, ces dysfonctionnements soient pris en considération, afin de mettre fin aux fermetures des accueils et de maintenir une présence physique dans les territoires, en parallèle des procédures informatiques.

Je voudrais, enfin, souligner que le décret pris par la ministre de la santé pour mettre en place un « droit opposable à la retraite » ne vise que le régime général et ne concerne donc pas les régimes spéciaux, ni les pensions de réversion. C’est lourd de conséquences pour les femmes concernées, qui se trouvent dans des situations inextricables. Je n’ai pas le temps de développer ce point, mais je souhaitais attirer votre attention, monsieur le ministre, ainsi que celle de mes collègues.

Pour l’ensemble de ces raisons, et devant la baisse des crédits affectés à la mission « Régimes sociaux et de retraite », le groupe CRC votera contre ce budget.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, le compte d’affectation spéciale relatif aux pensions des agents de l’État retrace les opérations relatives aux pensions des personnels civils et militaires, soit 57 milliards d’euros de dépenses, dont environ 54 milliards d’euros au titre des pensions de retraite au sens strict.

Les mesures d’économie transverses à l’ensemble du système de retraite contribueront en 2016 à en limiter la progression, comme cela a été dit. La modernisation de la gestion des retraites de l’État permet également d’illustrer que, sur ce segment comme sur les autres, il est possible de maîtriser les dépenses sans pour autant diminuer le niveau des prestations accordées.

Ces dépenses connaîtront en effet en 2016 une évolution modérée, d’un peu plus de 1 % par rapport à 2015, soit un rythme en fort ralentissement par rapport aux périodes antérieures. Cette modération est due à plusieurs facteurs, parmi lesquels, bien sûr, des facteurs démographiques et l’évolution de choix individuels, mais aussi l’effet des économies décidées non seulement par le gouvernement précédent – c’est le cas de l’augmentation de l’âge légal de départ –, mais aussi par la majorité actuelle, depuis 2012.

Il convient en effet de rappeler que la réforme des retraites de 2014 s’applique aux fonctionnaires comme à l’ensemble des travailleurs actifs. Je pense notamment au décalage de la date de revalorisation et à l’augmentation de la durée d’assurance à partir de 2019. La réforme des modalités de revalorisation décidée dans ce projet de loi de finances aura aussi des effets sur les pensions des fonctionnaires.

Les mesures de recettes s’appliquent à tous de manière indifférenciée, puisque la hausse des cotisations salariales, soit 0,3 point sur quatre ans, s’ajoute aux mesures décidées en 2010 et en 2012, ce qui se traduit par un effort significatif, qu’il ne faut pas nier, de contribution des fonctionnaires au redressement des comptes publics.

Les mesures de la réforme des retraites de 2014 contribuent déjà pour près de 400 millions d’euros à la maîtrise des dépenses de retraite de l’État et continueront à monter en charge.

Par ailleurs, l’année 2015 a été marquée par des avancées significatives dans le sens de la modernisation de la gestion des pensions, qui va de pair avec l’optimisation des coûts.

Ainsi, grâce à la centralisation progressive des activités au sein du service des retraites de l’État, le SRE, les ministères employeurs ne sont plus chargés de préparer le dossier de retraite des agents. Le dernier ministère concerné par ce mouvement, celui de la défense, transfèrera une partie de son activité dès le 1er janvier prochain. D’ores et déjà, pour une douzaine de ministères, le SRE assure seul l’ensemble de la relation avec les agents partant en retraite.

Grâce à l’ensemble des efforts de maîtrise, en 2016, le coût de gestion par ressortissant, qui avait été fixé à 27,1 euros dans le cadre du projet annuel de performance, ou PAP, annexé au projet de loi de finances pour 2015, est ainsi revu, dans le PAP pour 2016, à quelque 24,6 euros, soit une baisse de 10 %.

La mission « Régimes sociaux et de retraite » correspond, quant à elle, aux versements réalisés par l’État au bénéfice de onze régimes de retraite. Il est proposé d’ouvrir des crédits à hauteur de 6,3 milliards d’euros, soit 100 millions d’euros de moins que pour 2015.

Les caractéristiques démographiques de ces régimes sont similaires et marquées par un fort déséquilibre, en particulier pour des régimes fermés, qui n’acceptent plus de nouveaux cotisants, comme celui des mines ou de la régie des tabacs. Il est également très important dans les régimes des marins, des agents de la SNCF ou bien de la RATP. C’est parce que ces régimes sont dans l’impossibilité de s’autofinancer qu’ils font appel à la solidarité nationale.

En raison de l’arrivée à la retraite de générations nombreuses, les crédits de la mission n’avaient cessé d’augmenter ces dernières années : leur croissance avait été de 46 % entre 2006 et 2013. Ils ont légèrement diminué depuis lors et, comme en 2015, la contribution de l’État baissera de 1,5 % en 2016.

Je tiens à souligner ici encore que l’évolution de ces dépenses est, elle aussi, affectée par les mesures d’économies prises depuis 2012 et le sera encore davantage par l’augmentation progressive de la durée d’assurance à partir de 2019, puisque celle-ci s’appliquera bien à l’ensemble des régimes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Marc Laménie applaudit également.)

régimes sociaux et de retraite

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Régimes sociaux et de retraite

6 320 354 974

6 320 354 974

Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres

4 038 730 778

4 038 730 778

Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins

824 838 307

824 838 307

Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers

1 456 785 889

1 456 785 889

Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Ces crédits sont adoptés.)

compte d’affectation spéciale : pensions

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Pensions », figurant à l’état D.

ÉTAT D

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Pensions

57 204 650 226

57 204 650 226

Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d’invalidité

53 297 300 000

53 297 300 000

Dont titre 2

53 296 300 000

53 296 300 000

Ouvriers des établissements industriels de l’État

1 916 192 000

1 916 192 000

Dont titre 2

1 907 622 000

1 907 622 000

Pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et autres pensions

1 991 158 226

1 991 158 226

Dont titre 2

16 000 000

16 000 000

Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Ces crédits sont adoptés.)

Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d’affectation spéciale « Pensions ».

Remboursements et dégrèvements

Régimes sociaux et de retraite - Compte d'affectation spéciale : pensions
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Etat B

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».

La parole est à Mme la rapporteur spécial.

Mme Marie-France Beaufils, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Remboursements et dégrèvements » est la mission la plus lourde du budget de l’État : en 2016, quelque 100,2 milliards d’euros de crédits sont demandés, un montant quasiment stable par rapport aux crédits inscrits dans la loi de finances initiale pour 2015.

Les remboursements et dégrèvements d’impôts d’État devraient s’élever à 88,2 milliards d’euros en 2016, en baisse d’environ 3 milliards d’euros par rapport à la prévision révisée pour 2015.

Cette baisse prévisionnelle de 2,9 milliards d’euros, soit une diminution de 3,2 %, fait suite à deux années consécutives de forte augmentation des crédits alloués au programme. La baisse attendue en 2016 s’explique par deux facteurs principaux.

D’une part, l’augmentation anticipée du bénéfice fiscal des entreprises entre 2014 et 2015 s’élève à près de 10 % en raison de la reprise de la croissance. Aussi, les premiers acomptes versés par les entreprises en 2016 au titre des revenus de 2015 devraient être dans l’ensemble inférieurs au total de l’impôt dû et donner lieu à moins de restitutions.

D’autre part, les remboursements liés à la prime pour l’emploi connaissent une baisse drastique qui résulte de la suppression du dispositif, à compter de 2016, par la seconde loi de finances rectificative pour 2014.

En ce qui concerne les impôts locaux, les crédits demandés au titre des remboursements et dégrèvements s’élèvent en 2016 à quelque 11,97 milliards d’euros, traduisant une hausse de 325 millions d’euros, soit de 2,8 %, par rapport à la loi de finances initiale pour 2015.

Les dégrèvements de taxe foncière et de taxe d’habitation permettent notamment de constater une hausse du contentieux sur ces deux taxes, sans que celle-ci soit compensée par une baisse des demandes gracieuses. Peut-être faut-il voir dans ce phénomène une plus grande vigilance des collectivités territoriales quant à l’évolution de leurs bases fiscales, dans un contexte de forte diminution des concours de l’État.

Je souhaite également insister de nouveau sur l’importance de la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation. Au-delà des effets qu’elle aura en matière de justice fiscale et de justice entre collectivités, cette révision pourrait avoir des conséquences très importantes sur les dégrèvements d’impôts locaux si elle se traduisait par une baisse relative de la valeur locative des logements des ménages de condition modeste.

Enfin, mes chers collègues, je voudrais vous faire part des premières conclusions du contrôle budgétaire que j’ai commencé en 2015 et qui a porté sur le crédit d’impôt compétitivité emploi, le CICE. Je souhaite faire quatre remarques à cet égard.

En premier lieu, il est important d’avoir en tête que le CICE constitue une dépense fiscale extrêmement coûteuse : avec plus de 13 milliards d’euros en 2016, c’est la niche fiscale la plus importante du budget de l’État. La créance fiscale devrait ainsi atteindre près de 18 milliards d’euros en 2015, pour s’élever à plus de 20 milliards d’euros en 2017.

En deuxième lieu, le CICE fait peser une charge de gestion très importante sur l’administration fiscale. J’ai pu le constater lors d’une visite sur place à la direction régionale des finances publiques d’Île-de-France : le travail préalable de vérification d’un dossier de demande de CICE est très lourd.

En troisième lieu, l’analyse du profil des bénéficiaires du CICE fait ressortir que la présentation du dispositif ne correspond pas à la réalité de son fonctionnement. En effet, le CICE n’est pas concentré sur les entreprises effectivement soumises à la concurrence internationale, c’est-à-dire sur celles qui exportent.

En quatrième lieu, et enfin, l’efficacité du CICE n’est pas prouvée. Je tiens à signaler que ni le rapport de Jean Pisani-Ferry ni le récent rapport, abondamment cité par la presse, de l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, ne concluent à l’efficacité du dispositif. Les études montrent seulement que le CICE a baissé le coût de l’emploi ; c’est la moindre des choses pour un crédit d’impôt qui équivaut à un allégement de charges ! Toutefois, en ce qui concerne la compétitivité des entreprises françaises, qui ne dépend pas seulement du coût du travail, ainsi que l’emploi, le ton est nettement plus prudent, voire réservé.

Permettez-moi de faire quelques citations. Dans le rapport de l’INSEE, les économistes indiquent que le CICE devrait « se répercuter sur le taux de marge, mais [que son] impact précis est complexe à évaluer. » Le rapport du comité de suivi est plus circonspect encore ; il y est écrit, à la page 45, que « dans les grands groupes interrogés, notamment dans l’industrie, le CICE pèse peu dans les processus de décision » et, à la page 47, que « dans les [petites et moyennes entreprises] et plus encore [dans les très petites entreprises, le CICE] entre difficilement comme un élément prévisible dans les business plans. »

Ces éléments – issus de travaux non partisans, je le rappelle –, invitent à examiner plus en détail l’efficacité réelle du CICE en faveur de la compétitivité et de l’emploi sur nos territoires. Je poursuivrai donc ce contrôle en 2016 et pourrai ainsi compléter ces premières observations.

Je précise pour finir que la commission des finances propose d’adopter les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ». En revanche, à titre personnel, comme les autres membres de mon groupe, je voterai contre ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. André Gattolin applaudit également.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Maurice Vincent.

M. Maurice Vincent. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des finances, madame la rapporteur spécial, mes chers collègues, je veux simplement souligner quelques points relatifs à cette mission.

En ce qui concerne son architecture, il s’agit d’une des missions les plus lourdes du budget de l’État, avec plus de 100 milliards d’euros, soit 26 % des recettes fiscales brutes. Elle comporte deux programmes, les remboursements et les dégrèvements relatifs aux impôts d’État et ceux qui sont relatifs aux impôts locaux.

Par ailleurs, précisons d’emblée que, pour une grande partie des sommes en jeu, il s’agit de l’application de mesures assez techniques, puisqu’environ 70 % de ces 100 milliards d’euros s’expliquent par la gestion de la mécanique de l’impôt. Il y a néanmoins des dépenses qui relèvent des politiques publiques et de la gestion de l’impôt, en particulier les recours gracieux et contentieux.

Pour 2016, les principales tendances que l’on peut observer montrent, me semble-t-il, la prise en considération de davantage de justice sociale dans les politiques conduites.

En ce qui concerne les impôts d’État, une baisse de 3 milliards d’euros est prévue par rapport à 2015, baisse liée en partie, comme le disait à l’instant notre collègue Mme Beaufils, aux prévisions de croissance économique, donc au résultat des entreprises, ce qui conduira à moins de dégrèvements. C’est aussi dû à la restitution de la prime pour l’emploi, fusionnée en 2016 avec le RSA activité.

Par ailleurs, 2016 sera aussi l’année où les dégrèvements dont bénéficiaient les contribuables les plus aisés au titre du bouclier fiscal disparaîtront totalement ; il s’agissait tout de même de 450 millions d’euros en 2012.

En ce qui concerne les impôts locaux, les dégrèvements s’élèveront à près de 12 milliards d’euros, traduisant une hausse de 328 millions d’euros. Il s’agit principalement de la taxe d’habitation et de la taxe foncière.

En l’espèce, ces dégrèvements traduisent des décisions relevant de la justice sociale la plus élémentaire. Par exemple, le montant de la taxe d’habitation est plafonné à 3,44 % du revenu fiscal de référence ; quelque 9 millions de contribuables en ont bénéficié en 2015, pour une dépense fiscale de 3,3 milliards d’euros. De même, les ménages modestes sont exonérés de taxe d’habitation ; cette mesure concerne 3,7 millions de contribuables en 2015.

Si l’on rapproche ces décisions d’exonération de ce que je disais précédemment du bouclier fiscal, on voit dans cette politique, me semble-t-il, la différence très concrète qui existe entre des orientations de gauche et des orientations de droite.

Je veux également dire quelques mots du CICE, que vous évoquiez à l’instant, madame Beaufils. Il s’agit d’une mesure importante, qui va peser à hauteur de 20 milliards d’euros en 2020, mais qui s’inscrit dans la volonté de contribuer au redressement de la compétitivité des entreprises françaises. Il est vrai que ses effets sur la croissance et sur l’emploi seront forcément plus visibles à moyen ou long terme qu’à court terme.

Plusieurs rapports ont été rédigés à ce sujet, vous les avez évoqués, ma chère collègue. Ils dressent tout de même un bilan plutôt positif du dispositif, même s’ils lui adressent aussi des critiques. Selon l’enquête de conjoncture de l’INSEE, 60 % des entreprises comptent utiliser cette ressource en premier lieu pour l’investissement et l’emploi, ce qui est son objectif majeur.

Par ailleurs les petites et moyennes entreprises et les très petites entreprises – les PME et TPE – bénéficient pleinement du dispositif, en particulier parce que les rémunérations y sont plus basses en moyenne que dans les grandes entreprises.

Enfin, les entreprises de moins de 50 salariés recueillent aujourd’hui quelque 40 % de la créance totale du CICE, soit légèrement plus que celles de plus de 500 salariés. Ces entreprises bénéficient donc du dispositif et renforcent ainsi leur compétitivité, d’autant qu’elles profitent également de certaines améliorations en matière de trésorerie, au travers de l’action de la banque publique d’investissement Bpifrance.

Je suggère néanmoins que soient suivies les recommandations de la mission d’information parlementaire relative au CICE, afin d’améliorer encore l’efficacité de ce dispositif. Je pense en particulier à l’encouragement au dialogue social concernant son utilisation – cela ne peut pas faire de mal ! –, ainsi qu’à la possibilité d’accorder un avantage similaire au secteur non lucratif. C’est d’ailleurs ce que nous avons commencé de faire il y a quelques jours ici même, en adoptant deux amendements de notre collègue François Marc au profit des coopératives.

J’en termine en insistant sur la nécessité de renforcer encore la lutte contre la fraude fiscale ; ce n’est pas directement l’objet de cette mission, mais il y est tout de même beaucoup question de remboursement de taxe sur la valeur ajoutée, la TVA. Or on sait que la fraude sur cette taxe est estimée à 14 milliards d’euros par an en France ; des gains sont donc possibles. Enfin, en ce qui concerne la lutte contre la fraude liée à l’optimisation fiscale, le Sénat a également adopté un amendement il y a quelques jours.

Après ces observations, mes chers collègues, je vous indique que le groupe socialiste et républicain votera en faveur des crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)