Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Morisset, rapporteur pour avis.

M. Jean-Marie Morisset, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la prévention de l’exclusion et l’insertion des personnes vulnérables. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’avis de la commission des affaires sociales est centré sur le programme 177 consacré à l’hébergement et à l’accompagnement vers le logement.

Les crédits consommés en 2015, majorés de plus de 220 millions d’euros, soit une hausse de 16 %, par rapport à la loi de finances initiale, n’ont pas permis de faire face aux besoins croissants, une demande d’hébergement sur deux restant sans réponse.

Or les crédits demandés pour 2016 sont inférieurs de plus de 85 millions d’euros au montant qui sera consommé en 2015, soit une différence de moins 5 %. Des crédits supplémentaires seront sans aucun doute apportés en cours d’exercice.

Cette insincérité budgétaire – comme je l’avais souligné l’année dernière – ne permet pas aux acteurs associatifs de disposer de la visibilité nécessaire pour inscrire leur action dans la durée.

Outre leur insuffisance récurrente, c’est la répartition des crédits entre l’accompagnement vers le logement et la réponse à l’urgence qui pose problème.

En effet, tous les ans, on constate qu’une partie des crédits destinés à financer le logement adapté est réaffectée en cours d’exercice vers l’hébergement d’urgence. De plus, l’augmentation du nombre de places d’hébergement sur les dernières années a concerné essentiellement l’hébergement d’urgence et l’hôtel, le nombre de places en centres de réinsertion demeurant stable.

La réussite du plan de résorption du recours à l’hôtel suppose de sortir de la gestion de l’urgence qui caractérise actuellement le programme 177, ce que les crédits demandés ne permettent pas d’envisager. S’il est bienvenu, ce plan ne permettra vraisemblablement que de ralentir la progression du nombre de nuitées hôtelières, mais nullement de le réduire.

Enfin, Le programme 177 est fortement affecté par la crise migratoire actuelle, en raison à la fois de la saturation des dispositifs spécifiques et du nombre de personnes en situation irrégulières qui ne souhaitent pas demander l’asile en France ou dont la demande a été rejetée.

On peut noter la progression de plusieurs chantiers devant conduire, à terme, à améliorer le pilotage budgétaire de la politique d’hébergement. Je pense à la mise en œuvre des services intégrés d’accueil et d’orientation, les SIAO, ainsi qu’à l’étude nationale des coûts et à la généralisation progressive sur les territoires des diagnostics territoriaux.

Malgré cela, la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur l’adoption des crédits de la mission, en raison de l’insincérité et de l’insuffisance des crédits du programme 177. (M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Létard.

Mme Valérie Létard. Madame la présidente, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, d’une année sur l’autre surgissent les mêmes travers, reviennent les mêmes questions.

Une fois de plus, le périmètre de la mission a été largement modifié à la suite du transfert à l’État du financement de l’allocation de logement familiale.

Une fois de plus, les crédits inscrits en loi de finances sur le programme 177 et le programme 109 sont insuffisants et doivent faire l’objet d’abondements importants en cours d’année, ce qui, comme le remarque notre rapporteur de la commission des affaires économiques, pose la question de la sincérité de ce budget.

Autre travers constant, celui de la boulimie législative relancée par l’annonce d’un volet logement dans le projet de loi « égalité et citoyenneté », actuellement en préparation. Souhaitons, madame la ministre, que ce texte permette des simplifications bienvenues et, surtout, qu’il soit le point de départ d’une stabilisation des dispositifs, gage de sécurité et de confiance pour les ménages et tout le secteur de la construction et du logement.

Car une autre constante existe depuis 2012, celle de la baisse ininterrompue des permis de construire et des mises en chantier : plus de 55 000 emplois perdus dans le bâtiment entre octobre 2013 et avril 2015 ; sur les 150 000 logements sociaux programmés en 2014, seulement 106 414 ont été réalisés ; un objectif de 500 000 logements par an, mais 350 600 mises en chantier sur un an à fin septembre 2015. Les derniers chiffres semblent indiquer une légère reprise ; il était important qu’elle arrive ; espérons qu’elle durera.

Permettez-moi de revenir rapidement sur quatre points de cette mission.

Premièrement, le vote en première lecture par l’Assemblée nationale du renforcement, à hauteur de 96,02 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, des crédits de l’hébergement d’urgence du programme 177 au titre de l’engagement de la France à accueillir 30 000 réfugiés, dont une partie pour l’hébergement d’urgence et l’autre – 26 millions d’euros – pour l’APL.

De son côté, le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, a abondé les moyens alloués à l’immigration et à l’asile de 72,4 millions d’euros, dont une partie sera consacrée à l’aide aux communes pour l’hébergement et le logement des personnes réfugiées et l’autre à la prise en charge des demandeurs d’asile.

Madame la ministre, j’aimerais comprendre comment vont s’articuler les programmes 303 et 177 ? Entre hébergement d’urgence et hébergement de demandeurs d’asile, le tout avec des financements de chaque côté, on a beaucoup de mal à voir comment tout cela va évoluer. Quels sont ces 30 000 réfugiés appelés à être pris en compte dans le cadre des dispositifs d’hébergement de droit commun ? On comprend la nécessité d’un financement supplémentaire, mais combien de personnes peuvent être accueillies aujourd’hui dans de bonnes conditions dans le cadre de cet hébergement d’urgence de droit commun, déjà « embolisé » par l’accompagnement de déboutés du droit d’asile et de personnes en situation irrégulière ? On a beaucoup de mal à comprendre comment les deux cadres budgétaires vont pouvoir coexister et ce qui va se passer d’amont en aval du dispositif.

Deuxièmement, le financement pérenne de l’Agence nationale de l’habitat – sujet déjà évoqué lors de la discussion de l’article 14. On ne peut remplir les objectifs ambitieux de rénovation énergétique, en particulier ceux du parc privé, comme nous l’ont précisé les deux rapporteurs, si nous ne donnons pas à l’Agence, eu égard au nombre croissant de missions qui lui sont confiées, les moyens pérennes de son action.

Dans le débat sur le projet de loi relatif à la transition énergétique pour une croissance verte, j’avais proposé de créer un fonds de financement de l’ANAH. La question reste plus que jamais d’actualité. On a rappelé que le FART était bien pris en compte pour 2016, mais que se passera-t-il ensuite ?

Vous savez que deux politiques nouvelles ont été affectées à l’ANAH : les conventions financières avec l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, et les programmes de requalification des centres-bourgs. Or ces deux nouvelles missions dévolues à l’ANAH n’ont pas de traduction financière.

Ce n’est pas dramatique pour 2016, qui est une année charnière, mais où trouver les ressources pour 2017 ? Comment accompagner ces deux nouvelles politiques publiques qui vont monter en puissance alors qu’il a fallu, afin de pouvoir boucler le budget, supprimer les crédits « Habiter mieux » pour les ménages modestes ? Comment mettre en place un programme Habiter mieux à la hauteur des ambitions de la COP 21, c’est-à-dire à même de financer les ménages modestes ? Comment le ministère de l’environnement et le ministère du logement peuvent-ils utiliser les moyens du fonds de transition énergétique pour servir les ambitions de la COP 21 et les besoins de notre pays ?

Troisièmement, la réforme à la marge des aides au logement engagée dans cette loi de finances. Bien que le terrain ait été préparé, que les rapports soient nombreux et que l’effet inflationniste de ces aides ait été largement dénoncé, le Gouvernement peine à les réformer de manière structurelle.

Pour ma part, je retiendrai la sixième recommandation de la Cour des comptes qui nous invite à réfléchir à une fusion des APL avec les minima sociaux et la prime d’activité. Et je souhaiterais que le Sénat puisse être force de proposition sur cette question.

Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Valérie Létard. Quatrièmement, l’effort de construction. La question du foncier reste primordiale dans les zones tendues.

Mme Valérie Létard. La Commission nationale de l’aménagement, de l’urbanisme et du foncier a présenté, dans son rapport de janvier 2015, une évaluation relative à la mobilisation du foncier public, laquelle est loin d’être satisfaisante à ce stade.

En conclusion, sur le foncier, comme sur la garantie universelle des loyers, la GUL, et comme sur bien d’autres dispositifs revus depuis 2012, la législation a été rendue toujours plus complexe au détriment de l’efficacité. C’est toute la chaîne du logement qui en pâtit.

Comme nous l’avons dit en commission des affaires économiques, notre groupe se trouve en difficulté pour aborder positivement une proposition de budget qui n’est pas à la hauteur des ambitions. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)

M. René-Paul Savary. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, une fois encore, je constate que les crédits « logement » ne sont pas à la hauteur des besoins et, en tout état de cause, pas de nature à répondre à la crise qui conduit au mal-logement de plus de 3,5 millions de nos concitoyens.

Nous sommes bien loin des 150 000 logements sociaux par an, promis par le Président de la République, puisque la prévision de réalisation pour 2015 correspond à 108 000 logements.

M. Michel Le Scouarnec. Les objectifs pour 2016 sont de 135 000 logements, dont seulement 35 000 logements très sociaux financés à l’aide d’un prêt locatif aidé d’intégration, ou PLAI. Or je rappelle qu’au moins 1,7 million de nos concitoyens attendent un logement social.

À l’heure où la courbe du chômage tarde, hélas ! à s’inverser, nous estimons qu’il est urgent d’engager réellement un effort de construction permettant de conforter le secteur du bâtiment qui a perdu, selon la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, ou CAPEB, plus de 51 000 emplois.

Concernant l’hébergement d’urgence, nous regrettons la sous-budgétisation chronique de ce programme, même si un effort a été consenti pour répondre à l’urgence humanitaire que représente l’accueil des migrants.

Pour autant, le nombre de personnes hébergées à l’hôtel ne cesse d’augmenter ; le 115 ne répond plus. Trop de nos concitoyens dorment dans la rue, alors même que le droit au logement est un droit constitutionnel qui devrait conduire notamment à accroître le nombre de places en centre d’hébergement et de réinsertion sociale, ou CHRS.

S’agissant des aides personnelles, les crédits ont fortement augmenté. Ils traduisent la reprise des financements par le budget de l’État, mais témoignent aussi de la violence de la crise sociale. La volonté du Gouvernement de maîtriser cette dépense, notamment au travers de l’article 55, est légitime, mais malheureusement vouée à l’échec. Nous pouvons nous interroger sur le mouvement engagé dans les années soixante-dix, qui a conduit à la montée en puissance des aides à la personne au détriment des aides à la pierre. Nous contestons cette évolution en considérant que, si l’offre de logements était plus importante, le marché serait moins tendu, les loyers moins chers et la masse globale des APL serait par conséquent moins lourde pour les finances publiques.

À nos yeux, la solution pour contenir le niveau des aides au logement doit s’appuyer davantage sur le niveau de l’effort de construction, donc sur l’offre.

Concrètement, les APL sont aujourd'hui nécessaires pour nombre de nos concitoyens, afin de se loger dignement. Nous demandons leur versement au premier euro, dès le premier mois. D’ailleurs, nous trouvons tout à fait inefficace d’arrondir ces aides à l’euro inférieur, mais c’est un détail.

Je veux également attirer votre attention sur le fait que le budget de l’action 3, Sécurisation des risques locatifs, est en nette diminution. Cela traduit la baisse d’ambition du Gouvernement, qui a renoncé à l’instauration de la garantie universelle des loyers, la GUL. Nous regrettons l’abandon de ce dispositif, qui, grâce à nos amendements, permettait la prise en charge des accidents de loyers des locataires. C’était une avancée réelle.

Le Gouvernement a remplacé ce dispositif par la caution locative étudiante. Bien que positive, son périmètre est largement restreint. Un autre dispositif, VISALE, devrait bientôt entrer en vigueur. Il serait financé par le 1 % logement – en fait, 0,45 % – et prendrait la forme d’un cautionnement pour les plus précaires. Nous regrettons que ce futur dispositif n’ait pas un caractère universel.

J’en viens à ce qui nous semble aujourd’hui le plus problématique, à savoir le désengagement de l’État du financement de la construction publique. Le premier problème que nous identifions est la baisse des dotations aux collectivités. En effet, l’effort de production est porté principalement, depuis des années, par les collectivités territoriales, et tout particulièrement les communes. Baisser leurs dotations, c’est aussi pénaliser la construction.

Ce projet de loi de finances tend à créer un fonds national des aides à la pierre, ou FNAP. Ce changement de gouvernance marque le fait que les crédits de l’État ne constituent plus l’essentiel du financement des aides à la pierre. Nous déplorons un tel désengagement, en considérant que le financement des aides à la pierre majoritairement par les bailleurs sociaux, au travers de la Caisse de garantie du logement locatif social, revient à faire peser l’effort de construction sur la solidarité entre les locataires. La participation des bailleurs représente ainsi 370 millions d’euros, contre un apport de l’État de 100 millions d’euros, transformés en cours d’examen en 250 millions d’euros.

Il aura ainsi fallu la fronde du secteur HLM et des associations de locataires pour que le Gouvernement fasse marche arrière et renonce à aller au bout de sa logique d’externalisation du financement de la politique du logement.

Par ailleurs, les aides à la pierre concernent aujourd’hui les seuls logements des prêts locatifs aidés d’intégration, les PLAI. La subvention unitaire est stabilisée à 6 500 euros, ce qui semble bien peu au regard du coût de la construction. Elle était de 12 000 euros en 2010 ; elle a donc été divisée par deux en six ans. Cela relativise largement la nouvelle aide accordée aux maires bâtisseurs, à hauteur de 2 000 euros par logement construit. Le compte n’y est pas !

À ce titre, on peut également déplorer que la Caisse des dépôts et consignations ne joue pas suffisamment son rôle de levier.

Nous proposons depuis plusieurs années l’instauration d’un prêt à taux zéro pour les offices d’HLM. M. le Président de la République est allé en ce sens, en annonçant lors du congrès HLM la baisse du taux de commissionnement des banques au titre de l’épargne réglementée. Cela va dans le bon sens, mais il faut aller plus loin.

Nous regrettons, enfin, que ce projet de loi de finances encourage l’investissement locatif au travers du dispositif Pinel – nous n’avons rien contre vous personnellement, madame la ministre –, qui conduit encore une fois à ce que les sommes liées aux dépenses fiscales dépassent les crédits de la mission. Nous ne partageons pas cette orientation, qui fait que, pour un euro dépensé en faveur d’une intervention directe de l’État, près de deux euros sont consacrés à la défiscalisation. D’ailleurs, il y a pléthore de dispositifs…

Pour le droit au logement, nous avons besoin d’une politique publique ambitieuse permettant la construction de 500 000 logements par an, économes en énergie et garantissant le droit à chacun d’y accéder et de s’y maintenir. Il y va de notre intérêt à tous. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Madame la présidente, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le budget qui nous est présenté pour le logement doit être considéré au regard non seulement de la mission que nous examinons, mais aussi de l’ensemble de la politique gouvernementale mise en œuvre. Je pense notamment à la politique fiscale, qui a de plus en plus d’importance en matière de logement.

Ce budget intervient à un moment où l’horizon se dégage dans le secteur du logement et de l’immobilier. Le nombre de permis de construire est reparti à la hausse, avec une augmentation de 3 % pour la période d’août à octobre 2015 par rapport à la même période l’an dernier. Les mises en chantier progressent depuis quatre mois, et on repasse au-dessus des 350 000 logements.

Les professionnels de l’immobilier, peu coutumiers de grandes déclarations optimistes, estiment que la reprise est désormais engagée et qu’elle devrait se confirmer. Tout cela ne tombe pas du ciel, il aura fallu des politiques gouvernementales pour soutenir ces activités. Le dispositif dit Pinel de soutien à l’investissement locatif, singulièrement amélioré et renforcé en 2014, a manifestement eu un effet très positif dans cette reprise.

Mais considérons les choses de plus près. Cette mesure contracyclique ne doit pas s’installer dans la durée, ce afin d’écarter tout effet inflationniste. À l’heure actuelle, les dérives d’hier semblent avoir été évitées. Le dispositif paraît donc bien calibré.

En tout cas, dans le secteur de l’investissement locatif, on peut espérer un effet booster de la mise en œuvre opérationnelle du logement locatif intermédiaire, qui monte en puissance. Les dispositifs d’amélioration de la TVA, le Fonds de logement intermédiaire et les mécanismes juridiques étant en ordre en marche, on devrait voir cette année les concrétisations de cette politique, destinée à soutenir la construction et à offrir des logements à coût abordable aux classes moyennes.

Je veux saluer les récentes décisions du Président de la République et du Gouvernement concernant l’accession sociale à la propriété. Le doublement de la quotité finançable dans le neuf, le renforcement du différé de remboursement et l’augmentation des plafonds de ressources sont à l’évidence des éléments favorables.

De ce point de vue, madame la ministre, j’espère qu’on ne manquera pas d’observer l’évolution des prix. Le plafond de ressources étant assez haut, il ne faudrait pas qu’on assiste à des effets inflationnistes. J’espère que le Gouvernement restera attentif à cette question.

Nous avons voté, dans le cadre de la première partie de ce projet de loi de finances, l’expérimentation d’un foncier différé pour l’accession très sociale. J’espère qu’elle sera retenue par le Gouvernement. Cette orientation très sociale viendrait compléter les mesures en faveur de l’accession sociale à la propriété. Tous ces éléments concourront, madame la ministre, à soutenir la construction.

Avant d’évoquer la construction de logements sociaux, je veux saluer l’arbitrage gouvernemental concernant les APL et soutenir les améliorations apportées par nos collègues députés.

Je le sais bien, il existe une forte pression pour baisser les crédits de l’aide à la personne. Malgré tout, au regard de la situation de nos concitoyens en termes de chômage et de précarité, ces aides constituent aujourd'hui un amortisseur social. Je connais les arguments relatifs à leur éventuel effet inflationniste. Pour autant, la baisse de ces aides ne m’aurait pas paru une idée judicieuse. J’approuve la position du Gouvernement, qui n’a pas cédé aux sirènes de ceux qui voulaient « fermer les robinets de l’APL » tout en refusant la régulation des loyers.

Pour contrer tout effet inflationniste, il faudra sans doute, un jour, baisser le montant des aides à la personne, mais à la condition d’avoir régulé les loyers. Force est de le constater, le Gouvernement a fait le bon arbitrage en ne cédant pas à la tentation d’une baisse drastique des aides à la personne.

Au demeurant, nous constatons que le taux d’effort moyen de nos concitoyens pour se loger ne cesse de croître depuis dix à quinze ans. C’est préoccupant, car cette situation pèse sur le pouvoir d’achat, notamment, des plus démunis.

J’évoquerai rapidement le Fonds national d’aide au logement, le FNAL. Nous sommes quelque peu indécis s’agissant de la proposition de transférer au FNAL des sommes auparavant destinées à l’aide à la pierre dans le logement social, via la CGLLS. Il s’agit notamment des aides fiscales accordées en cas de plus-values immobilières, lors de la vente d’un bien destiné à la réalisation de logements sociaux. Une telle disposition pose une vraie question, dont nous voulons débattre, celle des aides à la pierre.

Les agréments de logements sociaux augmentent, ce qui constitue un point positif. Par ailleurs, le budget consacré à l’aide à la pierre progressera cette année. Au-delà du débat sur l’opportunité de ce fonds d’aide à la pierre, où je fais partie de ceux qui craignent qu’un tel fonds ne soit une étape vers le désengagement de l’État, notre groupe sera très vigilant s’agissant des garanties apportées sur le montant des aides et la partie budgétaire de celles-ci. Nous veillerons également à ce que cette décision n’implique pas, car ce serait redoutable, une augmentation de la cotisation des organismes d’HLM adossée aux loyers.

Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. En conclusion, au-delà des efforts du Gouvernement en matière fiscale pour soutenir le mécanisme de la COP 21 et de la transition énergétique, qui est en marche dans notre pays, ce budget concourt, selon moi, au renforcement de la construction, donc à l’emploi. Par ailleurs, il est de nature à améliorer l’accès au logement. Par conséquent, au-delà des questions que nous nous posons sur l’aide à la pierre, que nous souhaiterions voir garantie par le Gouvernement, notre groupe votera ce budget, amendé par l’Assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Madame la ministre, je souhaite, dans le peu de temps qui m’est imparti, aborder trois sujets de transparence et d’équité s’agissant de la politique du logement.

Je fais partie des parlementaires ayant eu l’occasion de travailler, voilà une quinzaine d’années, à la mise en place de la loi organique relative aux lois de finances, qui recommande que, pour chaque politique publique, nous disposions d’une évaluation à coût complet de la politique mise en œuvre par l’État. Bien évidemment, une telle disposition s’applique au ministère du logement comme aux autres ministères.

Or, depuis janvier 2013, a été mise en place la loi dite « Duflot », qui recense un certain nombre d’actifs fonciers de l’État susceptibles de contribuer à des opérations de construction.

Même si le rythme de mobilisation de ces terrains est très lent, c’est une politique légitime et sans doute souhaitable, afin de concourir à l’effort de production de logements.

Le problème, c’est que ces actifs, qui sont affectés à d’autres ministères, ne sont pas pris en compte dans le budget du ministère du logement. Cela signifie qu’aujourd’hui contribuent à la politique du logement sur leur budget au travers du droit de retour qu’ils ont d’autres ministères. Nous avons ainsi cédé à ce jour, si je me reporte aux derniers chiffres donnés pour l’exercice 2015, 122 millions d’actifs fonciers de l’État, pour 47 millions d’euros.

Une décote de 75 millions d’euros a donc été appliquée aux budgets de différents ministères – le ministère de la défense ou le ministère des affaires étrangères, notamment – sans que cette opération ne soit retracée dans les comptes du ministère du logement.

Cette décote représente pour l’État un manque à gagner. Je souhaite donc qu’elle fasse l’objet d’une consolidation, au même titre que les dépenses fiscales mises en œuvre dans le cadre de la politique du logement – il s’agit bien d’une moindre recette, donc d’une dépense fiscale.

La conséquence, c’est que les crédits de votre projet de budget, madame la ministre – c’est une bonne nouvelle pour vous : cela signifie qu’ils progressent ! – sont en réalité supérieurs de 75 millions d’euros à ceux que voteront les parlementaires !

Mais il s’agit d’une mauvaise nouvelle pour la transparence budgétaire. C’est là le premier problème que pose l’application de la loi Duflot.

Deuxième problème : ce ne sont pas vos services, madame la ministre, qui déterminent le taux de la décote, mais ceux des communes.

Ce sont elles, en effet, qui exercent la compétence en matière de politique du logement et de politique foncière, et qui déterminent à quel coût l’opération de construction peut être réalisée.

Certaines collectivités territoriales, et en particulier la Ville de Paris, bénéficient ainsi d’une sorte de droit de préemption sur le budget de l’État, qui n’est pas sans poser un problème d’équité entre les collectivités.

En effet, sur la plus grande partie du territoire, en dehors de l’Île-de-France, la plupart des collectivités doivent faire l’effort de trouver du foncier qu’elles dédieront gratuitement à la construction de logements sociaux. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Si de tels terrains existaient partout, ça se saurait !

M. Michel Bouvard. Elles doivent même accorder des subventions aux organismes de logement afin de les aider à boucler les opérations. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame de nouveau.)

M. Alain Néri. C’est le cas partout !

M. Michel Bouvard. Dans le même temps, d’autres collectivités connaissent une situation d’exception, qui se traduit par des décotes faramineuses au service de la construction d’un très petit nombre de logements.

Un exemple me vient spontanément à l’esprit, celui de la bibliothèque universitaire de l’Institut national des langues et civilisations orientales : le montant de la décote s’est élevé à 4,8 millions d’euros, sur une valeur vénale totale de 6,2 millions d’euros, pour produire 18 logements, soit 267 000 euros de décote par logement !

Cette question mérite que nous progressions ensemble. Cette pratique, qui pose de vrais problèmes de transparence et d’équité, n’est en effet pas saine du point de vue budgétaire !

M. André Trillard. C’est bien d’en parler !

M. Michel Bouvard. J’aborde brièvement un autre sujet : celui des zonages.

Madame la ministre, je m’efforce depuis des années, avec d’autres, de faire évoluer le zonage des aides à l’habitat et à la construction. Le critère actuellement retenu est celui de la pression locative existante, donc de la longueur des listes d’attente des organismes de logement. Il ne tient aucun compte ni du coût du foncier, ni de celui des constructions, ni du niveau des loyers.

Autrement dit, nous avons depuis plusieurs décennies, sous tous les gouvernements, sanctuarisé un système qui crée de profondes iniquités.

Je demande de nouveau, solennellement cette année, que l’on puisse revoir cette question. Qui croira que les salariés des grandes stations de sport d’hiver – notamment les enfants du pays – peuvent s’y loger à des prix comparables à ceux qui sont pratiqués dans les Landes, en Corrèze ou en Lozère ? Personne !