M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le président, madame la vice-présidente de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici réunis pour examiner les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports publics de voyageurs.

L’une des priorités de l’action du Gouvernement en matière d’ordre public est de garantir partout en France le droit fondamental à la sécurité dont chaque Français doit pouvoir jouir lors de ses déplacements.

Chaque jour, sur l’ensemble du territoire national, des millions de Français et de visiteurs étrangers empruntent les transports publics. Ces derniers constituent donc un élément central dans la vie quotidienne de la plupart de nos concitoyens. Qu’il s’agisse du bus, du métro, du tramway ou encore du train, les transports publics constituent à la fois une condition de notre liberté de circulation, un facteur de développement économique et un atout pour notre industrie touristique. Il est donc de notre responsabilité de faire en sorte que nos concitoyens qui les utilisent puissent le faire en toute tranquillité, sans craindre d’être victimes de la délinquance ou, a fortiori, d’une entreprise terroriste.

Je veux rappeler que ce texte est d’abord le résultat de nombreux échanges, particulièrement riches et fructueux, conduits durant plusieurs mois entre l’État, les opérateurs de transports et les parlementaires.

En effet, le 16 décembre 2014, le Comité national de la sécurité dans les transports en commun, le CNSTC, après un long travail réalisé en amont, a proposé un premier train de mesures contre la fraude, que reprend la proposition de loi. Celle-ci a donc largement bénéficié du dialogue que le Gouvernement a su renouer avec l’ensemble des transporteurs, puisque, dès le mois de juin 2014, le Gouvernement, sous l’impulsion du ministre de l’intérieur, avait en effet souhaité réactiver le CNSTC, qui, après sa création en 2008, ne s’était réuni qu’une seule fois – en décembre 2011 – et n’avait depuis lors jamais plus été sollicité.

En lien avec les opérateurs de transports, nous avons pu évaluer avec précision les besoins en matière de sécurité, avant d’identifier les évolutions juridiques qui apparaissaient nécessaires pour que l’action des forces de l’ordre et celle des services de sécurité internes – la surveillance générale, la SUGE, de la sûreté ferroviaire de la SNCF et le groupe de protection et de sécurisation des réseaux, le GPSR, de la RATP – puissent gagner en efficacité.

Je veux tout particulièrement saluer le travail remarquable qu’ont réalisé les sénateurs François Bonhomme et Alain Fouché, respectivement rapporteur de la commission des lois et rapporteur pour avis de la commission du développement durable, afin d’améliorer le texte et de consolider les solutions juridiques susceptibles de nous aider à lutter plus efficacement contre les phénomènes criminels et délinquants, quels qu’ils soient, dans les transports en commun.

Le travail qu’ils ont conduit en lien avec le rapporteur de l’Assemblée nationale, Gilles Savary, a permis l’adoption de mesures essentielles que je veux rappeler devant vous.

Cette proposition de loi précise notamment le cadre dans lequel, au même titre que les agents de sécurité privée, les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP seront désormais autorisés, avec le consentement des passagers, à procéder à l’inspection visuelle des bagages, le cas échéant à leur fouille et, lorsque les circonstances le commandent, à des palpations de sécurité.

Afin de mieux lutter contre la fraude, la proposition de loi instaure également un « droit de communication » entre les exploitants des transports publics et les administrations publiques – finances et organismes sociaux : il permettra de fiabiliser les adresses des contrevenants une fois ceux-ci verbalisés afin d’obtenir un meilleur recouvrement des amendes.

L’abaissement de dix à cinq contraventions nécessaires en cas de défaut de titre de transport pour constituer le délit de « fraude d’habitude » participe également de la politique de lutte contre la fraude.

La proposition de loi permettra désormais aux agents de police municipale de constater les infractions au code des transports.

Enfin, je salue l’accord trouvé en commission mixte paritaire concernant l’article relatif à la lutte contre les violences et harcèlements à caractère sexiste dans les transports. La nouvelle version de l’article prévoit que ces faits fassent l’objet d’un rapport annuel qui sera transmis au Défenseur des droits, à l’Observatoire national des violences faites aux femmes, et au Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes.

Je connais, par ailleurs, la mobilisation du Sénat pour trouver des solutions concrètes et efficaces sur ces sujets. La mesure permettant la transmission en temps réel des images de vidéoprotection des transporteurs privés vers les forces de l’ordre, adoptée sur votre initiative, participe de ces actions concrètes.

En conclusion, le Gouvernement soutient pleinement l’adoption de cette proposition de loi dans la mesure où elle nous permettra de renforcer la sécurité des usagers des transports publics sur l’ensemble du territoire national, dans un contexte de menace terroriste particulièrement élevée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Leroy.

M. Jean-Claude Leroy. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il était important qu’un accord puisse être trouvé sur ce texte relatif à la lutte contre les incivilités et contre les atteintes à la sécurité dans les transports. Les débats, on l’a dit, ont été très riches, ce dont atteste l’augmentation du nombre d’articles, qui est passé de neuf dans le texte initial à vingt dans celui qui est issu de la commission mixte paritaire.

Chacune des deux assemblées a su faire des concessions pour parvenir à un texte commun. Le Sénat et l’Assemblée nationale se sont facilement retrouvés sur plusieurs articles.

C’est le cas notamment sur l’autorisation de transmission en temps réel aux forces de l’ordre des images réalisées au sein des véhicules et emprises immobilières de transports publics, sur l’unification de l’application du régime répressif de la « vente à la sauvette » dans les gares, ou sur la sanction pénale pour le manquement à l’obligation de rester à la disposition de l’agent assermenté pendant le temps nécessaire pour qu’un officier de police judiciaire soit informé. Il en est de même sur la création d’un nouveau délit de presse pour lutter contre la pratique des mutuelles de fraudeurs ou sur l’extension des compétences des polices municipales à l’exercice de la police des transports.

À ce sujet, comme l’avait voté le Sénat lors du débat, le texte final place les polices municipales sous l’autorité du maire, y compris lorsque le réseau s’étend à une intercommunalité. Certes, il y avait débat : fallait-il ou non créer les polices territoriales ? Le texte final ne va pas jusqu’à reprendre cette mesure, préconisée par notre collègue René Vandierendonck dans son rapport, mais prévoit néanmoins que des agents de police municipale pourront être mis en commun à l’échelle d’un groupe de communes.

La navette parlementaire aura permis aussi d’améliorer sensiblement la rédaction de nombreuses dispositions et de consolider les garanties apportées en matière de protection des libertés individuelles et de la vie privée. Il en est ainsi notamment pour l’expérimentation du dispositif des caméras-piétons au bénéfice des agents de services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP.

La rédaction adoptée en commission mixte paritaire encadre strictement l’usage de ce dispositif et apporte toutes les garanties pour les personnes filmées, en veillant au bon usage des images produites. L’expérimentation sera lancée à partir du 1er janvier 2017, pour une durée de trois ans, et fera l’objet d’un bilan dans les deux ans suivant son entrée en vigueur.

De même, en ce qui concerne le droit de communication entre les exploitants de transports et les administrations publiques afin d’améliorer le recouvrement des amendes, la commission mixte paritaire a renforcé les garanties sur les données collectées. Le dispositif proposé est restreint et proportionné, et les données sont protégées, notamment par la non-divulgation à des tiers. Ainsi, les agents de l’exploitant chargés du recouvrement des amendes seront tenus au secret professionnel et les exploitants pourront conclure des conventions de mise à disposition de leurs agents au bénéfice du Trésor public pour recouvrer les amendes majorées.

Des garanties ont également été introduites, sur l’initiative du Sénat, en ce qui concerne l’inspection visuelle et la fouille des bagages par les officiers de police judiciaire et les agents de police judiciaire, prévues à l’article 6.

En ce qui concerne le contrôle des agents de sécurité de la SNCF et de la RATP par les forces de l’ordre mentionné à l’article 2, la suppression de la supervision du CNAPS sur la formation de ces agents est pour nous une source de satisfaction.

Les différents outils mis en place pour le contrôle des agents du SUGE et du GPRS semblent parfaitement adaptés. Il faut souligner que, à l’initiative du groupe socialiste du Sénat, ce contrôle a été renforcé afin de permettre aux forces de l’ordre d’avoir accès aux registres du personnel et aux locaux des services, lorsque les contrôles sont – et c’est important pour nous de le préciser – en lien avec les activités opérationnelles des agents de sécurité.

Quant au contrôle préalable avant le recrutement ou l’affectation des personnels, la version finale du texte répond aux interrogations soulevées au cours des débats. L’efficience de la procédure de criblage est assurée par l’élargissement du champ d’application à l’ensemble du domaine du transport public, y compris le transport de marchandises dangereuses. L’objet de l’enquête administrative est précisé, de même que le contrôle de la Commission nationale de l’informatique et des libertés est prévu. Et comme le souhaitait le groupe socialiste du Sénat, l’information préalable de la personne concernée est assurée.

Par ailleurs, il est important que l’ensemble des usagers des transports, et non pas seulement les Franciliens, bénéficient des mêmes garanties de sûreté. Nous nous réjouissons donc du rétablissement de l’article 6 ter qui introduit l’obligation, pour tous les opérateurs de transports urbains, d’assurer la sûreté de leur réseau, où qu’il se trouve sur le territoire, et donne la possibilité à tous les réseaux de transports en commun de se doter de services de sécurité internes en fonction de leurs spécificités locales.

La conclusion d’un contrat départemental d’objectifs de sécurité dans les transports entre le préfet, les autorités organisatrices de transports et les exploitants est facultative, ce qui permet de ne pas faire peser sur les AOT, notamment sur les plus petites d’entre elles, une charge excessive. Le fait que ce contrat ne puisse pas mettre à la charge des AOT le financement d’actions qui relèvent de la compétence exclusive de l’État évite le transfert par l’État des charges de police et de gendarmerie aux AOT, ce qui ne peut que rassurer les collègues qui craignaient ces transferts de charge.

En ce qui concerne, plus généralement, la problématique financière, il faut constater que l’article 6 quinquies qui prévoit le dépôt d’un rapport gouvernemental sur le coût de la sécurité dans les transports et sur ses modalités de financement a été fort opportunément rétabli. Les mesures peuvent engendrer des coûts importants. Certes, la disposition ne va pas jusqu’à évoquer la création d’une redevance de sûreté, mais nous oblige à réfléchir sur les modalités de financement, à l’instar de ce qui est fait dans le transport aérien.

Enfin, nous nous réjouissons du rétablissement du titre III et de l’article 14 – auxquels nous tenions tout particulièrement – relatifs à la lutte contre le harcèlement et les violences faites aux femmes dans les transports. Ne pas traiter de ce problème dans un texte sur la sécurité dans les transports publics aurait en effet été paradoxal au moment où les pouvoirs publics se mobilisent fortement sur ce sujet jusqu’alors visiblement ignoré. Le texte reprend en cela une des mesures proposées par le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes, dont s’est inspiré le Gouvernement pour élaborer son plan de lutte contre ces comportements.

Pour conclure, le Parlement est à nos yeux parvenu à élaborer un texte équilibré. Nous y voyons là un des effets positifs du bicamérisme, qui aboutit à des lois également équilibrées.

La proposition de loi apporte selon nous des réponses cohérentes et proportionnées aux enjeux importants en termes de prévention des actes terroristes, des incivilités ou de lutte contre la fraude auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés dans le domaine des transports publics terrestres. Il s’agit d’un texte de sécurité qui garantit par ailleurs les libertés publiques. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste soutient pleinement cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la vice-présidente de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, un peu plus d’un mois après la première lecture, nous sommes réunis aujourd’hui pour nous prononcer sur la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs, dans sa rédaction issue de la commission mixte paritaire.

Considérant que, si certaines dispositions étaient probablement de nature à rendre les transports plus sûrs pour tous et à lutter contre la fraude, d’autres semblaient faire peser une menace relativement lourde sur nos libertés individuelles, le groupe écologiste s’était abstenu.

Je voudrais tout d’abord souligner la rapidité avec laquelle cette proposition de loi est examinée. Déposée en octobre 2015, elle devrait être adoptée aujourd’hui, soit moins de cinq mois après son dépôt, ce qui est très satisfaisant.

Mme Catherine Troendlé, vice-présidente de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. En effet !

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Le Gouvernement est attentif à l’initiative parlementaire !

Mme Éliane Assassi. Pas toujours…

Mme Esther Benbassa. Cette célérité, notamment concernant un texte d’origine parlementaire, montre que, quand la volonté est là, le passage des paroles aux actes peut se faire sans attendre.

Mme Éliane Assassi. Exactement !

Mme Esther Benbassa. Souhaitons que d’autres textes, de grande importance pour nos concitoyens, bénéficient de ce même engagement.

Pour revenir au texte qui nous intéresse aujourd’hui, je souhaiterais d’abord dire quelques mots de l’article 14, qui a fait couler beaucoup d’encre.

Cet article, introduit sur l’initiative de notre collègue députée Marie Le Vern, a pour objet de compléter deux articles du code des transports, afin de rendre plus effective la lutte contre le harcèlement et les violences à caractère sexiste.

Usant d’arguments pour le moins alambiqués, à savoir que le délit de harcèlement sexuel prévu à l’article 222-33 du code pénal suffirait à réprimer le harcèlement et la violence dont sont victimes les femmes dans les transports, la commission des lois du Sénat a décidé de supprimer cet article.

À l’heure où le ministère des droits des femmes lançait la campagne « #HarcèlementAgissons », à l’heure où une étude du Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes rappelait que « 100 % des femmes ont déjà été victimes de harcèlement dans l’espace public », comment comprendre la suppression d’une telle disposition et le message envoyé ainsi par la Haute Assemblée ?

Comme l’a justement dit Marie Le Vern, évacuer purement et simplement les violences sexistes du texte contribue à renforcer l’invisibilité de ces actes et retarde encore un peu plus la prise de conscience.

La commission mixte paritaire a rétabli l’article 14 : c’est un motif de grande satisfaction pour le groupe écologiste et pour les femmes.

Pour autant, cette avancée, pour notable qu’elle soit, suffit-elle à modifier notre vote dans le sens d’un soutien au texte final de cette proposition de loi ? La réponse est malheureusement négative, mes chers collègues.

M. François Bonhomme, rapporteur. Quelle déception ! Nous aurons pourtant fait le maximum !

Mme Esther Benbassa. Des prérogatives coercitives relevant de missions de sécurité publique sont confiées à des agents privés de sécurité. Nous considérons qu’elles ne sont pas assez strictement encadrées et que les libertés individuelles ne sont pas suffisamment garanties.

Par exemple, le double agrément pour les agents des transporteurs, ceux de la SUGE pour la SNCF et du groupe de protection et de sécurisation des réseaux pour la RATP, pour réaliser des palpations de sécurité a été supprimé par la CMP.

Plus généralement, la surenchère législative qui est de mise aujourd’hui nous met un peu mal à l’aise. On part d’un texte ayant pour objet la répression des incivilités et des violences dans les transports, ainsi que la lutte contre la fraude, et on arrive à un texte sécuritaire à visée antiterroriste.

L’attentat manqué du Thalys est passé par là, les terribles attaques de novembre à Paris et à Saint-Denis aussi, mais l’on ne peut pour autant, sous le régime de l’état d’urgence et dans un contexte social particulièrement délétère, continuer à tout mélanger, à confondre les objectifs. Nous risquerions alors de ne plus pouvoir mesurer la portée réelle des dispositions que nous votons et leurs conséquences pour les libertés individuelles de nos concitoyens.

En conséquence et à regret, le groupe écologiste s’abstiendra sur le texte issu des travaux de la CMP. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, chaque jour, des millions de nos concitoyens utilisent les transports collectifs. Cette affluence rend particulièrement importants les enjeux de sécurité dans les trains, les bus et les gares, espaces relativement confinés qui, on le sait, se prêtent facilement à la commission de toutes sortes d’incivilités, de fraudes et d’agressions. Il faut y ajouter, hélas, la menace terroriste, les transports étant une cible privilégiée, qui fut même presque exclusive dans les années quatre-vingt-dix et 2000. Et je n’oublie pas la situation des conducteurs, de plus en plus souvent menacés, et ainsi contraints d’exercer régulièrement leur droit de retrait. Il résulte de tout cela qu’un usager sur deux reconnaît ne pas se sentir en sécurité dans les transports collectifs.

Cette situation nous appelle à apporter de nouvelles réponses pour mieux prévenir les délits et rassurer les passagers.

Comme plusieurs d’entre nous l’ont rappelé à l’occasion de l’examen en première lecture de la proposition de loi, la sécurité des transports est couverte en tant que telle. Sans rentrer dans le détail, les services compétents – la surveillance générale et le groupe de protection et de sécurisation des réseaux en région parisienne, le service national de la police ferroviaire et la gendarmerie nationale pour l’essentiel du territoire – font le plus souvent preuve de réactivité et d’efficacité quand des incidents sont signalés sur les réseaux.

Cependant, les contrôles et les interventions sont souvent limités, faute d’un cadre juridique adapté. La proposition de loi entend y remédier à deux niveaux. Il s’agit, d’une part, de traiter la question de la fraude, et, d’autre part, de mieux prévenir d’éventuels actes de terrorisme. Tout ne sera pas réglé au détour des quinze articles approuvés par la CMP. Ce n’était d’ailleurs pas l’ambition des auteurs du texte initial ni celle, sans doute, des travaux du Comité national de la sécurité dans les transports en commun, sur lesquels ils s’étaient appuyés.

Néanmoins, mes chers collègues, si la proposition de loi n’apporte pas toutes les réponses, elle en présente plusieurs très attendues.

Le RDSE, je le rappelle, a approuvé ce texte en première lecture, parce qu’il comporte des améliorations en matière de sécurité des voyageurs, sans pour autant porter atteinte aux libertés, ce dont témoigne le maintien du contrôle du procureur de la République sur la mise en œuvre de quelques dispositions.

Il est indispensable de renforcer la prévention, comme le prévoit en priorité la proposition de loi à travers les mesures que nous avons examinées, telles que la possibilité, pour les agents de sécurité interne de la SNCF et de la RATP, de procéder à une inspection visuelle et à des fouilles, le « criblage » de certains personnels des transports publics ou encore l’expérimentation de « caméras-piétons ».

Les dispositions concernant le délit de « fraude d’habitude » et les « mutuelles de fraudeurs », qui offrent, de manière très incongrue, une assurance contre d’éventuelles amendes, visent à remédier au manque à gagner important des opérateurs et vont également dans le bon sens.

À l’issue des travaux de la CMP, le texte conserve les modifications notables apportées par le Sénat. On peut aussi souligner avec satisfaction la prise en compte des réseaux de province à l’article 6 ter, rétabli dans une rédaction partagée par les deux assemblées.

Enfin, si la commission avait supprimé l’article 14 relatif au harcèlement à caractère sexiste dans les transports, parce que le dispositif initial était de nature réglementaire, la CMP a trouvé une nouvelle rédaction permettant de réintroduire la prise en compte de cette problématique. Il est vrai qu’elle ne correspond pas aux deux objectifs de la proposition de loi, à savoir la lutte contre la fraude et la lutte contre les actes terroristes. Cependant, c’est un problème très prégnant pour les femmes, qui participe du climat anxiogène pouvant régner dans les transports collectifs de voyageurs. Le RDSE, en particulier ma collègue et amie Françoise Laborde, y est très sensible.

Mes chers collègues, au regard de l’esprit consensuel qui a présidé à l’élaboration du texte, je n’en dirai pas plus, si ce n’est que le RDSE l’approuve pleinement. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot.

M. Jean-François Longeot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’élaboration de ce texte, longtemps attendu, touche à sa fin. Il présente deux versants : le premier traite du problème ancien de la fraude ; le second, que les terribles événements récents ont amené à développer, de la sécurité.

Le Comité national de la sécurité dans les transports en commun avait proposé plusieurs mesures de lutte contre la fraude, qui constituent le volet financier de la présente proposition de loi. Ce volet est nécessaire : la Cour des comptes a évalué à un demi-milliard d’euros le coût de la fraude, chaque année, dans l’ensemble des transports publics de voyageurs. Encore cette estimation est-elle incomplète, puisqu’elle ne prend en compte que la fraude réprimée : on n’a pas de chiffres fiables sur la fraude impunie. La SNCF estime qu’elle supporte annuellement un manque à gagner de 340 millions d’euros. On approche donc du milliard d’euros en agrégeant ces deux sommes ; on le dépasse probablement si l’on tient compte de l’ensemble de la fraude dans le métro, dans le RER, etc. On imagine aisément quel profit on pourrait tirer du recouvrement de ces sommes, notamment à travers une éventuelle baisse des prix. En tout état de cause, on constate, sans spéculer, les dégâts de la fraude, les perturbations financières qu’elle provoque.

Le texte comporte un autre volet, plus important encore, qui concerne la sûreté des voyageurs. La proposition de loi avait été considérablement enrichie, avec raison, pour intégrer pleinement la thématique de la protection des voyageurs. En France circulent quotidiennement 14 000 trains, dont plus de 5 000 en Île-de-France, qui transportent chaque année 2,5 milliards de voyageurs.

Il était du ressort de la sphère politique de protéger activement et efficacement l’ensemble des voyageurs. On se rappelle avec tristesse et colère les attentats qui ont frappé Paris en 1995, à la station Saint-Michel du RER B, ou ceux de Madrid, en mars 2004 : nul ne semble épargné, chacun est vulnérable.

Le 21 août 2015, il y a moins d’un an, un nouveau carnage a failli avoir lieu dans un train Thalys qui reliait Amsterdam à Paris. Des passagers avaient pu en éviter l’exécution. L’action spontanée peut sauver, mais elle est incertaine, elle est insuffisante. Il nous faut prévenir du mieux possible, et assurer d’avance la protection de nos concitoyens : ce texte de grande ampleur nous semble à cet égard volontariste, riche et clair.

Le travail des rapporteurs du Sénat et de l’Assemblée nationale, celui des commissions compétentes dans leur ensemble, n’y sont pas pour rien, et nous nous en félicitons. La commission mixte paritaire a permis de gommer certains désaccords qui avaient pu surgir entre les deux assemblées, et de rendre le texte le plus efficace possible.

Je voudrais passer en revue quelques-uns des apports de la CMP.

Tout d’abord, en ce qui concerne l’article 1er du texte, la CMP a maintenu le principe du double agrément, cher au Sénat, pour les agents de la surveillance générale et du groupe de protection et de sécurisation des réseaux chargés de procéder à des palpations de sécurité. Ce double agrément doit demeurer. La sécurité doit être prioritaire, mais des conditions doivent l’encadrer, pour éviter tout excès.

Le Sénat s’opposait à l’article 6 quinquies et à la remise au Parlement d’un rapport sur le coût de la sûreté dans les transports collectifs. Les conclusions de la CMP le rétablissent, en prévoyant un délai plus long, porté au 31 décembre 2017, afin de permettre l’élaboration d’un rapport plus riche, plus précis, plus fidèle à la réalité.

Enfin, j’évoquerai le point sensible des violences faites aux femmes. Le Sénat, que je veux ici défendre, avait refusé l’inscription de la référence à une « pression sexiste excessive » pour des raisons de cohérence et d’efficacité juridiques, et pour ces seules raisons.

M. François Bonhomme, rapporteur. Eh oui !

M. Jean-François Longeot. On a lu ou entendu dire, haut et fort ou à voix basse, que le Sénat refuse le secours aux femmes dans les transports, qu’il est misogyne. Rien de tout cela n’est juste ! Rappelons ici que des considérations juridiques, qui d’ailleurs favorisent bien davantage la protection des femmes que des indignations sans lendemain, et seulement des considérations juridiques, avaient suscité ici des réserves justifiées. La commission mixte paritaire – je salue l’action de notre collègue François Bonhomme – a proposé que « les atteintes à caractère sexiste dans les transports publics fassent l’objet d’un rapport annuel », lequel nous guidera dans notre action.

Le groupe UDI-UC votera donc en faveur de l’adoption de ce texte, dont nous attendons des résultats dès son entrée en vigueur, pour tous et pour toutes. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)