M. Alain Vasselle. L’objet de cet amendement se rapproche de celui du précédent et il a exactement le même exposé des motifs que les amendements nos 490 rectifié et 491 rectifié. Je vous fais donc grâce de sa lecture.

M. le président. L’amendement n° 335, présenté par Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après le mot :

public

insérer les mots :

à caractère industriel ou commercial

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Je comprends que cet amendement est attendu, donc je prends la parole.

Cet amendement vise à maintenir la limitation du bénéfice du droit sui generis – les droits de propriété intellectuelle – des producteurs de bases de données aux services publics à caractère industriel et commercial et non pas à l’étendre à toute administration se trouvant en situation de concurrence.

Cette extension n’est en effet pas cohérente avec la loi du 28 décembre 2015 relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public, récemment promulguée. Dans ce cadre déjà, les établissements publics administratifs financés par la puissance publique ne peuvent se prévaloir d’un droit de producteur de bases de données, qui n’est ouvert qu’à ceux qui ont réalisé des investissements substantiels pour produire les bases, pour empêcher toute réutilisation de données communicables.

Il s’agit aussi de répondre à l’inquiétude qui a conduit à la nouvelle rédaction relative aux données de recherche du Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, de l’Institut national de la recherche en informatique et en automatique, l’INRIA, et de l’Institut national de recherche agronomique, l’INRA. Il est bon de rappeler que, dans le cadre actuel du code des relations entre le public et l’administration, les données de la recherche qui sont inachevées ou couvertes par le secret en matière industrielle ou commerciale ne sont pas communicables et sont donc d’ores et déjà protégées.

M. le président. L’amendement n° 156 rectifié, présenté par M. Kennel, Mme Keller, MM. Kern et Reichardt, Mme Deromedi, M. Danesi, Mme Morhet-Richaud, MM. Pellevat, Lefèvre et Houel, Mme Cayeux, MM. Delattre, D. Laurent et Vasselle et Mme Deroche, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par les mots :

, à l’exception des données dont la nature a trait à la qualité et aux conditions d’exécution du service public concerné

La parole est à M. Guy-Dominique Kennel.

M. Guy-Dominique Kennel. Monsieur le président, je retire cet amendement au profit de l’amendement n° 492 rectifié de M. Vasselle, qui me semble plus pertinent.

M. le président. L’amendement n° 156 rectifié est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements restant en discussion ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. L’amendement n° 335, présenté par Mme Blandin, vise à revenir à la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en réintroduisant une dérogation à la dérogation au droit sui generis des producteurs de bases de données pour les seuls services publics industriels et commerciaux.

La commission a émis un avis favorable à son sujet et il semble satisfaire les amendements nos 154 rectifié et 492 rectifié ; je demande donc à leurs auteurs de bien vouloir les retirer ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Même avis.

M. le président. Monsieur Kennel, l’amendement n° 154 rectifié est-il maintenu ?

M. Guy-Dominique Kennel. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 154 rectifié est retiré.

Monsieur Vasselle, l’amendement n° 492 rectifié est-il maintenu ?

M. Alain Vasselle. Je veux bien m’en remettre à la sagesse à laquelle nous invite le rapporteur. Je précise tout de même en passant que la rédaction que nous proposions au travers de l’amendement n° 492 rectifié était beaucoup plus complète et précise que celle de l’amendement n° 335.

Je le retire malgré tout, monsieur le président, mais ce n’est pas très satisfaisant.

M. le président. L’amendement n° 492 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 335.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 155 rectifié, présenté par M. Kennel, Mme Keller, MM. Kern et Reichardt, Mmes Deroche et Deromedi, M. Danesi, Mme Morhet-Richaud, MM. Pellevat, Lefèvre et Houel, Mme Cayeux et MM. Delattre, D. Laurent et Vasselle, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après le mot :

applicable

insérer les mots :

, en dehors des modalités de transmission aux administrations intéressées au sens de l’article 10 de la loi n° … du … pour une société numérique,

La parole est à M. Guy-Dominique Kennel.

M. Guy-Dominique Kennel. Je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 155 rectifié est retiré.

L’amendement n° 554 rectifié, présenté par MM. Husson, Pellevat, de Nicolaÿ et Milon, Mme Micouleau, M. Karoutchi, Mmes Deromedi et Duranton, MM. Lefèvre, Rapin et Laménie et Mme Deroche, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° La première phrase du premier alinéa de l’article L. 323-2 est complétée par les mots : « dont les conditions d’authentification des utilisateurs de données » ;

La parole est à M. Jean-François Husson.

M. Jean-François Husson. Le présent amendement vise à conforter la possibilité de mettre en œuvre un procédé d’authentification des utilisateurs au titre des conditions de réutilisation des informations publiques définies par les licences de réutilisation.

Cette mesure paraît nécessaire pour permettre aux administrations de s’assurer que la réutilisation de leurs données n’est pas contraire à la préservation de l’intérêt général et à l’objectif d’un développement économique équilibré au niveau national et territorial associé à l’open data.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Puisque l’auteur de l’amendement, M. Husson, est là, je peux lui dire que son amendement m’a posé problème. Je ne comprends pas l’objectif de cette disposition, qui me semble un peu contraire à celui de l’ouverture des données au plus grand nombre visé par le projet de loi. Par conséquent, avouant mon ignorance et mon incompréhension, j’aimerais qu’il m’en dise plus parce que je ne saisis pas la disposition proposée, je n’en vois pas la finalité.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, mon cher collègue, parce que – je vous prie de m’excuser – je ne vois pas où vous voulez en venir.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. J’émets un avis un peu similaire. Vous proposez, monsieur le sénateur, de procéder à l’authentification préalable des réutilisateurs pour chaque demande d’utilisation des données publiées. Cela supposerait, j’imagine, de s’enregistrer, de laisser ses coordonnées à chaque fois que l’on veut accéder à des données publiques pour les utiliser à d’autres fins.

Je me demande si, en réalité, il n’y a pas eu une confusion avec l’anonymisation des données personnelles des individus éventuellement mentionnés dans les documents publiés à des fins de rediffusion. En tout cas, je m’interroge.

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. Monsieur Husson, l’amendement n° 554 rectifié est-il maintenu et, dans ce cas, pouvez-vous le clarifier ?

M. Jean-François Husson. Je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 554 rectifié est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 362, présenté par M. Philippe Bonnecarrère, n’est pas soutenu.

L'amendement n° 553 rectifié, présenté par MM. Husson, Pellevat, de Nicolaÿ, D. Laurent et Milon, Mme Micouleau, M. Karoutchi, Mmes Morhet-Richaud, Deromedi et Duranton, MM. Lefèvre et Laménie et Mme Deroche, est ainsi libellé :

Alinéa 6, dernière phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Lorsqu’une administration souhaite recourir à une licence ne figurant pas sur cette liste fixée, elle garantit la cohérence des dispositions de la licence qu’elle a librement établie, avec les principes fondamentaux communs aux licences définies par décret.

La parole est à M. Jean-François Husson.

M. Jean-François Husson. Comme le précise l’article 7 du projet de loi, lorsque la réutilisation de données à titre gratuit donne lieu à l’établissement d’une licence, cette dernière doit être choisie au sein d’une liste fixée par décret ou avoir fait l’objet d’une homologation préalable par l’État.

Or ces dispositions semblent contraires au principe de libre administration des collectivités territoriales. Le cas échéant, elles ne manqueront pas d’avoir des conséquences sur des licences déjà utilisées par certaines d’entre elles depuis plusieurs années.

Aussi, il paraît pertinent de garantir aux collectivités territoriales le droit au libre choix des licences, dès lors à et la condition que celles-ci reposent sur un socle commun de principes fondamentaux définis, précisément, par décret.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Il semble plus simple d’opter pour une homologation par l’État que de mettre en œuvre le dispositif ici proposé.

En conséquence, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable. Monsieur Husson, vous proposez que les administrations puissent s’affranchir de la liste des licences qui doit être élaborée par décret.

Le présent article a été inscrit dans ce projet de loi à la suite de la consultation publique menée en ligne. Cette discussion illustre toute la difficulté de l’exercice suivi : une disposition proposée par nos concitoyens, votée par un grand nombre de participants au cours de la consultation, peut susciter des réserves au cours du débat parlementaire.

En l’occurrence, à quelles fins définir par décret une liste regroupant un certain nombre de licences ?

J’ai évoqué l’importance de la qualité des données mises à disposition afin d’être réutilisées.

La quantité est déjà là, et elle ne pourra que croître. Les entreprises sont, ainsi que nos concitoyens, placées face à une quantité massive d’informations et de données publiques. Mais en réalité, ce qui importe, pour que ces informations puissent être réutilisées, c’est leur format, leur standard, la manière dont elles sont présentées. Bref, c’est leur qualité.

Pour garantir cette qualité, il faut harmoniser les licences employées par les collectivités territoriales. Ces dernières le demandent d’ailleurs elles-mêmes, lorsqu’elles souhaitent utiliser des données produites par d’autres collectivités, qui ne sont pas interopérables et qu’elles ne peuvent donc pas ajouter à leurs propres bases de données, faute d’une harmonisation.

Le décret dont il s’agit dressera une liste de trois, quatre ou cinq licences, parmi les plus employées en France. Je pense par exemple à la licence Etalab, ou encore à la licence de partage à l’identique. D’autres seront également mentionnées.

L’enjeu, c’est bel et bien de créer un « marché unique de la donnée », même si, dans ce domaine, le terme de marché ne me semble pas opportun ; cette harmonisation est tout à fait nécessaire pour favoriser tous les usages innovants auxquels peut donner lieu la réutilisation de la donnée publique.

M. le président. Monsieur Husson, l’amendement n° 553 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-François Husson. La réponse de Mme la secrétaire d’État m’a davantage convaincu que celle de M. le rapporteur.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. On ne peut pas gagner à chaque fois ! (Sourires.)

M. Jean-François Husson. Certes, monsieur le rapporteur. De surcroît, les explications apportées par Mme Lemaire m’ont paru plus complètes.

Madame la secrétaire d’État, vous mesurez bien l’enjeu existant pour les collectivités territoriales, notamment au titre des dispositifs qui sont d’ores et déjà en vigueur. J’espère que vous dites vrai. En tout cas, vos propos emportent mon adhésion.

Cette fois-ci, c’est donc avec une certaine satisfaction quant à la réponse qui m’a été apportée que je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 553 rectifié est retiré.

M. Yves Rome. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 219, présenté par MM. Gorce, Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de traitement préalable de données protégées par une licence, celle-ci doit expressément interdire toute réutilisation abusive de ces données présentant un risque d’identification des personnes. Lors de son établissement, elle inclut obligatoirement une clause de suspension du droit de réutilisation ou une clause de rapatriement des jeux de données compromis. »

La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.

Mme Hélène Conway-Mouret. Le recours aux licences en matière d’open data vise à garantir la libre réutilisation des données d’un réutilisateur à l’autre ou, dans certains cas spécifiques, à encadrer les conditions de cette réutilisation – par exemple par le biais d’une redevance ou d’une limitation des droits.

Le présent article encadre plus précisément le recours aux licences, afin que ces dernières ne fassent pas obstacle à la libre réutilisation de documents et de bases de données diffusés publiquement.

La liste des licences que pourra employer l’administration pour encadrer la publication de ces données publiques sera fixée par décret afin d’assurer une plus grande sécurité juridique, partant une réutilisation plus libre des données publiques à titre gratuit.

Néanmoins, il semble nécessaire de préciser le contenu générique de ces contrats de licence, notamment pour ce qui concerne l’anonymisation.

Les licences doivent notamment avoir cette utilité : garantir l’interdiction de soumettre les jeux de données à un traitement destiné à permettre la réidentification de personnes physiques.

De surcroît, il semble nécessaire d’intégrer aux contrats de licence une clause de ce type : le service producteur peut suspendre le droit de réutilisation s’il apparaît que celui-ci présente un risque pour le respect de la vie privée.

Une telle mention a l’intérêt d’éviter tout recours contre l’administration sans faute lourde, pour le préjudice éventuellement causé au réutilisateur, en raison de la suppression de ce jeu d’informations.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement tend à reprendre judicieusement deux préconisations du rapport d’information établi par nos collègues Gaëtan Gorce et François Pillet, au sujet de l’open data et de la vie privée.

Il s’agit de la recommandation n° 13 : « Interdire expressément dans le contrat de licence toute réutilisation abusive qui aboutirait à lever l’anonymisation des données » et de la recommandation n° 14 : « Intégrer, au contrat de licence, une clause de suspension légitime du droit de réutilisation, ainsi que de suppression ou de rapatriement des jeux de données compromis, lorsqu’un risque de réidentification est apparu ».

La commission avait déjà approuvé le rapport d’information dont il s’agit. Aussi, elle émet un avis favorable sur le présent amendement.

M. Daniel Raoul. C’est cohérent !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement se doit d’être défavorable à cet amendement.

M. Bruno Sido. Allez y comprendre quelque chose !

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Ces dispositions rouvrent le débat de la réidentification, lors de la réutilisation des données publiques.

Le présent amendement tend à introduire l’obligation, pour chaque licence, d’interdire expressément une réutilisation abusive des données qui permettrait une réidentification des personnes.

Ce processus apparaît très complexe et très lourd.

Naturellement, à l’heure du big data, l’objectif de protection contre le risque de réidentification est crucial. Mais les licences de réutilisation ne sont pas le bon instrument pour apporter aux individus des garanties en la matière, ne serait-ce que pour cette raison, que je réitère : toutes les garanties figurent dans la loi Informatique et libertés. (M. Loïc Hervé manifeste sa circonspection.) Ce texte, qui n’est pas amendé, précise des obligations de déclaration ou d’autorisation, par la CNIL, de traitement automatisé de données, lorsqu’il existe des risques pour les personnes.

La réutilisation des données personnelles est couverte par la loi CNIL, qui, je le dis et je le répète, est toujours applicable, qui est de droit commun ! À l’inverse, l’établissement des licences de réutilisation des données publiques n’est pas obligatoire. Au demeurant, lesdites licences sont le plus souvent contractuelles.

L’enjeu essentiel ne réside donc pas dans la définition des licences mais dans la bonne mise en œuvre, par la CNIL, de la loi Informatique et libertés. Voilà pourquoi nous visons cet objectif à travers le présent texte, ce surtout au titre II, qui renforce les pouvoirs de la CNIL. Cette instance doit pouvoir émettre des certificats de conformité et édicter des sanctions beaucoup plus lourdes qu’à l’heure actuelle.

Gardons-nous d’apporter une mauvaise réponse à une véritable question !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 219.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 445 rectifié, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par quatre alinéas ainsi rédigés :

« La licence retenue par l’administration prévoit que la réutilisation des données est gratuite lorsque toutes les données issues de la réutilisation sont diffusées sous une licence identique, et qu’elle peut donner lieu à redevance dans le cas contraire. »

… – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

… – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.

M. Jean-Pierre Bosino. À travers cet amendement, nous proposons la création d’une double licence pour la mise à disposition des données, à l’instar des dispositions en vigueur au titre de l’open source.

Pour notre part, nous distinguons deux types d’usage de la donnée publique : premièrement, un usage à titre gratuit par un citoyen ou par une entreprise, en général de petite taille, qui reversent les données traitées ou utilisées dans le domaine public ; deuxièmement, un usage commercial, par une entreprise, pour une entreprise, qui exploite les données mises à disposition et en tire un avantage d’ordre marchand. Ce second cas de figure concerne, en général, de grandes entreprises.

Face à l’usage différencié dont la donnée publique peut faire l’objet, nous souhaitons apporter une solution qui, à nos yeux, serait juste et utile. Nous suggérons l’instauration d’une double licence, gratuite pour les particuliers et les petites entreprises, si les résultats obtenus par eux sont reversés gratuitement dans le domaine public, et payante en cas d’utilisation commerciale.

En effet, la question inhérente à l’ouverture des données publiques, c’est la possible création de valeur dégagée par ces grandes entreprises que j’ai déjà évoquées au cours de la discussion générale, à partir des données publiques mises à disposition gratuitement. Je pense évidemment à Google, à Amazon, à Facebook ou encore à Apple. Aujourd’hui, ces monstres numériques parviennent à peser autant, si ce n’est plus, que le CAC 40, en contournant systématiquement les règles de fiscalité. À cet égard, nous aurions souhaité que ce projet de loi consacre une plus grande part aux enjeux fiscaux – je l’ai déjà indiqué cet après-midi.

Aux yeux du groupe CRC, la question ne fait aucun doute : la création de valeur exclusive et privée au moyen d’une donnée publique exige une licence payante.

Madame la secrétaire d’État, vous avez fait vôtre l’engagement d’instaurer ce principe par décret. Mais nous ne savons pas quelles seront les alternances de demain, et nous entendons faire respecter la volonté du législateur en inscrivant cette disposition dans ce projet de loi, en la complétant par décret si besoin est.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. À ce stade, il ne paraît pas nécessairement opportun de prévoir un tel dispositif ODbL, Open Database License, pour toutes les données publiques.

À notre sens, mieux vaut laisser aux administrations le choix de l’une des licences figurant sur la liste fixée par décret.

En conséquence, la commission a émis un avis défavorable. Elle vous demande de retirer cet amendement. À défaut, elle maintiendra cet avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement, car il considère que celui-ci est satisfait. Monsieur Bosino, vous suggérez en somme de revenir sur les termes d’un texte qui a été examiné par la Haute Assemblée en octobre 2015, et qui est entré en vigueur à la fin du mois de décembre suivant.

Cette loi, relative à la gratuité, prévoit effectivement qu’un décret définisse les conditions dans lesquelles certaines catégories d’administrations pourront recourir à des redevances de réutilisation. A priori, deux critères seront employés et ressortiront des dispositions réglementaires. Tout d’abord, l’administration considérée, par exemple une collectivité territoriale, devra disposer de ressources propres. Ensuite, elle devra poursuivre une activité de diffusion et d’information.

Dès lors, il faudra mener un examen au cas par cas pour savoir si les collectivités locales sont autorisées, par cette loi, qui a déjà été votée, à recourir à des redevances de réutilisation.

À mon sens, il n’y a pas lieu de rouvrir, dans cet hémicycle, ce débat que le Sénat a déjà mené il y a peu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Bosino. Madame la secrétaire d’État, pour nous, il ne s’agit pas tant de rouvrir le débat que de réaffirmer un certain nombre de réalités. En particulier, il faut insister sur ce fait : si la réutilisation des données publiques se révèle d’ordre commercial, si elle donne lieu à un gain financier, elle doit être soumise à redevance. Ce principe doit tout particulièrement s’appliquer aux grandes entreprises.

Vous nous assurez que ce principe figure déjà dans une précédente loi : eh bien, réaffirmons-le dans le présent texte !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 445 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 571 rectifié, présenté par MM. Gremillet, Commeinhes et Milon, Mmes Morhet-Richaud, Micouleau, Cayeux, Deromedi et Duranton, MM. Vaspart, Cornu, Rapin, Doligé, Mouiller, G. Bailly et Vogel, Mme Garriaud-Maylam et MM. Savary et Mayet, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

…° La deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 324-1 est ainsi rédigée :

« Toutefois, les administrations mentionnées à l'article L. 300-2, les collectivités territoriales et leurs groupements, peuvent établir une redevance de réutilisation dans les conditions fixées par le présent chapitre IV. »

La parole est à M. Daniel Gremillet.

M. Daniel Gremillet. La loi du 28 décembre 2015 relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public limite à certaines administrations la possibilité d’établir des redevances de réutilisation des données et, ainsi, de déroger au principe de gratuité imposé par les textes européens.

Cette dérogation est très encadrée, et le montant des redevances considérées est fixé selon « des critères objectifs, transparents, vérifiables et non discriminatoires » et « révisé […] tous les cinq ans.

Au vu de cet encadrement strict, dont le bien-fondé n’est pas sujet à discussion, il n’est pas justifié que les collectivités territoriales et leurs groupements, pourvoyeurs de données stratégiques, se voient refuser cette possibilité dès lors qu’ils satisfont aux conditions énoncées par la loi.

L’open data doit être un outil au service du développement économique et de la création d’emplois sur les territoires et doit permettre que la valeur ajoutée des données publiques profite de manière égale à l’ensemble des acteurs économiques du territoire. On parle beaucoup d’ancrage territorial : en l’occurrence, il s’agit ni plus ni moins que de l’ancrage territorial des données.

Dans certaines situations, la redevance est l’un des seuls moyens propres à garantir un écosystème concurrentiel équitable et un égal accès au marché.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Monsieur Gremillet, un précédent amendement m’a déjà permis de m’exprimer au nom de la commission sur ce sujet. Il ne nous paraît pas opportun de revenir sur le sujet des redevances, que la loi Valter a permis de trancher ici même en décembre dernier.

Au demeurant, deux amendements déposés à l’article suivant tendent à revenir sur cette question des redevances, qui a donné lieu à un long débat en commission avant d’être tranchée. La position de la commission est claire : ne rouvrons pas ce débat !

Voilà pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Même avis.