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Rôle et action des collectivités territoriales dans la politique du tourisme

Débat organisé à la demande du groupe du RDSE

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur le rôle et l’action des collectivités territoriales dans la politique du tourisme, organisé à la demande du groupe du RDSE.

La parole est à Mme Hermeline Malherbe, oratrice du groupe auteur de la demande.

Mme Hermeline Malherbe, au nom du groupe du RDSE. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe du RDSE a souhaité engager un débat sur l’un des secteurs économiques les plus riches en emplois en France, le tourisme, et plus précisément sur l’implication des collectivités locales dans la politique du tourisme.

Il nous est apparu opportun, en effet, quelques mois après l’adoption de la loi NOTRe et l’installation des nouveaux exécutifs départementaux et régionaux, de dresser un état des lieux, enrichi de nos retours d’expérience, et de débattre des pistes à explorer pour améliorer ensemble, collectivités et État, notre politique du tourisme.

Pour mieux faire comprendre les enjeux, je souhaite « planter le décor » et rappeler l’évolution que connaît le secteur du tourisme depuis quelques décennies.

Si les voyages d’agrément existent depuis l’Antiquité, le terme de « touriste » apparaît en 1803. Avant les congés payés, dont on fête les quatre-vingts ans cette année, le tourisme était l’apanage des classes aisées. La mise en place progressive des congés payés, fixés respectivement à deux, à trois et à quatre semaines en 1936, en 1956 et en 1969, a permis l’éclosion du « tourisme de masse ». Depuis cette époque, le tourisme national et international a bien sûr évolué ; il s’est démocratisé et ses pratiques ont été bouleversées par l’apparition d’internet.

Aujourd’hui, en France, le tourisme représente 160 milliards d’euros de chiffre d’affaires, soit 7,4 % du PIB. À titre de comparaison, l’industrie automobile réalise annuellement un chiffre d’affaires d’environ 100 milliards d’euros.

Le tourisme, c’est aussi plus de 2 millions d’emplois directs et indirects, dans un secteur bénéficiant de 13 milliards d’euros d’investissement.

Le tourisme, c’est enfin 85 millions de personnes accueillies en 2015, avec un objectif ambitieux de 100 millions de touristes en 2020.

Le tourisme est donc un pilier de notre économie nationale, source d’emploi local et non délocalisable. Il contribue à la dynamique d’aménagement du territoire, en raison des besoins en matière de dessertes routières, ferroviaires ou aériennes qu’il suscite.

Aujourd’hui, les événements culturels ou sportifs participent positivement à l’économie touristique.

Pour autant, nous devons nous adapter aux nouvelles exigences de la clientèle, qui évoluent rapidement dans une société en mutation constante.

Certains secteurs se sont adaptés avec succès : les campings des années quatre-vingt ont laissé place à une hôtellerie de plein air de haut niveau, comme à Argelès-sur-Mer.

De même, les gîtes et chambres d’hôte d’aujourd’hui offrent des prestations sans commune mesure avec celles qui étaient proposées dans les années quatre-vingt-dix.

En revanche, on constate de plus grandes difficultés pour l’hôtellerie traditionnelle, qui, en plus d’être soumise à des normes contraignantes, doit affronter la concurrence de l’économie dite « collaborative », telle que celle des sites de réservation de logements auprès de particuliers, qui bousculent les codes de la profession.

Ainsi, la qualité d’accueil, l’investissement, l’innovation et la visibilité restent plus que jamais les leviers essentiels pour développer le tourisme et rester dans la course.

Pour illustrer mon propos, je ferai référence à mon département, les Pyrénées-Orientales, qui possède des atouts exceptionnels (Sourires.) : dix stations balnéaires, huit domaines skiables, cinq stations thermales, le troisième port de plaisance d’Europe, les parcs naturels des Pyrénées catalanes et d’Agly-Fenouillèdes, le parc naturel marin, le Canigou, montagne sacrée des Catalans – avec un aspect nature et randonnée, un aspect histoire industrielle, un aspect chemins de la liberté, à souligner après le débat que nous d’avoir –, le patrimoine historique issu des rois de Majorque, les sites reconnus par l’UNESCO dus à Vauban, etc. Tout cela représente 11 000 emplois, 1,4 milliard de chiffre d’affaires, 8 millions de visiteurs par an, 31 millions de nuitées, trente-trois offices de tourisme, deux cent vingt-trois hôtels et deux cent un campings.

Nous avons donc un capital touristique riche, mais cela n’est pas une fin en soi : ce capital et ce patrimoine, nous devons sans cesse les valoriser et les développer ! C’est ce que nous faisons aujourd’hui en mettant en valeur nos lieux de mémoire avec le mémorial du camp Joffre de Rivesaltes.

Dans nos territoires, partout en France, nous innovons ; mais encore faut-il que nos actions soient visibles et entendues par le plus grand nombre, dans le monde entier.

Je me souviens que, en 2010, le président du conseil régional Christian Bourquin rappelait que la région Languedoc-Roussillon investissait à l’étranger, avec la marque Sud de France, autant que le Gouvernement français de l’époque, dont telle n’était manifestement pas la priorité…

Je me souviens également que, au cours du dernier débat sur le tourisme s’étant tenu dans cet hémicycle, en 2013, un constat très mitigé avait été dressé sur les conséquences de la mise en œuvre de la loi de 2009, en particulier en termes d’emploi. Vous l’aviez d’ailleurs pointé du doigt, monsieur le ministre.

Quels moyens l’État entend-il déployer, avec les collectivités, pour assurer la promotion de nos produits touristiques ? Pourquoi et comment les collectivités territoriales s’emparent-elles du sujet aujourd’hui ?

Les premiers éléments de réponse résident dans l’action conduite par Laurent Fabius, d’abord, puis par Jean-Marc Ayrault, visant à promouvoir notre offre touristique à l’étranger, avec l’aide du bras armé que représente Atout France. Cette action a donné des résultats : 10,2 % de visiteurs en plus depuis 2010 et une croissance de 11,6 % de la clientèle lointaine, notamment chinoise et indienne.

La transversalité du tourisme et la diversité des actions nécessaires à son développement expliquent que cette compétence soit exercée, à leur niveau, par chacune des collectivités. Le bloc communal, le département, la région et l’État concourent à la mise en œuvre de la politique du tourisme : c’est la compétence partagée par excellence !

Cependant, à l’aube du transfert de la promotion touristique des communes vers les intercommunalités, devant entrer en vigueur au 1er janvier 2017, plusieurs questions viennent à l’esprit : quid des stations balnéaires, de ski ou thermales, souvent attachées à une commune ? Quid du classement des stations de tourisme ? Comment répondre aux inquiétudes des maires ? Comment est-il possible d’accompagner ces derniers ? Avons-nous des retours d’expérience sur lesquels nous fonder ou pouvant nous inspirer ? Quels sont, finalement, les modèles à suivre ?

Des pratiques de gouvernance ont progressivement vu le jour et il importe de s’inspirer de ce qui fonctionne bien dans nos territoires.

Dans les Pyrénées-Orientales, plusieurs offices de tourisme intercommunaux, ou OTI, ont devancé la loi et sont déjà en place : je pense à l’OTI des Aspres, avec René Olive et Nicole Gonzales, créé en 2009, à l’OTI de Pyrénées-Cerdagne, avec Georges Armengol, institué en 2010, à l’OTI de Conflent-Canigou, mis en place en 2015, à l’OTI d’Agly-Fenouillèdes, en cours d’installation.

Dans ce contexte de changement, je fais confiance aux maires et aux élus pour donner l’impulsion d’une politique de promotion touristique coordonnée, accompagnée et soutenue par le département, la région et l’État. La collectivité départementale, à taille humaine, fédère les acteurs aux côtés des élus. Les départements, garants des solidarités territoriales, poursuivent, aux côtés des communes et des intercommunalités, à la fois leur soutien financier et leur soutien technique pour développer l’attractivité de leur destination, via les agences de développement touristique, les ADT, qui ont remplacé les CDT.

Dans un environnement concurrentiel, la cohérence entre l’action départementale et l’action régionale reste un appui indispensable à la valorisation des territoires et à l’allongement des saisons.

Je rappelle que 80 % des touristes ne fréquentent que 20 % des espaces : les perspectives de développement existent ! Ne manquons pas le train de la compétitivité pour un secteur dont les emplois ne sont pas délocalisables. Donnons-nous les moyens d’agir !

Sachez, monsieur le ministre, que, au plus près des atouts de nos territoires, les collectivités, les élus locaux, les professionnels du tourisme sont prêts à relever les défis d’une filière touristique d’excellence, si l’État est au rendez-vous. Je suis convaincu qu’il le sera ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre.

M. Jean-Jacques Lasserre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je salue l’initiative prise par le groupe du RDSE, à l’origine de ce débat.

S’agissant des marchés de proximité, mais surtout des marchés émergents, la notion de destination est enfin vraiment mise en évidence. Jusqu’ici, des images de caractère institutionnel étaient le plus souvent mises en avant, ne correspondant en rien à l’attente du client.

C’est un véritable atout pour un pays comme la France. En effet, nous sommes certainement le pays du monde le plus riche en destinations de très grande renommée, du fait de notre histoire, de nos cultures et de notre diversité.

Il nous appartient d’être très offensifs et très organisés par rapport à une clientèle émergente dont la recherche rencontre remarquablement bien les offres particulières de notre pays : je pense à la clientèle asiatique, bien entendu, au continent américain dans sa totalité, mais également à l’arrivée d’une nouvelle clientèle africaine.

Le rôle des collectivités locales s’inscrit essentiellement dans une meilleure organisation de l’offre, dans la confection de produits régionaux et territoriaux, cela autour des vingt destinations nationalement identifiées.

Il appartient d’ailleurs à ces destinations d’avoir une attitude de rayonnement et un rôle prescripteur par rapport aux territoires qui les entourent.

Le tourisme, au regard de la loi NOTRe, est une compétence partagée. À l’avenir, l’action des conférences territoriales de l’action publique, les CTAP, sera donc déterminante en vue de la clarification des rôles de chacun, au niveau des attributions des trois strates : les CRT, les CDT –respectivement comités régionaux et comités départementaux du tourisme - et les offices du tourisme.

Je vous demande, monsieur le ministre, d’intégrer au sein des CTAP une commission spéciale déléguée au tourisme, tant les problèmes liés à ce sujet sont importants et variés. Une telle requête me semble justifiée.

La clarification des rôles doit porter sur des sujets fondamentaux : les politiques de promotion – la relation entre CDT, CRT et offices paraît fondamentale, leur complémentarité clairement posée et respectée – et les politiques d’investissement. À cet égard, les capacités d’accueil de la « destination France » doivent rapidement se moderniser. La France, à quelques exceptions près, notamment les équipements voisins des grands parcs de loisirs, prend du retard en termes de qualité.

La concurrence du sud de l’Europe – Espagne, Italie, Portugal – devient redoutable. La mise à niveau de l’hôtellerie, du réceptif rural, des campings, de l’accueil chez l’habitant ou à la ferme nécessitera de lourds investissements.

L’intervention des collectivités locales redevient primordiale.

Nous attendons des précisions au sujet de la loi NOTRe : l’action pour la promotion du tourisme doit être totalement distinguée de l’aide aux entreprises, réservée aux seules régions, afin de laisser la possibilité aux départements d’intervenir financièrement. Je formule cette demande, monsieur le ministre.

J’aborderai maintenant un autre sujet au cœur de l’actualité et de notre quotidien : l’« uberisation » de l’économie.

L’offre touristique change très rapidement de visage. Les canaux classiques – agences, centrales de réservation – sont aujourd’hui très fortement concurrencés par l’offre commerciale numérique, notamment par l’apparition de plateformes en ligne, dont on mesure aujourd’hui les inconvénients, en particulier sur le plan fiscal. De nouveaux canaux émergent via internet, mettant en relation directe l’offreur et le demandeur.

Les collectivités doivent apporter des réponses à deux niveaux.

Le premier niveau est celui de la normalisation du commerce numérique. La loi que nous venons de voter instaure une plus grande transparence des transactions, en termes de déclaration, de durée, de fiscalité. Soyons, à cet égard, très attentifs et favorables aux initiatives françaises.

Le second niveau est celui de la couverture territoriale intégrale en matière de numérique, qu’il est urgent d’assurer. Outre que cela devient fondamental au regard de l’activité commerciale, la desserte numérique est désormais un élément de confort prioritaire pour le consommateur.

Enfin, monsieur le ministre, je vous demande de veiller à ce que la taxe de séjour demeure perçue et utilisée à l’échelon local, EPCI et département. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Christian Favier.

M. Christian Favier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier nos collègues du groupe du RDSE d’avoir permis un débat sur cette importante question.

Au terme de longues discussions, la loi NOTRe a maintenu le tourisme parmi les compétences partagées entre l’État et tous les niveaux de collectivités, au même titre que la culture et le sport. Nous ne pouvons que nous en féliciter, car cela permet à chacun de jouer son rôle au profit du développement touristique et en faveur de tous les territoires.

Chaque collectivité devient ainsi le maillon d’une chaîne de coopération nécessaire pour répondre aux besoins diversifiés qui s’expriment dans ce domaine.

On ne saurait le nier, le tourisme est un secteur important de notre économie nationale et l’une des principales filières créatrices d’emplois. Cependant, au-delà de cet aspect majeur, il est une activité à multiples facettes, et c’est en actionnant ses divers leviers de développement que l’on obtient des résultats économiques.

En effet, le tourisme est un secteur interdisciplinaire dont chaque collectivité doit pouvoir se saisir en s’appuyant sur ses propres compétences, en synergie avec les autres.

Si le tourisme est un secteur dominé par des activités professionnelles privées, celles-ci ont néanmoins besoin de puissantes politiques publiques, développées par les autorités locales et nationales, pour les accompagner et les soutenir, mais aussi pour développer le dynamisme de leurs propres actions.

Ainsi, si le tourisme a évidemment besoin de politiques de promotion des destinations l’international, qui doivent être principalement assurées par l’État et les régions, il a aussi besoin de promotion locale et nationale, de politiques d’aménagement, de politiques sociales, de politiques culturelles. Dans cette perspective, chaque collectivité territoriale a évidemment son rôle à jouer.

Il s’agit d’abord, bien sûr, de maintenir et d’accroître en permanence le rayonnement et l’accessibilité des sites touristiques existants, de créer des moments festifs attractifs, en les rendant toujours plus accessibles, en les valorisant toujours davantage, en ne perdant jamais de vue que la valeur touristique d’un lieu, d’un moment, n’est jamais immuable.

Mais, dans le même temps, il s’agit de faire émerger de nouvelles activités touristiques pour répondre aux besoins qui se font jour du point de vue tant de la demande que de l’offre, et pour s’adapter à tous les types de clientèle, du haut de gamme jusqu’au tourisme social.

En effet, nous le savons tous, la palette est large et diversifiée. Elle ne saurait se réduire aux nouvelles clientèles d’Asie et du Moyen-Orient, dont on parle beaucoup. Elles disposent certes d’un fort pouvoir d’achat, mais n’oublions pas que 90 % des touristes en France sont d’abord français et européens. Or ces derniers expriment de nouvelles attentes. Ces visiteurs souhaitent souvent découvrir nos régions, notre patrimoine de façon insolite, partager parfois la vie quotidienne des habitants. Ils ont également tendance à organiser eux-mêmes leurs séjours, à rechercher les « bons plans », notamment en termes d’hébergement, en dehors des tour operators. En bref, ils veulent « sortir des sentiers battus », ne plus être seulement les « consommateurs » d’une destination mise en scène, mais aussi des coproducteurs de leur voyage.

De ce fait, si le tourisme reste un secteur dominé par de grands groupes privés, n’oublions pas que de très nombreuses petites structures, des acteurs associatifs, des start-up développent des projets très utiles dans ce domaine.

Aussi les collectivités publiques doivent-elles, à côté de leurs propres actions de valorisation de leur territoire, soutenir ces petites structures, dont les initiatives innovantes permettent souvent de renouveler l’offre et l’image de la destination.

Par ailleurs, il nous faut sans conteste travailler sur l’hospitalité, l’accueil dans nos territoires. Pour ce faire, il est nécessaire de nous appuyer sur les habitants, qui doivent devenir les ambassadeurs de leur territoire, des acteurs de son développement. À cette fin, il convient de développer une véritable politique touristique qui valorise le patrimoine humain. Pour y parvenir, l’échelon local est sans doute le bon.

En effet, pour que les habitants deviennent les ambassadeurs de leur territoire, il convient d’abord qu’ils le connaissent et l’apprécient. Aussi les collectivités locales de proximité doivent-elles développer des actions permettant aux habitants de s’approprier leur environnement, de faire d’eux les premiers touristes de leur région.

Enfin, si le tourisme est un vecteur de valorisation des territoires et de réduction des fractures territoriales, il doit aussi être un facteur de réduction des inégalités sociales.

Pour qu’il en soit ainsi, il est nécessaire que s’exprime, à tous les niveaux, une réelle volonté politique au service d’un « tourisme pour tous ». Cela passe par de véritables politiques sociales qui favorisent le départ en vacances de tous.

Au sein de notre groupe, nous sommes particulièrement attachés à cet objectif à haute valeur sociale ajoutée, car le tourisme est pour nos concitoyens une source de découverte, d’épanouissement, de renforcement des liens familiaux et sociaux. Dans mon département du Val-de-Marne, par exemple, nous avons décidé il y a déjà de nombreuses années de gérer nous-mêmes deux grands villages de vacances dans les Alpes, pour permettre l’accès aux vacances à toutes les familles, y compris les plus modestes.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Christian Favier. Cette politique doit s’appuyer sur le soutien de l’État et des collectivités territoriales au développement d’hébergements accessibles à tous, mais aussi se déployer en liaison avec les associations, afin d’aider toutes les familles à partir, sachant que, aujourd’hui encore, près de la moitié des Français ne partent pas en vacances, soit 10 % d’entre eux de plus qu’il y a dix ans.

Dans cette perspective, il est urgent, en particulier, de prendre des mesures en faveur des jeunes, car 3 millions des jeunes de 5 à 19 ans ne partent toujours pas en vacances.

En conclusion, nous estimons que, pour répondre à la diversité des objectifs à atteindre dans le domaine du tourisme et des moyens à mettre en œuvre pour créer les meilleures conditions de la rencontre, chaque collectivité territoriale a un rôle à jouer en matière d’intervention, d’impulsion, de coordination des nombreux acteurs publics et privés intervenant dans leur territoire, de mobilisation des populations qui y vivent et de coopération renforcée.

Le tourisme n’a pas vocation à répondre aux seules logiques marchandes. On voyage d’abord pour partager des moments avec ceux qu’on aime, pour s’émerveiller, pour rencontrer et découvrir d’autres cultures. Le tourisme est source d’ouverture aux autres et d’épanouissement : ce sont là des valeurs auxquelles notre groupe est très attaché, surtout en une période où il nous faut combattre le repli et la peur de l’autre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Percheron.

M. Daniel Percheron. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cahin-caha, la loi NOTRe a été votée. Elle a musardé, et on ne peut pas dire que son examen ait été un modèle de concertation ; mais enfin, elle a été votée !

Les départements ont été acquittés, à l’issue d’un procès excessif en archaïsme (M. Michel Bouvard applaudit.), les régions ont été bousculées, agrandies, parfois écartelées, au moment où elles trouvaient leur vérité. On peut aussi le regretter.

Je pourrais, invoquant Sieyès, résumer d’une phrase mon intervention : au cœur de la loi NOTRe, il y a l’intercommunalité – communautés de communes, communautés d’agglomération, communautés urbaines –, absolument consacrée, reconnue et célébrée.

Il est vrai aussi que, à partir de la loi Chevènement, ce n’est pas la fin des terroirs que nous avons connue, contrairement à ce qui a pu être écrit, mais la renaissance des territoires. L’intercommunalité permet la rencontre régulière, réconfortante, de l’intelligence territoriale collective.

La promotion du tourisme est au cœur, bien sûr, de l’une des responsabilités de l’intercommunalité, de l’une des chances qu’elle offre au pays tout entier. Car nous sentons bien aujourd’hui, en voyant les centaines de millions de visiteurs venant des pays émergents, que le tourisme est l’un des moyens, pour notre pays, qui doute tant de son modèle, de se redéfinir et de préciser son identité par rapport à la mondialisation. Par conséquent, vive l’intercommunalité, et vive la compétence partagée !

J’ai parlé d’intelligence collective territoriale : ayons confiance ! L’intercommunalité saura dialoguer avec les départements, a fortiori avec les régions. Elle saura déléguer, elle saura harmoniser. Ne rêvons pas du modèle allemand ! Regardons l’intercommunalité à la française, son ADN : l’intercommunalité possède les gènes des majorités d’idées ; osons le mot, elle sait fabriquer le consensus.

En termes de promotion du tourisme, il y a une véritable possibilité, une véritable chance. Les enjeux économiques, les chiffres ont été rappelés : nous pouvons continuer à avancer.

Je voudrais évoquer brièvement trois éléments du contexte.

Monsieur le ministre, connaissez-vous le « théorème de Piketty » ? Je ne parle pas de son pavé à la Karl Marx (Sourires.), mais de son analyse, menée il y a une dizaine d’années, des populations actives de la France et des États-Unis. Il les a trouvées comparables en termes de répartition par secteurs d’activité. La seule différence, en termes d’emploi, tenait au développement des secteurs de l’hôtellerie, de la restauration, du commerce et de la distribution : elle suffisait à expliquer que les États-Unis connaissent une situation de plein emploi.

Lorsque nous redéfinirons – c’est très difficile, mais nécessaire – le modèle social français, nous devrons y penser. Nous avons manqué l’occasion, pour le secteur de la restauration, avec la baisse de la TVA. Aux États-Unis, les charges sociales pesant sur des millions d’emplois peu ou pas qualifiés sont nettement moins élevées. Lors du Congrès de Vienne, Talleyrand faisait venir du fromage français. Quant à Laurent Fabius a intégré le tourisme dans la diplomatie française. Faisons en sorte d’être au rendez-vous.

J’évoquerai maintenant la ruralité, sous l’œil vigilant du sénateur de la Lozère. (M. Alain Bertrand sourit.) La dérégulation de la politique agricole commune est-elle compatible avec la ruralité française, l’exploitation familiale à la française ? Quoi de plus intelligent que l’action menée par le général de Gaulle, Edgard Pisani ou Michel Rocard – je pense aux quotas laitiers – pour résoudre la quadrature du cercle en obtenant des prix garantis pour des quantités illimitées, la protection communautaire, des subventions à l’exportation ?

La dérégulation de la PAC met en cause le modèle agricole français, c’est évident ! Or il n’y a pas de tourisme, dans le pays le plus beau, le plus équilibré, le plus harmonieux au monde, sans une ruralité et une agriculture rayonnantes.

Depuis les lois de 2000, nous avons la ruralité la mieux équipée au monde. C’est le moment où jamais de nous en préoccuper et, lors des grands débats, je souhaite que les grandes associations d’élus se mobilisent sur ce thème de la dérégulation de la PAC. À la limite – c’est paradoxal et excessif ! –, sans la PAC, la place de la France en Europe ne serait plus tout à fait ce qu’elle est. N’abandonnons jamais les mécanismes de la PAC ! Pour les collectivités locales, l’économie mixte est une bénédiction : 18 milliards d’euros de subventions publiques ont été attribués à ce titre en 2014, dont 10 milliards d’euros alloués par l’Europe à l’agriculture française. L’intervention, la protection de l’État, fût-il européen, c’est quelque chose que nous connaissons bien ! Nous avons là une occasion d’avancer, car si notre agriculture est la première au monde, c’est aussi grâce – osons le dire ! – à la cogestion, à la co-animation entre le pouvoir politique et les syndicats agricoles.

Il est évident que, pour l’avenir, l’exercice de la compétence « tourisme », de la compétence développement économique appelle sinon une cogestion, en tout cas une co-animation de l’agriculture française au niveau des collectivités locales, en accord profond avec la profession. À défaut, l’avenir n’appartiendra plus à nos paysans.

J’évoquerai enfin ce que le professeur Davezies appelle « l’économie résidentielle ».

Permettez-moi de dire, moi qui ai passé trente ans au sein d’un exécutif régional, dont quinze à sa tête, à quel point l’économie résidentielle est fondamentale.

L’INSEE nous alerte, dans sa dernière étude, sur le fait que 3 000 entreprises sont à la base de la richesse dans les métropoles et que, dans le contexte de la compétition mondiale, la production de richesses est non pas éparpillée, mais concentrée.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Daniel Percheron. Soyons vigilants face à cette tentation de la métropolisation.

Dans ma région, nous avons fait venir le plus grand musée du monde sur une friche minière, dans l’arrondissement de Lens, celui de France qui produit le moins de richesse en termes d’économie marchande : 400 millions d’euros par an, soit 1 000 euros par an et par habitant, contre 3 200 euros pour Toulouse, 2 800 euros pour Lille 2 800 euros et environ 8 000 euros pour une vallée alpine. Le mariage de l’exception culturelle française avec le tourisme et l’intelligence territoriale, noué à Lens grâce à Jean-Jacques Aillagon, représente à coup sûr une des voies du développement économique. Faisons confiance aux élus ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du RDSE.)