Mme Évelyne Didier. Chers collègues de la majorité sénatoriale, il n’y a qu’un président de séance !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je rappelle par ailleurs que nous ne sommes pas les seuls à être contre. L’Union professionnelle artisanale se sent menacée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 458.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 457, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 6, première phrase

Après les mots :

ordre public

rédiger ainsi la fin de cette phrase :

tels le principe de faveur, la hiérarchie des normes, l’égalité professionnelle, les droits syndicaux, la santé et la sécurité au travail, le respect de la vie privée, la durée maximale du travail à trente-cinq heures, une rémunération minimale égale au salaire minimal de croissance, à mettre en place pour les salariés de nouvelles protections face aux mutations du travail au XXIe siècle.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Nous avons déjà débattu de l’inversion de la hiérarchie des normes et de la mise à mal du principe de faveur. Nous y sommes hostiles. Ce « changement de paradigme », comme vous le qualifiez dans l’étude d’impact, madame la ministre, aura des conséquences sur les conditions de vie et de travail des salariés, sur leur santé, leur sécurité et leur pouvoir d’achat.

Cette inversion de la hiérarchie des normes, en instaurant un principe de défaveur, introduit un nouvel élément dans la course à la compétitivité au sein d’une même branche. Nous l’avons déjà souligné, elle favorisera du même coup le dumping social par le chantage sur le temps de travail et l’intensification de l’activité, puisque la négociation d’entreprise s’effectuera toujours sous la contrainte d’accords socialement les plus défavorables !

En outre, madame la ministre, comme l’a rappelé Dominique Watrin, dans la droite ligne de la loi de 2008, défendue à l’époque par Xavier Bertrand, vous finissez d’institutionnaliser l’individualisation des relations sociales, le « gré à gré », au détriment de la loi, pourtant protectrice.

Force est de le constater, l’objectif ici est la recherche du seul intérêt de l’entreprise, censé correspondre à l’intérêt général. On retrouve, dans ce raisonnement, le modèle économique de la « main invisible » d’Adam Smith, fondé sur l’idée que la recherche de l’intérêt individuel conduit à la réalisation de l’intérêt général.

Pourtant, depuis plus de deux siècles, l’histoire nous a enseigné que c’était le contraire qui était vrai : ce sont les progrès sociaux, acquis à travers les luttes, qui créent une société viable, parce qu’ils permettent une amélioration pour le plus grand nombre.

Nous ne sommes pas opposés à la négociation collective. Pour autant, celle-ci ne peut se dédouaner, au profit de tous les salariés, du respect de l’ordre public social et des principes essentiels en matière de droit du travail tels qu’ils sont énumérés dans cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 459, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 6, première phrase

Après les mots :

ordre public

insérer les mots :

tels que la durée maximale du travail à trente-cinq heures et le salaire minimum,

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Cet article a été fortement modifié depuis sa version initiale, qui comportait les soixante et un principes de la commission Badinter, à sa nouvelle version proposée par la droite sénatoriale. Son objet est d’accorder une place particulière à la négociation collective, notamment à l’échelon de l’entreprise.

Nous ne sommes pas contre la négociation d’entreprise – Annie David a rappelé le nombre d’accords d’entreprise signés chaque année –, à condition toutefois qu’elle ne remette pas en cause les droits des salariés et qu’elle continue de s’appliquer en respectant le principe de faveur, c'est-à-dire, je le répète, ce qui est le plus favorable aux salariés.

Nous souhaitons donc affirmer que, en plus de la négociation collective, la durée légale du travail à 35 heures et le salaire minimum doivent être des principes fondamentaux pour guider la refondation du code du travail que vous appelez de vos vœux, madame la ministre. En effet, temps de travail et rémunération sont liés. Remettre en cause la durée légale hebdomadaire de travail revient à diminuer le salaire horaire, donc le pouvoir d’achat des salariés.

Nos concitoyens sont, à juste titre, particulièrement attachés à leurs conditions de rémunération et aux 35 heures, et cela est justifié. C’est cet attachement qu’ils ont exprimé dans la rue ou sur les réseaux sociaux depuis quatre mois maintenant et qu’ils expriment de nouveau en nombre cet après-midi.

Il n’est pas concevable que le respect de ces deux éléments ne guide pas la refondation du code du travail.

Un avis défavorable sur cet amendement serait une preuve supplémentaire de votre souhait de revenir sur les droits des salariés, madame la ministre, sous couvert de refondation ou de « réécriture » du code du travail.

M. le président. L'amendement n° 460, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 6, première phrase

Après les mots :

ordre public

insérer les mots :

telles l’égalité professionnelle, les droits syndicaux, la santé et la sécurité au travail, le respect de la vie privée,

La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Il s’agit d’un amendement de repli.

Le sixième alinéa de l'article indique que la refondation du code du travail attribuera une place centrale à la négociation collective ; il faut entendre une place plus importante qu’actuellement.

Nous sommes favorables à la négociation collective, elle est évidemment essentielle. Or, madame la ministre, vous voulez inverser l’ordre public social existant et faire primer les accords d’entreprise sur les deux autres niveaux. C’est précisément ce que nous dénonçons, parce que nous sommes conscients des rapports de force qui se jouent au sein des entreprises, parce que nous savons que des accords pourront être plus défavorables aux salariés et que des inégalités de traitement existeront d’une entreprise à une autre.

C’est un véritable désaccord de fond que nous avons avec vous sur ce sujet, madame la ministre. En affirmant que, « en matière de dialogue social, l’entreprise est le niveau, le lieu le plus abouti », vous niez en quelque sorte les difficultés et les tensions existantes et le déséquilibre des forces entre les salariés et les employeurs.

J’en viens plus précisément à l’objet de cet amendement. Nous souhaitons a minima préciser les dispositions qui devront relever, pour nous, de l’ordre public, à savoir l’égalité professionnelle, les droits syndicaux, la santé et la sécurité au travail, le respect de la vie privée.

Il ne faudrait pas que la refondation du code du travail dont il est question dans cet article et dont nous ne comprenons pas d'ailleurs si elle se fait à droit constant ou non, omette ces thèmes pour les salariés ; en effet, loin d’être anodins, ils sont au contraire de véritables enjeux. Comme tous les mots ont un sens, nous préférons inscrire dans le texte ce qui est encadré par la loi.

Sur ces sujets, les employeurs peuvent ne pas vouloir ouvrir de négociations. Par conséquent, autant prévoir des garde-fous et des obligations. Sinon, nous risquons de réduire la loi à une coquille vide.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Ces trois amendements visent chacun à décliner le principe du précédent amendement et à le compléter.

J’en profite pour rendre un hommage appuyé à la constance du groupe CRC, à celle de Gaëtan Gorce, mais également à celle de la majorité sénatoriale ! En effet, en 2008, lorsque le texte portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, qui affirmait la primauté de l’accord d’entreprise dans un certain nombre de domaines, était en discussion au Sénat, la droite et le centre avaient naturellement approuvé ces nouvelles règles, ainsi que les nouvelles règles de majorité.

M. Alain Néri. C’est bien ce qui nous inquiète, monsieur le rapporteur !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Si Gaëtan Gorce, qui avait à l’époque voté contre ce texte, vote contre le projet de loi qui vous est présenté aujourd’hui, nous, qui avions voté pour en 2008, sommes constants !

Qu’en est-il du très grand nombre de sénateurs du groupe socialiste et républicain qui, eux aussi, avaient voté contre, mais qui se rallient aujourd’hui à ce texte qui est tout à fait conforme à la philosophie que nous avions défendue à l’époque ?

M. René-Paul Savary. Tout à fait !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Cohérence contre cohérence, nous sommes droits dans nos bottes.

M. Jean-Louis Carrère. Vous êtes conservateurs !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Nous assumons tout. Nous n’avons pas la réforme honteuse.

M. Alain Néri. Vous ne nous rassurez pas !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Je constate en revanche que certains refusent d’assumer.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements.

M. Le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Je n’ai absolument pas la réforme honteuse. Je l’assume à 200 % !

Cette réforme comprend trois éléments qui fonctionnent ensemble : élargissement de l’objet de la négociation, renforcement des moyens syndicaux dans les entreprises – sur ce point, nous avons une vraie divergence : il est nécessaire si nous voulons plus de négociateurs formés et en mesure de jouer leur rôle –, principe majoritaire – là aussi, nous avons une divergence.

Je partage évidemment l’objectif de maintien des 35 heures et du salaire minimum dans le futur code du travail.

Mme Myriam El Khomri, ministre. Il s’agit d’acquis majeurs. Il en est de même de l’égalité professionnelle, ainsi que des conditions de santé et de sécurité. Il faut même toujours aller plus loin pour les garantir ; voilà ma vision.

Le but de cet article n’est pas de dresser la liste de tout ce qui doit rester dans l’ordre public. Il s’agit, permettez-moi d’y revenir, de créer une commission, qui doit formuler des propositions, notamment à droit constant, afin de définir le niveau le plus pertinent pour développer la négociation collective. D’ailleurs, dans la version initiale de ce texte, les 35 heures font partie de l’ordre public.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements.

M. Le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Madame la ministre, je vous écoute avec attention depuis le début de nos travaux et j’avoue ne pas comprendre comment vous pouvez parler de renforcement de la capacité syndicale à l’intérieur des entreprises, alors que les salariés voient s’affaiblir leur capacité d’intervenir dans un grand nombre de structures.

C’est pour les entreprises de moins de 250 salariés, dont il a été question tout à l’heure, que la situation est la plus fragile. La plupart du temps, dans ces structures, quand des salariés décident de constituer leur propre organisation syndicale, le patronat trouve toutes les solutions possibles pour que le salarié ait une forme de fin de contrat ou soit licencié pour des raisons diverses et variées et que l’organisation syndicale ne puisse être créée !

Affirmer que, aujourd’hui, on pourrait donner plus de moyens à l’activité syndicale dans les entreprises grâce à ce texte est incompréhensible au regard de la réalité du terrain. Nous pensons au contraire qu’il faut donner tous les moyens dans les textes pour que les salariés ne soient pas sous la coupe de la seule négociation dans l’entreprise et pour que celle-ci se fasse dans le cadre d’accords de branche qui les protègent.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 457.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 459.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 460.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 141, présenté par Mme Deromedi, M. Bouchet, Mme Cayeux, MM. Chasseing, Doligé, Frassa et Gremillet, Mme Gruny, M. Husson, Mme Kammermann et MM. Laménie, Magras, Masclet, Morisset, Pellevat, Soilihi et Vasselle, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Elle attribue également une place majeure aux dispositions tendant à favoriser l’emploi, à enrayer le chômage, à adapter le droit du travail aux évolutions techniques, notamment à l’ère du numérique, à renforcer la formation professionnelle et l’apprentissage, à simplifier les démarches des entreprises, à tenir compte de la situation particulière des très petites et moyennes entreprises, au développement du commerce extérieur de la France.

La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Les principes de refondation du droit du travail ne peuvent se limiter à la négociation collective, dont l’importance est évidente, mais ils doivent s’étendre aux préoccupations essentielles des Français : l’emploi, l’accompagnement et la réinsertion des chômeurs, l’adaptation du droit aux évolutions techniques, la simplification des démarches des entreprises. Il est important de ne pas multiplier les démarches nouvelles coûteuses, alors que l’on prétend simplifier.

Ce projet est très hexagonal et ne comporte pratiquement aucune mesure spécifique tendant au développement de notre commerce extérieur, lequel constitue pourtant l’un des ressorts majeurs de notre économie. Les seules dispositions relatives au travail à l’étranger ont trait au congé de solidarité internationale. Les dispositions au détachement que le projet de loi contient concernent les entreprises situées à l’étranger qui détachent des salariés en France.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Par le biais de cet amendement sont énoncés un certain nombre de principes qui – je m’exprime sous le contrôle des autres rapporteurs de ce texte – nous ont utilement inspirés. C’est aussi à leur aune que nous avons réécrit l’article 1er, qui inclut désormais la simplification des règles du code du travail.

Il est demandé qu’une attention toute particulière soit prêtée aux TPE et aux PME. C’est tout à fait l’état d’esprit qui prévaut lorsqu’il est question de « renforcer la compétitivité des entreprises, en particulier celles qui emploient moins de deux cent cinquante salariés ».

Par conséquent, les dispositions prévues sont pour partie satisfaites par la réécriture de l’article. La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. En totale cohérence avec ce que j’ai indiqué tout à l’heure, je ne souhaite pas assigner d’objectif à cette commission.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Je remercie mon collègue Daniel Chasseing d’avoir soutenu cet amendement, même s’il sera probablement amené à le retirer, compte tenu des explications que vient de donner M. le rapporteur. En effet, cette disposition est importante, car elle reflète bien la philosophie de la majorité du Sénat.

Nous sommes actuellement en pleine mutation. Le monde change considérablement, notamment du fait de l’apparition de l’économie numérique et collaborative. Comme cela a été dit la nuit dernière, dans dix ans, entre 50 % et 60 % des emplois n’auront rien à voir avec ceux d’aujourd'hui, notamment à cause de l’économie collaborative, ou peut-être grâce à elle.

Face à cela, que proposons-nous ? Une refondation de la partie législative du code du travail, avec la création d’une commission d’experts. À entendre les uns et les autres, on a parfois l’impression de revenir à la lutte des classes ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Laurence Cohen. Elle est toujours là, la lutte des classes !

M. René-Paul Savary. On a l’impression d’examiner une loi pour le travail du XXe siècle, et non pas du XXIe siècle.

C'est la raison pour laquelle il est tout à fait important de rappeler que ce texte est fait aussi pour ceux qui n’ont pas de travail. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Monsieur Chasseing, l'amendement n° 141 est-il maintenu ?

M. Daniel Chasseing. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 141 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 186 rectifié, présenté par M. Gorce, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

La commission se fixe comme priorité d’établir des règles pour favoriser la réinsertion des demandeurs d’emploi. À ce titre, elle évalue l’opportunité de créer, dans chaque bassin d'emploi, une Maison du travail, avec le statut d’une association relevant de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association. Dans le cadre de ses travaux, la commission examine notamment les principes énoncés ci-après.

Son président est le directeur afférent de Pôle emploi.

Son conseil d'administration est composé des représentants du ou des Pôles d’équilibre territoriaux et ruraux et de délégués élus par les salariés et les employeurs des entreprises situées sur le territoire couvert.

La Maison du travail signe, dans les conditions fixées par son conseil d'administration, les contrats de retour à l'emploi dont la mise en œuvre est assurée par Pôle emploi ou tout autre organisme défini par ses soins.

Les bénéficiaires de ces contrats élisent chaque année trois délégués qui siègent au conseil d'administration avec voix consultative.

La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. À la suite des autres amendements que j’ai déjà présentés et qui visaient à offrir des perspectives différentes en matière de formation, de lutte contre les mauvaises pratiques, en particulier le dumping social, ou encore de qualification des salariés en cas de sous-traitance, cet amendement vise à proposer des possibilités d’insertion à ceux qui sont sans emploi.

Ces personnes sont aujourd'hui victimes d’un système qui n’est pas universel. Ce dernier est en effet cloisonné : le traitement dont bénéficient les personnes sans emploi et sa durée varient en fonction de leur situation. Ils ne sont pas les mêmes si celles-ci entrent sur le marché du travail ou si elles ont exercé une activité pendant une certaine durée. Ils sont différents selon le secteur d’activité.

Il est donc souhaitable de remplacer le système variable en fonction du statut qui existe aujourd'hui, lequel accroît la précarisation de certains demandeurs d’emploi, par un dispositif commun, adapté à la situation concrète dans laquelle se trouvent ces personnes.

Cet amendement, qui ne s’inscrit pas directement dans la logique du texte, vise à contribuer au débat et à permettre de réfléchir à une autre démarche. Ses dispositions reposent sur la signature d’un contrat entre une maison du travail et les demandeurs d’emploi, comme cela se pratique dans certains pays, afin de placer ces derniers dans une situation de sécurité et de stabilité juridiques.

Permettez-moi pour finir de revenir sur l’incident survenu précédemment, car je tiens beaucoup à la sérénité du débat. Il était parfaitement malvenu de ma part de m’en prendre de manière personnelle à un collègue. J’ai le droit de penser ce que je pense, mais je n’avais pas à le dire. Aussi je vous demande, monsieur le président, de bien vouloir m’en excuser. (M. Jean-Louis Carrère fait un geste de la main en signe d’apaisement.)

M. le président. L'amendement n° 187 rectifié, présenté par M. Gorce, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

La commission évalue l’opportunité d’établir des règles pour favoriser la réinsertion des demandeurs d’emploi. À ce titre, elle définit les conditions dans lesquelles, dès son inscription à Pôle emploi, tout demandeur d'emploi âgé au moins de 18 ans se voit proposer, par la Maison du travail dont il relève, un contrat de retour au travail pour une durée d'un an renouvelable par trimestre dans la limite de douze mois.

La commission examine l’hypothèse d’une allocation plafonnée. Ses propositions devront s'inscrire dans le cadre des moyens disponibles et n'induire aucune dépense supplémentaire.

Ce contrat implique l'exécution des missions précisées d'un commun accord avec la Maison du travail, à savoir : recherche d'emploi, bilan de compétence, formations, activités d'utilité collective. Ces missions sont définies dans le but de faciliter le retour rapide à l'emploi de leurs bénéficiaires et s'inscrivent dans un parcours cohérent.

La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission n’a pas eu l’occasion d’examiner ces amendements, qui tendent à créer des maisons du travail et à définir leurs missions.

Un certain nombre de structures doivent être coordonnées et retravaillées. Il faut éviter la création de nouvelles institutions.

À titre personnel, j’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Je partage bien sûr le point de vue de M. Gorce sur la nécessité d’un meilleur accès à l’emploi et sur la notion de parcours, qui me paraît en effet essentielle.

À cet égard, le projet de loi met en œuvre un parcours d’accès à l’emploi, notamment pour les plus jeunes, et prévoit différents dispositifs d’accompagnement et des contrats donnant-donnant. Je pense à la Garantie jeune, au contrat d’insertion dans la vie sociale, le CIVIS, etc. Comme j’ai eu l’occasion de vous le dire hier, le plan de formation repose sur la notion de parcours de formation et d’emploi.

Quant à la question des maisons de l’emploi, nous en avons débattu lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2016. Nous nous sommes interrogés sur la manière de leur assurer un meilleur positionnement, à la fois pour les demandeurs d’emploi et pour les chefs d’entreprise, et sur l’amélioration de la coordination de tous les acteurs à l’échelon local. La création de ces maisons n’a pas grand-chose à voir, et vous le dites vous-même, monsieur le sénateur, avec l’article 1er, lequel porte sur la création d’une commission de refondation du code du travail.

Cela étant, je suis prête, si vous le souhaitez, à entamer avec vous un travail sur cette question. Mon administration me soumet depuis quelques mois des propositions sur la notion de parcours. Je partage le constat que vous faites s’agissant de la trop grande segmentation et de la nécessité de mettre en place un accompagnement beaucoup plus précis et personnalisé pour certains chômeurs, notamment les chômeurs de longue durée.

En attendant, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.

M. Alain Néri. L’amendement de M. Gorce tombe à point nommé, au moment où M. Savary s’inquiétait que l’on ne s’occupe pas des gens en situation de retour à l’emploi. Je n’irai pas jusqu’à parler de coordination, voire de collaboration entre M. Gorce et M. Savary, mais je constate que les choses se coordonnent d’elles-mêmes !

Vous avez raison, madame la ministre, les amendements de M. Gorce n’ont pas de lien direct avec l’article 1er. Les dispositions de ces amendements me rappellent la réflexion sur la création des comités de bassin d’emploi, en 1981.

Aujourd'hui, force est de constater que Pôle emploi, en dépit de ses efforts et de la qualification de ses personnels, ne connaît pas de véritable succès en matière de retour à l’emploi. Sinon, nous ne compterions pas autant de chômeurs de longue durée et de nombreux jeunes trouveraient plus facilement un emploi à l’issue de leur formation ou après une expérience malheureuse.

Madame la ministre, la proposition de M. Gorce me paraît fondée. Je vous remercie de nous avoir proposé de discuter et de travailler avec vous sur le projet de création de maisons de l’emploi. Je sollicite donc l’assemblée pour qu’elle soutienne l’amendement de M. Gorce, comme je le soutiens moi-même, et je compte bien sûr sur l’appui de M. Savary. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Myriam El Khomri, ministre. Je rappelle que j’ai émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

Monsieur Néri, je ne peux pas vous laisser dire ici que, si nous avons des chômeurs dans notre pays, c’est de la faute de Pôle emploi.

Mme Marie-France Beaufils. Ce n’est pas ce qu’il a dit !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Non, c’est de la faute de François Hollande ! (Sourires.)

Mme Myriam El Khomri, ministre. L’année 2015 a été importante pour Pôle emploi. En effet, quelque 4 000 postes de conseillers dédiés aux relations avec les entreprises ont été créés, afin de permettre à cet organisme d’accéder au marché caché des offres d’emploi. Auparavant, Pôle emploi ne disposait pas en effet de l’intégralité des offres d’emploi disponibles.

M. Alain Gournac. Est-ce que c’est efficace ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Par ailleurs, quel accompagnement prévoir pour les demandeurs d’emploi, notamment pour les demandeurs de très longue durée, pour qui se pose la question de la qualification ? Je pense également aux seniors qui souhaitent entreprendre une reconversion professionnelle, ce qui est particulièrement long.

Notre pays est mauvais en matière de formation professionnelle. Nous formons un demandeur d’emploi sur dix, contre deux sur dix en Allemagne et quatre sur dix en Autriche. Un rattrapage s’imposait en la matière. Nous n’avons pas formé pour former, nous avons choisi de former utile, à partir des besoins de chaque bassin d’emploi. Tel est le sens du plan pour l’emploi lancé par le Président de la République.

Ces mesures commencent à porter leurs fruits, c’est l’essentiel. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Grosdidier. En somme, « ça va mieux » !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, n’ironisez pas sur le « ça va mieux ». Certains indicateurs sont parlants ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

M. Jean-Louis Carrère. Laissez-les organiser leur primaire, madame la ministre… Vous avez le bonjour d’Henri Guaino, chers collègues de la majorité sénatoriale !

Mme Myriam El Khomri, ministre. En 2012, nous perdions 50 000 emplois par an. Je vous parle de personnes qui sont en grande difficulté. Si nous disons que cela va mieux, c’est parce que les indicateurs économiques le montrent.

Reconnaissez-le, nous avons créé 100 000 emplois en 2015, après plusieurs années de destructions d’emplois. Nous devons tous nous en réjouir, mais cela ne signifie pas pour autant que l’ensemble des Français va mieux. Nous nous battons pour que cela aille bien. N’ironisez pas sur ces sujets importants ! Nous menons une stratégie d’ensemble.