M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 268, présenté par Mme Deroche, MM. Retailleau, Allizard, Baroin, Bas, Bignon, Bizet, Bouchet, Buffet et Cambon, Mme Canayer, MM. Cantegrit et Cardoux, Mme Cayeux, M. César, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon, Chasseing, Cornu, Dallier, Danesi et Darnaud, Mmes Debré, Deromedi, Des Esgaulx, Deseyne et Di Folco, M. Doligé, Mmes Duchêne et Duranton, M. Emorine, Mme Estrosi Sassone, MM. Falco, Frassa, Genest et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Gournac, Grand, Gremillet, Grosdidier et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Guené, Houel, Houpert, Huré et Husson, Mme Imbert, MM. Karoutchi et Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy, Longuet, Malhuret, Mandelli, A. Marc, Masclet et Mayet, Mmes Micouleau et Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Nègre, de Nicolaÿ, Panunzi, Paul, Pellevat, Perrin, Pierre, Pillet, Pintat, Pinton et Pointereau, Mme Primas et MM. de Raincourt, Raison, Rapin, Reichardt, Revet, Savary, Savin, Trillard, Vaspart, Vasselle, Vendegou, Vial et Vogel, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 6

Supprimer les mots :

d’une entreprise de moins de trois cents salariés

II. – En conséquence, intitulé du chapitre Ier du titre IV

Rédiger ainsi cet intitulé :

Améliorer l’accès au droit des entreprises et favoriser l’embauche

La parole est à Mme Agnès Canayer.

Mme Agnès Canayer. L'article 28, tel que modifié par la commission des affaires sociales, crée un rescrit en matière de droit du travail, mais uniquement pour les entreprises de moins de trois cents salariés.

Notre amendement vise à étendre cette mesure à l’ensemble des entreprises, quelle que soit leur taille, afin que toutes puissent en bénéficier.

M. le président. L'amendement n° 923 rectifié, présenté par MM. Requier, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Vall, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 6

Remplacer les mots :

trois cents

par le mot :

cinquante

II. – Alinéa 8, première phrase

Supprimer les mots :

quand la sollicitation émane d'une entreprise employant moins de cinquante salariés

La parole est à M. Guillaume Arnell.

M. Guillaume Arnell. L’article 28 prévoit la mise en œuvre d’un « droit » des employeurs à une information précise et rapide. Il met en place des services d’information dédiés.

Si nous partageons évidemment l’objectif d’améliorer l’accès au droit des petites entreprises, le plafond de trois cents salariés ne nous semble pas opportun.

Selon l’étude d’impact, plus de 800 000 demandes sont traitées chaque année par les services des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, les DIRECCTE. Les demandes proviennent très majoritairement des TPE et des PME, puisque 57 % des demandeurs sont issus d’une entreprise d’un à dix salariés, 26 % des demandeurs d’une entreprise de onze à quarante-neuf salariés et 16 % d’une entreprise de cinquante salariés et plus.

Par ailleurs, une note ministérielle consacrée à l’inspection du travail relève que « les établissements de moins de cinquante salariés constituent ceux pour lesquels l’accès au droit, et au droit du travail en particulier, est le moins aisé, tant pour les employeurs que pour les salariés ».

Aussi, dans un souci d’efficience de la dépense publique, notre amendement prévoit de réserver le service public d’aide aux TPE et PME aux entreprises qui emploient moins de cinquante salariés. Ce sont elles qui en ont le plus besoin. La plupart du temps, elles n’ont pas les moyens d’embaucher des personnes qualifiées en droit du travail.

M. le président. L'amendement n° 717, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Remplacer les mots :

trois cents

par le mot :

onze

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. L’article 28 est situé dans le chapitre intitulé « Améliorer l’accès au droit des très petites entreprises et des petites et moyennes entreprises et favoriser l’embauche ».

Nous partageons évidemment un tel objectif. Mais le texte prévoit que ce service s’adresse aux entreprises de moins de trois cents salariés. Cela ne concerne donc plus seulement les TPE et les PME. Les entreprises de taille intermédiaire, ou ETI, dont l’effectif démarre à deux cent cinquante et un salariés, sont également visées.

Comme l’a exprimé devant nous Pascal Lokiec, professeur de droit à l’université Paris Ouest Nanterre La Défense, simplifier l’accès au droit, cela veut dire « donner aux PME les ressources juridiques pour appliquer le droit du travail, elles qui n’ont souvent ni service RH ni service juridique ».

Il ajoutait que la création d’un véritable service public de l’accès au droit pour les PME aurait pu s’inspirer de ce qui a été créé avec succès aux États-Unis voilà plus de soixante ans. En effet, outre-Atlantique, il existe une administration qui leur est consacrée. Elle promeut l’accès au droit, à travers des guides, des agences et un médiateur spécifiquement chargé d’entendre les griefs des petites entreprises. Cette formule présente le mérite de simplifier la vie des chefs d’entreprise sans toucher aux droits des salariés.

Je le rappelle, nous ne serions pas dans cette situation si l’inspection du travail, dont l’une des missions est justement de répondre aux questions juridiques tant des employeurs que des salariés des TPE et PME, avait reçu les moyens nécessaires. En 2015, elle a été contactée directement ou au téléphone par les employeurs des TPE-PME et des salariés 800 000 fois.

Il est donc faux de prétendre qu’il n’existerait rien pour les petites entreprises aujourd’hui. Si les délais ne sont pas raisonnables, commençons par arrêter les suppressions de postes et recrutons massivement au sein de l’inspection du travail !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. L’amendement n° 268 tend à supprimer le plafond de trois cents salariés prévu pour le rescrit social. Cela permet d’éviter de créer une rupture d’égalité devant la loi entre les entreprises.

Mais nous gardons notre mesure spécifique pour les entreprises qui emploient moins de cinquante salariés. Si elles font une demande de rescrit, la réponse de l’administration doit être inférieure à deux mois.

Je reviens sur les chiffres avancés par M. Arnell. Certes, il y a bien 877 000 demandes d’informations qui sont traitées par les services des DIRECCTE. Mais 90 % de ces demandes d’informations émanent des salariés, contre 10 % seulement, soit un peu moins de 90 000, qui proviennent des entreprises. Et encore ! Sur ces quelque 90 000 demandes, seulement 16 % sont le fait d’entreprises de cinquante salariés et plus.

Le fait d’ouvrir le dispositif à l’ensemble des entreprises dans un souci d’égalité devant la loi tout en privilégiant les petites entreprises de moins de cinquante salariés en termes de délai de réponse me paraît tout à fait opérationnel et supportable.

Par conséquent, la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 268 et un avis défavorable sur les amendements nos 923 rectifié et 717, qui sont plus restrictifs.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Nous reviendrons sur le sens de ce service de ressources humaines lors de l’examen d’amendements ultérieurs. Dans l’immédiat, je centrerai mon propos sur le seuil retenu.

Il y a aujourd'hui 2,1 millions de TPE et 140 000 PME. Pour notre part, nous souhaitons maintenir le seuil de trois cents salariés, qui avait été très discuté lors de l’examen du projet de loi défendu par François Rebsamen.

En effet, nous savons bien que les entreprises de plus de trois cents salariés ont en général un service interne de ressources humaines capable d’apporter l’expertise juridique permettant aux employeurs de prendre les bonnes décisions.

Ce sont les TPE qui bénéficieront le plus du dispositif, puisqu’elles sont 2,1 millions, contre 140 000 PME. Certes, nous n’avons pas voulu exclure ces dernières, dans la mesure où beaucoup d’entre elles n’ont pas de service juridique.

Depuis le début de nos débats, nous avons abordé le code du travail, les conventions collectives, la jurisprudence… Imaginez la difficulté pour un chef de petite entreprise, un artisan ou un commerçant d’appréhender un tel environnement juridique. L’enjeu est donc bien de mettre les services du ministère à leur disposition, afin de leur apporter des réponses.

Mme David m’a interpellée sur l’inspection du travail. D’une part, celle-ci n’a pas pour seule mission d’apporter des informations. D’autre part, elle a déjà beaucoup à faire avec la lutte contre les fraudes au détachement et les contrôles des entreprises ; son activité est très liée, à juste titre, à ce qui se passe sur le terrain. Nous n’avons donc pas retenu la formule suggérée par Mme la sénatrice.

En revanche, nous avons souhaité mettre en place cette plateforme permettant de répondre à toutes les questions juridiques que ces employeurs peuvent se poser.

C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements.

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour explication de vote.

Mme Élisabeth Lamure. Les auteurs de l’amendement n° 923 rectifié invoquent l’argument du nombre de demandes issues d’entreprises de moins de cinquante salariés qui sont traitées par les DIRECCTE pour justifier la limitation du rescrit aux plus petites entreprises. Ils oublient cependant de préciser un élément qui figure pourtant à la page 254 de l’étude d’impact et qui change tout. En effet, comme l’a rappelé M. le rapporteur, les salariés représentent la grande majorité des usagers ; les demandes formulées par les employeurs constituent une part minoritaire de l’activité de ces services, avec seulement 6,6 % du volume total.

Or c’est bien ce que nous voulons changer. Nous souhaitons que l’administration soit également au service des employeurs, qui sont les premiers à être victimes de la complexité du droit du travail. Tous les chefs d’entreprise que nous rencontrons avec la délégation sénatoriale aux entreprises ont témoigné de la complexité du droit du travail dès que l’on passe le seuil des cinquante salariés. C’est pourquoi il est essentiel de ne pas limiter le bénéfice du rescrit aux plus petites entreprises.

J’ajoute pour nos collègues du groupe CRC que l’on ne parle pas de PME pour les entreprises de moins de dix salariés puisque l’INSEE indique que la catégorie des PME recouvre les entreprises comprenant entre dix et deux cent cinquante salariés. Cela ne fait que renforcer notre soutien à l’amendement de Mme Deroche.

M. le président. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour explication de vote.

Mme Hermeline Malherbe. En réponse à M. le rapporteur, je souligne que l’égalité n’est pas l’équité. Il existe des services des ressources humaines et des services juridiques dans certaines entreprises. La valorisation obtenue via cette plateforme doit donc être réservée à ceux qui en ont le plus besoin.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 268.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.

Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 371 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l’adoption 189
Contre 153

Le Sénat a adopté.

En conséquence, les amendements nos 923 rectifié et 717 n'ont plus d'objet.

L'amendement n° 369, présenté par M. Rapin et Mme Gruny, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Après le mot :

précise

insérer les mots :

et personnalisée

La parole est à M. Jean-François Rapin.

M. Jean-François Rapin. Par cet amendement, que nous pourrions qualifier de « technique », nous souhaitons donner un peu plus de force à l’échange entre l’entreprise et l’administration en ajoutant que l’information doit être personnalisée.

J’appelle votre attention sur le fait que cet article, à dix mots d’intervalle, contient deux fois le mot « précise ». S’agit-il d’une erreur de français ou de la volonté d’être « précis » ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Il ne me paraît pas nécessaire de « préciser » que la réponse de l’administration doit être personnalisée, car cette notion est couverte par les mots « précise et complète ». De surcroît, la réponse est forcément personnalisée puisqu’elle s’applique à une situation de fait ou à un projet spécifique à l’entreprise qui a fait la demande. La réponse ne peut donc être générale.

En conséquence, la commission demande le retrait de l’amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

Imaginez, par exemple, que plusieurs boulangeries aient besoin d’une même information concernant un changement au niveau de la branche ou d’une information collective ayant trait à l’ordre public conventionnel dans le cadre d’une négociation. Inscrire dans la loi le caractère personnalisé de la réponse ne paraît donc pas souhaitable, d’autant que figure déjà le mot « précise ».

M. le président. Monsieur Rapin, l'amendement n° 369 est-il maintenu ?

M. Jean-François Rapin. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 369 est retiré.

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 388, présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Si la demande est suffisamment précise et complète, le document formalisant la prise de position de l'autorité compétente peut être produit par l'employeur en cas de contentieux pour attester de sa bonne foi.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Cet amendement est retiré.

M. le président. L'amendement n° 388 est retiré.

L'amendement n° 269 rectifié, présenté par Mme Deroche, MM. Retailleau, Allizard, Baroin, Bas, Bignon, Bizet, Bouchet, Buffet et Cambon, Mme Canayer, MM. Cantegrit et Cardoux, Mme Cayeux, M. César, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon, Chasseing, Cornu, Dallier, Danesi et Darnaud, Mmes Debré, Deromedi, Des Esgaulx, Deseyne et Di Folco, M. Doligé, Mmes Duchêne et Duranton, M. Emorine, Mme Estrosi Sassone, MM. Falco, Frassa, Genest et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Gournac, Grand, Gremillet, Grosdidier et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Guené, Houel, Houpert, Huré et Husson, Mme Imbert, MM. Karoutchi et Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy, Longuet, Malhuret, Mandelli, A. Marc, Masclet et Mayet, Mmes Micouleau et Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Nègre, de Nicolaÿ, Panunzi, Paul, Pellevat, Perrin, Pierre, Pillet, Pintat, Pinton et Pointereau, Mme Primas et MM. de Raincourt, Raison, Rapin, Reichardt, Revet, Savary, Savin, Trillard, Vaspart, Vasselle, Vendegou, Vial et Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 7, première phrase

Remplacer les mots :

tant que la situation de fait ou le projet exposés dans la demande et que la législation ou les stipulations au regard desquelles la question a été posée n’ont pas été modifiés

par les mots :

pour une durée déterminée qui ne saurait excéder trente-six mois

La parole est à Mme Élisabeth Lamure.

Mme Élisabeth Lamure. L'article 28, tel que modifié par la commission des affaires sociales, crée un rescrit en matière de droit du travail.

Afin de garantir une stabilité pour les entreprises qui interrogent l'administration sur un point du code du travail, le présent amendement prévoit que la réponse apportée par l'administration lui est opposable pendant une durée déterminée qui ne saurait excéder trente-six mois.

M. le président. Le sous-amendement n° 1038, présenté par MM. Gabouty, Lemoyne et Forissier, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Amendement n° 269 rectifié

I. – Après l’alinéa 1

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

… Supprimer les mots :

pour l’avenir

II. – Alinéas 2 à 4

Remplacer ces trois alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

… Compléter cette phrase par les mots :

III. – Alinéa 5

1° Au début, insérer le mot :

et

2° Remplacer le mot :

saurait

par le mot :

peut

La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur.

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Ce sous-amendement vise à maintenir la règle selon laquelle le rescrit est valable aussi longtemps que la situation de fait ou le projet de l'entreprise n'est pas modifié – en clair, ce qui est proposé vient en ajout et non à la place – et que le cadre juridique applicable à la demande n'évolue pas.

Sous réserve de l’adoption de cette modification, la commission est favorable à l’amendement n° 269 rectifié.

M. le président. L'amendement n° 718, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 7, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. L’article 28 donne le droit aux employeurs de bénéficier d’informations et de renseignements de la part de l’administration. Nous avons déjà dit par la voix de notre collègue Annie David ce que nous pensions de ce ciblage. J’y reviens toutefois, car nous avons eu un débat sur le sujet.

Ce droit est ouvert à toute entreprise de moins de trois cents salariés. Le champ de cette mesure nous paraît beaucoup trop large, car nous avons affaire dans de nombreux cas à des entreprises qui ont les moyens de créer leur propre service juridique, à tout le moins de faire appel à un conseil. C’est la raison pour laquelle nous avions proposé de limiter ce droit à l’information aux entreprises de moins de onze salariés, c’est-à-dire aux très petites entreprises.

Il est d’autant plus légitime de soulever ce problème que seuls 500 agents de la DIRECCTE sont affectés à cette mission d’information. La remarque d’Annie David est donc tout à fait pertinente : si l’on veut rendre effectif ce droit à l’information, il faudrait rompre avec les logiques d’austérité mises en œuvre par les gouvernements successifs.

Cet amendement aborde une autre question tout aussi sensible. En effet, le présent article prévoit que « ce document peut également être produit par l’employeur en cas de contentieux pour attester de sa bonne foi et le prémunir de toute sanction qui serait uniquement basée sur un changement d’interprétation de la législation applicable ». C’est ce qu’on appelle un rescrit social. Nous refusons cette procédure qui tend à blanchir les entreprises ne respectant pas leurs obligations sociales. Voilà pourquoi nous proposons de supprimer cette phrase.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 718 ?

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. L’adoption de cet amendement viderait de sa substance l’idée même de rescrit. Il existe un rescrit fiscal. Pourquoi n’existerait-il pas un rescrit social ?

Je relève par ailleurs des excès de qualification. Il n’y a notamment pas lieu de parler de blanchiment à l’égard des entreprises. Le terme me paraît pour le moins inapproprié et dégradant.

Le rescrit social est une aide de l’entreprise en amont, c'est-à-dire à la source. Ce n’est ni une amnistie ni une impunité a priori. Il entre plutôt dans le domaine d’une mission d’assistance.

La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement a une position différente de celle de la commission, même si je comprends que la solution du rescrit social puisse paraître tentante pour les employeurs.

Le rescrit social est une procédure qui permet d’obtenir une décision explicite de l’administration sur l’application de certains points de législation. Par la suite, l’administration est liée par la position qu’elle a prise, sauf changement de législation ou de situation de fait. Le rescrit, selon le Conseil d’État dans son rapport de 2003, est particulièrement pertinent lorsque l’action administrative a un objet simplement pécuniaire et s’inscrit dans une relation bilatérale.

Mon sentiment, comme celui de nombreux juristes, est que le rescrit social comporte des risques. En droit du travail, la relation entre l’employeur et le salarié est quasi exclusivement duale. C’est une situation que ne peut pas complètement analyser l’administration au moment de sa réponse. Instaurer un rescrit dans le cadre d’une procédure d’information, y compris une procédure très précise demandée par un employeur, dont l’appréciation peut être partielle, peut donc porter préjudice aux droits du salarié.

Quelle est l’alternative au rescrit ? La solution trouvée par le Gouvernement est la réponse formalisée à une demande de renseignement afin que l’employeur puisse se prémunir en cas de contentieux. Le Conseil d’État le rappelle fort bien dans son rapport sur le rescrit : la réponse à une demande de renseignement ou à une demande d’avis qui n’est pas opposable constitue un instrument important de sécurité juridique, plus souple et moins contraignant pour les administrations.

Cette réponse n’a certes pas les mêmes conséquences juridiques qu’un rescrit, mais la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a proposé à l’article 28 que le document formalisant la prise de position de l’administration puisse être produit par l’employeur en cas de contentieux pour attester de sa bonne foi. Il s’agit d’une solution de compromis entre la quasi-impossibilité d’appliquer un dispositif, le rescrit, dans le champ du droit du travail et la simple réponse à une question posée.

Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 269 rectifié et 718, ainsi qu’au sous-amendement n° 1038.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1038.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 269 rectifié, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 718.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 389, présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le respect du secret professionnel et dans des conditions de nature à garantir l’anonymat des personnes concernées, l’autorité compétente assure la publicité des prises de position en les rendant accessibles au public gratuitement par voie télématique. Toutefois, l’employeur ne peut se prévaloir au sens de l’alinéa précédent, devant l’administration ou une juridiction, des prises de position qui ne font pas suite à sa demande personnelle.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. La transparence est aujourd’hui l’un des grands enjeux pour l’administration. Notre assemblée a d’ailleurs déjà eu l’occasion de se pencher sur cette question ; je pense au rapport de ma collègue Corinne Bouchoux déposé le 5 juin 2014 dans le cadre de la mission commune d’information sur l’accès aux documents administratifs et aux données publiques.

Par cet amendement, nous souhaitons instaurer la transparence au sujet des prises de position en matière de droit du travail. En ce sens, nous vous proposons de rendre accessible gratuitement sur internet l’ensemble des prises de position de l’autorité administrative compétente. Naturellement, cette publication devra se faire après anonymisation et dans le respect du secret professionnel auquel les fonctionnaires sont tenus.

La mise en ligne de ces prises de position présente également un intérêt pratique : elle est de nature à désengorger les services de l’autorité compétente. Un employeur qui envisage d’envoyer une demande pourrait trouver satisfaction en consultant une prise de position sur une situation analogue à la sienne.

Pour autant, aux termes de cet amendement, l’employeur ne pourra se prévaloir que des prises de position faisant suite à sa demande personnelle. De tels effets de droit ne doivent pouvoir être conférés que lorsque l’administration compétente a expressément examiné la situation en question, et non par simple analogie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Je remercie M. Desessard de nous aider à mettre en œuvre l’amendement précédent en désengorgeant les services de la DIRECCTE. Il s’agit d’une contribution positive. (Sourires.)

Il est aujourd’hui possible de consulter en ligne les rescrits fiscaux. Pourquoi ne pas étendre cette possibilité aux rescrits sociaux, sachant que des garanties sont apportées ? Ces garanties sont l’anonymat au moment de la publication et le fait qu’un employeur ne pourra pas se prévaloir du rescrit concernant une autre entreprise.

La commission souhaite simplement remplacer dans l’amendement le mot « télématique » par le mot « électronique », qui semble plus large. Sous réserve de cette modification, la commission a émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Je reconnais bien là le sénateur Desessard, toujours soucieux de transparence en matière numérique. Je pense notamment au guide de pilotage statistique pour l’emploi, le « GPS pour l’emploi », sur lequel il travaille conjointement avec les services de mon ministère.

Certes, la transparence est essentielle. Vous proposez, monsieur le sénateur, de rendre accessible l’intégralité des réponses, après anonymisation, sur le site du ministère. Cela suppose des moyens importants, d’autant que nous mettons déjà en place un nouveau service. Si chaque réponse apportée aux entreprises doit être précise et particulière, il sera compliqué de mettre de surcroît toutes les données en ligne.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement. Nous créerons sur le site du ministère des espaces spécifiques consacrés aux TPE et aux PME qui recenseront les grandes questions, regroupées selon leur typologie. L’anonymisation sera assurée. On y trouvera également des réponses à des questions concrètes. Comment interpréter tel ou tel article du code du travail ? Comment comprendre tel autre article de la convention collective ?

Je m’engage à faire figurer le maximum d’informations sur ce site, mais je ne puis aujourd'hui m’engager à publier l’intégralité des réponses aux demandes formulées par les entreprises.

M. le président. Monsieur Desessard, que décidez-vous ?

M. Jean Desessard. Madame la ministre, je comprends parfaitement qu’il faille du temps à l’administration pour assurer la mise en place d’un tel service. Néanmoins, mieux vaut tenir que courir ! Je préfère donc maintenir mon amendement et le rectifier dans le sens suggéré par la commission.

M. le président. Il s’agit donc de l'amendement n° 389 rectifié, présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher, et ainsi libellé :

Après l’alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le respect du secret professionnel et dans des conditions de nature à garantir l’anonymat des personnes concernées, l’autorité compétente assure la publicité des prises de position en les rendant accessibles au public gratuitement par voie électronique. Toutefois, l’employeur ne peut se prévaloir au sens de l’alinéa précédent, devant l’administration ou une juridiction, des prises de position qui ne font pas suite à sa demande personnelle.

La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur.

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Je comprends moi aussi qu’il y ait des délais de mise en œuvre. Une telle disposition s’inscrit néanmoins parfaitement dans la philosophie de l’article 7, qui prévoit un portail public pour les accords d’entreprise. Tout cela va dans le sens de la diffusion de l’information et de la transparence.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.