Mme Françoise Férat. On a prélevé deux fois 2,5 millions d’euros, excusez du peu, sur un budget qui ne représente que 2 % de celui de l’éducation nationale. L’impact de cette ponction est considérable dans le fonctionnement de cet enseignement.

Mme Françoise Férat. Lorsque je sollicite vos services, madame la ministre, pour comprendre cette manœuvre consistant à déshabiller Pierre pour habiller Paul, on me répond qu’il s’agit « d’une pratique parfaitement normale au nom de l’effort commun que chacun doit faire en ces temps budgétaires difficiles ».

Mme Catherine Troendlé. Eh bien bravo !

Mme Françoise Férat. Rappelons, s’il en était encore besoin, que les études de l’OCDE prouvent que notre budget consacré à l’éducation est suffisant pour être efficace, mais que son utilisation nous mène à l’échec !

Toutes les études internationales le démontrent, notre système éducatif est en panne, une refondation en profondeur était nécessaire. Trois années se sont écoulées depuis la refondation de l’école, où en sommes-nous ? Toujours au même point ! La dernière publication annuelle de l’OCDE, parue en septembre dernier, est aussi accablante que les précédentes et contient le même bilan : beaucoup a été fait sur le plan quantitatif, mais nous sommes à la traîne au niveau qualitatif.

Nous avons tout à portée de mains pour que nos jeunes réussissent, mais nous gâchons aujourd’hui l’avenir de nombre d’entre eux par notre incapacité à réformer efficacement l’école.

Vous évoquerez sans doute, une fois de plus, ce que j’appelle l’héritage, qui nous est régulièrement opposé pour justifier les manques de vos différentes politiques. Nous en avons eu plusieurs fois la démonstration cet après-midi.

Mme Françoise Férat. Or vous n’avez pas fait mieux.

M. Roland Courteau. C’est vous qui le dites !

Mme Françoise Férat. Croyez-moi, je suis sincèrement triste de faire ce constat !

Fragilisons donc l’enseignement agricole, un enseignement d’excellence qui produit l’un des meilleurs taux d’insertion professionnelle, pour financer un système qui, lui-même, fragilise celui des plus petits.

Continuons à faire des « réformettes », qui déstabilisent notre système éducatif. Continuons d’être sourds à tous les professionnels de l’éducation et de la petite enfance, sociologues et autres experts, qui nous proposent des pistes réalistes et signalent celles qu’il aurait été judicieux de ne pas emprunter !

Que répondre à nos concitoyens qui voient leurs enfants en échec scolaire ? Comment accepter que l’école de la République soit si inégalitaire ? Cette réforme démontre, s’il en était besoin, qu’il s’agit d’une école non plus même à deux vitesses, mais à plusieurs vitesses.

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Françoise Férat. De quoi avons-nous peur ? Que la situation empire ? C’est déjà le cas ! Nous n’avons rien à perdre. Au contraire, sachons dire que nous nous sommes trompés pour avancer ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, réformer les rythmes scolaires était une nécessité, la semaine de quatre jours ayant fait le consensus contre elle. Il ne fut toutefois pas aisé d’instaurer la semaine des neuf demi-journées, devenue ensuite la semaine des cinq matinées.

Ce ne fut pas facile, en raison du grave non-dit issu de la situation des parents qui travaillent – le temps scolaire joue aussi un rôle de garderie –, mais aussi parce que cette réforme fut décrétée indépendamment du débat parlementaire sur la refondation de l’école, pour n’évoquer que ce contexte, alors qu’elle avait pour ambition de mettre en mouvement tous les acteurs de l’éducation au service de rythmes de l’enfant propices aux apprentissages.

Réformer le temps scolaire nécessite de rechercher ensemble une meilleure articulation des temps de l’enfant. Cette réforme va dans le sens d’une ouverture de l’école sur son territoire et c’est précieux. Elle ne diminue pas le temps scolaire ! Des millions d’enfants jadis livrés aux écrans pratiquent maintenant des activités collectives.

Les municipalités ont, certes, vu croître leurs responsabilités, donc leurs charges, en matière éducative. Le débat, qui n’était pas simple, a pâti en outre du tempo politique des élections municipales, propice à l’exacerbation des positions.

Mme Marie-Christine Blandin. Qu’il était difficile de débattre sereinement ! Nous avons senti la même difficulté pendant l’intervention initiale de Françoise Cartron.

Pourtant, il était pertinent de faire confiance à la faculté de coopération des acteurs locaux pour la recherche de la cohérence éducative et de miser sur leur capacité à tirer parti de la diversité des ressources des territoires.

Sur le terrain, en effet, la qualité de la mise en œuvre de la réforme doit beaucoup à l’implication des acteurs, à la finesse avec laquelle ils ont su tisser un projet cohérent, enrichissant, en s’appuyant sur les ressources locales.

J’aime beaucoup cette expression d’une institutrice rurale, selon laquelle la réforme a exigé de ses acteurs qu’ils soient « humbles et ambitieux ». Humbles, car il ne s’agit pas d’imaginer des ateliers extraordinaires ni d’attendre le grand soir, mais ambitieux, pour savoir utiliser l’aspect précieux et utile de chaque situation.

Des communautés éducatives autour des écoles en milieu rural ont su rechercher ce trésor. Le boulanger, le forgeron avaient des choses à dire à nos enfants !

Mme Françoise Cartron. C’est vrai !

Mme Marie-Christine Blandin. Il faut mobiliser les compétences des parents et les mutualiser. Les chambres des métiers et des artisans pourraient aussi constituer un vivier intéressant d’intervenants. Nombre d’opportunités sont entre les mains des acteurs locaux, des municipalités, des associations ou des parents.

Toutefois, nous sommes ici pour débattre avec la ministre, dont les responsabilités sont au moins aussi importantes.

Je ne vais pas évoquer l’ensemble des préconisations du rapport de Françoise Cartron : j’y souscris dans l’ensemble, notamment en matière de simplification.

Je souhaite évoquer une réalité désolante du travail du Gouvernement : le fonctionnement en silo. Si les ministères avaient su au départ sortir de leurs cloisonnements pour coconstruire cette réforme, si le ministère de l’éducation nationale s’était adjoint le regard et les compétences du ministère de la jeunesse et des sports, une autre impulsion aurait été donnée, avec davantage de cohérence, des bugs auraient été évités et les acteurs de l’éducation populaire n’auraient pas tant peiné à se faire entendre.

Mme Catherine Troendlé. C’est vrai !

Mme Marie-Christine Blandin. Une meilleure coopération entre les enseignants et les animateurs exige également une meilleure connaissance mutuelle.

Mme Françoise Cartron recommande, à juste titre, de prévoir des modules spécifiques interprofessionnels au sein des écoles supérieures du professorat et de l’éducation, les ESPE, dans le but d’établir très tôt une culture commune. C’est une proposition concrète et pertinente pour nos futurs enseignants. La loi pour la refondation de l’école de la République est pleine de ce genre de propositions pour les ESPE, mais celles-ci peinent pourtant à être mises en œuvre.

Madame la ministre, quelle est la part des ESPE qui intègrent dans leurs équipes pédagogiques des acteurs de l’éducation populaire au côté des universitaires et des acteurs de l’éducation culturelle et artistique ? Pour quelle place dans les cursus de formation ?

Enfin, permettez-moi de revenir sur l’éducation à l’environnement et au développement durable, dans, et autour, des temps scolaires.

Je me réjouis que votre collègue Ségolène Royal ait mobilisé des fonds pour subventionner la mise en place d’un espace de nature dans 10 000 écoles ou collèges, soit un peu moins d’un cinquième des établissements.

Il s’agit d’un pas encourageant, après d’autres, mais il reste urgent de lever les freins réglementaires à des approches concrètes de cette éducation à l’environnement et au développement durable, lesquelles pâtissent trop souvent de tracas administratifs, dans l’organisation des sorties, du zèle sanitaire concernant le jardinage, de la peur irraisonnée des élevages, de la crainte de manipuler quoi que ce soit au cours des ateliers de cuisine, sans parler – quelle horreur ! – de toucher au compost ! (Sourires.)

Comment comptez-vous faciliter ces expériences, madame la ministre, afin de rentabiliser l’investissement de votre collègue ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Danielle Michel.

Mme Danielle Michel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République a fixé une priorité, l’école maternelle, et un objectif, réduire l’impact des déterminismes et des inégalités sociales ou territoriales sur la réussite scolaire. C’est dans ce cadre que s’inscrit la réforme des rythmes.

Rappelons d’emblée quelques éléments importants au sujet du retour aux cinq matinées de classe. La loi de refondation, qui est un texte-cadre du quinquennat, a été adoptée conforme par les deux chambres du Parlement. Il n’a pas été nécessaire de convoquer une commission mixte paritaire. C’est dire si la priorité accordée à l’école primaire, au plus jeune âge, était une évidence largement partagée. Je crois comprendre qu’elle l’est unanimement aujourd’hui, au moins dans le discours. Tant mieux !

Que n’aura-t-on pas entendu sur cet allégement des rythmes, et ce, malgré des années de concertation qui ont mené à la même conclusion, à savoir la nécessité d’abandonner la semaine de quatre jours ?

Il faut le rappeler, entre la rentrée de 2008 et la rentrée de 2012, nous avions le plus grand nombre d’heures de cours sur le plus petit nombre de journées. Cette extrême concentration du temps d’apprentissage, pour qui était-elle préjudiciable ? Pour les enfants les plus en difficulté, évidemment ! Ce n’est pas un débat, c’est un constat !

Alors que, aujourd’hui plus de 90 % des communes ont signé des projets éducatifs territoriaux, et dans un souci de clarté, il serait bon que l’opposition exprime sa position quant à l’avenir de cette réforme.

François Baroin expliquait au congrès des maires que non, il n’y aurait pas de retour en arrière. Toutefois, Nicolas Sarkozy défendait l’inverse quelques semaines plus tôt… Il parlait, lui, d’abrogation ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Alain Juppé, de son côté, parle de liberté laissée aux maires.

Mme Françoise Cartron. C’est de la polyphonie ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. René-Paul Savary. Manifestement, les primaires vous intéressent !

Mme Danielle Michel. Toutefois, de quelle liberté parle-t-il ? De celle de choisir le nombre de matinées ? Cela n’est pas légalement possible. De celle de choisir d’organiser ou non des activités ? C’est déjà le cas. Bruno le Maire, quant à lui, pourrait « intervenir » sur la réforme. Quel suspense ! De la part de ceux qui prétendent aux plus hautes fonctions, nous en conviendrons tous, un engagement clair est nécessaire.

Dès le début, les débats ont largement tourné autour de la qualité de l’offre, jugée très inégale entre l’urbain et le rural. Ce rapport le dit, et je le vois également sur mon territoire.

Cette dichotomie n’est pas juste. Les différences d’offre périscolaire s’expliquent principalement soit par l’antériorité des politiques éducatives, soit par une volonté politique et l’impulsion collective donnée. Or, je le rappelle, pour un maire, notamment à la tête d’une petite commune, au travers de l’école, c’est toute l’attractivité du territoire qui est en jeu, ainsi que son dynamisme. Je le vois dans mon département, où les projets éducatifs proposés dans la ruralité sont de qualité, tant dans la diversité des contenus que dans la réflexion sur l’organisation choisie.

Bien entendu, cette réforme a été parfois difficile à mettre en œuvre. Qui dit le contraire ? Mais cette réforme n’a pas créé d’inégalités, il est faux de l’affirmer. Elle en a sûrement révélé, et doit contribuer à les réduire.

À ce propos, le chiffre significatif de l’accroissement du nombre de places périscolaires ouvertes depuis trois ans, autrement dit du nombre d’enfants supplémentaire participant à ces activités, a été rappelé tout à l’heure : deux millions. Un chiffre considérable ! Dans mon département, le nombre de places est passé de 10 000 à 30 000. Rendons-nous compte !

Dans le cadre de sa mission, j’ai d’ailleurs souhaité inviter Mme Cartron à se déplacer dans les Landes, à Morcenx et à Rion-des-Landes, à la rencontre des acteurs départementaux. Alors que trois communes landaises sur quatre ont adopté les nouveaux rythmes dès la rentrée 2013, il me semblait légitime de valoriser cet engagement, mais aussi de faire état de certaines interrogations persistantes.

Tout d’abord, le groupe d’appui départemental est, je le crois, un modèle en termes de conduite du projet. Il a permis un accompagnement très concret et très efficace des communes qui le souhaitaient, une mutualisation de la gestion des ressources humaines et un accompagnement des élus en difficulté en proposant des partages de contenus et des formations spécifiques.

Toujours en termes de collectif, la politique à l’échelle intercommunale observée à Rion-des-Landes doit faire école ! En effet, la communauté de communes du Pays tarusate met en place des ateliers pour quinze écoles publiques. Cette mutualisation permet de mobiliser chaque jour quatre-vingt-dix intervenants, dont certains agents intercommunaux. L’objectif était de « lutter contre les inégalités qui pouvaient exister en œuvrant pour que chacune commue, quelle que soit sa taille, bénéficie d’ateliers menés par des professionnels. » Il est atteint !

Alors que l’on parle beaucoup aujourd'hui d’identité, souvent de façon négative, cette réforme a par ailleurs interrogé cette notion de la façon la plus positive qui soit. Le maire de Morcenx, qui a mis en place un projet de grande qualité, le souligne : « Nous avons aussi de nouveaux habitants et des familles venues de la ville qui ne connaissent pas les traditions. En les faisant découvrir et apprécier des enfants, ils les partagent, c’est un vecteur d’inclusion. »

Mme Danielle Michel. Ces exemples d’ateliers divers, qui valorisent le patrimoine territorial et le tissu associatif local, sont nombreux. À nous, parlementaires, de les valoriser également.

Enfin, si la souplesse laissée aux élus a pu dans un premier temps être ressentie comme de l’incertitude quant à la pérennité de la réforme, il se révèle que, aujourd’hui, des engagements à destination des élus ont été pris sur le financement et sur les taux d’encadrement.

Certes, des améliorations peuvent encore être apportées. Aussi je souhaite vous interroger, madame la ministre : alors que les PEDT arrivent à leur terme et que la question de leur renouvellement se pose, sur quel accompagnement pourront compter les élus à l’avenir dans la réflexion autour de nouveaux contenus d’activités et dans l’articulation des temps scolaire et périscolaire ?

Qu’en est-il à ce propos de l’intégration de la « sensibilisation aux rythmes éducatifs » dans les parcours de formation des enseignants et des animateurs ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Micouleau. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Brigitte Micouleau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de commencer cette intervention en citant un extrait de la motion sur l’école rurale adoptée par l’Association des maires ruraux de France lors de son dernier congrès national, qui s’est tenu au début du mois : « L’école est davantage qu’un service public. Elle est un marqueur de la République et de la communauté nationale sur l’ensemble du territoire. L’école républicaine impose que tous les élèves, ruraux ou urbains, aient accès à la même qualité de l’école. »

C’est dire si ce débat, qui nous réunit aujourd’hui sur la mise en œuvre des nouveaux rythmes scolaires dans les petites communes, est d’actualité.

Présentée comme une mesure emblématique du Gouvernement, cette réforme a fait couler beaucoup d’encre et donné lieu à de nombreux rapports. Force est de constater que tous ces rapports ne sont pas aussi enthousiastes que le vôtre, madame Cartron, tant s’en faut.

D’une manière générale, à la lecture des travaux et enquêtes de l’Inspection générale de l’éducation nationale, de l’Association des maires de France ou encore de certains syndicats d’enseignants, nous avons plutôt l’impression d’être face à un bilan pour le moins mitigé. Cette impression est largement confirmée par les témoignages d’élus locaux, de parents et d’enseignants que nous rencontrons dans nos territoires.

Je prendrai l’exemple de l’impact financier de cette réforme pour les communes, notamment les plus petites d’entre elles. Selon l’enquête de 2016 de l’AMF réalisée auprès des 23 000 communes disposant d’une école publique, le coût annuel brut par enfant des nouvelles activités périscolaires a été, pour l’année 2015-2016, de 225 euros en moyenne pour les communes de moins de 2 000 habitants ; quelque 73 % de ces 225 euros ont dû être assumés directement et intégralement par ces petites communes, les aides du fonds de soutien de l’État aux communes, voire de la Caisse nationale d’allocations familiales, ne couvrant que 27 % de cette nouvelle charge.

À titre de comparaison, pour toutes les autres communes comptant plus de 2 000 habitants, ce reste à charge était au maximum de 65 %.

À ce propos, il est bon de rappeler, comme vous le faites, d’ailleurs, dans votre rapport, madame Cartron, que la complexité des dossiers de la Caisse nationale d’allocations familiales a dissuadé bon nombre de maires de petites communes de demander l’aide de 54 euros par enfant à laquelle ils pouvaient légitiment prétendre.

Mme Françoise Cartron. Pourtant, cette aide existe…

Mme Brigitte Micouleau. En ce domaine, comme dans d’autres, une simplification des procédures s’impose, madame la ministre.

Au-delà du financement, principale difficulté pointée par les élus locaux, la question du recrutement et de la qualification des animateurs est, elle aussi, prégnante. Élus, enseignants et parents d’élèves, en particulier dans le monde rural, sont unanimes pour reconnaître qu’il existe aujourd’hui un déficit de formation des intervenants.

Néanmoins, comment aurait-il pu en être autrement quand on sait que, faute de temps et de moyens, les petites communes ont souvent eu recours au « système D », certaines étant finalement bien contentes de pouvoir compter sur des bénévoles disponibles en pleine journée pour assurer les activités périscolaires ?

Enfin, comment ne pas évoquer une problématique centrale et, pour le coup, commune aux petites communes et aux grandes, au monde rural comme au monde urbain, celle de la fatigue des enfants ?

Madame la ministre, je sais que vous estimez que ces nouveaux rythmes n’ont pas entraîné plus de fatigue chez nos enfants. Je sais également que le Premier ministre, quelques jours avant que vous ne lui présentiez votre rapport, madame Carton, assurait de son côté que nos écoliers étaient « moins fatigués et plus disponibles pour les enseignements »…

Pourtant, le ressenti des enseignants et des parents vient souvent contredire ces affirmations. Ce week-end encore, une élue en charge des affaires scolaires dans une petite commune du Comminges, en Haute-Garonne, m’a confié qu’une majorité de parents travaillant, et travaillant bien souvent à près d’une heure de transport de la commune, amenaient leurs enfants dès sept heures trente à l’école et les récupéraient entre dix-huit heures et dix-huit heures trente.

Et cette élue de poursuivre, « au moins, avant la réforme, le mercredi, les enfants, qui étaient gardés souvent chez nous par les grands-parents, pouvaient se reposer ». « D’ailleurs, a-t-elle insisté, il n’y a qu’à voir la faible fréquentation des écoles maternelles dans nos campagnes le mercredi pour comprendre que les parents plébiscitent encore l’ancien système. »

Mme Catherine Troendlé. C’est vrai !

Mme Brigitte Micouleau. Vous le voyez, concernant la fatigue de nos enfants – question primordiale, puisque, je le rappelle, l’objectif premier de cette réforme était l’allégement des journées des écoliers –, il y a assurément une véritable réflexion à mener.

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Brigitte Micouleau. Cette réflexion devra s’appuyer sur des enquêtes et des études d’ampleur, tenant compte notamment de la spécificité et de la diversité de nos territoires, mais aussi des modes de vie de nos concitoyens, bien différents selon que ceux-ci résident au sein d’une métropole ou au cœur de nos campagnes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent.

M. Daniel Laurent. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la réforme des rythmes scolaires dans les petites communes est un vrai sujet ! Le 24 juin 2015, je posais une question orale sur cette thématique, et j’ai le sentiment que je pourrais la reposer à l’identique, tant je ne suis pas convaincu des résultats positifs que plusieurs orateurs ont mis en exergue.

En préambule et sans dogmatisme, si je ne remets nullement en cause l’intérêt de l’aménagement du temps scolaire, je déplore l’absence de prise en compte des particularismes locaux, des avis des maires, des parents et du monde éducatif qui a présidé à la mise en œuvre de la réforme.

Dès la parution du décret, les préoccupations légitimes des élus se sont très largement manifestées, et la mise en œuvre de la réforme en 2013 fut un échec patent, non pas en raison d’une prétendue mauvaise volonté des édiles, mais parce que ces derniers avaient immédiatement identifié les difficultés pour son application. Il faut bien le reconnaître, les élus ont dû faire face à un véritable isolement sur le terrain, les services déconcentrés de l’État étant tout autant démunis sur les moyens et l’accompagnement de la réforme.

Tous ont entendu : « Faites appel au vivier associatif, aux bénévoles, aux retraités », ce que, avec une certaine trivialité, je traduirai ainsi : « Débrouillez-vous tous seuls !» Sur le terrain, les élus ont vite compris que ce temps non obligatoire a priori le devenait dans les faits, et qu’il leur incomberait d’en organiser l’exécution effective. Ils l’ont fait.

Mme Cartron dans la première phrase de sa question ne dit pas autre chose, lorsqu’elle écrit qu’elle « a pu apprécier sur le terrain l’ingéniosité des élus locaux dans la mise en œuvre des rythmes scolaires ». Effectivement, on peut parler d’ingéniosité, chaque territoire faisant au mieux pour répondre aux besoins des familles, travailler en bonne intelligence avec les équipes pédagogiques et trouver les ressources d’animation. (Mme Élisabeth Doineau applaudit.)

La synthèse du rapport de notre collègue indique que la réforme a transformé les contraintes en opportunités, mais l’objectif final, le seul qui vaille et pour lequel les élus ruraux sont prêts à se mobiliser, n’était-il pas ainsi présenté : « Mieux apprendre et favoriser la réussite scolaire de tous » ?

Pourquoi la réforme des rythmes scolaires fait-elle écho à la seule réforme des temps périscolaires ? Je vous pose la question, madame la ministre, car ce glissement sémantique semble indiquer implicitement que le dispositif mis en place pour améliorer les performances du système éducatif n’aurait pas atteint les objectifs qui lui ont été fixés.

L’importance de l’école primaire dans l’apprentissage des savoirs fondamentaux n’est plus à démontrer. N’aurait-il pas fallu se concentrer en priorité sur ces derniers, le temps périscolaire n’étant qu’un outil d’accompagnement en périphérie précisément du temps scolaire, sachant que lire, écrire et compter doivent être les priorités ?

Plutôt que de renforcer ce socle fondamental dans l’organisation du temps scolaire, vous avez fait le choix de transformer les écoles en centres de loisirs plusieurs heures par semaine. Si les choses continuent ainsi, le temps de la distraction prendra le pas sur celui de l’instruction.

M. Daniel Laurent. Le Gouvernement avançait qu’avec la semaine de quatre jours, l’extrême concentration du temps scolaire était inadaptée et préjudiciable aux apprentissages. Les difficultés scolaires sont-elles réglées ? Les élèves apprennent-ils mieux qu’avant ?

La réforme devait conduire à alléger la journée de classe et à programmer des séquences d’enseignement aux moments où la faculté de concentration des élèves est la plus grande. Or, pour ce faire, les enseignants n’ont pas attendu la réforme. En revanche, elle n’a pas allégé celle des porteurs de projets, qui travaillent sans compter.

Je partage le constat du rapport sur le recalibrage du nombre d’ateliers proposés, revu à la baisse, non seulement pour tenir compte de la fatigue des enfants, mais également en raison des difficultés de recrutement, de l’épuisement du vivier associatif bénévole et du renchérissement des prestations, qui sont parfois prohibitives.

Madame la ministre, vous vous réjouissez que, depuis la rentrée de 2015, près de 92 % des communes disposant d’une école soient couvertes par un projet éducatif territorial, un PEDT, préalable obligatoire au versement du fonds de soutien de l’État aux communes. Il y a sans aucun doute un lien de cause à effet.

L’élaboration des PEDT s’est par ailleurs souvent appuyée sur les projets éducatifs locaux existants, sans nécessiter pour autant de transfert de compétences scolaires ou périscolaires – transfert de compétences qui ne fait pas l’unanimité chez les élus ruraux, particulièrement attachés à leurs écoles.

Madame la ministre, la politique gouvernementale en matière d’organisation scolaire en milieu rural inquiète les élus, qui ont le sentiment que les réformes ne sont pensées qu’à l’aune des seuls objectifs du ministère de l’éducation nationale, sans tenir compte des coûts supplémentaires que les communes doivent supporter dans un cadre de baisse drastique des dotations, et de l’obligation d’assurer la mise en œuvre des contraintes normatives et de sécurité. Cette amertume est d’autant plus mal vécue que les élus s’investissent pour appliquer les réformes qu’on leur a imposées.

En conclusion, madame la ministre, il faut tendre vers plus de simplification, d’assouplissement, de liberté et d’adaptation au plus près des territoires. Pour l’heure, vous êtes la ministre de l’éducation nationale, et nous attendons votre réponse : quel bilan peut-on faire aujourd’hui de cette réforme ? Les objectifs sont-ils atteints ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)