M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

M. Thierry Foucaud. Je ne dirai pas que je suis déçu, car je ne suis pas surpris par les intentions du Gouvernement : le dialogue ici n’en est pas un. À un moment donné, on cite l’exemple de l’Allemagne pour faire passer un message, mais si un orateur évoque ce même pays pour défendre un autre argument, alors vous réfutez cet exemple, au motif que cela ne vous intéresse pas… Autrement dit : circulez, il n’y a rien à voir !

Pour faire l’économie de ma démonstration – c’est presque un point « culturel » –, je rappellerai une idée déjà ancienne, puisqu’elle date de 2012. Louis Gallois – il n’est pas communiste ! – estimait, à l’occasion d’une mission que lui avait confiée le gouvernement d’alors : « […] le poids des actionnaires doit être équilibré, en privilégiant ceux qui jouent le long terme et en donnant la parole aux autres parties prenantes de l’entreprise. » C’est ce que vient de rappeler notre collègue Jean Desessard.

Continuez à vous entêter, madame la ministre, en donnant des avis négatifs sur des amendements progressistes ! Souvenez-vous de ce qui s’est passé voilà quelques mois ! Cela se reproduira peut-être, car les salariés vont vous voir telle que vous êtes.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur. Monsieur Foucaud, ni Mme la ministre ni moi-même n’avons parlé de l’Allemagne de tout l’après-midi ! Des collègues l’ont fait, mais pas nous.

Mme Catherine Deroche et M. Jackie Pierre. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

M. Olivier Cadic. Je veux donner une information à M. Desessard : il n’y a pas de buvette dans les entreprises ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 110.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 112, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 6° de l’article 225-2 du code pénal, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« 7° À refuser une formation d’une personne ;

« 8° À refuser une promotion d’une personne ;

« 9° À refuser une classification d’une personne. »

La parole est à M. Christian Favier.

M. Christian Favier. Cet amendement vise à compléter l’article 225-2 du code pénal relatif aux discriminations.

Si cet article prend déjà en compte les cas de discrimination à l’embauche ou à l’exercice d’activités, il ne fait que couvrir une part limitée des cas de discrimination dans le monde du travail. En effet, comme l’ont relevé successivement le Défenseur des droits, Jacques Toubon, le Conseil économique, social et environnemental, le CESE, ou l’Observatoire de la répression et de discrimination syndicales, les cas de discrimination syndicale sont largement sous-estimés par les pouvoirs publics.

Si la justice a déjà rendu des jugements contre des entreprises responsables de discrimination, les juges n’ont à l’heure actuelle aucune base légale solide sur laquelle s’appuyer. Ainsi le jugement ne tient-il que sur l’interprétation de l’article 225-2 du code pénal. On pense ici, par exemple, au groupe La Poste, à la SNCF ou à l’entreprise Ikea, condamnés ces dernières années pour avoir dévalué des salariés au motif qu’ils avaient des responsabilités syndicales. Malheureusement, en l’absence de base légale solide, ces jugements peuvent être facilement cassés à l’occasion d’un second recours.

Par ailleurs, à la difficulté de définition par le juge de ce qu’est une discrimination syndicale s’ajoute la question du taux de non-recours, favorisé justement par ce sentiment que la loi n’est pas appliquée.

Comme le disait à juste titre Simone Veil, « lorsque l’écart entre les infractions commises et celles qui sont poursuivies est tel qu’il n’y a plus à proprement parler de répression, c’est le respect des citoyens pour la loi, et donc l’autorité de l’État, qui sont mis en cause ».

Au final, cet amendement vise à mettre en application les recommandations du Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU, qui déplorait en juin 2016 « les actes de représailles contre les représentants syndicaux signalés » et engageait la France à prendre des mesures efficaces en matière de protection des personnes engagées dans des activités syndicales, de prévention et de répression de toutes les formes de représailles. Ainsi, les dix-huit experts de l’ONU ont considéré que la France sous-estimait la répression syndicale, alors même que la jurisprudence a tenté, de manière incomplète, de donner un cadre juridique à la répression des actes de discrimination.

À ce titre, on ne peut que saluer l’arrêt de la Cour de cassation de janvier 2015, aux termes duquel le cas d’un salarié du secteur privé disposant de mandats syndicaux qui ne bénéficie d’aucun entretien d’évaluation depuis plusieurs années et ne connaît aucune évolution de carrière laisse supposer l’existence d’une discrimination.

Madame la ministre, mes chers collègues, nous débattons, à l’occasion de l’examen de ce texte, de la façon de renforcer le dialogue social et l’engagement syndical des salariés. Cet amendement s’inscrit donc dans cette dynamique en visant à sécuriser le parcours des salariés engagés, alors même que la crainte de représailles est le premier motif de non-engagement syndical.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. On sort ici du champ de ce projet de loi, qui traite du renforcement du dialogue social et n’aborde que de manière connexe – c’est peut-être regrettable, mais c’est ainsi ! – la question de la lutte contre les discriminations.

Je tiens à souligner qu’en application de l’article L. 1132-1 du code du travail tout refus d’une formation ou d’une promotion – je ne comprends pas très bien à quoi correspond le « refus d’une classification », la troisième modification proposée dans l’amendement – est déjà sanctionné s’il a pour motif les activités syndicales du salarié concerné, qui peut donc se tourner vers le juge.

J’espère également que Mme la ministre pourra préciser ses intentions quant au renforcement de la lutte contre la discrimination syndicale, qui figure au 5° de l’article 2.

En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. L’avis est également défavorable, non sur le fond, mais parce que l’amendement est satisfait. La question de la discrimination syndicale est en effet réelle dans de nombreux pays, y compris le nôtre. J’ai fait état du récent rapport du CESE. J’ajoute que nous avons discuté de ce sujet avec les partenaires sociaux.

Dans le 10e Baromètre de la perception des discriminations dans l’emploi réalisé par le Défenseur des droits et l’Organisation internationale du travail en France, dont le champ est plus large que celui de toutes les discriminations, publié en mars dernier, il est rappelé que près d’une personne sur deux considère qu’il y a des discriminations fréquentes dans la recherche d’emploi. Par ailleurs, un tiers des personnes jugent que ces discriminations se produisent souvent ou très souvent lors du déroulement de carrière. Cela ne signifie pas qu’elles se produisent aussi fréquemment, mais ces discriminations sont en tout cas perçues comme telles : chacun connaît quelqu’un qui a été confronté à ce problème. Le phénomène est donc avéré, on peut être d’accord sur ce point.

Si les discriminations au sens général sont quelque peu hors du champ du projet de loi, les discriminations syndicales, en revanche, en relèvent bien. En effet, pour que s’instaure un dialogue social serein, il ne faut pas, cela va sans dire, que des discriminations syndicales existent.

Il est ressorti de la concertation que nous ne disposions pas d’une véritable analyse de la discrimination syndicale. Or nous avons besoin d’une telle analyse si nous voulons prendre des mesures préventives.

S’agissant des mesures répressives, il existe un arsenal législatif. L’article 225-2 du code pénal vise d’ores et déjà, dans son 5°, la discrimination pour refus de formation et, dans son 3°, le fait de sanctionner une personne. Et, aux termes des articles L. 1132-1 et L. 1132-4 du code du travail, est nul toute disposition ou tout acte pris à l’égard d’un salarié en raison d’un motif discriminatoire et consistant en un refus de formation, de promotion ou de classification. Par ailleurs, tout salarié victime de tels agissements peut obtenir auprès du Conseil de prud’hommes la réparation par l’employeur du préjudice qu’il a subi.

Nous considérons à cet égard, et j’y reviendrai à l’occasion de l’examen de l’article 3, qu’il ne peut y avoir de plafonnement du barème des dommages-intérêts en cas de discrimination ou de harcèlement.

Si nous disposons d’un arsenal législatif, il n’en reste pas moins qu’il existe aujourd’hui des pratiques inacceptables. Il doit donc y avoir sur ce sujet un travail commun des organisations syndicales de salariés, du patronat, du Gouvernement et du juge le cas échéant.

À la suite de la concertation menée avec les partenaires sociaux, nous avons décidé de mettre en place un dispositif permanent d’observation sur ce sujet, afin de réunir de la matière pour savoir dans quels cas, dans quels types d’entreprises et pour quels motifs ces discriminations se produisent. Nous pourrons ainsi être plus précis dans la prévention de ces agissements, afin de sensibiliser sur le sujet. En effet, l’arsenal législatif seul ne permettra pas de résoudre ce problème ; il est nécessaire, mais pas suffisant.

L’amendement étant satisfait, l’avis est défavorable. Je suis favorable, en revanche, à la poursuite des travaux sur cette question, car nous avons beaucoup de progrès à faire.

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.

M. Dominique Watrin. Nous allons retirer cet amendement, car nous observons avec satisfaction que Mme la ministre a développé un argumentaire étayé : notre proposition s’inscrit dans un arsenal répressif qui existe déjà et ne résout pas les problèmes. Il faut en effet, comme le préconise le CESE dans son rapport, des solutions préventives.

Au vu de l’intérêt porté à notre amendement et de cette réponse argumentée, nous faisons confiance au Gouvernement pour proposer des mesures effectives et concrètes,…

M. Jean Desessard. Oh là là !

M. Dominique Watrin. … et retirons l’amendement.

M. le président. L’amendement n° 112 est retiré.

L’amendement n° 115, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre II du titre III du livre Ier de la première partie du code du travail est complété par un article L. 1132-… ainsi rédigé :

« Art. L. 1132-… – Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distributions d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison de l’accomplissement d’une démarche d’information, de revendication ou de réclamation auprès de l’administration du travail, de l’inspection du travail, d’une organisation syndicale, pour avoir agi ou témoigné en justice. »

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cet amendement tend à exclure du licenciement tout salarié ayant intenté une action en justice, liée à son activité professionnelle, à l’encontre de son employeur ou tout membre de l’entreprise, société, groupe dans lequel il exerce, tout motif basé sur cette même action.

L’amendement vise également à protéger l’ensemble des salariés qui seraient susceptibles de produire des preuves ou témoignages lors de la procédure judiciaire. Il tend ainsi à apporter une protection permettant l’accès libre à la justice, libérant les parties demanderesses de toute entrave professionnelle uniquement motivée par la mise en œuvre de ladite procédure.

Au fond, il s’agit simplement de donner force de loi à une jurisprudence constante de la Cour de cassation, rappelée encore en février dernier, aux termes de laquelle le droit d’ester en justice est une liberté fondamentale conférée à tout salarié, qui doit pouvoir s’exercer sans restriction. Ainsi, les juges ont toujours annulé les licenciements pris sur ce motif.

De la même manière, ils ont, par exemple, considéré que doit être annulé un licenciement motivé par le témoignage en justice d’un salarié en faveur d’un ancien collègue. Dans le même sens, il a été jugé que, sauf mauvaise foi de la part du salarié, le dépôt d’une plainte constituait l’exercice d’un droit et ne pouvait pas être une faute justifiant un licenciement.

La loi devant être une protection supplémentaire, nous vous proposons d’inscrire très clairement ces dispositions dans le code du travail.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement reprend une proposition de loi de notre collègue député André Chassaigne, déposée à l’Assemblée nationale le 14 octobre 2015, relative à la protection des salariés ayant intenté une action en justice à l’encontre de tout membre de leur entreprise, société ou groupe, mais qui n’a jamais été inscrite à l’ordre du jour ; on peut le regretter, mais c’est ainsi.

Il me semble qu’il est satisfait par les articles du code du travail interdisant toute discrimination, notamment l’article L. 1132-1, ainsi que par ceux qui ont ajoutés par la loi Sapin II du 9 décembre 2016 relatifs à la protection des lanceurs d’alerte, en particulier l’article L. 1132-3-3 du code du travail.

Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. A-t-on besoin d’un nouvel ajout dans la loi ou d’une discussion de fond ?

Sur le fond, nous avons, je pense, une vision commune. Pour notre part, nous considérons cependant que les salariés, ainsi que les candidats à l’embauche, sont d’ores et déjà protégés dans ces situations par les dispositions du code du travail.

Un salarié qui agit en justice pour dénoncer des faits de corruption, un délit ou un crime, est également protégé contre toute sanction ou licenciement.

Un salarié ou candidat à l’embauche victime d’une sanction pour avoir subi ou dénoncé des faits de discrimination, ou de harcèlement social ou moral, est protégé de la même manière.

En outre, dans les cas qui ne relèveraient ni de la discrimination ni du harcèlement, le juge peut remettre en cause le caractère réel et sérieux du licenciement. Une sanction infligée à un salarié pour des motifs similaires encourrait l’annulation par le juge pour absence de motif valable de la sanction.

Enfin, depuis la loi Sapin II du 9 décembre 2016, les lanceurs d’alerte au sein des entreprises sont également protégés contre le licenciement, toute sanction ou mesure discriminatoire.

J’entends ce que vous dites, madame la sénatrice : une partie de la protection relève de la loi, l’autre de la jurisprudence. Or celle-ci est constante et stable en la matière. Nous ne voyons donc pas la nécessité de codifier plus avant, l’ensemble du champ des discriminations étant couvert.

Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. J’entends les propos de Mme la ministre et de M. le rapporteur.

Je suis d’accord avec vous, madame la ministre, le droit du travail et la jurisprudence de la Cour de cassation devraient permettre d’empêcher de telles situations. Or, dans cet hémicycle, nous connaissons tous des exemples.

Récemment, un chauffeur ayant dénoncé son employeur qui lui faisait transporter des déchets toxiques a récemment été licencié.

En Savoie, l’entreprise Tefal s’en est prise à une inspectrice du travail qui avait dénoncé des méthodes dangereuses ou, en tout cas, des atteintes à la santé et à la sécurité des travailleurs.

Ces exemples concrets montrent que le code du travail, le code pénal et la jurisprudence ne sont pas suffisants pour protéger véritablement les lanceurs d’alerte et les salariés qui tentent de dénoncer au sein de leur entreprise des situations graves, dramatiques, qui attentent non seulement à leur santé, mais également à la santé publique et à l’environnement.

Je serais tentée de suivre Mme la ministre et M. le rapporteur en retirant notre amendement, mais la situation actuelle en ce domaine me dissuade de le faire. Je préfère que celui-ci soit mis aux voix et, comme vous l’avez dit, madame la ministre, nous devons nous efforcer d’avancer un peu plus encore afin de prévenir les licenciements des salariés et des lanceurs d’alerte qui dénoncent les actes illégaux commis dans leur entreprise. (M. Jean Desessard applaudit.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 115.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 114, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code du travail est ainsi modifié :

1° Le chapitre II du titre IV du livre Ier de la deuxième partie est complétée par une section … ainsi rédigée :

« Section…

« L’heure d’information syndicale

« Art. L. 2142-… – Les sections syndicales sont autorisées à tenir, pendant les heures de travail, des réunions mensuelles d’information. Ces réunions se tiennent dans les locaux syndicaux mis à la disposition des sections syndicales en application de l’article L. 2142-8, ou, avec l’accord du chef d’entreprise, dans d’autres locaux mis à leur disposition.

« Chacun des membres du personnel a le droit de participer à l’une de ces réunions, dans la limite d’une heure par mois. Ce temps peut être dépassé en cas de circonstances exceptionnelles. » ;

2° Le deuxième alinéa de l’article L. 2323-8 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« En cas d’offre de vente faite aux salariés, ces derniers ont accès à la base de données économiques et sociales. » ;

3° Le I de l’article L. 2325-35 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …° En vue de l’étude d’un projet de reprise de l’entreprise par les salariés. »

La parole est à M. Christian Favier.

M. Christian Favier. L’exercice du mandat syndical se heurte souvent, on le sait, au manque de temps des salariés pour s’informer sur leurs propres droits. Pourtant, le premier rôle des représentants des salariés est de rester en contact avec leurs collègues pour faire remonter les problèmes dans les instances correspondantes, mais aussi pour les informer des décisions prises, de leur impact et de leurs conséquences sur les conditions de travail de chacun.

Les administrations publiques, quant à elles, ont le dispositif de l’heure de délégation syndicale, qui permet aux syndicats et aux salariés de prendre une heure pour échanger sur les points qu’ils souhaitent. Cette respiration est indispensable pour la vie syndicale dans nos établissements scolaires, nos collectivités, nos hôpitaux, pour que les agents puissent vraiment avoir accès aux informations les concernant. Ne serait-elle pas utile, aussi, dans le secteur privé ?

Madame la ministre, la mise en œuvre de la délégation unique du personnel, la DUP, se soldera par une baisse du nombre d’élus et du nombre d’heures de délégation, et par une raréfaction des réunions. Quelle crédibilité accorder au débat que nous venons d’avoir sur l’article 2 si nous ne créons pas les conditions pour que l’expression des salariés puisse avoir lieu dans l’entreprise ?

À l’Assemblée nationale, le rapporteur a argué que les salariés avaient toujours le droit de se réunir en dehors du temps de travail et que les délégués pouvaient aller et venir dans l’entreprise pour discuter. Plus grave encore, cette heure mensuelle pourrait, selon lui, désorganiser le travail de toute l’entreprise.

Mes chers collègues, il est temps d’améliorer partout l’information des salariés en instaurant, comme nous le proposons, cette heure d’information syndicale dans toutes les entreprises.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement reprend les dispositions d’une proposition de loi relative au droit de préemption des salariés, déposée par les députés du groupe Gauche démocrate et républicaine en mars 2015 et rejetée par l’Assemblée nationale au mois de mai suivant.

Il prévoit, tout d’abord, de créer une heure mensuelle d’information syndicale à laquelle les salariés seraient autorisés d’assister sur leur temps de travail, sur le modèle de dispositions similaires qui existent dans la fonction publique.

Il tend, ensuite, à procéder à deux autres modifications visant à élargir le droit d’information des salariés : il leur donne accès à la base de données économiques et sociales, la BDES, de l’entreprise lorsqu’une offre de vente leur est faite et ouvre, dans ce cas, une nouvelle possibilité de faire appel à un expert-comptable aux frais de l’employeur.

Il me semble que, dans ce cas précis, notre assemblée peut se rallier à la sagesse de nos collègues députés. La BDES doit être réservée à l’information des instances représentatives du personnel en vue de la préparation de leurs avis, tandis qu’il n’est pas souhaitable d’imposer dans chaque entreprise cette heure d’information syndicale, qu’elle est libre, le cas échéant, de mettre en place par accord collectif.

Au vu de ces éléments, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. L’avis est également défavorable, en partie pour les motifs invoqués par M. le rapporteur, mais aussi pour une autre raison : il convient de rappeler que le code du travail permet d’ores et déjà aux syndicats d’informer les salariés via des panneaux et des tracts, et depuis un an sur l’intranet de l’entreprise, ce qui était un point important.

Les syndicats peuvent aussi réunir les salariés dans un local mis à la disposition par l’employeur.

Introduire dans la loi une durée aussi précise – une heure par mois – va à l’encontre de ce que nous préconisons depuis deux jours. Nous voulons certes renforcer le dialogue social dans l’entreprise, mais nous ne souhaitons pas indiquer comment il faut y procéder dans les plus menus détails. On veut encourager les accords d’entreprise, mais c’est dans l’entreprise qu’il faut définir les modalités de leur conclusion. Plusieurs formes sont envisageables, qui dépendent de la façon de travailler des salariés, à distance ou non par exemple.

Il faut faire confiance aux syndicats et aux employeurs, leur laisser définir ces modalités, et non les prendre par la main.

L’avis est donc défavorable du fait de l’excès de précision de l’amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 114.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 83 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Vasselle, Guerriau, Pellevat, Nougein, Grand, Vaspart, Perrin, Raison et César, Mmes Duchêne, Di Folco et Gruny, MM. Pierre et de Nicolaÿ, Mme Mélot, MM. Longeot, D. Laurent, Mayet et Canevet et Mmes Keller et Loisier, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi pour relever le seuil social de onze à vingt salariés, de vingt à cinquante salariés et de cinquante à cent salariés.

La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Issu d’un département rural dont le tissu économique est surtout composé de petites entreprises, je me félicite des dispositions de ce projet de loi, lequel prend en compte leurs spécificités, notamment celles qui sont prévues à l’article 1er de nature à leur permettre de négocier, même en l’absence de délégué du personnel. J’approuve aussi la possibilité offerte à l’employeur d’organiser un référendum pour valider un accord.

L’article 2 prévoit de fusionner les trois instances – délégué du personnel, comité d’entreprise, CHSCT – dans une seule instance. J’y suis, bien sûr, favorable. Cet article renforce également le dialogue social et encourage la négociation d’entreprise.

Je souhaite que figure dans cet article un relèvement, ou plutôt un aménagement des seuils sociaux, lesquels constituent un réel frein à l’embauche.

Dans sa rédaction actuelle, cet article laisse présager une modification, mais pas de façon claire. L’objet de mon amendement est de préciser ce point.

Le chômage de masse nous oblige à prendre toutes les mesures favorables à la création d’emplois. Il arrive parfois que des entreprises n’embauchent pas pour l’unique raison qu’elles ne souhaitent pas franchir un seuil qui impliquerait de nombreuses contraintes administratives et un surcoût de certaines cotisations sociales. Nous connaissons tous des entreprises qui ne veulent pas passer de 49 à 50 salariés. Bien sûr, il faut tenir compte du cas des personnes handicapées, qui a fait l’objet d’un amendement présenté précédemment.

Par ailleurs, si l’on doit organiser dans les plus petites entreprises, à partir de 11 salariés, des élections de délégués du personnel, les charges augmenteront, notamment le taux de participation à la formation continue. Ces entreprises perdront aussi une partie des exonérations de cotisations sociales sur la rémunération des apprentis, et devront s’acquitter d’un versement transport, et j’en passe.

Cet amendement d’appel vise à souligner le problème des seuils, qu’il s’agit d’adapter afin d’éviter qu’ils ne freinent l’emploi. Pour atteindre le plein emploi, il faut renforcer les possibilités de développement des PME. La modification et l’aménagement des seuils sont un moyen d’y parvenir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Bien que l’on puisse partager pleinement la philosophie de cet amendement, nous ne pouvons que constater qu’il est contraire à la Constitution.

Plus spécifiquement, il est contraire à la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel relative à la recevabilité des initiatives parlementaires en matière de recours aux ordonnances. Par deux décisions, l’une du 20 janvier 2005 et l’autre du 31 juillet 2014, il a interdit à un amendement parlementaire de créer ou d’élargir une habilitation, estimant qu’une telle faculté n’était pas prévue par l’article 38 de la Constitution.

Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.