M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, sur l'article.

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, cet article met en œuvre, je veux le rappeler, l’une des mesures phares du programme présidentiel, annoncée de longue date et largement discutée tout au long de la campagne électorale.

Celle-ci vise à opérer un allégement sans précédent des prélèvements sur les revenus d’activité, financé par une augmentation de 1,7 point de la CSG.

Il s’agit d’une mesure globale de justice sociale, pour répartir plus équitablement le financement de la protection sociale, en sollicitant les revenus du travail, les retraites soumises au taux normal de CSG et les revenus du capital.

Certes, un effort de solidarité intergénérationnelle est demandé à 60 % des retraités. Néanmoins, cette hausse sera neutralisée pour 75 % d’entre eux, compte tenu de la suppression progressive de la taxe d’habitation, y compris pour une large partie de ceux qui vivent en maison de retraite ou en EHPAD, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Les pensionnaires des EHPAD privés non lucratifs en profiteront indirectement grâce au dégrèvement dont bénéficieront les établissements.

Aussi, avec la ferme volonté de soutenir cette mesure de justice sociale, le groupe La République En Marche votera contre les amendements tendant à remettre en cause l’équilibre de l’article 7.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, l’une des intentions affichées pour justifier le basculement des cotisations maladie et chômage sur la CSG est de donner du pouvoir d’achat aux salariés du secteur privé.

On pourrait fort bien se contenter, pour aller plus vite, de majorer quelque peu le SMIC et d’inviter les branches professionnelles à ouvrir un nouveau tour de table de négociations salariales. Toutefois, nous le savons, le Gouvernement s’y refuse. Il privilégie une fiction de hausse du pouvoir d’achat, que permettrait la disparition des 0,75 % restants de cotisation maladie après le premier basculement de 1998 et de la part « salarié » de la cotisation d’assurance chômage.

Le problème, c’est qu’il n’y a pas de hausse du pouvoir d’achat. En effet, les cotisations sociales sont un élément de la rémunération des salariés et le fait de les réduire revient donc à réduire la rémunération des salariés.

On appelle cela « alléger le coût du travail », au motif que les salaires sont, depuis quelques années, devenus plus un coût que la juste rémunération du travail accompli. Telle n’est pas notre conviction.

Mais la réduction est double, si l’on peut dire. En effet, le principe même de la sécurité sociale, que nous connaissons toutes et tous ici, je l’ai d’ailleurs rappelé au cours de la discussion générale, veut que le salarié et sa famille, face aux événements de la vie, ne restent pas sans ressources, qu’il s’agisse de la maladie, de l’éducation des enfants ou encore de l’interruption de l’activité.

Or qu’observe-t-on dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ? Un basculement de la cotisation maladie résiduelle, mais aussi un ONDAM contraint à la moitié de son évolution « naturelle », et ce pour les cinq années à venir, conformément à l’orientation de la loi de programmation des finances publiques.

S’agissant du chômage, que doit-on penser, au moment où la négociation en cours sur les régimes complémentaires de retraite du secteur privé risque de s’achever en retenant le principe de mise en cause du niveau des pensions ?

Je me permets de le rappeler ici, avant de revenir sur toute autre considération, le système actuel d’indemnisation est plutôt défaillant et le nombre de personnes privées d’emploi prises en charge par le régime de l’UNEDIC est plutôt minoritaire. Cela signifie que toute indemnisation éventuelle des chômeurs se fait dans un contexte de ressources déjà insuffisantes.

Nous sommes donc bien, avec l’article 7, en face d’un véritable miroir aux alouettes, simple promesse électorale qui ne change rien au problème posé par le partage de la valeur ajoutée entre travail et capital ni à celui de la répartition des gains de productivité.

Le salaire, direct ou non, individuel ou socialisé, n’est pas l’ennemi de l’emploi. La mesure que vous préconisez est non seulement injuste, mais aussi inefficace. Elle porte un coup très fort à notre système de protection sociale. C’est la raison pour laquelle nous voterons contre.

M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, sur l'article.

M. Maurice Antiste. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 7 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 acte le transfert des cotisations sociales vers la CSG. Ainsi, pour compenser la suppression en plusieurs étapes des cotisations salariales « maladie » et « chômage » dues par les salariés, le taux de CSG sera augmenté de 1,7 point pour tout le monde, qu’il s’agisse des actifs, des retraités ou des fonctionnaires.

Ce taux passera de 7,5 % à 9,2 % dès le 1er janvier 2018, avec suppression des cotisations sociales en deux fois. Le texte que nous examinons prévoit une baisse de 2,25 % des cotisations au 1er janvier prochain, puis la suppression du reliquat au 1er octobre.

Une telle mesure augmentera certes le SMIC de 132 euros par an en 2018, puis de 263 euros en 2019. Toutefois, elle impliquera également une hausse équivalente du revenu net imposable, avec des conséquences certaines sur les diverses prestations ou exonérations dont peuvent bénéficier certains salariés. Il en sera de même pour les auto-entrepreneurs et indépendants, dont le taux de CSG passera de 7,5 % à 9,2 %.

Concernant les retraités, le taux de CSG, actuellement fixé à 6,6 %, passera à 8,3 % dès le 1er janvier 2018, ce qui aura pour conséquence une baisse de leurs revenus. Celle-ci ne sera compensée ni par la suppression des cotisations sociales ni par la revalorisation de 0,8 % des retraites au 1er octobre. Je tiens, à ce titre, à rappeler que près de 80 % des retraités estiment que leur situation financière s’est déjà dégradée.

Enfin, les personnes dédommagées au titre de la prestation de compensation du handicap, la PCH, seront, pour leur part, lourdement impactées. Elles sont en effet assujetties à la CSG, mais ne paient pas de cotisations salariales. Ainsi cette mesure concernera-t-elle spécifiquement les aidants familiaux, qui verront ce prélèvement augmenter sans compensation, alors même que le dédommagement qu’ils perçoivent est déjà très faible : 75 % du SMIC horaire au maximum pour un nombre d’heures souvent très sous-évalué par rapport au temps réellement consacré à leurs proches. Le Conseil national consultatif des personnes handicapées s’est d’ailleurs publiquement inquiété de la situation dans un communiqué en date du 17 octobre dernier.

C’est la raison pour laquelle j’ai déposé un certain nombre d’amendements sur cet article, afin d’y introduire plus d’équité et de justice sociale.

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l'article.

M. Yves Daudigny. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 7 permet d’ouvrir la discussion sur trois sujets.

Lorsqu’elle fut créée par Michel Rocard en 1991, la CSG avait pour objet l’élargissement du périmètre de financement de la protection sociale. On pouvait alors parler de mesure de justice sociale, puisqu’il s’agissait de prendre en compte l’ensemble des revenus, et en particulier les revenus du patrimoine et du capital.

Lorsque la CSG se substitue à des cotisations sociales, comme ce fut le cas en 1997, cela a pour conséquence une augmentation des revenus des salariés du secteur privé, à condition bien sûr que l’augmentation de CSG soit inférieure à la diminution des cotisations.

Lorsque les revenus de remplacement ne sont pas compensés, l’augmentation de CSG induit des transferts entre les catégories de population. C’est le cas aujourd'hui, mais tel n’a pas été le cas en 1997, sous le gouvernement Jospin. À l’époque, l’augmentation de CSG des retraités avait été entièrement compensée.

Nous n’approuvons pas, je l’ai dit hier au cours de la discussion générale, ce transfert sur les retraités. Nous proposerons donc un amendement visant à supprimer une telle disposition.

Je souhaite, monsieur le ministre de l’action et des comptes publics, profiter de votre présence pour vous poser une question.

Des commentateurs évoquent la différence entre les recettes entraînées par l’augmentation de la CSG dès le 1er janvier 2018 et les pertes de recettes dues à la diminution des cotisations. Cet écart est parfois évalué à 3 milliards ou 3,5 milliards d’euros. Pourriez-vous nous donner, monsieur le ministre, les chiffres précis concernant, d’une part, les recettes nouvelles de CSG et, d’autre part, les pertes de cotisations ? Pouvez-vous également nous dire quelle sera la destination des sommes résultant de l’écart entre les recettes et les pertes de recettes ?

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, sur l'article.

M. Alain Joyandet. Monsieur le ministre, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je dirai quelques mots sur cet article 7, au nom du groupe Les Républicains.

Tout d’abord, nous saluons le transfert vers d’autres sources d’une partie du financement de notre modèle social, qui reposait sur les revenus du travail, vers d’autres sources de financement. La CSG remplacera donc les cotisations sociales, ce qui nous paraît aller dans le bon sens. Bien sûr, nous aurions préféré que la TVA joue ce rôle. C’est un sujet qui fait l’objet d’un vieux débat. Nous avions d’ailleurs voté ensemble, monsieur le ministre, une telle mesure, au sein de la majorité de 2012. Hélas, ce fut un peu tardif ! La fameuse « TVA compétitivité » devait remplacer une partie des charges pesant sur le travail. Nous ne voyons que des avantages à ce dispositif, qui permet d’améliorer la compétitivité et de diminuer les charges. À l’époque, la mesure avait été présentée comme favorisant la compétitivité plus que le pouvoir d’achat, puisqu’il s’agissait surtout de réduire les charges patronales.

Toujours est-il que le groupe Les Républicains se félicite du transfert de financement que vous proposez aujourd'hui. Nous sommes preneurs de cette augmentation de la CSG, même si nous aurions préféré une augmentation de la TVA ! Notre groupe politique n’est d’ailleurs pas le seul à penser ainsi, nous le verrons au cours de l’examen des amendements.

Reste la question des retraités, pour lesquels l’augmentation de la CSG n’est pas compensée. Il s’agit de retraités tout de même modestes : pour une pension de 1 400 euros par mois, l’impact sera d’environ 300 euros par an. À ce sujet, j’ai déposé en commission des finances un amendement qui a été adopté et qui est en tout point identique à celui qui sera présenté par le rapporteur général. Il s’agit d’exonérer une tranche concernant près de huit millions de personnes, qui auraient cette somme à payer, sans qu’aucune compensation ne soit prévue.

Telle est la position du groupe Les Républicains, qui votera les amendements qui seront présentés par M. le rapporteur général, appuyé par le président de la commission.

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, sur l'article.

M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 7 prévoit la suppression des cotisations sociales d’assurance maladie et d’assurance chômage, prélevées sur les salaires à hauteur de 3,5 % de la rémunération brute des salariés. Ainsi, pour un salarié au SMIC, le gain sera de 263 euros. Pour une personne rémunérée 2 000 euros nets, il s’élèvera à près de 500 euros.

Une mesure équivalente est prévue pour les travailleurs indépendants, avec des baisses de cotisations « famille » et l’accroissement de l’exonération des cotisations d’assurance maladie. Par ailleurs, pour les agents publics, la compensation est prévue.

Le financement est opéré par une hausse de la CSG sur les revenus d’activité et de remplacement, les revenus du patrimoine, les produits de placement, les produits des jeux et les pensions de retraite. Cette hausse ne concernera pas, cela vient d’être dit, les retraités de plus de 65 ans percevant moins de 1 400 euros par mois, ce qui exclut du champ de la mesure 40 % des retraités, ceux qui ont les revenus les plus faibles.

S’agissant de la suppression de la taxe d’habitation, le seuil d’exonération sera de 25 000 euros de revenus annuels pour une personne seule.

L’objet de cette mesure est donc bien de redistribuer 7 milliards d’euros aux actifs.

Certes, nous pensons que les retraités, comme les actifs, doivent participer au financement de la sécurité sociale. À nos yeux, la participation doit être intergénérationnelle. Je le rappelle, la dette de la France est de 2 200 milliards d’euros, et la sécurité sociale est en déficit.

Toutefois, une augmentation de 1,7 point de CSG nous paraît trop forte. Nous souhaitons, pour les retraités, la limiter à 1,2 point, ce qui diminuerait les recettes de la sécurité sociale de 1,2 milliard d’euros, contre 4,5 milliards si l’exonération était totale.

Nous souhaitons stopper les déficits, voir la sécurité sociale en excédent et la dette de la CADES, la Caisse d’amortissement de la dette sociale, apurée en 2022 ou 2023. Pour autant, nous pensons que l’effort demandé aux retraités est un peu trop important. Selon nous, il est possible de trouver 1 milliard d’euros ; cela ne devrait pas mettre en difficulté le budget de la sécurité sociale. Nous défendrons donc un amendement en ce sens. (Mme Colette Mélot applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l'article.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis défavorable au basculement de ces deux cotisations vers la CSG, pour des raisons structurelles de principe et aussi pour des raisons liées au budget qui nous est proposé.

En ce qui concerne le principe, j’estime que le financement de la protection sociale mérite une clarification. Autant on peut considérer que la santé et la question des allocations familiales s’apparentent à un droit universel garanti à toutes et tous, autant il me paraît dangereux pour l’avenir de notre protection sociale d’accepter que la retraite, comme l’indemnisation du chômage, change de nature, en devenant une aide et en perdant son statut d’assurance collective et de « salaire différé », comme l’appellent certains.

Il s’agit d’un vieux débat, qui court depuis la Libération. Il n’est pas sans conséquence sur la manière de traiter les problèmes. En effet, une aide finit toujours par être conditionnée : à chaque débat budgétaire, Bercy trouve mille raisons pour expliquer qu’il faut soit la réduire soit la cibler. On finit alors avec des allocations chômage ou des retraites qui fondent comme neige au soleil, tuant ainsi une forme de solidarité nationale.

Selon moi, la mesure proposée est dangereuse pour l’avenir, notamment le basculement des cotisations chômage.

C’est d’autant plus vrai que le basculement s’opère vers un impôt ou, en tout cas, un prélèvement injuste, la CSG n’étant pas un impôt progressif. Pour ma part, j’ai toujours plaidé en faveur d’une convergence entre CSG et impôt sur le revenu, afin de former un grand impôt structurant dans la fiscalité française. Qui plus est, la part provenant du capital au sein de la CSG représente environ 10 % de la recette.

Par ailleurs, une telle évolution intervient – le contexte est important – à un moment où le capital sera très fortement exonéré d’une contribution aux efforts et aux besoins de la nation. Je pense à la diminution de l’impôt de solidarité sur la fortune et au mécanisme de la flat tax.

C’est bien beau d’en appeler à la solidarité entre les retraités, fussent-ils les plus aisés, et les jeunes générations, mais on tue complètement le débat sur la solidarité nécessaire entre le capital et le travail. De ce point de vue, il existe une disproportion me paraissant tout à fait révélatrice d’un certain nombre de choix que je ne partage pas. Je ne crois pas que, dans ce pays, il y ait à ce point besoin d’alléger toute contribution du capital. Dans ce cadre, faire de la CSG, qui n’est pas une contribution progressive, un outil de redistribution paraît compliqué. C’est donc un mauvais transfert qui nous est proposé. (Mme Nelly Tocqueville et Mme Laurence Cohen applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l'article.

M. Roland Courteau. Avec cet article, il y a quelque chose de vraiment nouveau, qu’aucun gouvernement n’avait osé faire : baisser le pouvoir d’achat des uns pour améliorer celui des autres. On est là dans l’inédit, l’original et, même, le « révolutionnaire » !

La CSG d’un retraité doit-elle augmenter pour financer les allocations chômage auxquelles ce dernier n’aura jamais droit ? Partant de cette nouvelle conception de la cohésion sociale, ira-t-on demain jusqu’à appliquer l’augmentation de la CSG aux allocations chômage ou aux indemnités journalières ?

Mais il y a autre chose d’entièrement nouveau, inédit et original, que les retraités ont été « heureux » d’apprendre : avec une pension de retraite mensuelle de 1 198 euros, on se situe dans la catégorie très enviée des retraités dits « aisés ». C’est toujours bon à savoir…

Bref, voilà un projet de loi de financement de la sécurité sociale dur aux faibles, avec l’augmentation de la CSG, tandis que le projet de loi de finances semble, au contraire, faible envers les nantis, avec la combinaison de la flat tax et de l’allégement de l’ISF. Ainsi chacune des 100 plus grandes fortunes françaises devrait-elle bénéficier en moyenne d’un cadeau fiscal de l’ordre de 1,5 million d’euros.

Tout cela est injuste, anachronique et contre-productif. Nous sommes là, convenons-en, dans l’entièrement nouveau. Le FMI, qui n’est pas un repaire de gauchistes, s’est d’ailleurs permis de rappeler que, pour favoriser l’économie, mieux vaut prendre aux riches pour donner aux pauvres, plutôt que l’inverse ! Je tenais à le souligner en m’exprimant sur l’article 7. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l’article 7 étant un article très important du projet de loi de financement de la sécurité sociale, je répondrai peut-être un peu longuement aux orateurs, afin de pouvoir apporter des réponses plus rapides sur les différents amendements, qu’ils aient été déposés par la majorité ou l’opposition parlementaire, même s’ils concernent de nombreuses professions.

De quoi s’agit-il ? Certes, nous avons été éclairés par les débats qui se sont déroulés à l’Assemblée nationale s’agissant de l’augmentation de 1,7 point de la CSG et de la suppression des cotisations sociales.

Il faut retenir deux seuils, qui doivent être complétés par les dispositions contenues dans le projet de loi de finances. Notre vie institutionnelle est organisée ainsi, et c’est dommage. D’ailleurs, le Gouvernement, par mon intermédiaire, a formulé des propositions en faveur de la modernisation du débat parlementaire. Nous examinons en effet le volet « recettes » du projet de loi de finances et le volet « recettes » du projet de loi de financement de la sécurité sociale à deux moments différents, ce qui nuit peut-être au contrôle du Gouvernement par les parlementaires et à la présentation politique des choix gouvernementaux devant l’opinion publique.

En attendant la réforme institutionnelle qui nous permettrait de passer plus de temps sur le projet de loi de règlement et un peu moins sur le projet de budget et qui organisera une discussion plus approfondie des volets communs des recettes et des crédits budgétaires ou du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous sommes bien obligés de différencier projet de loi de financement de la sécurité sociale et projet de loi de finances. Quoi qu’il en soit, je vous demande de bien vouloir considérer, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous parlons aujourd'hui à la fois de la taxe d’habitation, de l’augmentation de la CSG et de la suppression des cotisations sociales.

Il existe deux seuils. À partir de 65 ans, l’augmentation de la CSG s’appliquera aux retraités contribuables touchant 1 394 euros mensuels. Avant 65 ans, ce seuil est fixé à 1 289 euros, considérant l’abattement qui existe à 65 ans.

Si les revenus d’une personne seule retraitée sont inférieurs à 1 394 euros par mois, il n’y a pas d’augmentation de la CSG. J’ajoute que le Gouvernement a prévu pour le minimum vieillesse une augmentation de 100 euros par mois.

Je suis tout à fait d’accord avec les orateurs qui l’ont souligné, avec 1 394 euros mensuels, un retraité n’est pas riche. Mais je fais tout de même remarquer que les petites retraites, que nous observons dans nos territoires – je pense notamment au territoire dont je suis l’élu, qui compte nombre de retraités de l’industrie et de l’agriculture –, s’élèvent à 600, 700 ou 800 euros. Il existe outre-mer, dans les territoires agricoles notamment, des personnes dont les retraites sont de l’ordre de 250 à 300 euros.

Certains retraités touchent des pensions très basses, en dessous du seuil de pauvreté. Or, à leur intention – c’est la première des choses qu’il faut souligner ! –, le Gouvernement met en œuvre une augmentation sans précédent du minimum vieillesse.

Pour ceux dont les pensions se situent entre le minimum vieillesse et 1 394 euros, la fiscalité au titre de la CSG reste inchangée ; pour ceux qui touchent plus de 1 394 euros, ils bénéficieront dès l’année prochaine de la neutralité de l’augmentation du taux de CSG, grâce à la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des Français. Nous le verrons lors de la discussion du projet de loi de finances, jusqu’à 2 500 euros nets de revenus pour une personne seule – je prends les cas les plus simples pour que chacun ici puisse comprendre – est prévue une diminution d’un tiers de la taxe d’habitation, dès 2018. Ces réformes fiscales seront donc neutres pour les contribuables.

Quand nous parlons d’augmentation de la fiscalité pour les retraités – nous nous apprêtons à discuter ensemble de ce point pendant quelques soirées –, nous visons les personnes qui touchent plus de 2 500 euros nets par personne.

Le débat est ouvert : faut-il ou non mettre à contribution ces personnes dont les revenus sont supérieurs à 2 500 euros nets ?

Par cette mesure, le Gouvernement met en œuvre non seulement la promesse du Président de la République, mais aussi celle de la majorité élue à l’Assemblée nationale. La nature exacte du projet du Gouvernement pour les personnes touchant plus de 2 500 euros nets avait été, ici ou là, très largement développée au cours de la campagne électorale, et nous assumons la solidarité intergénérationnelle.

Je répondrai aux arguments très divers qui ont été avancés sur l’article, notamment à la question que M. le sénateur Daudigny a posée concernant le montant des recettes fiscales et des recettes de cotisations.

Tout d’abord, permettez-moi de le dire au sénateur Joyandet, avec toute l’amitié et l’estime que je lui porte, je n’étais pas parlementaire en 2012 ; je n’ai donc pas pu voter la TVA sociale. J’aurais bien voulu être plus jeune encore sur les bancs de l’Assemblée nationale ; je sais que vous me prêtez beaucoup de vertus, monsieur le ministre, mais je n’ai pas été jusque-là ! (Sourires.)

Je souligne avec lui – il a eu l’honnêteté de le dire ! – que la TVA sociale est en fait une « TVA emploi » – c’est un débat économique intéressant –, qui consiste à augmenter le taux de TVA d’un ou deux points en contrepartie d’une suppression partielle des charges patronales. Ce débat sur la TVA sociale, « TVA emploi » ou « TVA compétitivité » traverse le pays depuis au moins dix ans ; cette mesure a été mise en place à la fin du quinquennat du président Sarkozy, avant d’être annulée au début du quinquennat de M. Hollande. Depuis, les temps ont quelque peu changé.

Qu’est-ce qui a changé ?

En premier lieu, notre différentiel de fiscalité avec l’Allemagne, notre premier partenaire commercial, a changé. Lorsque François Fillon et Nicolas Sarkozy ont mis en place la TVA sociale, à la fin du quinquennat, les taux de TVA respectifs de l’Allemagne et de la France n’étaient pas ceux que nous connaissons actuellement. Je vous rappelle que, sous le gouvernement précédent, la TVA a augmenté. La différence s’est donc creusée avec nos partenaires allemands.

En second lieu, monsieur Joyandet, même dans le projet présidentiel de François Fillon, il n’était plus question de supprimer en nombre des cotisations sociales salariales : il s’agissait, là encore, de diminuer des charges patronales.

Attardons-nous-y quelques instants. Permettez-moi de vous expliquer la politique économique du Gouvernement sur ces sujets.

Nous suivons trois axes, les deux premiers dès cette année, dans le cadre des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, le troisième, je l’espère, personnellement, l’année prochaine.

Premier axe : « zéro charge » pour les entreprises qui embauchent des salariés payés jusqu’à 1,4 SMIC. La suppression des charges patronales souhaitée par les tenants de la TVA sociale au sens où vous la défendez, monsieur le ministre, existe dans le projet de loi de finances. Nous allons voter ce que beaucoup attendaient depuis très longtemps, à savoir la transformation du CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, en allégement général de charges, notamment pour les plus bas salaires – nous savons que c’est le principal problème d’embauche en France. La baisse massive de charges – on ne peut pas faire plus que « zéro charge » à partir du 1er janvier 2019, vous en conviendrez avec moi ! (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.) – est prévue dans le projet de loi de finances pour 2018.

Deuxième axe : nous avons le souci d’augmenter le pouvoir d’achat des salariés, de ceux qui travaillent – ce n’était pas ce que vous défendiez, et je reconnais là votre honnêteté, monsieur Joyandet. Le principe qui nous guide est assez simple : le travail doit payer, et mieux payer ! (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste également.)

Une personne seule payée au SMIC, soit 1 152 euros nets par mois, ayant élevé ses enfants, n’a malheureusement pas les moyens de faire vivre sa famille correctement. Il faut donc augmenter les salaires et le pouvoir d’achat.

Comment faire ? En baissant la fiscalité des ménages. C’est ce que nous faisons : 10 milliards d’euros de baisse de fiscalité au titre de la réforme de la taxe d’habitation, laquelle touche des familles extrêmement modestes, vous le savez– à partir de 11 000 euros nets de revenu fiscal environ, on paie la taxe d’habitation dans notre pays. Cette mesure, c’est autant de pouvoir d’achat, très concrètement, pour nos concitoyens.

Parallèlement, nous faisons en sorte – et les premières prémices sont positives – que la vie économique soit dans une dynamique de croissance, avec une augmentation des salaires par les entreprises. C’est tout l’intérêt des ordonnances Travail et de la libération des énergies impulsée par le Président de la République et le Premier ministre.

Enfin, la suppression des cotisations sociales de 3,15 % que nous évoquons se traduira par une augmentation nette du pouvoir d’achat pour l’ensemble des salariés de France, quel que soit leur revenu.

L’augmentation de CSG que nous proposons est évidemment assez différente de l’augmentation de la TVA.

Monsieur le ministre, l’augmentation de la TVA aurait touché tout le monde ! « Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés », dit le poète. L’augmentation de 2 points de TVA figurait dans le projet de François Fillon – certains candidats à la primaire proposaient de ne pas augmenter la TVA, ou de ne l’augmenter que d’un point. Cette hausse, qui devait s’assortir d’une suppression de charges patronales, aurait concerné tous les Français, quel que soit leur âge, y compris, d’ailleurs, ceux qui sont au minimum vieillesse.

À l’argument selon lequel il serait terrible d’augmenter le taux de CSG de 1,7 point pour les retraités, je réponds que cette augmentation concerne ceux dont les pensions sont supérieures ou égales à 2 500 euros nets, certes ; mais que l’augmentation de la TVA, elle, aurait touché tout le monde : ceux qui perçoivent 4 000 euros nets, ceux qui perçoivent 2 500 euros nets, 1 800 euros nets, 700 euros nets !

Et arguer, comme je l’ai entendu à l’Assemblée nationale, que les produits de première nécessité seraient exemptés reviendrait à imaginer que les plus pauvres de nos concitoyens n’achètent que des produits de première nécessité, qu’il ne leur arrive pas d’acheter des véhicules, de partir en congé, d’avoir une vie comme tout le monde !

L’augmentation de la TVA est donc une mesure qui aurait touché tous les Français ; c’eût été une augmentation généralisée de la fiscalité.

À l’intention de ceux qui n’auraient pas été tout à fait convaincus par cet argument de bon sens, je prends quelques cas pratiques.

Imaginons un contribuable gagnant 2 501 euros nets – essayons d’être le plus sincère possible– , concerné, donc, par l’augmentation de CSG sans compensation par l’allégement de la taxe d’habitation – nous verrons, lors du débat sur la taxe d’habitation, qu’un lissage est prévu, mais caricaturons, pour que chacun comprenne. L’augmentation de 1,7 point de la CSG représente 510 euros de contribution fiscale supplémentaire à la solidarité nationale. L’augmentation de 2 points du taux de TVA, c’est 516 euros. L’impact en termes d’augmentation de la fiscalité est donc sensiblement le même, si l’on compare ce que vous proposez, monsieur le ministre, et ce que nous proposons.

Considérons ensuite le cas d’un retraité dont la pension s’élève à 900 euros nets par mois. Il ne bénéficie pas de l’augmentation du minimum vieillesse – encore une fois, soyons très sincères, laissons de côté les effets d’aubaine –, mais ses impôts n’augmentent pas, puisque la hausse de la CSG commence à 1 400 euros nets de revenus par mois. Il serait en revanche affecté par l’augmentation de 2 points de la TVA que vous proposez, monsieur le ministre. Si nous appliquions le projet législatif qui se dessine au travers de vos amendements, il connaîtrait donc une augmentation de 150 euros de sa contribution fiscale. Notre réforme, elle, est pour lui fiscalement neutre s’il est retraité ; et même, s’il travaille, il bénéficie d’un gain de pouvoir d’achat.

L’augmentation de la TVA est un débat qui peut être intéressant. D’une part, la TVA sociale n’en est pas vraiment une, puisqu’elle touche les charges patronales, mesure comblée par la transformation du CICE en baisse de charges. D’autre part, elle est, par définition, antisociale, par opposition à la nouvelle politique de solidarité que nous promouvons – je reviendrai plus tard sur la question très intéressante du modèle social et de son financement.

Troisième axe – vous ne l’avez pas évoqué, monsieur le ministre, mais c’est un tout – : nous proposons une mesure qui ne figure plus dans le projet de la droite républicaine, et je l’ai personnellement regretté, y compris pendant le débat présidentiel ; vous avez arrêté de défendre les heures supplémentaires défiscalisées !