compte rendu intégral

Présidence de M. David Assouline

vice-président

Secrétaires :

M. Joël Guerriau,

M. Dominique de Legge.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Candidatures à une mission d’information

M. le président. L’ordre du jour appelle la désignation des vingt-sept membres de la mission d’information sur Alstom et la stratégie industrielle du pays, créée à l’initiative du groupe socialiste et républicain en application du droit de tirage prévu par l’article 6 bis du règlement.

En application de l’article 8, alinéas 3 à 11, et de l’article 110 de notre règlement, la liste des candidats établie par les groupes a été publiée.

Elle sera ratifiée si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.

3

Demande d’inscription à l’ordre du jour

M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, par lettre en date du 21 novembre 2017, le Gouvernement a demandé l’inscription à l’ordre du jour du mardi 19 décembre des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, ou de sa nouvelle lecture, après l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances pour 2018, ou de sa nouvelle lecture.

Acte est donné de cette demande.

Nous pourrions prévoir une discussion générale commune d’une heure pour ces deux textes.

Y a-t-il des observations ?…

Il en est ainsi décidé.

4

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.

5

Organisation des travaux

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que les deux premiers débats que nous allons tenir cet après-midi sont inscrits dans l’espace réservé d’un groupe politique. Nous devrons donc arrêter en tout état de cause le deuxième débat à dix-huit heures trente.

Pour permettre à tous les orateurs inscrits de poser leur question, j’invite chacun à respecter scrupuleusement son temps de parole. La formule choisie pour ces débats est intéressante, mais elle nécessite beaucoup de discipline afin que les autres débats prévus à l’ordre du jour de cette séance puissent se tenir.

6

Représentation des communes déléguées dans les communes nouvelles

Débat organisé à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur la représentation des communes déléguées dans les communes nouvelles, organisé à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

L’orateur du groupe qui a demandé ce débat, en l’occurrence le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, disposera d’un temps de parole de dix minutes, y compris la réplique, puis le Gouvernement répondra pour une durée qui ne devra pas dépasser dix minutes.

La parole est à M. Yvon Collin, pour le groupe auteur de la demande.

M. Yvon Collin, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. Monsieur le président, madame la ministre, chère Jacqueline Gourault, mes chers collègues, Alain Bertrand, ici présent, étant empêché de s’exprimer à cause d’une extinction de voix – et perdre une voix en politique, c’est mortel ! (Sourires.) –, je me fais son porte-parole à cette tribune.

Tout d’abord, le groupe du RDSE tient à remercier Françoise Gatel, rapporteur pour la commission des lois, pour son travail, même si Alain Bertrand eût préféré examiner une proposition de loi, ce qui était son projet initial.

J’aimerais vous présenter les motifs de la présentation de cette proposition de loi, que nous avons accepté de transformer en débat.

Plusieurs maires et maires délégués nous ont saisis, dans nos territoires, du problème de la représentativité à long terme des communes déléguées au sein des communes nouvelles.

Pour les élections municipales prévues en 2020, il est prévu une baisse importante du nombre de conseillers municipaux des communes nouvelles, ce qui suscite une certaine inquiétude chez les élus locaux.

Dans les chartes de communes nouvelles, cette représentativité des communes déléguées est souvent exprimée. Pour autant, elle ne revêt aucun caractère obligatoire, ce qui relativise cette représentativité.

Les effets sur l’effectif du conseil municipal de la commune nouvelle sont lissés dans le temps.

Dans un premier temps, entre la création de la commune nouvelle et le renouvellement du conseil municipal, c’est-à-dire, pour les communes nouvelles déjà créées, jusqu’en 2020, l’article L. 2113–7 du code général des collectivités territoriales dispose : « Jusqu’au prochain renouvellement suivant la création de la commune nouvelle, le conseil municipal est composé […] de l’ensemble des membres en exercice des conseils municipaux des anciennes communes […] ».

Ensuite, lors de la deuxième période transitoire, entre 2020 et 2026, pour les communes nouvelles déjà créées, s’appliquera l’article L. 2113–8 du code général des collectivités territoriales, lequel dispose : « […] Lors du premier renouvellement suivant la création de la commune nouvelle, le conseil municipal comporte un nombre de membres égal au nombre prévu à l’article L. 2121–2 pour une commune appartenant à la strate démographique immédiatement supérieure. »

Enfin, à partir de 2026, pour les communes nouvelles déjà créées, le nombre de conseillers sera encore réduit et le nombre des membres du conseil municipal de la commune nouvelle sera celui prévu au tableau de l’article L. 2121–2 du code général des collectivités territoriales pour sa strate démographique.

Lors des prochaines élections municipales de 2020, rien n’obligera donc les listes candidates à comporter des représentants de chacune des communes déléguées formant la commune nouvelle.

De même, en cas de démission ou de décès du maire délégué, seul représentant de sa commune initiale, la représentativité ne sera pas assurée, à partir de 2020, si aucune personne sur la liste n’appartient à la même commune déléguée.

Ce manque de pérennité de la représentativité territoriale a un effet bloquant pour les petites communes qui envisagent d’intégrer ou de créer une commune nouvelle.

À l’inverse, une loi qui assurerait la pérennité de la représentation des communes déléguées permettrait l’aboutissement de nombreux projets de communes nouvelles, les ruraux souhaitant se regrouper et refusant, en revanche, de voir disparaître l’histoire et le patrimoine culturel de leurs anciennes communes, auxquels il est bien normal qu’ils soient attachés.

Les membres de notre groupe, en particulier Alain Bertrand, ont donc pris l’initiative de rédiger la proposition de loi visant à garantir la représentation des communes déléguées au sein des communes nouvelles.

Elle aurait dans sa rédaction initiale, pour les communes de plus de 1 000 habitants, trois conséquences majeures.

Premièrement, la liste des candidats à la commune nouvelle devrait être composée de candidats résidant dans chaque commune déléguée.

Deuxièmement, le maire délégué devrait être choisi parmi les conseillers municipaux résidant dans la commune déléguée.

Troisièmement, un conseiller municipal décédé ou démissionnaire ne pourrait être remplacé que par un candidat résidant dans la même commune déléguée que lui.

De plus, des maires et maires délégués, ainsi que plusieurs collègues sénatrices et sénateurs, nous ont fait remarquer qu’il serait injuste d’appliquer ce dispositif aux seules communes nouvelles de plus de 1 000 habitants.

Le problème est que les conseillers municipaux dans les villes de moins de 1 000 habitants sont élus au scrutin majoritaire, conformément à l’article L. 252 du code électoral.

Avec ce type de scrutin, il est impossible de garantir sur le long terme la représentativité des communes déléguées, puisque l’ordre de la liste peut être modifié par les électeurs. La seule solution, à mes yeux, serait d’appliquer le scrutin de liste à toutes les communes nouvelles, peu importe leur nombre d’habitants.

C’était l’objet d’un excellent amendement qu’Alain Bertrand avait préparé et qu’il comptait vous soumettre aujourd’hui. Ce ne sera malheureusement pas possible, du fait de l’adoption de la motion de renvoi à la commission par la commission des lois.

Je voudrais à présent revenir sur plusieurs observations faites par Mme la rapporteur à Alain Bertrand, lors de son audition, avant la rédaction de son rapport.

Mme la rapporteur insiste sur le fait que la création de communes nouvelles a d’abord pour origine une démarche volontaire des élus, désireux de bâtir ensemble un nouveau destin.

Si nous pouvons être en accord avec ces propos, nous tenons tout de même à préciser qu’avoir un projet commun, vouloir construire ensemble, n’empêche nullement les communes déléguées de souhaiter garder leur identité et s’assurer de la représentation de leur histoire et de leur ancien statut symbolisé par un monument aux morts, une mairie, une église, une école.

Ensuite, Mme la rapporteur juge que les auteurs de la proposition de loi ont peu confiance en la capacité naturelle des communes à assurer le respect de l’identité des anciennes communes déléguées. L’argument avancé est que la législation actuelle laisse plus de liberté, de responsabilité et de souplesse aux communes nouvelles, dont le mode de fonctionnement lui inspire confiance. Sa hauteur de vue l’honore, mais en matière électorale et de pouvoir, mieux vaut « s’assurer » qu’« espérer ».

Note collègue a notamment précisé que, selon elle, comme il était dans l’intérêt des candidats aux municipales de constituer des listes avec des représentants de tous les quartiers, donc de toutes les communes déléguées, la représentation serait assurée naturellement, sans qu’une loi soit nécessaire. Nous estimons, à l’instar d’Alain Bertrand, que cet optimisme n’est pas suffisant ; les conventions passées à l’occasion de la création des communes nouvelles en témoignent !

Prenons un cas illustrant qu’il pourrait en être autrement dans les faits.

Imaginons quatre petites communes A, B, C et D qui souhaitent constituer une commune nouvelle.

La commune A compte 900 habitants et les communes B, C et D ont 50 habitants chacune, ce qui ferait un total de 1 050 habitants pour la nouvelle commune. Il n’y a aucune garantie, à l’heure actuelle, que les communes B, C et D soient représentées au sein du conseil municipal de la commune nouvelle. Il y a, en revanche, une garantie de maintien d’un maire délégué. Et a priori il n’y a aucun intérêt, ou impératif stratégique électoral, pour les candidats issus majoritairement de l’ancienne commune A, la plus importante, de laisser des places éligibles sur leur liste à des candidats issus des communes B, C et D.

Les maires des petites communes veulent des garanties fermes à l’occasion de la création de communes nouvelles.

Le bon sens rural les pousse, car ils connaissent bien les faiblesses de la nature humaine, à demander des garanties sur la représentation historique, patrimoniale et culturelle, fonctionnelle même, afin de garantir leur avenir au sein de la commune nouvelle. Leur demande est ordinaire et légitime.

Je ne prétends pas que notre texte était parfait, mais nous aurions pu probablement ensemble, avec un peu de bonne volonté, trouver les moyens de l’améliorer.

Pour autant, nous pouvons nous satisfaire qu’il soit l’occasion de lancer le débat, et que chacun d’entre nous reconnaisse qu’un ajustement du régime juridique des communes nouvelles est nécessaire, et cela rapidement, avant 2020.

La création d’une commune nouvelle ne signifie pas la disparition des prérogatives et des droits attachés au passé et à la formation de l’avenir, pour certaines parties de territoire. Ce serait contraire à l’esprit même qui préside à la création des communes nouvelles : quelques garanties nous sont demandées, il est de la responsabilité du Sénat de les proposer et de les insérer dans la loi.

J’observe de surcroît qu’au terme de l’excellent travail de Françoise Gatel et de l’examen en commission, il a été reconnu qu’en l’état actuel de la loi certaines communes déléguées ne pourraient pas être représentées dans la commune nouvelle : « Dans certains cas il n’y aurait pas assez de sièges à pourvoir pour assurer la représentation de l’ensemble des communes déléguées. Ce serait le cas, par exemple, d’une commune nouvelle composée de 16 communes mais dont le conseil municipal compterait seulement quinze conseillers. »

De même, les cas de « remplacement » du conseiller municipal par le suivant de liste résidant dans la même commune, ou l’élection du maire délégué parmi les élus de la commune déléguée, tombent sous le sens et peuvent être prévus par quelques ajustements juridiques.

Au total, rien ne s’oppose à ce que nous aboutissions, car c’est un sujet important. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et sur quelques travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Michel Canevet applaudit également.)

M. le président. J’ai reconnu la prose, et même l’accent, de notre collègue Alain Bertrand ! (Sourires.)

La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l’intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, messieurs les sénateurs « jumelés » Yvon Collin et Alain Bertrand (Sourires.), ce débat est l’occasion de revenir sur un sujet qui est cher au Gouvernement : les communes nouvelles.

Les échanges que nous menons sur l’ensemble des sujets relatifs aux collectivités territoriales dans le cadre de la Conférence nationale des territoires ne peuvent qu’être nourris par des initiatives comme les communes nouvelles, qui donnent vie au débat et corps aux ambitieux projets locaux portés par les élus.

Les communes nouvelles sont l’un des symboles de ce qui marche dans nos territoires, et sont le gage d’une meilleure administration et de meilleurs services rendus à la population, là où les élus le souhaitent.

Permettez-moi d’ajouter que l’État a été, sur cette question des communes nouvelles, un partenaire attentif, soucieux de faciliter et d’accompagner des initiatives dont il perçoit les avantages évidents pour l’action publique sur les territoires qui se l’approprient.

Après la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, qui a créé le régime des communes nouvelles pour relancer les fusions de communes en France, c’est la loi dite « Pélissard » du 16 mars 2015 relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes, qui a permis d’asseoir le succès de cette réorganisation territoriale.

Ce dernier texte avait d’ailleurs été inspiré par l’AMF, l’Association des maires de France, qui tient actuellement son congrès annuel, et dont le président était alors M. Jacques Pélissard. Contrairement à la rationalisation de la carte intercommunale qui, je le sais, a pu, par son caractère d’exercice parfois imposé (M. Michel Canevet s’exclame.), susciter des réactions de la part des élus, les communes nouvelles reposent entièrement sur l’initiative et la libre volonté des communes.

Ce système a permis à 1 760 communes de fusionner pour former 517 communes nouvelles – 317 jusqu’au 1er janvier 2016, et 200 entre le 2 janvier 2016 et le 1er janvier 2017 –, rassemblant une population totale de près de 1,8 million d’habitants, ce qui faisait ainsi passer la France sous le seuil symbolique des 36 000 communes avec 35 498 communes au 1er janvier 2017.

La Direction générale des collectivités locales, la DGCL, a recensé, sur la base d’un recensement partiel, 24 projets fermes et 113 en cours. Il s’agit d’une décélération par rapport à 2016 et à 2017. Le Gouvernement croit cependant toujours en la force du modèle proposé par les communes nouvelles et compte accompagner son développement.

Cet accompagnement prendra plusieurs formes. Tout d’abord, une reconduction jusqu’au 1er janvier 2019 du régime financier favorable à la création de communes nouvelles, y compris pour les communes nouvelles créées pendant l’année 2017. Ensuite, l’élargissement du bénéfice de la bonification de dotation globale de fonctionnement, la DGF, – +5 % –, aux communes de moins de 1 000 habitants et à celles de 10 000 à 15 000 habitants. Jusqu’à présent, la mesure s’appliquait seulement aux communes nouvelles de 1 000 à 10 000 habitants ; un amendement adopté à l’Assemblée nationale a supprimé le seuil et a rehaussé le plafond de 10 000 à 15 000 habitants. Enfin, le soutien à l’investissement local sera stabilisé pour l’ensemble des collectivités territoriales et un fonds de modernisation de 50 millions d’euros sera créé au sein de la dotation de soutien à l’investissement public local, la DSIL, fonds auquel les communes nouvelles sont des candidates naturelles.

Un accompagnement sur les sujets pratiques sera mis en place pour les communes nouvelles.

La procédure améliorée pour la graphie des noms des communes nouvelles, via une circulaire du 18 avril 2017. Il revient au préfet de faire vérifier la graphie par les archives départementales afin d’éviter les incohérences géographiques ou historiques ; certains élus ont, en effet, des idées par trop originales… (Sourires.)

Une dispense d’actualisation obligatoire des cartes grises des communes nouvelles – nous avons beaucoup évoqué ce sujet – est prévue, via une instruction du délégué interministériel à la sécurité routière du 12 avril 2016.

Les associations communales de chasse agréées des communes constitutives pourront être maintenues, sujet dont nous avions abondamment parlé.

Une adaptation des formulaires CERFA est en cours de déploiement.

Seront maintenues au bénéfice des communes nouvelles les aides attribuées au titre du Fonds d’amortissement des charges d’électrification, le FACÉ, à leurs communes constitutives.

M. Alain Bertrand et M. Yvon Collin. Très bien !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Il est procédé à une adaptation sur les sujets institutionnels.

Il est possible de maintenir des communes associées sous forme de communes déléguées lors de la création d’une commune nouvelle, aux termes de la loi « Sido » du 8 novembre 2016.

Mme Françoise Gatel. Tout à fait !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Aux termes de la même loi Sido est prévue la dérogation à l’application de la parité pour l’élection des adjoints, dans certaines conditions et de façon transitoire, dans les communes de plus de 1 000 habitants issues de la fusion de communes anciennes de moins de 1 000 habitants.

Les communes nouvelles seront représentées dans les organes délibérants des EPCI à fiscalité propre et dans les organes délibérants des syndicats.

Le Gouvernement souhaite continuer d’apporter son aide aux communes nouvelles et de mettre ses outils à leur disposition. Toutefois, cela ne peut se faire qu’en respectant le principe d’origine de la création de ces communes nouvelles : la commune nouvelle constitue une commune à part entière avec une circonscription électorale unique. Elle n’est pas une forme d’intercommunalité déguisée.

La proposition de loi dont Yvon Collin a rappelé les termes prévoyait que les listes comportent des candidats résidant dans chacune des communes déléguées.

Ses auteurs proposaient de rendre obligatoire le remplacement d’un conseiller municipal par un suivant de liste résidant dans la même commune déléguée que ce dernier.

Ils proposaient, enfin, que le maire délégué soit en priorité résidant de la commune déléguée.

Ces trois propositions sont contraires, d’une part, à l’esprit qui vise à faire de la commune nouvelle une véritable commune et, d’autre part, aux principes constitutionnels.

Le critère de résidence dans la commune déléguée porte différenciation entre les candidats et constitue ainsi une rupture d’égalité devant le suffrage.

Nous partageons donc le point de vue de Mme la rapporteur, qui avait souligné l’inconstitutionnalité de ce texte.

Votre proposition conduisait à la réintroduction d’une forme de section électorale que nous avons supprimée en 2013.

D’autres propositions complémentaires aux dispositifs actuels ont été faites.

L’AMF propose ainsi de fixer l’effectif du conseil municipal de la commune nouvelle au minimum égal à trois fois le nombre des communes déléguées.

Pour rappel, lors de sa création et jusqu’au prochain renouvellement, le conseil municipal de la commune nouvelle peut être composé de la somme des conseillers des anciennes communes, puis il bénéficie de la strate démographique supérieure lors de son premier renouvellement. À partir du deuxième renouvellement, l’effectif du conseil municipal entre dans le droit commun.

Cette proposition pérennise le dispositif dérogatoire, tandis que le Gouvernement soutient que les communes nouvelles sont des communes à part entière. Je ne peux pas le dire plus simplement.

Je remercie Mme Françoise Gatel et M. Christian Manable, et salue la qualité de leurs propositions, dont beaucoup ont été prises en compte. Il est rappelé dans leur rapport que « nul ne peut réussir sa commune nouvelle sans une volonté commune autour d’un projet d’avenir, et d’une vision partagée du territoire coconstruit avec les acteurs locaux et soutenue par tous ». Ce sont également les conclusions des premières Assises nationales des communes nouvelles, organisées par l’AMF, auxquelles j’ai eu le plaisir de participer le 12 octobre dernier.

Je crois donc qu’il est temps d’avancer, de conforter les communes nouvelles et leur mouvement, et non pas de freiner celui-ci. Nous vous accompagnerons dans cette démarche. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – MM. Didier Rambaud et Joël Bigot applaudissent également.)

Débat interactif

M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que les auteurs de questions disposent chacun de deux minutes au maximum, y compris la réplique. Le Gouvernement a la possibilité d’y répondre pour une durée équivalente. Je serai très strict en ce qui concerne le respect des temps de parole afin que tous les orateurs puissent s’exprimer.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Éric Kerrouche, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Éric Kerrouche. Vous l’avez rappelé, madame la ministre, entre 2015 et 2016, et du fait de l’unique volonté des élus locaux, le tissu communal a connu une rationalisation sans précédent : plus de 500 communes nouvelles ont été créées, représentant 1 800 communes historiques et 25 000 conseillers municipaux, 1,7 million de nos concitoyens étant concernés.

Vous noterez que cette transformation inédite du paysage communal est la preuve de la capacité d’adaptation et d’innovation des territoires, dès lors que la souplesse du régime juridique permet de respecter les spécificités territoriales.

En matière de gouvernance, 95 % des communes nouvelles ont opté pour le régime dérogatoire et transitoire permettant d’augmenter le nombre de conseillers municipaux. Par ailleurs, 95 % de ces communes ont choisi de créer des communes déléguées.

Le prochain renouvellement général, celui de 2020, suscite des inquiétudes légitimes chez les élus locaux quant à la représentativité des communes fondatrices. Il marquera en effet la fin de ce régime dérogatoire, ce qui se traduira par une diminution brutale, de 50 % en moyenne mais pouvant atteindre plus de 80 %, des effectifs des conseils municipaux.

Cela n’est pas sans conséquence sur l’avenir des communes déléguées, ce qui pose la question de la représentativité démocratique. Vous l’avez dit, les communes nouvelles constituent bien de nouvelles entités, de nouvelles communes, et non une supracommunalité. Néanmoins, l’objectif est de faire en sorte d’assurer la meilleure représentativité possible de toutes ces composantes sans pour autant ajouter de la complexité à un système qui repose avant tout sur la souplesse et la volonté des élus.

Dans cette optique, la possibilité du caractère obligatoire de la charte de la commune nouvelle, aujourd’hui facultative, peut-elle être examinée ? Ce contrat fondateur, revisité avant chaque fin de mandat, demeurerait régi par des principes de souplesse pour que chaque commune nouvelle définisse sa propre gouvernance et garantisse la représentativité des communes historiques. (M. Alain Bertrand applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, il y a, dans votre question, deux sujets.

Il y a en premier lieu la représentation, dont on vient de parler au cours des interventions liminaires. La solution réside bien sûr dans la construction des listes des communes nouvelles, lors des élections. Comme dans une commune classique, on essaie de représenter tous les quartiers et il reviendra évidemment à ceux qui conduisent des listes aux élections municipales de veiller à ce que les anciennes communes, les communes déléguées, soient bien représentées. Voilà la réponse très pratique que je peux vous apporter.

En second lieu, en ce qui concerne le document dont vous parlez, cette charte, beaucoup de communes nouvelles où je suis allée, souvent dans la Maine-et-Loire, ont des chartes qui sont, finalement, les supports de la réflexion et des conclusions de travail ayant amené à la création de la commune nouvelle. Cette charte sert de document de base ; elle n’a, certes, pas de valeur juridique,…

Mme Jacqueline Gourault, ministre. … mais elle a une valeur contractuelle et morale…

M. Pierre-Yves Collombat. Elle n’a aucune valeur !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. … entre ceux qui se sont engagés et qui est évidemment très importante.

Je crois qu’il serait compliqué de donner à la charte une valeur juridique. D’abord, on risquerait d’y inscrire des éléments touchant à la réglementation et qui ne seraient pas acceptables juridiquement, car la loi précise déjà beaucoup de choses sur la création et l’organisation des communes nouvelles. Ensuite, je crois que cela alourdirait le fonctionnement des communes nouvelles.

M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

M. Alain Marc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les 517 communes nouvelles créées au 1er janvier 2016 et au 1er janvier 2017, issues de la fusion de 1 760 communes, comptent aujourd’hui 24 139 conseillers municipaux. Cette démarche volontaire des élus a été encouragée non seulement par un pacte financier, mais aussi par la faculté de conserver les communes historiques sous forme de communes déléguées.

Pour faciliter la création de communes nouvelles, un régime dérogatoire au droit commun permet d’augmenter à titre transitoire l’effectif de leurs conseils municipaux et donne ainsi la possibilité aux élus des communes historiques d’y siéger.

La fin programmée de ce régime transitoire suscite les inquiétudes des élus locaux…