Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.

M. Fabien Gay. De quoi parlons-nous aujourd’hui ? D’agriculture et d’alimentation, certes, mais aussi, au-delà, de la vie de nos agricultrices et agriculteurs, de leurs revenus, de nos modes de vie, d’enjeux d’éducation, de santé publique et, surtout, de sauvegarde de notre planète. Ce dernier enjeu, le présent projet de loi devrait le prendre à bras-le-corps, mais il ne fait que l’ignorer !

L’article 11, relatif aux repas pris dans le cadre de la restauration collective, tel que modifié par la commission des affaires économiques du Sénat, manque un peu d’ambition.

Pourtant, depuis 2009, nous débattons de la fixation d’un taux de 20 % de produits issus de l’agriculture biologique pour l’approvisionnement de la restauration collective assurée par les personnes publiques.

Même si la puissance publique ne peut pas agir directement et rapidement sur chaque assiette, la restauration collective constitue un point de départ. C’est là que nous pouvons faire découvrir ou favoriser une autre manière de se nourrir.

Nous sommes déjà en retard. Depuis le 5 mai, la France vit pour cette année à crédit, alertent certaines associations. L’agriculture n’en est pas, tant s’en faut, seule responsable. Mais ce système d’élevage intensif que nous avons fait peser sur nos agriculteurs et que nous avons encouragé, participe à cet état de choses.

Nous devons favoriser les conversions vers l’agriculture biologique, dans le respect des êtres humains qui nous nourrissent et en leur garantissant un revenu décent. Nous devons favoriser une alimentation bio de qualité et, surtout, d’origine locale, parce que nous sommes confrontés à une situation critique.

Notre nourriture a un impact sur notre santé, particulièrement sur celle de nos enfants. L’usage de produits toxiques a également des incidences sur la santé de nos agriculteurs.

Enfin, et peut-être surtout, ce projet de loi représente une goutte d’eau face à l’océan des défis écologiques et environnementaux que nous avons la responsabilité de relever. Nos modèles ultralibéraux, d’ailleurs confortés par les traités de libre-échange – j’attends toujours la réponse à ma petite question, monsieur le ministre – qui affaiblissent nos normes sociales et environnementales, encouragent cette recherche de marges, de profits, et sont destructeurs pour la planète.

Cet enjeu-là englobe tous les autres et les dépasse. Le temps des beaux discours sur la préservation de l’environnement est passé. Aujourd’hui, nous devons agir, et vite, si nous voulons que le XXIe siècle ne soit pas le dernier ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Menonville, sur l’article.

M. Franck Menonville. Le titre II doit être un levier complémentaire au titre I, que nous venons d’adopter, au bénéfice du revenu de nos agriculteurs.

L’article 11 traite de la restauration collective, notamment de la relocalisation de son approvisionnement, lequel devra être à 50 % local à l’horizon de 2022. Notre groupe est favorable à la réintégration de l’objectif d’incorporation d’un pourcentage minimal de produits issus de l’agriculture biologique, dans l’esprit de l’amendement présenté par Mme la rapporteur.

Je souhaite très vivement que nous n’opposions pas agriculture classique et agriculture biologique, mais que nous adoptions une démarche pragmatique pour permettre à nos agriculteurs de saisir toutes les opportunités locales, mais aussi pour répondre aux attentes du marché et de la société.

Je souhaite également que, à l’occasion de l’examen de ce titre II, nous ne tombions pas dans un excès de zèle, à l’instar de ce qui s’est passé à l’Assemblée nationale, avec des surtranspositions en tous genres, susceptibles de neutraliser le gain permis par le titre I et le titre II pour nos agriculteurs. J’y reviendrai, mais je pense qu’il n’est pas du rôle du Parlement de légiférer sur des questions scientifiques aussi spécifiques.

La suppression des produits phytosanitaires et phytopharmaceutiques doit être le fait d’une volonté scientifique, plus que politique. Le rôle de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, autorité indépendante, est à cet égard essentiel. La question du renforcement de ses moyens et, pourquoi pas, du rôle du Parlement en matière de contrôle doit être posée.

Le titre II reflète une combinaison intelligente des aspects économiques, sociaux et environnementaux. Mais nous devons rester vigilants et, comme l’a souligné Mme la rapporteur, ne pas reprendre d’une main ce que l’on prétend donner de l’autre ! (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, sur l’article.

Mme Patricia Morhet-Richaud. L’article 11, tel qu’il a été rédigé par la commission, permet de ne pas ajouter des normes supplémentaires trop restrictives en matière de restauration collective. Je pense ici aux maires qui se trouvent confrontés aux difficultés liées à la restauration scolaire, par exemple, et aux difficultés d’approvisionnement.

Dans nos territoires, les agriculteurs ont le souci de proposer des produits de qualité. Ce serait bien méconnaître les modes de production que d’imaginer que l’agriculture biologique pourrait permettre à elle seule de régler la question importante de l’accès à une alimentation saine.

En effet, dans de nombreux départements, l’agriculture biologique n’est pas en mesure de fournir des quantités suffisantes de produits à la restauration collective, laquelle, je le rappelle, représente 3 milliards de repas par an.

Je trouverais par ailleurs contre-productif de privilégier des produits d’importation, au motif qu’ils sont bio, plutôt que la production agricole locale, d’autant que les contraintes pesant sur les agriculteurs diffèrent selon les pays.

Si je reste convaincue que le « manger local » doit être soutenu et encouragé, nous devons veiller à ne pas opposer les différentes filières. Elles constituent la formidable richesse de l’agriculture française !

Pour autant, les circuits courts sont un formidable levier économique pour créer de l’activité dans nos campagnes. Ils permettent aussi d’avoir des garanties quant à la traçabilité des produits et de limiter l’empreinte carbone et les effets de l’activité agricole sur le climat.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, sur l’article.

M. Guillaume Gontard. Faute d’amendements – ils ont été déclarés irrecevables, comme cela a été dit précédemment –, cette prise de parole me donnera l’occasion de préciser nos positions sur cet article fondamental.

Nous nous félicitons vivement que nos rapporteurs redorent la réputation du Sénat en proposant de rétablir l’objectif de 20 % de produits bio dans la restauration collective. C’était essentiel ! Mais nous souhaitions aller plus loin et fixer un cap ambitieux, en engageant les collectivités dans une démarche vertueuse. En effet, pour le dire schématiquement, 20 % de produits bio dans un repas, cela correspond à un morceau de pain et à un fruit : rien d’inaccessible !

Nous ne doutons pas une seconde que les établissements publics s’adapteront sans effort et que l’offre française de bio est largement suffisante pour répondre à cette nouvelle demande.

Car le bio est un mode de production par essence local. Je profite de l’occasion pour battre en brèche l’argument fallacieux, encore trop souvent utilisé dans cet hémicycle, selon lequel le bio consommé en France viendrait de partout, sauf de France ! C’est parfaitement faux : selon le ministère, 69 % des aliments bio consommés en France sont produits en France. Aucune autre filière, aucun autre mode de production ne se peut se targuer d’être plus local que le bio. À titre de comparaison, dans la restauration française, de 50 % à 70 % de la viande produite de manière traditionnelle vient de l’étranger.

C’est justement sur ce point que nos collègues de la majorité sénatoriale, fervents défenseurs de nos territoires, devraient nous rejoindre. Au-delà des considérations écologiques et sanitaires, le bio permet de revitaliser nos territoires, il crée deux fois plus d’emplois que l’agriculture conventionnelle, il développe les circuits courts via la vente directe et irrigue l’économie locale, il crée du lien social et popularise les métiers agricoles.

Il n’y a pas de doute : c’est localement que s’approvisionneront nos cantines, nos établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes – EHPAD –, nos hôpitaux. C’est un levier formidable, offrant une stabilité des débouchés et une dimension pédagogique en direction de nos concitoyens, notamment les plus jeunes.

Cette disposition permettra aux agriculteurs de bien vivre. Grâce à la vente directe et à la qualité de leur production, ils bénéficieront de prix de revente supérieurs de près de 30 % à ce qu’ils sont actuellement.

Il ne s’agit surtout pas, cela a été dit, d’opposer un type d’agriculture à un autre. Mais c’est une conviction que l’on ne nous ôtera pas et que ce débat renforce : le bio et les circuits courts sont les moyens les plus efficaces de parvenir à un revenu paysan décent, dans le respect de l’environnement. Il faut donc amplifier, favoriser, encourager le développement du bio et des circuits courts en France.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Émorine, sur l’article.

M. Jean-Paul Émorine. Les sénateurs de Saône-et-Loire ont invité le président du Sénat à se rendre dans leur département, le 11 juin, accompagné de la présidente de la commission des affaires économiques, Sophie Primas, et de la rapporteur, Anne-Catherine Loisier.

Nous avons été très sensibles à leur venue. Nous leur avons fait visiter un abattoir aux normes, équipé même de caméras, et une exploitation agricole. Cela nous ramène au titre II, intitulé « mesures en faveur d’une alimentation saine, de qualité, durable, accessible à tous et respectueuse du bien-être animal ». Un débat avec les organisations professionnelles agricoles s’est également tenu à cette occasion.

La très forte augmentation de l’espérance de vie au cours des trente dernières années témoigne que nous bénéficions d’une alimentation saine.

Quant à l’accessibilité de l’alimentation, les tableaux retraçant l’évolution des prix agricoles établis par les centres de gestion font apparaître que les prix agricoles de 2017 étaient identiques à ceux de 1983 ! Concernant la viande, le prix de vente du kilo vif, s’établissant à 2,33 euros, ne compensait pas les coûts de production, qui s’élevaient à 3,92 euros. Malgré l’apport de quelques primes, le prix de revient n’était pas couvert. Pour le lait, on constate un équilibre global, mais c’est dans ce secteur que la contractualisation a été mise en place. Quant au blé, le prix de vente était équivalent en 2017 à ce qu’il était en 1983 : 150 euros la tonne, pour un coût de production de 214 euros. Même avec 40 euros de prime, le compte n’y est pas.

Notre agriculture est capable de fournir des produits de qualité, mais malheureusement ces productions ne rémunèrent pas nos agriculteurs. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Patriat, sur l’article.

M. François Patriat. En matière d’objectifs, quand on baisse la garde, on est sûr de ne pas les atteindre ! On l’a vu avec les énergies renouvelables : alors que certaines régions s’étaient fixé pour objectif d’atteindre un taux élevé de recours aux énergies renouvelables, d’autres, qui n’y croyaient pas, ont baissé la garde et se trouvent aujourd’hui très en retard.

Il n’est pas question ici d’opposer le bio, qui représente aujourd’hui entre 5 % et 10 % de la production, à l’agriculture conventionnelle ; il est question d’offrir des opportunités aux agriculteurs, d’améliorer leur revenu et, dans le même temps, de développer une agriculture capable de répondre à une demande sociétale importante.

Il est intéressant pour le monde agricole de pouvoir produire sur des surfaces plus faibles, à proximité des consommateurs, avec moins de moyens et d’intrants, une alimentation de qualité, appréciée de nos concitoyens.

Cette démarche est réaliste. Il faut, à cet égard, saluer les réalisations des départements. Je pense à celui de Didier Guillaume, la Drôme, qui a pris de l’avance avec le développement de la plateforme Agrilocal. Je pense aussi à la région que j’ai présidée : nous avons élaboré des plans de développement de l’utilisation de produits bio dans les cantines des écoles et des lycées, qui ont atteint leurs objectifs. On peut le faire, sans que cela entraîne un surcoût.

Il ne faut pas opposer agriculture conventionnelle et agriculture biologique, mais il y a des réalités contre lesquelles on ne peut pas aller, chers collègues. D’ici à quelques années, pratiquement tous les vins de qualité seront bio. Cette évolution est inéluctable.

Monsieur le ministre, l’objectif de 15 % de la surface agricole utile de la France cultivée en bio que vous avez fixé est lui aussi ambitieux, mais réaliste et atteignable.

C’est pourquoi nous soutiendrons tous les amendements tendant à revenir à l’objectif initial défini par les États généraux de l’alimentation : atteindre le seuil de 20 % de produits bio dans la restauration collective.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, sur l’article.

M. Bernard Jomier. Je voudrais préciser quel est l’enjeu qui sous-tend l’article 11 en matière de santé.

Cela a été dit, l’état de santé de la population française s’est beaucoup amélioré, au cours des dernières décennies, grâce aux progrès de la qualité nutritionnelle de son alimentation. Cela a été un facteur d’augmentation de l’espérance de vie et de l’espérance de vie en bonne santé.

Mais deux défis sont apparus.

Le premier défi est celui des maladies de surcharge. Nous mangeons trop de gras, trop de sucre, trop de sel ! Nous avons adopté beaucoup de dispositions et mis en œuvre de nombreuses politiques publiques pour répondre au développement des pathologies de surcharge.

Le second défi est celui de la contamination de notre alimentation par différents types de polluants, qui constitue aujourd’hui un facteur très préjudiciable à l’état de santé de notre population. Cette contamination est elle aussi à l’origine de pathologies. Notre collègue François Bonhomme a rappelé quelques chiffres concernant le diabète : si la prévalence du diabète est en forte augmentation, ce n’est pas seulement à cause de la croissance de la consommation de sucre, c’est aussi – nous en avons maintenant la preuve – lié à l’altération du fonctionnement du pancréas par les perturbateurs endocriniens présents dans l’alimentation.

La contamination de notre alimentation par un certain nombre de polluants – à l’instar d’ailleurs de celle de l’air, sur laquelle le Sénat a mené des travaux tout à fait exemplaires – est donc devenue un facteur de dégradation de la santé humaine.

Il s’agit donc de relever ces nouveaux défis, ce qui n’est pas simple, d’abord parce que les incertitudes scientifiques sont encore nombreuses. Il est toujours délicat de prendre des mesures sans disposer de toutes les informations, mais on en sait assez, aujourd’hui, pour agir de façon volontariste en direction des enfants : beaucoup d’études démontrent que l’exposition in utero et durant la petite enfance a des conséquences sur l’état de santé à terme. C’est la raison pour laquelle, d’ailleurs, j’avais déposé un amendement tendant à fixer des critères plus contraignants en matière d’utilisation de produits bio dans l’alimentation destinée aux jeunes enfants, mais il a été repoussé.

Le rapporteur Michel Raison et la présidente Sophie Primas ont formé le vœu que la commission des affaires sociales engage un travail sur la qualité sanitaire de l’alimentation. Je crois que nous devons mener un travail de réflexion plus systématique sur les questions de santé environnementale. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain. – M. Didier Guillaume applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Angèle Préville, sur l’article.

Mme Angèle Préville. Monsieur le ministre, une alimentation saine, durable et accessible à tous, quel bel affichage ! Je le dis sans ironie. C’est ambitieux et alléchant, si je puis me permettre. Mais il y a loin, pour moi, de la coupe aux lèvres : je vois des manques dans ce texte.

L’ambition d’assurer une alimentation saine, durable et accessible à tous, nous la partageons. Cela doit non pas rester un vœu pieux, se limiter à des mots, mais être concret, très concret.

Je vous l’accorde, il y a beaucoup à faire et je n’ignore pas les difficultés.

Votre habitude de confondre l’intitulé des textes avec les objectifs vous oblige fortement. Nous verrons, lorsque la loi s’appliquera, si l’alimentation devient effectivement saine, durable et accessible à tous.

Les consommateurs sont de mieux en mieux informés, se sentent de plus en plus concernés, s’impliquent comme jamais et font des choix. Le changement vient d’eux, vient de nous tous, consommateurs, et la tendance est là, forte, telle une lame de fond, portée en particulier par les jeunes couples avec enfants.

Donc, l’avenir est là : le bio connaît une croissance à deux chiffres. J’approuve l’objectif de 20 % de produits bio dans la restauration collective. J’ai moi-même œuvré sur ce sujet dans mon département, lorsque j’étais conseillère départementale, s’agissant des cantines des collèges.

Je forme le vœu que le Gouvernement soit au côté des agriculteurs : ceux qui convertissent leur exploitation au bio, ceux qui s’installent. C’est vertueux, parce que c’est bon à tous les niveaux : bon pour les agriculteurs, bon pour la santé, respectueux de l’environnement et de la biodiversité et, surtout, c’est bon dans l’assiette !

Notre gastronomie a été inscrite par l’UNESCO au patrimoine mondial de l’humanité. C’est à nous, Français, qui avons hérité de ce patrimoine immatériel, de promouvoir une alimentation saine, durable, goûteuse, bref exceptionnelle.

Monsieur le ministre, je serai très concrète. Si je me réjouis de l’interdiction du E171, le dioxyde de titane – il était temps, car nous sommes en présence d’un quasi-scandale sanitaire –, j’attendais plus : que faisons-nous de tous ces additifs, de tous ces édulcorants, épaississants, émulsifiants, colorants et autres exhausteurs de goût ? Il eût fallu se pencher sur ce problème, interdire d’autres molécules synthétiques qui fourmillent dans nombre de produits de notre industrie agroalimentaire, mais qui sont aussi utilisées dans nos cuisines et dans la restauration collective.

Bref, il aurait fallu faire le ménage, en quelque sorte. Nos concitoyens l’attendent, car tout consommateur averti se tourne vers des produits beaucoup plus naturels. Allons-nous tolérer encore longtemps que l’on puisse mentionner, par exemple, « vanille naturelle » sur le pot d’un yaourt ou un paquet de sucre qui n’en contiennent pas un microgramme, en trompant ainsi le consommateur ? Ces produits contiennent en fait une molécule synthétique fabriquée en usine à partir de la lignine, un résidu de la pâte à papier.

Ces additifs contribuent sûrement à un effet cocktail délétère sur notre santé.

Mme la présidente. Ma chère collègue, il faut conclure.

Mme Angèle Préville. Les attentes sont fortes et la loi encore bien faible à cet égard. Nous attendons une véritable remise à plat dans un futur très proche, une vraie réforme disruptive.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, sur l’article.

M. Daniel Gremillet. Ce dossier suscitera peut-être une certaine passion, mais le sujet qui nous occupe ici est non pas celui de l’alimentation envisagée de manière globale, mais celui de la restauration collective. Comment l’agriculture et les entreprises françaises de proximité peuvent-elles retrouver une place significative dans l’approvisionnement de la restauration collective ?

À cet égard, il y a un véritable problème. Aujourd’hui, près de 50 % de la viande consommée en restauration collective est importée. Il faut pouvoir jouer sur les appels d’offres en toute transparence et en toute légalité afin de favoriser l’approvisionnement local. Nous pouvons tous nous retrouver sur l’ambition de redonner une place à l’agriculture de proximité dans les assiettes servies par nos restaurants collectifs.

Tout à l’heure, j’ai entendu un certain nombre de propos qui frisaient la caricature. Je ne citerai personne, chacun se reconnaîtra. Selon certains collègues, le bio n’aurait pas d’importance, la composition des repas de nos enfants ne serait pas un sujet primordial… Personne n’a le monopole de la défense du bio, de l’agriculture de proximité, des produits sous appellation d’origine ! En revanche, notre sensibilité politique pose une exigence avec force : la sécurité alimentaire.

Je l’ai déjà dit mardi et je veux le redire à cet instant : soyons fiers de ce que produisent notre agriculture et nos entreprises. Tous les produits qui composent les repas dans notre pays sont de qualité. Je souhaiterais que tous nos enfants aient la chance de retrouver chez eux cette qualité des produits servis dans leur assiette, cet équilibre nutritionnel, dont ils bénéficient à la cantine de l’école.

Ce dossier n’est ni simple ni neutre. Notre position, en revanche, est simple : il ne faut pas opposer entre eux les différents types de produits alimentaires ; leur diversité est une richesse.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Daniel Gremillet. Tout reste à constituer. Il faudra bien organiser la filière bio, afin qu’elle soit capable de fournir les cantines en produits de qualité en temps et en heure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Duplomb, sur l’article.

M. Laurent Duplomb. L’article 11 évoque la restauration hors foyer. Or cette loi devrait normalement traiter du revenu de l’agriculteur envisagé dans sa globalité. D’un point de vue factuel, 85 % des poulets et 40 % de la viande bovine consommés hors foyer sont importés.

Je voudrais maintenant soulever une question sur laquelle le texte fait silence et qui n’a jusqu’à présent été évoquée dans ce débat que par Mme Cukierman. Le prix moyen d’un repas servi dans une cantine gérée par une collectivité locale s’établit entre 7,50 et 8 euros. Dans ce total, le coût des produits représente entre 1,5 et 2 euros. Quid des quelque 6 euros qui ne servent pas à acheter ces produits ? Je me rends très souvent dans les cantines : les pommes de terre arrivent en cuisine déjà épluchées, coupées, les œufs sont livrés en bidons de vingt-cinq litres, blancs et jaunes séparés, les steaks sont précuits, congelés, et il ne reste plus qu’à les griller. Dans ces conditions, que l’on m’explique où passent les 6 euros que j’évoquais à l’instant ! Si l’on veut améliorer les revenus des agriculteurs, qu’ils produisent en bio ou non, il suffirait que de 20 à 50 centimes supplémentaires soient consacrés à l’achat des produits. Sachant que plus de 3 milliards de repas sont servis chaque année en restauration hors foyer, le revenu des agriculteurs progresserait sérieusement ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, sur l’article.

M. Olivier Jacquin. Que met-on dans les assiettes de nos enfants ? Personnellement, je suis agriculteur bio, mais je ne ferai pas un plaidoyer pour ce type d’agriculture. L’enjeu n’est pas là : lorsque cette loi aura été promulguée, il ne sera pas possible pour autant de convertir toute l’agriculture, d’un coup, au bio ; cela nécessiterait beaucoup de temps. Je plaiderai plutôt pour des paysans qui produisent dans le respect de la santé, de l’environnement, en étant correctement rémunérés.

Comme l’ont montré les États généraux de l’alimentation, il faut nouer une nouvelle alliance entre agriculteurs, nature et citoyens. Le concept d’agroécologie n’est plus contesté aujourd’hui ; il imprègne désormais toute la société. Il faut lui donner une crédibilité et un modèle économique.

Monsieur le ministre, affirmons une ambition forte à l’échéance de dix à quinze ans. Il y a de la place pour tout le monde : un tiers d’agriculture conventionnelle, un tiers d’agriculture à haute valeur environnementale et un tiers d’agriculture bio. Faisons monter en gamme l’ensemble de l’agroécologie.

Je voudrais parler sommairement de la norme HVE, issue du Grenelle de l’environnement, qui s’est tenu il y a dix ans. L’idée était d’instaurer une obligation de résultat plutôt que des principes normatifs. Elle a été un peu expérimentée, mais insuffisamment. Un label de ce type pourrait rassurer le consommateur et permettre une montée en puissance progressive, car la norme HVE compte différents niveaux. Nous pourrions ainsi devenir les leaders européens de l’agroécologie, regagner de la valeur ajoutée et améliorer le revenu des agriculteurs.

Je partage avec certains de mes collègues l’idée qu’il faut en finir avec une forme de schizophrénie qui pousse à réclamer une qualité toujours meilleure pour toujours moins cher. (M. Joël Labbé applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, sur l’article.

M. Michel Canevet. Le groupe de l’Union Centriste est particulièrement satisfait de l’ouverture de ce débat. La France est un grand pays en matière de productions agricoles et alimentaires. Nous devons le faire valoir à travers le monde. Nous savons aussi que nous devons faire monter en gamme nos produits. Le ministre a fixé un certain nombre d’objectifs en termes d’évolution du secteur agricole ; nous devons les atteindre, ce qui implique d’y mettre les moyens, notamment en faisant en sorte de mobiliser l’ensemble des acteurs publics. Il y va de la santé de nos compatriotes.

Notre groupe est aussi attentif à ce que la qualité des produits soit le mieux possible garantie, notamment celle des produits importés. La concurrence doit en effet être équitable : il importe que les producteurs étrangers qui veulent fournir nos restaurants collectifs soient soumis aux mêmes contraintes que les producteurs français.

Notre groupe appuiera bien entendu les propositions des rapporteurs visant à faire évoluer le texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Travert, ministre. Cet article est très important, car il met en œuvre les objectifs inscrits dans la feuille de route pour la politique de l’alimentation 2018-2022. Nous entendons utiliser le levier de la restauration collective pour améliorer les revenus des agriculteurs, leur offrir de nouveaux débouchés commerciaux. Nous souhaitons voir intégrer dans les repas servis par la restauration collective des produits bio, des produits sous signe officiel d’identification de la qualité et de l’origine – SIQO – ou des produits sous label. Nous n’opposons pas, bien évidemment, les modèles les uns aux autres, et nous considérons que l’agriculture conventionnelle fournit elle aussi des produits de grande qualité. Si nous atteignons cet objectif, il sera possible demain de diminuer la part des viandes importées dans l’approvisionnement de la restauration collective. Elle est de 70 % aujourd’hui, ce qui est trop important.

Nous devons travailler avec les filières pour qu’elles puissent se saisir de ces opportunités commerciales, d’une part, et pour structurer une offre autour des produits bio, d’autre part. Je ne reviens pas sur l’objectif de 15 % de la surface agricole utile consacrée à l’agriculture biologique à l’horizon de 2022.

Je voudrais également vous livrer quelques éléments concernant le coût. On entend souvent dire qu’utiliser dans la restauration collective des produits bio ou sous SIQO conduirait de facto à une augmentation du prix des repas. Aujourd’hui, 57 % des établissements incorporent déjà des produits bio dans les menus. Par conséquent, on ne part pas de rien. Chacun d’entre vous a d’ailleurs pu constater que, dans sa collectivité, son département, sa commune, un certain nombre d’expérimentations ont été menées. Bien souvent, cependant, les maires se heurtent à une difficulté, celle de trouver en quantité suffisante des produits bio pour approvisionner les écoles, les EHPAD ou les hôpitaux. Il est donc nécessaire de structurer cette offre.

Parmi les établissements qui servent déjà des produits bio, 50 % n’ont aucun surcoût, grâce à un mécanisme de lissage avec les autres repas et aux mesures de maîtrise du gaspillage, qui permettent une diminution d’un tiers du surcoût. Le projet de loi comporte des dispositions visant à amplifier ce mouvement. Par exemple, pour un hôpital servant 1 700 repas par jour, il est possible, en travaillant sur le gaspillage alimentaire, d’économiser 193 000 euros par an. Cette économie est de 13 000 euros pour un collège servant 300 repas quotidiennement.

Nous allons donc travailler à mettre en œuvre de manière combinée plusieurs leviers : la lutte contre le gaspillage, l’amélioration de la gestion des achats, la modification du code des marchés publics, afin d’offrir plus de souplesse aux collectivités, et l’adéquation fine des volumes aux besoins. (M. François Patriat applaudit.)