M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau.

M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, je vais demander une suspension de séance. J’estime en effet que le tweet de M. Gérald Darmanin est une nouvelle provocation et une incitation au populisme.

Mes chers collègues, c’est lui qui a enclenché la campagne #BalanceTonMaire en publiant la liste, qui provenait de Bercy, des maires ayant augmenté la taxe d’habitation. Aujourd’hui, il fait passer une mesure votée à l’unanimité – M. Julien Bargeton a été courageux, puisqu’il s’est abstenu – pour un privilège que nous nous serions accordé.

Or nous n’avons pas demandé l’augmentation d’une indemnité, ni un privilège fiscal particulier pour les élus. Nous avons simplement constaté qu’une mesure prise voilà deux ans avait été mal calibrée, dans la mesure où aucune étude d’impact n’avait été faite. Ainsi, des élus, notamment des maires de petites communes, se trouvent fiscalement matraqués par une mesure mal cadrée. Nous demandons donc simplement à revenir à la situation antérieure à la réforme.

En outre, M. le ministre des comptes publics n’est pas au banc du Gouvernement ! Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de votre présence. Je le précise, ma critique ne vous est pas destinée. Je m’adresse à un ministre utilisant Twitter pour taper sur les élus, comme d’autres, outre-Atlantique, font une diplomatie du tweet.

M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Oui, c’est le Trump français !

M. Bruno Retailleau. Il y en a assez que ce gouvernement tape sur les élus ! Il y en a assez que l’on fasse des promesses concernant le statut de l’élu ou que l’on vienne, la main sur le cœur, à l’Élysée ou au Congrès des maires, dire que l’on aime les maires de France, pour les dénigrer ensuite. On le voit bien, le fil rouge de ce gouvernement, c’est « l’élu bashing » ! Je pèse mes mots : c’est intolérable ! Quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, nous ne pouvons pas accepter ce que fait M. Gérald Darmanin au travers de ce tweet.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Bruno Retailleau. Il s’agit non pas de nous-mêmes, mais de tous les élus de France. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. Pierre Ouzoulias. Et de la République !

M. Bruno Retailleau. Tout à fait, de la République.

Je demande donc une suspension de séance, afin que M. le secrétaire d’État joigne le Premier ministre pour savoir si le tweet de M. Darmanin fait partie de la communication officielle du Gouvernement. Son collègue, le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, pourrait venir ici ce soir, pour nous indiquer ce que le Gouvernement pense de ce type de communication. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. Combien de temps vous faut-il, monsieur Retailleau ?

M. Bruno Retailleau. Il conviendrait d’adresser cette question à M. Olivier Dussopt… Combien de temps lui faut-il pour joindre Matignon au sujet de cette communication qui, je le répète, constitue une véritable provocation ?

Sur la question qui nous occupe, je le répète, l’esprit du législateur est non pas d’accorder un privilège aux élus, mais de supprimer une mesure d’injustice fiscale.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quinze minutes.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-huit heures.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Bruno Retailleau.

M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, mes chers collègues, chacun d’entre nous peut constater les dégâts que le tweet de M. Darmanin – un mensonge qui relève du « Sénat bashing » et de « l’élu bashing » – commence à produire dans la blogosphère et sur internet. C’est absolument inacceptable !

Je le rappelle, nous n’avons voulu accorder aucun privilège fiscal ni toucher à aucune indemnité d’élu ; nous avons simplement voulu revenir à la situation antérieure, afin de régler une injustice fiscale grave. Est-ce que, en raison d’un simple changement des règles fiscales, les impôts d’un élu local peuvent être brutalement multipliés par deux, par trois ou par quatre ? Cela n’est pas possible, et c’est ce à quoi nous avons cherché à remédier.

Au reste, plusieurs amendements étaient en discussion commune. Nous avons en adopté un à l’unanimité, mais si le Gouvernement a une meilleure technique pour obtenir le même résultat, nous nous y plierons.

Ainsi, après en avoir discuté avec plusieurs collègues et avoir eu le président du Sénat, Gérard Larcher, au téléphone, nous souhaitons qu’il soit mis fin à la séance et que la conférence des présidents soit réunie demain matin, à neuf heures – c’est extrêmement solennel, c’est la première fois que je participe à une telle procédure depuis que je suis sénateur –, parce que l’heure est grave.

Il s’agit d’une attaque contre la représentation, contre les élus de France, contre la démocratie et même contre la République. La conférence des présidents décidera si nous siégeons ou non au cours du week-end et envisagera les mesures à adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.

M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au nom du groupe Union Centriste, je rejoins la demande formulée à l’instant par le président Retailleau au nom du groupe Les Républicains. Chacun a été consterné des propos quasi injurieux que le ministre Darmanin a tenus sur Twitter.

Nous avons d’ailleurs découvert avec stupeur que M. Darmanin s’intéressait enfin aux délibérations du Sénat. En effet, bien qu’il soit ministre chargé des comptes publics et bien qu’il n’y ait pas de débat budgétaire en ce moment à l’Assemblée nationale, il est absent aujourd’hui – nous remercions d’ailleurs le secrétaire d’État, M. Dussopt, de sa présence.

Il lui reste à étudier le travail que nous faisons et à comprendre que, ici, nous essayons de traiter de sujets parfois difficiles, qui touchent à l’essentiel : à la démocratie locale, à l’exercice quotidien de leur mandat par des élus qui y consacrent beaucoup de leur temps, au service de nos concitoyens, avec un grand dévouement, et qui méritent un peu de considération.

Je dois le dire, la mesure adoptée par le Sénat a donné lieu à un débat très technique, et nous avons cherché à revenir à un point d’équilibre, parce que nous nous sommes rendu compte que le changement opéré avait fortement pénalisé des élus locaux, qui sont, au quotidien, je le répète, au service de leurs concitoyens et qui s’en trouvent ensuite pénalisés.

En effet, quand on est élu local, on est pénalisé dans sa carrière, et il est normal que les élus de la République, les sénateurs que nous sommes, qui représentent les collectivités, essaient de trouver une solution à ce problème concret et réel. Le président Retailleau l’a dit : on ne peut tripler ainsi le régime d’imposition des élus locaux, qui sont au plus près de la démocratie locale.

Je note également que, l’année dernière, nous n’avons pas assisté au même niveau de prise de conscience et d’acuité du ministre de l’action et des comptes publics lorsqu’il s’est agi de réévaluer les indemnités des élus des grandes villes et des membres des grands exécutifs locaux. Il y avait eu alors un silence assourdissant, qui fait bizarrement contrepoint à cette indignation tout à fait inhabituelle et injustifiée.

Enfin, je veux rappeler que diviser présente toujours un risque. Et stigmatiser les élus locaux constitue une faute. Par ce simple tweet, M. Darmanin met à mal les intentions affichées solennellement voilà deux jours à l’Élysée par le Président de la République et rappelées par le Premier ministre hier devant l’Association des maires de France.

Nous souhaitons souligner solennellement que nous refusons ce mépris, à la fois pour l’institution que nous représentons et pour les élus locaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste s’associe pleinement aux propos tenus à l’instant par le président Retailleau.

On ne peut pas accepter ce genre de comportement. Nous considérons cette initiative comme complètement irresponsable dans le climat actuel, en France et ailleurs.

Quand le populisme – un mot dont on abuse parfois aujourd’hui – grandit partout dans le monde, de Rio de Janeiro à Budapest, en passant par Rome et d’autres villes, on ne peut accepter cela. Cela n’est pas respectueux de la République, de notre démocratie, et cela n’est même pas respectueux de votre personne, monsieur le secrétaire d’État ; vous siégez ici et, dans votre dos, on fait passer des messages, par des moyens technologiques modernes, qui sont tout à fait dévastateurs.

Nous n’avons pas créé de privilège ; nous avons débattu du statut de l’élu, de la place des maires et des élus locaux, dont on a tant besoin, dans cette république. Là était le débat. On ne peut pas résumer cela dans un tweet de manière populiste et très malsaine, comme cela a été fait.

Nous condamnons cette attitude et nous nous associons complètement à la démarche engagée. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Claude Raynal.

M. Claude Raynal. Je veux à mon tour, après nos collègues, regretter au nom du groupe socialiste et républicain cet incident malencontreux, qui jette le discrédit sur la Haute Assemblée et sur l’ensemble des élus au moment où nous avons essayé, à l’issue d’un débat fécond, de trouver un point d’équilibre pour revenir sur une action passée dont on n’avait pas mesuré totalement et parfaitement les conséquences.

Je trouve que la façon dont tout cela est fait, qui plus est par le ministre chargé des comptes publics, donc du projet de loi de finances, constitue, à notre endroit, une injure tout à fait regrettable.

J’espère que, au cours des prochaines heures, la position du Gouvernement sur cette question changera et que nous pourrons reprendre sereinement nos travaux. En tout cas, nous nous reconnaissons totalement dans les remarques formulées par l’ensemble des groupes politiques de cet hémicycle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux à mon tour m’associer complètement à la démarche que les différents groupes viennent d’exprimer.

Cette après-midi, nous avons mené un débat particulièrement riche et serein sur un sujet qui nous préoccupe tous. Quelques jours après le Congrès des maires, au cours duquel nous avons entendu de nombreuses revendications, il nous a paru que c’était une mesure d’équité que de revenir sur une fiscalité très défavorable – M. Retailleau et les autres orateurs l’ont rappelé –, en particulier pour les élus des toutes petites communes. Il ne s’agissait pas d’un privilège nouveau.

Je suis, personnellement et au nom du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, scandalisé par ce tweet, qui vient parasiter nos travaux, alors qu’il y avait une belle unanimité sur cet amendement.

Je m’associe donc bien entendu à la démarche consistant à suspendre nos travaux et à les reprendre demain, j’imagine de façon sereine, en espérant qu’aucun tweet ne les parasitera plus dans le dos de M. le secrétaire d’État, dont je salue le courage et la présence aujourd’hui à nos côtés. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je dirai quelques mots sur le fond, tout d’abord.

La question du statut de l’élu mérite un débat extrêmement approfondi. J’ai eu l’occasion de m’exprimer à ce sujet lors de l’examen de l’amendement concerné, y compris, d’ailleurs, pour ce qui touche à la protection sociale et à la transition entre l’exercice d’un mandat ou d’une fonction exécutive locale et la reprise d’une activité professionnelle comme salarié ou dans la fonction publique, même si l’on sait que, dans le second cas, les choses sont un peu plus aisées du fait des dispositifs de mise en disponibilité ou de détachement.

Nous aurons donc l’occasion d’y revenir ; je ne sais pas si ce sera dans le cadre de ce projet de loi de finances ou dans celui de travaux particuliers, mais, comme l’a indiqué hier devant la Haute Assemblée le ministre chargé des relations avec le Parlement, le travail est devant nous.

Par ailleurs, je veux vous dire, monsieur le président Retailleau, que votre intervention visant à solliciter une suspension de séance, que vous m’avez demandé de relayer auprès du Premier ministre et du ministre chargé des relations avec le Parlement, l’a été de manière aussi précise et fidèle que possible.

Par ma voix, le Gouvernement prend donc acte de la demande formulée, qui sera, si je comprends bien, acceptée, de la suspension des travaux pour la soirée et de la réunion, demain matin, avant la reprise de la séance, de la conférence des présidents. Le ministre chargé des relations avec le Parlement sera présent à cette réunion.

Eu égard à la matière qui nous réunit et à l’importance du texte budgétaire que nous examinons, je forme le vœu, dans le respect, bien évidemment, des attributions et des compétences de la conférence des présidents, que cette réunion nous permette de reprendre nos travaux demain à neuf heures trente, de sorte que le projet de loi de finances puisse être examiné et que, mardi, la Haute Assemblée puisse se prononcer sur la première partie du projet de loi de finances pour 2019.

M. le président. Mes chers collègues, la conférence des présidents est donc convoquée demain matin, samedi 24 novembre, à neuf heures. Sous réserve de ses conclusions, le Sénat se réunira ensuite, à dix heures, ainsi que le dimanche 25 novembre, le matin, l’après-midi et le soir.

Nous avons examiné 41 amendements au cours de la journée ; il en reste 827 à examiner sur la première partie du projet de loi de finances pour 2019.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 2 bis (nouveau) (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Discussion générale

3

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, samedi 24 novembre 2018, à dix heures, quatorze heures trente et le soir :

Suite du projet de loi de finances pour 2019, adopté par l’Assemblée nationale (n° 146, 2018-2019) ;

Suite de l’examen des articles de la première partie.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures dix.)

Direction des comptes rendus

GISÈLE GODARD