M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° II-301 rectifié ter est présenté par M. Cuypers, Mme Primas, MM. Bizet, Longuet et Poniatowski, Mmes Chain-Larché et Thomas, MM. de Legge, de Nicolaÿ et Brisson, Mmes Gruny, Morhet-Richaud, Deseyne et Deromedi, MM. Lefèvre, Karoutchi, B. Fournier et Pellevat, Mmes F. Gerbaud, Lassarade et Garriaud-Maylam, MM. Sido, Genest, Paccaud, Darnaud, D. Laurent et Charon, Mme Bories, MM. Babary, Pierre et Revet, Mme Imbert, M. Rapin, Mme L. Darcos et MM. Kennel, Savary et Adnot.

L’amendement n° II-590 rectifié bis est présenté par M. Détraigne, Mme Vullien, MM. Louault, Longeot, Henno, Canevet, Kern, Mizzon et Moga, Mme Guidez, MM. D. Dubois, L. Hervé et Prince et Mmes Férat, Doineau et de la Provôté.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéa 17, tableau, dernière ligne

Rédiger ainsi cette ligne :

Matières mentionnées à la partie B de l’annexe

IX de la directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 précitée

Gazoles : 0,9 %

Essences : 0,1 %

II. – Alinéa 20, tableau, dernière ligne

Rédiger ainsi cette ligne :

Matières mentionnées à la partie B de l’annexe IX de la directive 2009/28/CE susmentionnée

Seuil prévu au B pour les mêmes matières

La parole est à M. Pierre Cuypers, pour présenter L’amendement n° II-301 rectifié ter.

M. Pierre Cuypers. Cet amendement vise à ce que les biocarburants issus d’huiles usagées éventuellement importées – je dis bien « importées » – ne puissent pas se substituer aux biocarburants avancés français, tels que le bioéthanol issu de marcs de raisins et de lies de vin.

Cet amendement a pour objet de permettre l’incorporation dans l’essence de ces biocarburants produits à partir de matières ligno-cellulosiques ou de marcs de raisins et de lies de vin, au-delà du plafond des biocarburants de 7 %.

M. le président. L’amendement n° II-590 rectifié bis n’est pas soutenu.

Les trois amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° II-777 est présenté par M. Détraigne.

L’amendement n° II-899 rectifié bis est présenté par M. Cuypers, Mme Primas, M. Bizet, Mmes Chain-Larché et Thomas, M. Meurant, Mme Gruny, M. Lefèvre, Mme Morhet-Richaud, MM. Panunzi, Cardoux, Savary, Duplomb, Rapin, J.M. Boyer, Schmitz et Poniatowski, Mme Deromedi et MM. B. Fournier, Charon et Kennel.

L’amendement n° II-904 rectifié bis est présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Corbisez et Gold, Mme Guillotin et MM. Menonville, Requier et Roux.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 17, quatrième ligne, seconde colonne

Remplacer le taux :

0,9 %

par les mots :

0,7 % en 2019 et 0,9 % en 2020

L’amendement n° II-777 n’est pas soutenu.

La parole est à M. Pierre Cuypers, pour présenter l’amendement n° II-899 rectifié bis.

M. Pierre Cuypers. Le présent amendement a pour objet de reporter à 2020 l’augmentation du seuil d’incorporation des matières premières listées à l’annexe IX, partie B, de la directive 2009/28/CE. Ce report est justifié par la nécessité de préserver les équilibres économiques entre les différentes filières françaises de biocarburants.

Nous avons la chance d’avoir en France ces deux filières. Elles ne s’opposent pas, elles ne sont pas en concurrence avec le domaine alimentaire. Ces deux filières doivent être développées, comme je l’ai dit précédemment, et bénéficier d’un fort taux d’augmentation.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° II-904 rectifié bis.

M. Jean-Claude Requier. Cet amendement, qui a été excellemment défendu par M. Cuypers, vise lui aussi à défendre les filières françaises de biocarburants.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cette série d’amendements porte sur les biocarburants.

Je note que le Gouvernement fait preuve d’ouverture concernant les résidus de betteraves, ce dont on ne peut que se réjouir. Néanmoins, l’amendement qu’il nous a présenté venant juste de nous être soumis, il nous est extrêmement difficile d’examiner sa compatibilité, ainsi que celle du sous-amendement de notre collègue Cuypers, avec les différents amendements en discussion commune, qui ont été déposés, eux, dans les délais. La commission souhaiterait donc connaître l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° II-302 rectifié bis pour savoir s’il est compatible avec le fait que les résidus de betteraves seraient désormais considérés comme des biocarburants avancés et qu’ils sortiraient dès lors du plafonnement des 7 % concernant les matières premières en concurrence alimentaire.

La commission est favorable à l’amendement n° II-998, sous réserve de cette compatibilité. Pour ce qui concerne le sous-amendement de M. Cuypers, qui vise à clarifier l’objectif de 7 %, n’ayant pas pu l’examiner, elle souhaiterait entendre le Gouvernement.

L’amendement n° II-910 rectifié bis vise à relever les objectifs de la filière essence à 8,3 % en 2019 et à 8,9 % en 2020. Il tend également à ne plus soumettre le bioéthanol au fameux plafond de 7 %. La commission demande le retrait de cet amendement, dont l’objet ne correspond pas au dispositif proposé.

Les amendements identiques nos° II-906 rectifié bis et II-915 rectifié bis visent à plafonner l’incorporation des biocarburants issus de résidus de palme en raison des externalités négatives équivalentes à d’autres résidus qui sont actuellement comptés dans le plafond de 7 %. La commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur ces amendements.

Nous souhaiterions entendre l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° II-301 rectifié ter, qui concerne les plafonds d’incorporation des huiles usagées et des graisses animales dans les essences.

Enfin, les amendements identiques nos II-899 rectifié bis et II-904 rectifié bis visent à reporter à 2020 l’augmentation du plafond d’incorporation des biocarburants issus des huiles usagées et des graisses animales. L’Assemblée nationale, je le rappelle, a exclu des biocarburants l’huile de palme. Le report du plafonnement rendrait sans doute encore plus difficile la possibilité d’atteindre les objectifs. La question qui se pose très clairement est la suivante : est-il possible de reporter l’augmentation du plafonnement afin de limiter les importations de graisses animales et d’huiles usagées ? Tel est bien l’enjeu de ces amendements, sur lesquels nous souhaiterions entendre le Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat. M. le rapporteur général a synthétisé l’état d’esprit du Gouvernement, notamment sur la question des résidus de l’industrie sucrière.

Vous l’aurez deviné, le Gouvernement ayant déposé l’amendement n° II-998, il demande le retrait de l’amendement n° II-302 rectifié bis de M. Cuypers. Je reviendrai dans un second temps sur le sous-amendement n° II-1000.

Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° II-910 rectifié bis.

De même, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos II-906 rectifié bis et II-915 rectifié bis. Les effluents d’huile de palme, à ne pas confondre avec l’huile de palme elle-même, et les rafles permettent la production de biocarburants de seconde génération, dont l’impact environnemental est moindre que celui des biocarburants agricoles traditionnels. En outre, il n’y a pas de risque de déstabilisation des filières nationales par ces produits, notamment du fait des contraintes techniques et économiques particulières. Enfin, ces amendements nous paraissent un peu fragiles juridiquement.

Le Gouvernement est également défavorable à la dernière série d’amendements, dans la mesure où le présent projet de loi limite déjà par rapport au droit actuel le recours aux huiles usagées en vue de limiter les fraudes. Nous considérons qu’une baisse additionnelle, motivée par un objectif de maintien de l’équilibre des filières, ne serait pas justifiée et caractériserait une rupture d’égalité non conforme à la Constitution.

En résumé, nous sommes défavorables à l’ensemble des amendements et nous demandons le retrait de l’amendement n° II-302 rectifié bis de M. Cuypers, au profit de l’amendement du Gouvernement.

Je reviens sur le sous-amendement n° II-1000 présenté par M. Cuypers.

La réforme de la fiscalité des biocarburants que nous portons vise à promouvoir les carburants de seconde génération qui n’entrent pas en concurrence avec de la consommation humaine – j’ai bien noté qu’il y avait un débat sur ce sujet. Ce sous-amendement visant à revenir sur l’avantage donné aux carburants de première génération, il va à l’encontre de la logique poursuivie par le Gouvernement.

J’insiste sur le fait que, à court terme, il n’y a aucun risque que notre promotion des carburants de seconde génération évince ceux de première génération. Nos technologies en sont au début de leur essor, et nous considérons qu’il y a de la place pour les deux générations de biocarburants. Le Gouvernement est donc défavorable au sous-amendement.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Je suis élu d’un territoire où on s’intéresse à la bioéconomie.

Mme Sophie Primas. Très bien !

M. René-Paul Savary. Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques, le sait bien – elle est venue y visiter des installations –, cela nous a permis de créer une véritable économie circulaire. Nous avons réuni les betteraviers, les céréaliers, les centres de recherche, les grandes écoles, afin de valoriser des coproduits. Aujourd’hui, on parle non plus de déchets, mais de coproduits. On sait maintenant, en France, transformer la plante en entier. Avec du blé, on peut nourrir les gens et, avec ce qu’il reste, faire de la cosmétologie ou de la pâte à papier avec la paille ou encore de l’éthanol, qui retourne dans le sol. Il y a aussi nombre de dérivés de molécules qu’on peut valoriser de manière significative pour maintenir l’économie des territoires.

Les territoires sont actuellement en grande difficulté, au bord de l’insurrection, monsieur le secrétaire d’État ! C’est le moment d’envoyer des signaux forts…

M. René-Paul Savary. … en soutenant des économies d’avenir, telles que l’économie circulaire, respectueuses du développement durable. Les producteurs n’attendent pas qu’on leur donne des leçons. Ils attendent simplement un geste fiscal qui leur permette d’être concurrentiels.

Pour développer des carburants de deuxième génération, il faut des moyens pour la recherche et trouver des molécules susceptibles d’être transformées. Mais il faut aussi que la production de bioéthanol soit rentable.

Vous avez envoyé un signal tout à fait intéressant s’agissant de la transformation de la mélasse en éthanol. Il faut maintenant aller plus loin. Écoutez les territoires ! Si on vous dit ça, c’est parce que les producteurs savent qu’ils peuvent le faire. Ils veulent non pas entrer en concurrence avec la filière alimentaire, mais simplement trouver un moyen d’équilibrer les prix. La filière sucrière, par exemple, est marquée par une concurrence mondiale redoutable et la disparition des quotas. Or, sans les usines d’éthanol, nous aurions fermé davantage de sucreries.

Je pense que, s’ils étaient adoptés, les amendements de M. Cuypers permettraient de répondre à ces exigences et de parvenir à une complémentarité entre les filières du sucre, d’un côté, et les filières oléoprotéagineuses, de l’autre, pour le gazole.

M. le président. Monsieur Cuypers, l’amendement n° II-302 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Pierre Cuypers. Je vais rester calme…

Je sais que ce sujet est compliqué, notamment parce qu’il est très technique. Cela fait des années que je m’en occupe. Au fil du temps, j’ai acquis un certain nombre de connaissances au niveau tant national qu’international, européen en tout cas.

Franchement, je ne comprends pas que vous considériez qu’il faut passer tout de suite à la deuxième génération. Vous savez très bien, comme moi, et autour de vous on a dû vous le dire, que la deuxième génération n’existe pas aujourd’hui. Elle n’existe ni économiquement ni techniquement. Et certains osent déjà parler de la troisième ou de la quatrième génération !

Au lieu d’évoquer un avenir incertain, pensons au présent et sauvons ce qui peut être sauvé aujourd’hui, c’est-à-dire les biocarburants de première génération. Ils représentent des milliers d’emplois en France et des débouchés extraordinaires pour l’agriculture. Ils contribuent à rendre notre pays moins dépendant du reste du monde pour ses approvisionnements énergétiques. Ils permettent en outre d’améliorer de manière considérable l’environnement en réduisant les émissions de particules fines, de monoxyde d’azote et de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.

Dans la période compliquée que nous traversons, donnez un signe d’apaisement. Ce sera un bon point pour le Gouvernement. Faites également preuve d’enthousiasme et permettez à l’économie rurale de se développer. Faites en sorte que nous puissions améliorer notre environnement et l’économie nationale. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Je maintiens donc mon amendement, car je n’ai pas obtenu de réponse de la part du Gouvernement à ma question : les productions à base d’effluents seront-elles ou non comptées dans les 7 % ? J’attends une réponse.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.

Mme Sophie Primas. Alors que nous sommes à la recherche d’un équilibre concernant les biocarburants, il faut envoyer des signes à nos agriculteurs, qui essaient depuis des années de développer ces filières d’excellence et de les rendre rentables. J’ai en effet vu dans la Marne des choses absolument extraordinaires, comme partout sur notre territoire.

En réalité, l’ensemble de ces amendements visent à laisser la place aux biocarburants de première génération dans les 7 %. Ne comptons pas le reste dans les 7 %. Ce serait là pour les agriculteurs une puissante marque de confiance dans leurs investissements et leur rentabilité. Ce serait aussi une source de résilience pour ce secteur d’activité.

M. le président. Monsieur le rapporteur général, la commission avait sollicité l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° II-302 rectifié bis. Quel est maintenant l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je l’ai dit clairement précédemment : la commission est favorable à l’amendement du Gouvernement. Dès lors, elle aurait préféré que l’amendement n° II-302 rectifié bis soit retiré.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-302 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° II-998, le sous-amendement n° II-1000 et l’amendement n° II-910 rectifié bis n’ont plus d’objet.

Je mets aux voix les amendements identiques nos II-906 rectifié bis et II-915 rectifié bis.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission sur l’amendement n° II-301 rectifié ter ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission demande le retrait de cet amendement.

M. le président. Monsieur Cuypers, l’amendement n° II-301 rectifié ter est-il maintenu ?

M. Pierre Cuypers. Franchement, je ne vois pas pourquoi je le retirerais ! Cet amendement très technique vise à permettre l’incorporation dans l’essence de biocarburants produits à partir de matières ligno-cellulosiques, ce qui est un plus, de marcs de raisins et de lies de vin, ce qui est vertueux, au-delà du plafond de 7 %. C’est simple et ça ne coûte rien !

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Je voudrais sensibiliser M. le secrétaire d’État à la réalité du terrain.

Comme d’autres sur le territoire, en Champagne, nous faisons un peu de vin. Nous transformons le marc de raisin, soit en alcool pour la consommation, soumis à une taxe comportementale, soit en éthanol, destiné à être incorporé dans les carburants. C’est une économie de transformation locale, circulaire, qui sait valoriser les dérivés de la plante.

Il est dommage, il est même inacceptable de perdre autant de temps, monsieur le secrétaire d’État ! Il ne faut pas s’étonner ensuite que nos concitoyens soient dans les rues !

M. Jean-François Husson. Écoutez-nous !

M. René-Paul Savary. Quand j’étais président de conseil général, en 2004, j’ai été le premier à me doter d’une flotte de véhicules flex fioul fonctionnant au superéthanol E85, afin de montrer l’exemple et de soutenir la filière. Le prix défiait toute concurrence. À présent, il existe des boîtiers qui permettent de rouler à l’éthanol plutôt qu’à l’essence. C’est nettement moins cher ! Le Gouvernement s’honorerait à soutenir leur utilisation, car ce serait agir pour le pouvoir d’achat des Français.

Nous sommes en plein dans l’économie de demain, ne soyons pas rétifs, essayons de montrer l’exemple et d’aller de l’avant ! C’est ça qu’on attend d’un gouvernement du nouveau monde !

Je ne parviens pas à vous comprendre : dans vos actes, je ne retrouve pas vos paroles ! Vous devez donner ce signal ; sur le plan financier, c’est supportable, et c’est suffisamment intéressant sur le plan économique pour mériter un peu plus de considération de la part du Gouvernement !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Requier. Je tiens à dire que je maintiens l’amendement n° II-904 rectifié bis de Mme Delattre, car il vient du cœur du vignoble bordelais. (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-301 rectifié ter.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos II-899 rectifié bis et II-904 rectifié bis n’ont plus d’objet.

Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° II-300 rectifié, présenté par Mme Procaccia, M. Buffet, Mme Deroche, M. Longuet et Mme Deromedi, est ainsi libellé :

Alinéa 15

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. L’Assemblée nationale a adopté une disposition supprimant l’huile de palme de la liste des produits de base des biocarburants. Cette disposition me paraît totalement injustifiée. Pourquoi exclure l’huile de palme et non celle de colza ou de soja, alors que cette dernière, par exemple, émet autant de CO2 que l’huile de palme et que le soja français n’est pas utilisé pour les biocarburants ? L’objet réel de l’amendement adopté par l’Assemblée nationale était pourtant bien d’établir un protectionnisme au profit de l’agriculture française. Cela peut être louable, pourvu que l’on n’utilise pas de faux arguments.

Le palmier à huile mobilise cinq fois moins de terres que le soja ou le tournesol et exige également beaucoup moins d’herbicides. En outre, selon un rapport récent de l’Union internationale pour la conservation de la nature – une ONG reconnue mondialement et dont personne ne conteste les analyses –, 0,5 % seulement de la déforestation mondiale serait due à l’huile de palme et son remplacement par d’autres cultures augmenterait significativement la surface terrestre totale utilisée pour la production d’huiles végétales.

Toujours selon ce rapport, c’est en évitant davantage de déforestation grâce à l’huile de palme que l’on obtiendrait – de loin ! – les plus gros gains pour la biodiversité. Le rendement de l’huile de palme est en effet beaucoup plus élevé que celui des autres huiles végétales. La remplacer risquerait de nécessiter plus de terres et conduirait également à déplacer l’impact de ces productions vers d’autres écosystèmes, comme les forêts d’Amérique du Sud ou la savane africaine.

M. le président. L’amendement n° II-416 rectifié, présenté par MM. Raynal, Kanner, Éblé, Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly, Lalande et Lurel, Mme Taillé-Polian, MM. Jacques Bigot et Bérit-Débat, Mme Bonnefoy, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte, Jacquin et Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, M. Tissot, Mme Blondin, MM. Temal et Cabanel, Mme Conway-Mouret, MM. Courteau, Duran, Fichet et Montaugé, Mme Monier, M. Marie et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 15

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Les produits à base d’huile de palme font l’objet de la même taxation que celle applicable aux gazoles.

La parole est à Mme Angèle Préville.

Mme Angèle Préville. Cet amendement vise à exclure explicitement les produits à base d’huile de palme des biocarburants éligibles au tarif réduit de TGAP.

La culture de l’huile de palme est une cause majeure de déforestation en Asie du Sud-Est. Elle contribue ainsi de manière importante aux émissions de gaz à effet de serre, principale cause du réchauffement climatique. Le développement de cette culture a, par ailleurs, conduit à une perte massive de biodiversité, en raison de la destruction de milieux naturels à son profit.

Les biocarburants à base d’huile de palme présentant un bilan carbone extrêmement négatif, il semble incohérent de leur permettre de bénéficier de tarifs réduits de TGAP applicables aux biocarburants. Cela va même à l’encontre de l’objet du dispositif, qui est de favoriser l’utilisation de produits respectueux de l’environnement. Il est donc nécessaire de les en exclure définitivement.

De surcroît, il ne s’agit pas d’une culture locale, alors que, ainsi que cela vient d’être dit, nous devons absolument privilégier l’économie circulaire française, libérer les énergies de nos territoires et rechercher notre indépendance énergétique.

M. le président. L’amendement n° II-320 rectifié ter, présenté par M. Gilles, Mmes Lavarde, A.M. Bertrand, Gruny et Morhet-Richaud, MM. Pellevat, Sido, Longuet et Poniatowski, Mmes Deseyne, Bories, Deromedi et Garriaud-Maylam, M. Revet, Mme Imbert, MM. Pierre, Darnaud, Lefèvre, Kennel et Bonhomme et Mme Raimond-Pavero, est ainsi libellé :

Alinéa 15

Compléter cet alinéa par les mots :

ne remplissant pas les critères de durabilité définis aux articles L. 661-4 à L. 661-6 du code de l’énergie et aux dispositions prises pour leur application

La parole est à Mme Christine Lavarde.

Mme Christine Lavarde. Cet amendement, porté par notre collègue Bruno Gilles, concerne directement la survie de la bioraffinerie de La Mède. Je rappelle que cette installation a été conçue pour recycler un certain nombre d’huiles : des huiles végétales certifiées durables, comme l’huile de colza ou l’huile de palme, des huiles alimentaires usagées, par exemple les huiles de friture, ou encore des résidus d’huiles utilisées en cosmétique et des graisses animales. Je rappelle également que l’objectif est d’atteindre un niveau d’incorporation d’énergies renouvelables dans les transports de 10 % en 2020 et de 14 % en 2030.

Une somme de 275 millions d’euros a été investie dans ce projet et 1 000 emplois, dont 250 emplois directs, en dépendent. Or la non-minoration de la TGAP pour les huiles de palme durables, si cet amendement n’était pas adopté, emporterait un coût supplémentaire annuel de l’ordre de 100 millions d’euros pour cet établissement.

La production mondiale d’huile de palme atteint quelque 60 millions de tonnes, dont 9 millions de tonnes sont certifiées durables, parmi lesquelles seules quatre millions de tonnes sont consommées. L’offre est donc bien supérieure à la demande. C’est dans ce cadre que le groupe Total, qui exploite la bioraffinerie de La Mède, s’est engagé à n’utiliser que de l’huile de palme durable et a conclu, en parallèle, un contrat pour utiliser 50 000 tonnes de colza français par an, de manière à offrir également un débouché à l’agriculture française.

Cet amendement vise à accorder une exonération de TGAP uniquement pour l’huile de palme certifiée durable, une certification accordée par un organisme reconnu par l’Union européenne.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Vous le savez, un accord prévoit l’élimination progressive des agrocarburants, dont l’huile de palme, d’ici à 2030. Pour cette raison, la commission sollicite le retrait de l’amendement n° II-300 rectifié.

L’amendement n° II-416 rectifié ne nous semble pas utile, dans la mesure où il est satisfait par l’article 60 du projet de loi de finances, qui dispose que les produits à base d’huile de palme ne sont pas considérés comme des biocarburants. Ils seront donc taxés comme des produits qui ne sont pas des biocarburants. Par conséquent, nous en demandons le retrait.

La commission voit d’un œil favorable l’amendement n° II-320 rectifié ter, qui vise à exclure des biocarburants l’huile de palme qui n’est pas durable. Cela nous paraît conforme à l’article 17 de la directive du 23 avril 2009 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, qui énonce des critères de durabilité. Pour être considérés comme durables, par exemple, les biocarburants ne doivent pas être produits à partir de matières provenant de terres de grande valeur ou de terres présentant un important stock de carbone. Le dispositif de cet amendement nous semble conforme à ces critères, mais nous souhaiterions entendre l’avis du Gouvernement à ce sujet. Si ce dernier se montrait favorable à cet amendement en confirmant sa compatibilité avec les exigences de la directive, la commission se rangerait à cet avis.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat. L’amendement n° II-416 rectifié est en effet satisfait par l’article 60 du projet de loi de finances. Le Gouvernement en demande donc le retrait.

Le Gouvernement demande également le retrait de l’amendement n° II-300 rectifié, au profit de l’amendement n° II-320 rectifié ter.

L’Assemblée nationale a adopté un dispositif extrêmement large, qui couvre l’intégralité de la filière de l’huile de palme, sans ménager de sort particulier à l’huile de palme issue d’une filière durable, c’est-à-dire garantissant la non-déforestation, la prise en compte des terres agricoles ainsi que la protection de l’environnement et des espèces animales. Nous considérons que le dispositif de l’amendement n° II-320 rectifié ter, proposé par M. Gilles et présenté par Mme Lavarde, respecte les objectifs en matière de préservation de l’environnement et d’équilibre économique. Vous avez d’ailleurs rappelé, madame la sénatrice, la situation de la raffinerie des Bouches-du-Rhône, dont dépendent 1 000 emplois.