M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Piednoir. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l’occasion de mon dernier rapport budgétaire – qui était en réalité le premier –, j’avais dressé un bilan de la première année de fonctionnement de Parcoursup, et je vous en avais rendu compte à cette tribune. En dépit de quelques imperfections, certaines étant inévitables pour une première édition, je considère que la nouvelle plateforme a plutôt bien fonctionné.

Je suis tout d’abord entièrement favorable à la philosophie qui sous-tend son fonctionnement : les candidats doivent être orientés vers les formations qui correspondent à leurs aspirations, mais dans lesquelles ils ont le plus de chances de réussir ! N’en déplaise à certains, le mot de « sélection » ne doit pas être tabou : être sélectionné par une université, c’est motivant pour le candidat, et c’est aussi engageant pour l’établissement et l’équipe pédagogique qui l’ont choisi. D’après les premières informations qui me sont parvenues de certaines universités, les résultats des partiels qui viennent d’avoir lieu montrent des taux de réussite meilleurs que les années précédentes !

Néanmoins, des améliorations pour l’an II sont nécessaires. Vous avez déjà fait quelques annonces auxquelles je souscris, madame la ministre.

Je pense d’abord au raccourcissement du calendrier, pour éviter la congestion observée jusqu’à la rentrée de septembre, qui a mis certains établissements en difficulté et créé beaucoup d’angoisse pour les candidats et leurs familles. C’était une demande explicite de notre commission lors de la mise en service de Parcoursup, et il n’est pas toujours désagréable d’avoir raison trop tôt !

M. Bruno Sido. Très bien !

M. Stéphane Piednoir. Je songe aussi à la mise en place d’un « répondeur automatique » pour les candidats qui sont sûrs de leurs choix. À défaut de revenir à une hiérarchisation des vœux, c’est néanmoins un élément qui donnera plus d’efficacité à l’outil.

Je mentionne également l’amélioration de l’information donnée aux candidats, avec notamment, ce qui était impossible cette année, le rang du dernier appelé sur la liste d’attente, afin d’éviter le découragement des candidats qui auraient eu leurs chances, mais aussi d’éviter des phénomènes d’attente irréaliste.

M. Bruno Sido. Tout à fait !

M. Stéphane Piednoir. En matière d’information, je pense d’ailleurs qu’il faut aller plus loin et demander aux formations d’être plus précises sur les critères qu’elles prennent en compte dans le classement des dossiers. Sans aller jusqu’à la publication des fameux « algorithmes locaux », chers à notre collègue, quand ils existent, c’est une information importante pour que les candidats puissent s’étalonner et faire des choix réalistes. C’est aussi une question de transparence qui devrait contribuer à la confiance des candidats dans la plateforme.

En cette période de vœux, je souhaite sincèrement que l’an II de Parcoursup soit plus serein pour tous les acteurs : les proviseurs de lycée, les équipes pédagogiques du supérieur, ainsi que les lycéens et leur famille. Mais de nouvelles angoisses apparaissent aussi avec la réforme du baccalauréat et son articulation avec Parcoursup. Cette question ne se posera pas dans deux ans seulement, elle se pose dès maintenant, car les élèves de seconde sont en train de choisir leurs trois spécialités et se demandent dans quelle mesure ce choix sera ou non compatible avec leur orientation future dans le supérieur.

Le bilan du plan Étudiants et de Parcoursup ne fait que commencer. Nous allons avoir besoin de nous appuyer sur des études quantitatives et qualitatives fines pour nous faire une idée plus précise au cours des mois et des années qui viennent, notamment sur l’efficacité des parcours personnalisés issus des fameux « oui si », qui sont très divers selon les formations.

Vous le savez, madame la ministre, le véritable juge de paix de votre réforme sera le taux de réussite de nos jeunes dans le premier cycle de l’enseignement supérieur. Permettez-moi de vous le rappeler, en ce qui concerne la licence, nous partons de très bas ! En 2016, le taux de réussite de la licence en trois ans était de 27,8 % ; Jacques Grosperrin avait parlé de « scandale de l’échec en licence ». Dans les documents annexés au projet de loi de finances pour 2019, le Gouvernement se propose d’atteindre 30 % en 2020. J’avoue avoir été déçu par le peu d’ambition que vous affichez, madame la ministre.

Ne devons-nous pas revoir aussi le concept même de réussite étudiante, dès lors que l’on envisage des parcours personnalisés sur plus de trois ans pour l’obtention de la licence ? Madame la ministre, il me semble important que vous nous explicitiez les indicateurs de réussite et les objectifs que vous vous fixez, afin que la représentation nationale puisse réellement évaluer Parcoursup. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. Antoine Karam. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. Antoine Karam. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce 22 janvier marquera l’ouverture de la période de formulation des vœux sur Parcoursup. À cette occasion, et un an après l’application du dispositif, nos collègues du groupe CRCE nous proposent d’en dresser le bilan. Qu’ils en soient remerciés.

Avant toute chose, je voudrais saluer l’engagement de l’ensemble des acteurs, qui ont fourni un très bon travail pour organiser, avec les contraintes que nous connaissons, le passage vers l’enseignement supérieur de nos bacheliers.

Nous le savons, Parcoursup est venu remplacer un système Admission post-bac largement défaillant : c’est le moins que l’on puisse dire. Par-delà la honteuse sélection par l’échec qu’il induisait, APB a provoqué, avec le recours au tirage au sort, des décisions non seulement opaques, mais illégales.

Face à ce constat, et – il faut bien le dire – dans une forme d’urgence, nous avons légiféré en faveur d’un dispositif qui devait répondre à deux exigences : remettre de l’humain et de la justice au bon endroit, en particulier dans l’orientation et l’affectation des bacheliers, et garantir la transparence de la procédure.

À l’arrivée, nous avons avec Parcoursup un outil innovant, qui concilie la gestion des grands effectifs grâce à une intelligence artificielle avec une approche beaucoup plus humaine des dossiers.

Par-delà l’affectation des étudiants, Parcoursup porte aussi avec lui une vraie révolution, celle du continuum bac–3/bac+3. Le système s’appuie précisément sur ce principe à travers une interaction permanente entre l’enseignement secondaire et l’enseignement supérieur et des outils nouveaux.

Quel bilan pouvons-nous en tirer ?

Parcoursup, c’est d’abord 95 % de bacheliers qui ont obtenu une proposition d’admission. Si ce taux est comparable à celui de 2017, qui était de 94,5 %, les décisions ont été nettement moins contestées que sous APB, puisque le réseau Jurisup comptabilisait en novembre dernier moins de dix contentieux. Parcoursup, c’est également +21 % de lycéens boursiers affectés en phase principale et dans des proportions croissantes en classes préparatoires. C’est aussi +23 % de bacheliers professionnels en section de technicien supérieur, ou STS, et +19 % en institut universitaire de technologie, un sujet cher à notre Haute Assemblée lors de l’examen de la loi.

Procédure trop longue, stressante et injuste ou encore sélection déguisée, Parcoursup a essuyé, c’est vrai, de nombreuses critiques. Plus récemment, l’existence de sous-algorithmes cachés propres à chaque université a même été évoquée.

Je crois qu’il nous faut être précis sur ce point. S’il existe bien un outil d’aide à la décision, seuls 25 % des formations y ont eu recours afin d’établir un préclassement. Cette liste a ensuite été retravaillée par les commissions à la lumière d’autres paramètres, tels que la lettre de motivation. Elles ont enfin été revues par les chancelleries au regard des critères de bourses et de mobilité. Les listes produites par les universités ne sont donc pas celles données in fine sur Parcoursup ; c’est important de le dire.

Cela étant, de nombreux enseignements sont à tirer de cette première année pour apporter des améliorations à la procédure Parcoursup.

Premièrement, le calendrier sera accéléré en 2019, avec une première phase qui s’achèvera le 19 juillet. Rappelons-le, au 1er août, 97 % des candidats avaient déjà accepté la proposition qu’ils allaient conserver jusqu’à la fin de la procédure. Un calendrier resserré permettra donc de donner plus de souffle au dispositif en rééquilibrant les procédures normale et complémentaire.

Nos futurs étudiants pourront ainsi préparer plus sereinement la rentrée et une mobilité éventuelle. Je pense notamment à nos étudiants ultramarins, pour lesquels s’organiser à plusieurs milliers de kilomètres n’est jamais chose aisée. Nous savons que l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité, ou LADOM, a connu quelques difficultés durant l’été pour distribuer dans de bonnes conditions le passeport mobilité-études.

Deuxièmement, sur le rythme de la procédure, la critique majeure que l’on peut adresser à Parcoursup est d’avoir placé les futurs étudiants, le plus souvent inutilement, dans une situation de stress prolongé.

À cet égard, je me réjouis que, outre l’accélération, le calendrier soit davantage rythmé. Pouvoir faire le point régulièrement sur leur dossier, avoir des propositions qui viennent plus vite, être mieux accompagnés et disposer d’un répondeur automatique sont autant de détails susceptibles de rassurer les élèves et de tranquilliser leur réflexion.

L’ambition de Parcoursup réside bel et bien dans cette nuance entre le simple choix et l’orientation éclairée. Si je suis convaincu des effets pervers de la hiérarchisation des vœux, l’objectif est bien d’accompagner la réflexion de l’élève et de le mettre dans les meilleures conditions pour faire un choix réfléchi.

Troisièmement, à propos du déploiement et de la prise en main des outils, Parcoursup n’est pas qu’un algorithme d’affectation ; c’est aussi une plateforme d’information sur l’orientation. Elle sera plus lisible et interactive. Toutes les formations y seront disponibles d’ici à 2020 avec un accompagnement plus poussé, notamment pour les candidats en situation de handicap, afin de permettre à chacun de trouver sa place dans l’enseignement supérieur.

J’attire également votre attention sur les étudiants en réorientation, madame la ministre. Ne les pénalisons pas ; permettons-leur au contraire, avec un accompagnement personnalisé, de valoriser leurs expériences antérieures et d’exercer pleinement leur droit à se révéler tardivement.

Par ailleurs, les acteurs de l’enseignement secondaire et de l’enseignement supérieur devront eux aussi pleinement s’emparer des outils nouveaux que Parcoursup met à disposition. Je pense à la fiche Avenir, mais aussi aux « attendus », qui doivent être mieux expliqués aux lycéens.

Quatrièmement, il faut concilier mobilité et aménagement du territoire. Parcoursup, c’est plus de mobilité géographique, et il faut s’en réjouir, même si le cas de l’Île-de-France mérite une attention toute particulière.

Il faut, me semble-t-il, concevoir que la mobilité ne convient pas à tous les lycéens et à toutes les formations. Il faut tenir compte de cette réalité et être capable de proposer des formations de premier cycle de très bonne qualité sur tout le territoire, y compris outre-mer.

Lors du vote de la loi, nous savions que Parcoursup ne prendrait sa pleine mesure qu’à l’épreuve du terrain. Nous y sommes.

Cette deuxième édition nous permettra certainement d’améliorer encore la plateforme. C’est là l’avantage de cet outil, qui ne cessera d’évoluer pour permettre l’accès de tous à l’enseignement supérieur dans de bonnes conditions de réussite. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Madame la ministre, vous tirez de la première année de Parcoursup comme de l’essentiel de votre politique un bilan extrêmement positif, mais qui, je le crois, est en contradiction avec ce qu’exprime notre pays. Rappelons-nous que, voilà encore quelques jours, les étudiants et les lycéens se mobilisaient contre cette réforme.

Vous le savez, pour notre part, nous regrettons qu’aucune enquête de satisfaction des lycéens n’ait malheureusement été lancée. Mais les remontées de nos territoires indiquent clairement que l’accès à l’enseignement supérieur se dégrade.

La non-hiérarchisation des vœux et les délais de réponse qu’elle a entraînés ont en effet conduit un grand nombre de lycéens à se rabattre progressivement sur les offres de formation qu’ils avaient indiquées non pas en premier choix, mais plutôt en dernier recours, par sécurité.

Cette tendance a d’ailleurs été encouragée par votre ministère. Au cours de l’été, les règles de fonctionnement de la plateforme ont évolué, afin de pousser les inscrits à accepter le plus rapidement possible des propositions alors qu’ils avaient d’autres vœux en attente. Ainsi, à partir de la fin du mois de juin, les lycéens n’avaient plus que trois jours pour accepter une proposition. Passé ce délai, tous leurs vœux étaient supprimés. De même, à partir de la mi-juillet, un taux de remplissage des formations prenant en compte les « oui » en attente était indiqué – il oscillait logiquement entre 95 % et 100 %, de manière quasi systématique –, décourageant de fait les jeunes en attente et les poussant à accepter des propositions qui leur avaient déjà été adressées.

La plus grande partie des inscrits sur Parcoursup ont donc bien trouvé une formation, mais rien ne dit que celle-ci leur correspond réellement. Cela risque de se traduire par un grand nombre d’abandons ou de réorientations au cours de l’année. C’est pourtant ce motif qui avait justifié la réforme.

De même, des lycéens plongés dans l’incertitude en toute fin d’été semblent se tourner de manière plus massive vers l’enseignement privé – les chiffres sont difficiles à mesurer pour le moment, mais ils sont attendus en hausse.

Pour les autres, qui obtiennent une réponse définitive bien tardivement, il faut s’organiser, trouver un logement, souvent, un emploi, parfois, et ce quelques semaines, voire quelques jours avant la rentrée. Le rapport du comité éthique et scientifique de la plateforme a d’ailleurs lui-même souligné que cette attente avait « créé un biais social et territorial ».

Face à cette situation, vous avez indiqué vouloir resserrer ce calendrier. Nous saluons cette volonté. Cependant, il reste à savoir comment cela sera rendu possible sans réintroduire la hiérarchisation des vœux – ce à quoi vous semblez en partie renoncer, madame la ministre, et qui est clairement suggéré par le rapport du comité éthique et scientifique – et sans renforcer la pression subie par les inscrits sur la plateforme pour accepter les premières propositions qui leur sont faites, d’autant que la réforme du lycée va considérablement réduire les marges de manœuvre.

La question de l’articulation entre cette sélection à l’entrée du supérieur et la réforme du lycée est en effet posée. Les familles sont nombreuses à s’inquiéter des prérequis demandés par les formations, notamment l’exigence, plus ou moins explicite, d’avoir suivi certaines des options proposées en lycée. Cela implique d’avoir une idée de la licence visée dès la seconde, alors même que le ministre de l’éducation nationale indique régulièrement que les orientations en filière se font aujourd’hui trop précocement. Au vu de l’inégal accès aux différentes options selon les territoires, c’est vers une discrimination inédite des lycéens des territoires ruraux que nous risquons d’aller. La réforme du lycée ne permettra donc pas de mieux orienter les jeunes, mais pénalisera les familles qui ne sauront pas quelle stratégie adopter dès la seconde et les lycéens des territoires ruraux, qui ne trouveront pas toutes les spécialités accessibles dans leur lycée de proximité.

Vous l’aurez compris, il nous semble que cette réforme aggrave plus qu’elle ne résout les problèmes d’accès à l’enseignement supérieur. Sans surprise, quand on prend le problème à l’envers, on peine à le résoudre. Pour nous, le principal problème, dans l’enseignement supérieur comme dans bien d’autres secteurs de la société, réside dans les restrictions budgétaires continues depuis dix ans, qui ont fait chuter le budget de l’enseignement supérieur par étudiant de plus de 10 %. Les taux d’échec en première année de licence doivent effectivement conduire à agir, mais il faut s’attaquer à leurs causes réelles en mettant en place un service public de l’orientation plus efficace, en investissant pour améliorer les conditions d’accueil des étudiants ou encore en offrant des réponses à la question du salariat étudiant, qui est, chacun le sait, une des causes majeures de l’échec.

Autant de choix politiques qui nécessitent de sortir d’une logique d’austérité simpliste, faute de quoi le débat se résume toujours à la meilleure option technique pour gérer la pénurie. À cet égard, celle que vous avez choisie, qui consiste à généraliser le principe de la sélection, aggrave considérablement la situation. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.

Mme Maryvonne Blondin. Monsieur le président, madame la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, mes chers collègues, constituant une réponse plus conjoncturelle que structurelle aux défaillances d’APB à l’été 2017, Parcoursup visait à pallier les écueils de ce système non seulement jugé injuste, inadapté au regard de l’augmentation continue de la population étudiante, mais aussi déclaré illégal par la CNIL et le Conseil d’État. Réponse conjoncturelle, disais-je, car il s’agissait impérativement de permettre à tous les lycéens de trouver une place répondant à leurs attentes dans l’enseignement supérieur, sans pour autant interroger les causes profondes ayant abouti à la situation critique de l’été 2017.

Le goulet d’étranglement aux portes de l’université n’était pourtant pas un phénomène nouveau : les 80 % d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat et l’augmentation démographique du baby-boom expliquent ce phénomène de massification dans l’enseignement supérieur, que nous aurions pu et aurions dû collectivement mieux anticiper.

Un an après la mise en place accélérée de Parcoursup, le bilan est-il à la hauteur de l’enjeu et des ambitions affichées ?

En analysant les données brutes, la comparaison avec APB semble favorable, puisque, au 25 septembre 2017, on comptait 3 729 bacheliers sans affectation, contre 995 au 21 septembre 2018.

Pourtant, le 5 septembre, votre ministère indiquait qu’il y avait 7 745 personnes en recherche active et 39 513 inactives, soit 45 000 candidats dont l’orientation n’était pas encore fixée. Comment la plateforme a-t-elle permis de trouver une solution en moins de quinze jours pour parvenir au solde de 995 ?

Parmi les dysfonctionnements notables, l’actualisation quotidienne des réponses a provoqué un grand stress chez les candidats et leur famille, d’autant que, à l’ouverture des premiers résultats, 400 000 candidats sur les 812 000 inscrits étaient sans proposition, avec des refus de formation ou des mises en attente.

Au début de l’été, 100 000 candidats n’avaient toujours reçu aucune proposition, et 152 000 n’avaient pas validé l’offre qui leur avait été faite, espérant une réponse positive à un autre vœu.

Les filières sélectives se sont retrouvées, de façon inédite, avec des classes incomplètes au début du mois de septembre, ce qui a rendu difficile la préparation de la rentrée.

Une véritable prime à l’attente est apparue, pénalisant les élèves les plus fragiles : certains ont ainsi la possibilité de conserver des vœux durant l’été, quand d’autres doivent se décider pour des raisons pratiques, telles que la recherche d’un logement.

Tout au long de l’été, le ministère a tenté de pallier ces difficultés : des ajustements inévitables pour une réforme de cette ampleur, mais une véritable cacophonie pour les familles et les établissements que nous aurions pu éviter avec une mise en œuvre plus progressive.

Mme Maryvonne Blondin. Vous annoncez des ajustements cette année : 14 000 formations disponibles, soit un millier de plus ; une durée de procédure raccourcie, avec la phase principale close en juillet. Vous avez par ailleurs exclu la hiérarchisation des vœux, seul un répondeur automatique permettant aux candidats d’indiquer leurs priorités, une fois les épreuves du baccalauréat passées.

Le candidat sur liste d’attente pourra connaître le rang auquel il se situe et celui du dernier candidat accepté l’an passé. Si elle peut constituer un indicateur, cette nouveauté ne prend pas en compte l’évolution des candidatures d’une année à l’autre et pourrait entraîner des déceptions, ainsi qu’une attente inutile.

Concernant les quotas fixés pour la mobilité géographique, votre ministère n’a communiqué aucune donnée nationale, seulement des exemples isolés et non significatifs. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?

En outre, certaines universités, dans leur classement, ont appliqué une pondération en fonction du lycée d’origine, favorisant ainsi ceux jugés les meilleurs. Si le ministère a fixé des prérequis nationaux connus, les critères mis en place par les établissements ne le sont pas. Le Défenseur des droits a d’ailleurs ouvert une instruction sur le fonctionnement de la plateforme.

Enfin, j’aimerais aborder la question de l’inclusion des bacheliers professionnels dans l’enseignement supérieur.

Si leur exclusion du système universitaire préexistait à Parcoursup, il semble que sa mise en œuvre ait contribué à aggraver ce phénomène. La majorité des 7 745 bacheliers sans proposition au mois de septembre étaient issus de la voie professionnelle.

M. Roland Courteau. Et voilà !

Mme Maryvonne Blondin. Nous aurons l’occasion d’en reparler, madame la ministre, car la réforme du lycée professionnel aura également un impact sur leur intégration dans l’enseignement supérieur, étant donné que la part de l’enseignement général va être diminuée.

Parcoursup répond plus à une logique d’affectation qu’à une véritable logique d’orientation construite par nos élèves. Vous l’aurez compris, les réserves que nous exprimions l’an passé restent d’actualité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je remercie le groupe CRCE d’avoir mis à l’ordre du jour ce débat sur l’évaluation de Parcoursup. Il est primordial qu’un suivi au long cours de la plateforme puisse nous permettre de l’améliorer afin de donner à notre jeunesse l’avenir serein qu’elle mérite.

Alors que le système APB attribuait les places de manière parfois arbitraire et tout à fait illégale, je ne pouvais que soutenir l’orientation vers le système de libre choix sous-tendant la réforme, même si beaucoup reste à faire pour construire avec les élèves cette liberté.

Une fois conjuguée à la réforme du lycée, qui prévoit des heures d’information et de conseil en orientation significatives, cette réforme pourra, je l’espère, réellement prendre sens, car les élèves auront les clés pour se décider au moment d’émettre leurs vœux. Je regrette toutefois que ces deux réformes n’aient pas été concomitantes, beaucoup trop d’élèves ayant été laissés dans l’incompréhension par manque d’information.

Mardi 8 janvier, vous avez présenté, madame la ministre, un certain nombre de corrections de bon sens du nouveau système. Je ne peux que vous féliciter du resserrement du calendrier ou de la transparence sur le rang d’admission du dernier appelé, puisqu’il s’agit de mesures de nature à faciliter l’aiguillage et l’information des futurs étudiants dans une période cruciale de leur vie.

Dans une semaine, le mardi 22 janvier, débutera la phase de formulation des vœux d’inscription dans l’enseignement supérieur des futurs bacheliers de cette année. À cet égard, je regrette, madame la ministre, que les parlementaires que nous sommes n’aient pas été destinataires avant la presse, ou au moins en même temps, des conclusions du comité éthique et scientifique, attendues initialement pour la fin de l’année 2018, sur l’évaluation et le bilan de la première session de Parcoursup. C’est d’autant plus regrettable qu’il s’avère que des problématiques, comme la difficulté dans la mobilité géographique des candidatures hors académie, n’ont pas été résolues par les dispositions prévues à cet effet.

Les quotas de non-résidents n’ont pas porté leurs fruits, semble-t-il, notamment pour les candidats d’Île-de-France. Dans le rapport, reçu tardivement et que je n’ai pas eu le temps de lire dans son intégralité, il apparaît que la proportion d’admis à Paris parmi les candidats de Créteil et Versailles n’a pas augmenté en 2018 ; elle aurait même légèrement diminué par rapport à 2017. C’est donc un constat d’échec regrettable et inquiétant.

Il aurait donc été déterminant que les conclusions de ce rapport aient été connues avant le lancement de la deuxième session du dispositif. De même, pour nous, sénateurs, elles auraient pu être une base de travail pour que nous nous associions à la démarche d’ajustement de la plateforme Parcoursup 2019 avec tous les éléments d’évaluation en notre possession.

Madame la ministre, dans quelles conditions comptez-vous prendre en compte les conclusions du comité éthique et scientifique pour améliorer le dispositif d’inscription, imminente, des étudiants pour l’année en cours ? Je souhaiterais également vous interroger sur l’avancement des travaux du comité de suivi chargé d’évaluer les conditions de mise en œuvre et les effets de la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants, dont les sujets touchent au cœur du fonctionnement de la plateforme. En effet, ce comité a, entre autres missions, la charge d’évaluer les modalités de l’examen des vœux par les formations d’enseignement supérieur. Les conclusions de ce comité m’intéressent tout particulièrement, a fortiori depuis que l’on sait qu’il n’y aura pas plus de transparence en 2019 qu’en 2018 sur les systèmes de classements locaux, malgré nos alertes.

Si le président de la Conférence des présidents d’université a publiquement affirmé devant les parlementaires de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, l’OPECST, le 16 novembre dernier, qu’il n’existait pas d’algorithme local, il serait toutefois souhaitable qu’il y ait davantage de transparence et de pédagogie sur les paramètres et les critères des outils d’aide à la décision utilisés pour retenir les candidatures par les formations. Il me semble fondamental que le système de classement soit clairement annoncé aux candidats pour qu’ils puissent, en connaissance de cause, se préparer à présenter le meilleur dossier possible.

Enfin, je serai particulièrement attentive aux conclusions de la mission spéciale de notre collègue Laurent Lafon pour améliorer la mobilité des candidats à l’enseignement supérieur. Tous les bacheliers d’Île-de-France, mais également ceux issus des établissements des territoires ruraux, moins cotés vus de Paris, doivent pouvoir profiter du rayonnement universitaire des grandes villes et ne pas rester cloisonnés dans leur académie.

Nous devons nous efforcer de donner à tous les jeunes les moyens de réussir en leur ouvrant les portes de l’enseignement supérieur d’excellence et en développant des projets d’aménagement de cette nature en banlieue et dans nos territoires. Soutenir la mobilité des jeunes dans leur choix d’affectation universitaire, et ainsi favoriser l’orientation « choisie », est un puissant ferment de mobilité sociale, enjeu au cœur des débats actuels.

En conclusion, madame la ministre, je soulignerai un point positif de cette réforme : l’encadrement plus poussé de la procédure Parcoursup, comparé à celui d’APB. Les correctifs apportés à la plateforme vont dans le bon sens, mais nous ne pouvons pas nous arrêter au milieu du gué. S’il s’avère que de futures améliorations doivent encore être apportées, j’espère qu’elles pourront intervenir assez tôt dans le calendrier pour protéger les futurs lycéens de changements trop fréquents, et ainsi sécuriser leur parcours dans la procédure.

Comme nous sommes en tout début d’année, j’émets le vœu que, pour l’an II de Parcoursup, nous ayons plus tôt un bilan plus complet, avec de vraies données chiffrées, académie par académie. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe de lUnion Centriste, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)