Mme Christine Lavarde. Je dois donc me contenter de le soulever. J’espère qu’une réponse rapide sera apportée, car la démission de conseillers territoriaux est une réalité.

Cet exemple illustre une nouvelle fois le mal-fonctionnement du millefeuille territorial en Île-de-France, voté contre la volonté des élus locaux. Monsieur le ministre, il est grand temps que votre gouvernement se saisisse de la question de l’organisation institutionnelle en Île-de-France, en associant bien évidemment à cette réflexion les élus, au premier rang desquels les maires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet.

M. Arnaud de Belenet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en écoutant les propos des précédents intervenants, je constatais la très large unanimité que recueille ce texte.

Nous avons entendu une ode, et pas seulement aux collectivités, si bien que j’ai hésité à m’exprimer en sept strophes de cinq vers. (Sourires.) Mais pour rester dans le ton et vous épargner, je me contenterai, plus classiquement, de parler en prose.

M. Antoine Lefèvre. C’est bien aussi ! (Sourires.)

M. Arnaud de Belenet. Il s’agissait d’une ode à l’intelligence territoriale, à l’intelligence collective – et pas seulement celle des territoires – et au besoin de liberté de nos territoires. De manière implicite, mais réelle, nous avons également entendu une ode aux besoins de différenciation des territoires. Et nul doute que le texte qui nous réunit aujourd’hui contribue à la reconnaissance de l’ensemble de ces besoins.

Je note aussi que le ministre va dans le sens souhaité et attendu. Il aurait pu exprimer le souhait de mettre ce texte en stand-by le temps d’engager une approche plus collective. Or le Gouvernement et l’ensemble des groupes ont, bien au contraire, souhaité que les premiers jalons soient posés dans le cadre de l’examen de cette proposition de loi. Je m’en réjouis, et cela n’enlève rien à l’ampleur du travail collectif qu’il nous reste à mener, comme le rappelait à l’instant Christine Lavarde et comme nous y invitait M. le ministre.

La légitimité de l’action des intercommunalités résulte de la juste représentation des communes en leur sein. Ce sont bien les communes en effet qui perpétuent le lien démocratique entre les citoyens et les élus.

Toutefois, nous constatons que ce lien s’étiole du fait notamment de l’abstention croissante lors des élections municipales, mais aussi en raison de la réalité du pouvoir des maires et de leurs moyens d’agir. Même la démocratie locale de proximité est aujourd’hui questionnée.

La crise de confiance que connaît tout pouvoir, et pas uniquement politique, n’épargne plus l’échelon municipal. Notre collègue Éric Kerrouche évoque dans son dernier ouvrage une enquête réalisée par l’IFOP pour Le Courrier des maires qui révèle que seul un citoyen interrogé sur deux souhaite que son maire soit réélu (Exclamation ironique de M. le ministre.), et que trois jeunes sur quatre sont incapables de citer le nom de leur maire.

Sans remettre en cause l’intercommunalité qui correspond en principe à un bassin de vie et qui permet d’agir à un niveau plus pertinent, le renforcement des compétences intercommunales a néanmoins fragilisé la lisibilité des responsabilités entre communes et intercommunalités. Il était donc nécessaire de consolider la place des communes dans la représentation des intercommunalités.

Aussi, mon groupe a accueilli favorablement la proposition de loi de notre collègue Alain Marc et des membres du groupe Les Indépendants, qui tend à renforcer les synergies entre les conseils municipaux et les conseils communautaires.

S’il faut partir du constat que la réforme du mode de désignation des conseillers communautaires, issue de la loi du 17 mai 2013, constitue un compromis satisfaisant, comme l’indique le rapport de Dany Wattebled, il faut reconnaître néanmoins qu’elle appelle des ajustements, notamment pour renforcer la place du maire dans la gouvernance de l’intercommunalité.

Cette analyse fait écho à celle de l’AdCF, l’Assemblée des communautés de France, qui, en septembre dernier, relevait que la majorité des présidents de communauté souhaitait la préservation du scrutin fléché utilisé en mars 2014. Près de 27 % d’entre eux désirent conserver ce mode de scrutin tel quel, quand 30 % veulent le maintenir tout en y apportant des améliorations.

Les auteurs de la proposition de loi souhaitaient pallier une certaine rigidité du système de fléchage, s’agissant des modalités de remplacement du maire ou d’un représentant de la commune au conseil communautaire en cas de dissensions graves et persistantes. Aussi, ce texte, constitué de six articles à l’origine, comporte-t-il un certain nombre de dispositions en ce sens.

La commission a bien entendu enrichi cette proposition de loi. Elle a souhaité que, à la demande de 30 % des maires, la conférence des maires, instance de coordination présidée par le président de la communauté, devienne obligatoire. Cette nouvelle mesure a pour objet de mieux associer les maires au fonctionnement des intercommunalités.

Pour rappel, l’AdCF indique que 76 % des communautés ont déjà une conférence des maires. Cette statistique illustre bien le fait que l’initiative locale n’attend pas toujours la loi pour agir dans l’intérêt commun.

Pour accentuer cette dynamique collective et encourager l’intelligence collective à laquelle ont recours nos collègues élus locaux dans la pratique, le groupe La République En Marche votera évidemment pour ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – M. le rapporteur applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, par construction, il existe des risques de contradiction et, donc, de conflit entre les communes et les intercommunalités.

Car qui dit intercommunalité dit délégation de compétences à un organisme autonome dont la vocation n’est pas – ce serait d’ailleurs impossible – de donner satisfaction sur tous les points à chaque commune.

Tout l’enjeu est de faire en sorte que le mode de construction et de fonctionnement des intercommunalités, ainsi que les objectifs qu’elles visent, ne vienne pas amplifier cette contradiction originelle. Or c’est le cas avec les réformes imposées depuis 2010, qui vont remplacer l’intercommunalité volontaire de projet par une intercommunalité obligatoire, corsetée par la loi, et dont la vocation finale est de remplacer les communes. Voilà le cap !

On a des intercommunalités dont la composition des conseils résulte à 90 % de l’application de règles imposées et non de négociations, posant ainsi la question de la représentation des petites communes, voire parfois des communes moyennes, en leur sein. Les intercommunalités ne sont plus des coopératives de communes constituées pour exercer à plusieurs les quelques compétences que les communes ne pouvaient exercer seules, mais les substituts de communes vidées progressivement de leurs compétences essentielles.

Le summum sera atteint avec les métropoles appelées à couper tout lien avec les communes. On obtiendra ce résultat quand les élections des conseils municipaux et celles des conseils métropolitains seront distinctes. À l’époque – je m’en souviens bien –, les avant-gardistes avaient pensé à une désignation directe du président de la métropole par les habitants.

En définitive, on fait face à un risque accru de coupure entre intercommunalités et communes, dont les communautés sont pourtant censées représenter les intérêts, et à une probable multiplication de propositions de loi pour tenter de régler les difficultés nées de cet état de fait.

Tel est d’ailleurs l’objet du texte soumis à notre examen, qui retient quelques propositions que je qualifierai de « lubrifiantes ».

La première consiste à rétablir, pour les communes de 1 000 habitants et plus, la désignation par les électeurs des représentants des communes au conseil communautaire, ce qui n’a rien à voir avec l’élection de représentants des électeurs, tout en fluidifiant le système par l’allongement de la liste des candidats au conseil communautaire.

Une deuxième mesure vise à abroger l’article 54 de la loi Maptam qui prévoyait que le renouvellement général des conseils des métropoles, lors des prochaines échéances, s’effectuerait au suffrage universel direct, ce qui transformait les métropoles en collectivités territoriales.

Par ailleurs, le texte officialise, quand elles existaient déjà, ou crée, quand ce n’était pas le cas, des conférences communautaires des maires. (Murmures appuyés aux bancs du Gouvernement et de la commission.) Si je vous dérange, dites-le ! (Pas du tout ! aux bancs du Gouvernement et de la commission.)

S’agissant des agglomérations, la proposition de loi donne des pouvoirs supplémentaires à la conférence métropolitaine prévue par la loi.

Cette conférence, qui se réunira désormais au moins deux fois dans l’année, sera obligatoirement saisie pour avis de tout acte important de l’intercommunalité avant sa présentation au conseil de métropole : projets de budget, plans locaux d’urbanisme, programmes locaux de l’habitat, schémas de cohérence, plans de mobilité, projets de délégation ou de transfert d’une compétence à une personne publique autre qu’une commune, ce qui est au moins aussi important.

Je veux dire mon regret que l’élan purificateur de la commission ne soit pas allé jusqu’au remplacement de l’actuel mode de désignation des délégués des communes de moins de 1 000 habitants selon l’ordre du tableau, aussi incompréhensible qu’absurde, par l’ancien mode de désignation par le conseil municipal. Pourquoi ne pas l’avoir fait ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. C’est le Conseil constitutionnel qui l’a décidé !

M. Pierre-Yves Collombat. Je crois plutôt que le Conseil constitutionnel ne s’est simplement pas opposé au mécanisme qu’on lui a présenté. Si c’est le Conseil constitutionnel le fautif, c’est encore plus grave ! (M. le ministre lève les bras au ciel.)

En tout cas, si ce sont les électeurs qui désignent les délégués des communes, on est bien obligé d’en tenir compte ; en revanche, si ce n’est pas le cas, c’est au conseil municipal de le faire. J’ai d’ailleurs déposé un amendement en ce sens, dont l’éventuel rejet sera difficile à expliquer aux élus ruraux.

Cela m’incite à penser que le Conseil constitutionnel poussait à la roue pour transformer les communes en intercommunalités (M. le ministre sexclame.) C’est ce que je pense profondément, monsieur le ministre.

Au final, le groupe CRCE votera la proposition de loi, telle que la commission l’a modifiée ; il la votera même des deux mains si, d’aventure, le Sénat poussait l’audace jusqu’à adopter l’amendement que je viens d’évoquer.

Mme Cécile Cukierman. Sans audace, que serions-nous ? (Sourires.)

Mme Françoise Gatel. De l’audace, encore de l’audace ! (Mêmes mouvements.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon.

M. Jérôme Bignon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cela ne vous surprendra pas, je m’exprime au nom du groupe Les Indépendants, qui est déjà beaucoup intervenu sur ce texte, puisque non seulement son auteur, mais aussi le rapporteur, comme c’est l’usage s’agissant d’une proposition de loi, en sont membres.

Je ne vais pas répéter ce que mes deux collègues ont déjà très bien dit. Il me semble toutefois important de rappeler une nouvelle fois combien nous sommes attachés aux territoires, à leur cohésion et au bon fonctionnement de leurs instances politiques, et combien il est essentiel pour notre pays – cela n’est pas suffisamment fait – que les élus locaux soient entendus par le Parlement. L’examen de ce texte est l’occasion de rappeler l’efficacité de cette bonne entente entre les élus locaux et la chambre haute.

Ces élus sont en effet la colonne vertébrale de la République. Les élus ruraux ne comptent pas leur temps – une large majorité d’entre eux agit bénévolement – pour défendre les intérêts de leur commune et de leur territoire, là où l’État n’assume plus assez ses responsabilités territoriales. Nous avons encore récemment déploré cette situation auprès du Gouvernement, qui va tenter d’apporter des solutions. La création de maisons de services au public dans nos territoires constituera peut-être une réponse intéressante à ce problème.

Ce sont souvent les élus locaux qui répondent aux sollicitations de nos concitoyens et qui sont en première ligne en la matière. Nous nous félicitions donc de contribuer à améliorer leur représentation dans le cadre de cette proposition de loi.

Être sénateur, c’est être et rester au contact des collectivités territoriales. Cela permet de détecter, ce qu’a fait Alain Marc avec talent, les difficultés qui peuvent survenir entre un conseil municipal et un conseil communautaire. En l’occurrence, ce texte est la bonne réponse, ce que chacun d’entre vous a dit à sa manière, mes chers collègues.

Nous avons su proposer aux territoires une solution leur permettant de retisser les liens utiles à la cohérence de leur travail. Ces mesures de synergie seront applicables aux communes de moins de 1 000 habitants qui – le saviez-vous ? – représentent 72 % de l’ensemble des communes.

L’exercice de notre droit d’amendement et notre intelligence collective nous permettront d’améliorer le texte tel qu’il a été élaboré par la commission. Certains collègues veulent profiter de l’opportunité qui leur est offerte pour améliorer la situation propre à leur territoire. C’est le cas pour les communes de l’agglomération de Lyon dont les élus vont tenter de corriger certains défauts des textes actuels, certains dispositifs législatifs qui manquent de finesse, sans que le Sénat ou l’Assemblée nationale les aient détectés à l’époque. Il est toujours temps de trouver des solutions, d’autant que les prochaines échéances électorales approchent.

Notre chambre est à l’écoute des territoires. Elle le rappelle une nouvelle fois aujourd’hui et sait, le cas échéant, proposer des solutions pertinentes, même si celles-ci sont modestes. L’intérêt de ce type de débat est précisément de corriger et d’améliorer les choses à la marge. Nous avons su agir collectivement une fois de plus. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – M. Arnaud de Belenet, Mme Françoise Gatel et M. le rapporteur applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Lherbier.

Mme Brigitte Lherbier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec un peu moins de 36 000 communes, la France fait figure d’exception en Europe. Nous constatons chaque jour la force de l’identité communale et l’importance de la commune en tant que cellule de base de la démocratie.

Dans un pays où les hommes politiques sont mal vus, seul le maire fait encore figure d’exception et échappe aux jugements péremptoires. Pour les Français, la démocratie et la proximité vont de pair.

Pourtant, les réformes territoriales successives ont renforcé le degré d’intégration des communautés de communes, des communautés d’agglomération et des communautés urbaines, en leur octroyant de nouvelles compétences. L’attribution de ces nouvelles compétences obligatoires s’est souvent faite au détriment des communes et des départements, allant parfois à contre-courant de la demande de proximité tant réclamée par nos concitoyens.

C’est pourquoi il est essentiel de veiller aux synergies entre les communes et les établissements publics de coopération intercommunale, pour ne pas démunir davantage les maires. Ces synergies passent nécessairement par une meilleure implication des communes au sein des EPCI.

Le maire doit avoir les moyens de répondre aux attentes légitimes de ses administrés. Sa présence au sein du conseil communautaire se révèle par conséquent bien souvent indispensable, afin d’éviter toute dissension entre ce qu’il souhaite pour sa commune et les projets de son intercommunalité. En effet, un maire empêché de siéger au conseil communautaire aura moins de prise sur les affaires qui concernent sa commune.

Mes chers collègues, je souhaite également revenir sur un projet de réforme régulièrement évoqué : celui de faire des EPCI, notamment des métropoles, des collectivités territoriales à part entière, dont les conseillers communautaires seraient directement élus lors d’une élection spécialement prévue à cet effet. Ce serait alors la fin de la coopération intercommunale telle que nous la connaissons aujourd’hui.

Les conseils communautaires sont à l’heure actuelle des outils de coopération et d’investissement au service de l’intercommunalité. Ils ne doivent pas devenir des outils au service d’ambitions politiciennes : la coopération ferait alors place aux égoïsmes et aux intérêts partisans.

Si un tel projet voyait le jour, loin de rapprocher nos concitoyens de la politique, il les en éloignerait davantage. Le maire deviendrait alors impuissant, et pour les investissements nécessaires au développement de sa commune, il se trouverait entre les mains d’un conseil communautaire sur lequel il n’aurait aucune prise.

Pis encore, les conseils communautaires seraient alors en proie aux querelles politiciennes, là où seul l’intérêt général devrait prévaloir.

Nous le savons, les trottoirs d’une commune ne sont ni de droite ni de gauche. Quand ils sont abîmés, il faut nécessairement les refaire, peu importe la couleur politique du maire. Aujourd’hui, la réfection de la voirie est un objet de négociation entre le maire et le conseil communautaire. Si les EPCI devenaient des collectivités territoriales à part entière, on pourrait légitimement craindre que le maire n’ait plus voix au chapitre en ce qui concerne les intérêts de sa commune.

Vous l’avez compris, l’essence même d’un EPCI est d’être un outil d’investissement au service d’une intercommunalité et des communes qui la composent. Ces communes se rassemblent pour partager un destin commun dans l’intérêt de leur territoire.

La proposition de loi tendant à renforcer les synergies entre les conseils municipaux et les conseils communautaires va dans ce sens. Elle accorde une large place au maire et préserve l’intérêt communal. Elle comporte des solutions raisonnables pour remplacer un maire en cas de démission, ou pour remédier aux dissensions apparues au sein d’une équipe.

Si le fléchage des candidats a permis de donner aux conseils communautaires une meilleure visibilité démocratique et de tendre vers davantage de parité, il a aussi créé de nouvelles difficultés que la loi n’avait pas anticipées. Cette proposition de loi permet d’apporter une réponse de bon sens à ces situations particulières. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste. – M. le rapporteur applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.

M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, hasard du calendrier, il y a quelques mois maintenant, Patricia Schillinger et moi-même avons entamé un travail, au sein de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, sur la question de la place des élus municipaux dans la gouvernance des intercommunalités.

Dans la continuité du rapport sur les conditions d’exercice des mandats locaux, qui avait suscité plus de 17 500 contributions des élus dans les territoires, nous avions souhaité répondre au sentiment d’inquiétude résultant de l’orientation prise par la construction intercommunale depuis les lois Maptam et NOTRe.

Sur le terrain, de plus en plus de voix s’élèvent en effet pour nous dire que l’esprit n’y est plus, ce que vous avez d’ailleurs rappelé, monsieur le ministre. Les élus municipaux ont le sentiment d’être pris dans de vastes ensembles, et parfois décrochent.

Sans surprise, la question de la gouvernance des EPCI revient comme un serpent de mer. Les élus municipaux communautaires et, a fortiori, les élus non communautaires, estiment qu’ils ne sont pas toujours suffisamment ou correctement bien associés aux décisions de l’intercommunalité.

Cette réalité a été confirmée par les résultats de la consultation que nous avons lancée le 27 mars dernier sur la place des élus municipaux dans la gouvernance des intercommunalités, que certains d’entre vous ont bien voulu relayer auprès des élus dans les territoires. Soyez-en remerciés, car nous avons déjà obtenu plus de 4 000 réponses en seulement trois semaines d’enquête. Cela témoigne de l’intérêt du sujet pour les élus municipaux

Dans quelques jours, ma collègue et moi-même aurons l’occasion de présenter notre rapport et de livrer les résultats de cette consultation. Mais, globalement, je peux d’ores et déjà vous dire qu’un sentiment de dépossession domine chez les élus municipaux.

Les règles de représentation au sein des conseils communautaires sont elles aussi souvent critiquées. Dans cette perspective, la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui va dans le bon sens.

Le bon fonctionnement des EPCI nécessite effectivement une parfaite coordination entre les conseils municipaux et les conseils communautaires. Comme le relève opportunément le rapporteur de la commission des lois, il s’agit, d’une part, d’une « condition de la légitimité de l’action communautaire » et, d’autre part, d’« un gage de bonne administration locale », tant les compétences communales et intercommunales sont étroitement imbriquées.

Je suis surtout heureux que ce texte, modifié par la commission des lois, tende à mieux associer les maires au fonctionnement quotidien des EPCI, notamment grâce à l’instrument de la conférence des maires.

Cet objectif, qui est au centre de notre rapport, fait partie des recommandations que Patricia Schillinger et moi-même ferons devant la délégation. Vous comprendrez que je ne veuille pas révéler ici la teneur des douze recommandations que nous formulerons la semaine prochaine (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe Les Républicains.), et qui nécessiteront aussi l’approbation de nos collègues.

Je peux toutefois vous annoncer, sans mettre fin au suspense (Mêmes mouvements.), les deux grands objectifs de ces recommandations destinées à faire place aux bonnes pratiques de gouvernance au sein des instances communautaires : il s’agit, d’une part, de mieux associer l’ensemble des conseillers communautaires aux décisions de l’EPCI et, d’autre part, d’associer plus systématiquement les élus municipaux non communautaires à ces décisions. Vous l’aurez compris, notre but est de favoriser l’implication des élus municipaux dans le fonctionnement des intercommunalités.

Mais, au sein de la délégation aux collectivités territoriales, sous l’égide de notre président Jean-Marie Bockel, nous avons choisi une approche originale et consensuelle : nous avons identifié les outils déployés dans les territoires pour répondre à cet objectif d’associer pleinement les élus municipaux à la vie et à la gouvernance des EPCI.

Notre travail a donc essentiellement visé à valoriser ces bonnes pratiques qui méritent d’être diffusées. C’était d’ailleurs une revendication très forte des acteurs de terrain que nous avons auditionnés et que nous avons rencontrés lors de nos déplacements : faire confiance à l’intelligence territoriale, faire preuve de souplesse et n’imposer aucun carcan législatif, tels sont les messages qu’ils nous ont adressés.

Comme l’affirmait le président du Sénat en novembre dernier lors du colloque de la commission des lois, consacré au rapport de notre collègue Mathieu Darnaud visant à revitaliser l’échelon communal, « tout n’est pas du domaine législatif » et « c’est le rôle du Sénat que de mettre en lumière les bonnes pratiques ».

À la délégation aux collectivités territoriales, nous nous sommes inscrits dans cette démarche – n’est-ce pas, chère Françoise Gatel ? (Mme Françoise Gatel opine.) En effet, il n’existe pas de solution unique. Les réponses, les outils, les pratiques peuvent varier d’un territoire à un autre, d’un EPCI à un autre.

Reste l’objectif fondamental : replacer l’élu municipal au cœur de la démocratie intercommunale. Je me félicite de ce que, dans les différentes instances du Sénat, et quelles que soient nos sensibilités politiques, les avis convergent pour faire en sorte que toutes les communes et tous les conseillers municipaux se sentent réellement intégrés.

À mon sens, c’est à cette unique condition que la véritable synergie – pour reprendre un terme de l’intitulé de cette proposition de loi – que nous appelons tous de nos vœux deviendra enfin réalité ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Sébastien Lecornu, ministre. L’examen de votre proposition de loi, monsieur le sénateur Alain Marc, nous offre l’occasion d’ouvrir un nouveau cycle important sur les suites à donner au grand débat national pour les élus locaux.

Je souhaite répondre à un certain nombre d’interpellations faites par l’opposition sénatoriale comme par la majorité sénatoriale sur la manière de procéder. Même si nous ne sommes pas nombreux cet après-midi, il est utile de clarifier le cadre dans lequel nous allons désormais travailler ensemble, dans les semaines à venir.

Tout d’abord – je l’avais déjà nettement discerné lors de la discussion de la proposition de loi du groupe socialiste sur les funérailles républicaines –, les interventions, quelles qu’elles soient, ont toutes un point commun, celui de poser la question de la manière de concilier deux grands principes qui se font concurrence, mais qui sont fondamentalement républicains : le principe de liberté – vous nous dites que vous voulez plus de liberté locale et qu’il faut faire confiance aux élus locaux et les laisser s’organiser comme ils l’entendent – et le principe d’égalité sur le territoire, notamment au travers d’une pratique démocratique locale.

Il est encore plus compliqué de concilier ces principes dans cette enceinte, alors que nous n’avons pas la même sensibilité politique – c’est le moins que l’on puisse dire. Il est très difficile d’élaborer un cadre suffisamment souple pour garantir le respect du principe d’égalité, et pas trop rigide non plus pour favoriser une certaine liberté : c’est un travail de Normand en quelque sorte ! (Sourires.) Fondamentalement, ce n’est pas évident.

Jusqu’où faire confiance aux élus locaux ? C’est le premier point sur lequel je veux m’attarder, car il permettra de comprendre un certain nombre des avis que le Gouvernement émettra sur les amendements examinés tout à l’heure, y compris sur un certain nombre de chantiers, comme celui des irritants de la loi NOTRe.

Pour ma part, je suis plutôt un libéral tocquevillien : j’ai donc plutôt envie d’encourager les libertés locales, mais, en même temps, je suis très attaché à l’égalité. Pour dire la vérité, sur la centaine d’heures de débats que le Président de la République a eus avec les maires, il y a autant d’interlocuteurs qui nous ont demandé de leur faire confiance, de faire en sorte que l’État soit désormais un État qui accompagne et qui laisse tranquille les élus locaux, que d’intervenants demandant pourquoi ils avaient moins de droits dans leur département que dans telle ou telle métropole, ou tel ou tel territoire.

La pulsion, l’envie, le goût de la liberté est aussi fort que le goût de l’égalité : il faudra bien que l’on ait ce débat entre nous à un moment donné. Il s’agit, à mon avis, d’un débat qui dépasse le clivage gauche-droite, et qui tient aussi à la géographie du pays puisque, selon les régions dont nous sommes originaires, notre rapport à l’État est fondamentalement différent.

Par ailleurs, et je vais parler de ce sujet avant tout comme élu local, et non comme ministre, puisque j’ai été maire, élu communautaire et élu départemental, les EPCI ont, à un moment donné, cherché à singer les communes et se sont comportés comme des collectivités territoriales. Or, juridiquement, puisque nous parlons de droit dans cet hémicycle – je mets le cas de Lyon à part –, les établissements publics de coopération intercommunale, comme leur nom l’indique, sont des établissements publics et pas des collectivités territoriales.

Monsieur le sénateur Collombat, ce n’est donc pas que vos collègues et moi-même ne vous écoutions pas tout à l’heure lorsque vous vous exprimiez, c’est que l’on disait du bien de vous !