M. Jérôme Bignon et Mme Colette Mélot. Oui !

M. Sébastien Lecornu, ministre. … sur la restauration d’un vitrail, d’un mur de cimetière, sur de petites opérations, qui sont souvent des opérations du quotidien. À cet égard, votre question m’inquiète et je vais contacter l’excellente préfète de la Somme, Muriel Nguyen. En effet, j’ai donné des instructions très claires pour que la DETR, dont les critères doivent être définis avec les associations d’élus à l’échelle locale, et la DSIL concernent les petits investissements. Il faut là aussi être très vigilant. Si, mesdames, messieurs les sénateurs – dans la mesure où vous l’entendez tous les week-ends dans votre département, monsieur le sénateur Lefèvre ! –, la DETR vous est refusée pour les petits projets qui, jadis, étaient éligibles à la réserve parlementaire, je suis preneur d’exemples pour que l’on puisse traiter ce point ensemble,…

M. Sébastien Lecornu, ministre. … car c’est absolument fondamental.

Ensuite, ne nous mentons pas, pour ce qui concerne les travaux importants de mise en sécurité, c’était non pas la réserve parlementaire qui était sollicitée, mais les crédits des DRAC, les directions régionales des affaires culturelles.

Concernant les autres collectivités, les conseils départementaux ont une longue tradition de soutien au patrimoine, de même que certaines régions. En la matière, ce sont davantage la DETR, pour un montant supérieur, et, surtout, la DSIL qui peuvent être mobilisées ; et je ne parle pas des crédits du ministère de la culture, qui sont bien sûr souvent déconcentrés et permettent aux préfets, en lien avec les DRAC, de bâtir directement des modèles de financement efficaces. Sur ce point, on peut effectivement améliorer les choses.

Concernant le mécénat territorial, il faut parvenir à mélanger les sous, les euros publics et les euros privés. C’est là tout l’enjeu des différents fonds qui peuvent être créés. Les fondations abritent d’ailleurs un certain nombre d’outils qui le permettent aujourd’hui. Là encore, nous sommes à la disposition de vos collègues élus pour des projets précis si des difficultés venaient à se faire connaître.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Lherbier.

Mme Brigitte Lherbier. Monsieur le ministre, le regrettable incendie de Notre-Dame a souligné l’importance du mécénat pour la préservation de notre richesse architecturale. Particuliers et entreprises ont un rôle déterminant à jouer, vous l’avez dit, pour valoriser nos richesses.

Dans mon département du Nord, à Tourcoing – vous le savez, j’aime en parler –, le musée des Beaux-Arts a pu bénéficier d’un partenariat solide des entreprises locales via le mécénat.

Une grande exposition sur les chrétiens d’Orient a pu voir le jour et a eu un immense succès grâce à ces entreprises locales. C’est une façon de communiquer pour elles ; c’est du « gagnant-gagnant » pour nos territoires et nos acteurs économiques, qui jouissent dès lors tous deux d’une bonne image. Mais la portée du mécénat ne s’arrête pas à la protection du patrimoine ou à la promotion culturelle. C’est aussi un moyen efficace pour mener des actions sociales.

Toujours à Tourcoing, l’action « 1 livre, 1 enfant » permet, grâce au mécénat, la distribution de livres à tous les enfants des écoles, favorisant ainsi le développement culturel, notamment dans les quartiers difficiles.

Ces actions sociales sont souvent vitales pour revitaliser les zones rurales et aider les populations qui se sentent abandonnées par les pouvoirs publics.

Comment comptez-vous soutenir ces initiatives et faire en sorte que cette dynamique se perpétue ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Madame la sénatrice Lherbier, vous avez raison de revenir sur les beaux succès tourquennois en matière culturelle, notamment aussi avec l’Institut du monde arabe, saluant ainsi l’action de Gérald Darmanin depuis qu’il a été élu maire de Tourcoing en 2014 pour ce qui concerne tous ces projets. Je vous remercie donc de lui avoir rendu hommage au travers de votre question, madame la sénatrice. (Mme Éliane Assassi rit.)

Le meilleur des moyens de ne pas gâcher ces succès tourquennois est de garantir une forme de stabilité. Vous l’avez dit vous-même en citant tout ce qui a fonctionné, sans d’ailleurs pointer du doigt de difficulté particulière – il y en a sûrement eu dans l’art d’exécution. Mais, globalement, qu’est-ce qui pourrait tuer ces beaux succès tourquennois voulus, imaginés et produits par Gérald Darmanin, avec Didier Droart, auquel nous rendons hommage, et Jean-Marie Vuylsteker, ou contribuer à ce qu’ils ne se reproduisent pas ? Il faut bien évidemment garantir une stabilité dans les mois et les années qui viennent.

Lorsqu’un entrepreneur décide de confier de l’argent à une collectivité territoriale pour une opération de rénovation, pour un projet culturel, il entend que l’environnement normatif, législatif, réglementaire et, surtout, essentiellement, fiscal ne change pas. Or tel était, me semble-t-il, l’engagement du Gouvernement dans le cadre du projet de loi de finances. C’est ce que Gérald Darmanin avait indiqué ici et c’est que Franck Riester, ministre de la culture, qui nous rejoint dans cet hémicycle, avait également annoncé.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, permettez-moi tout d’abord de remercier nos collègues du groupe Les Indépendants – République et Territoires d’être à l’initiative de ce débat. On doit effectivement s’interroger sur les raisons pour lesquelles le mécénat territorial s’est développé ces dernières années.

Il s’agit bien souvent pour les collectivités territoriales d’accéder à un fonds de trésorerie inaccessible et de combler ainsi les économies qui leur sont imposées, notamment au travers de la réduction des dotations qui s’est opérée au cours de ces dernières années et de celle qui est annoncée dans un avenir proche. Soit les collectivités territoriales réduisent la voilure des services publics locaux, soit elles trouvent d’autres sources de financement. À cet égard, le mécénat vient combler ce manque à gagner, même si c’est à la marge.

Du côté des entreprises mécènes, on peut voir la face optimiste de cette affaire, si je puis le dire ainsi. Il s’agit pour elles de participer ainsi aux infrastructures publiques. Mais, ne soyons pas naïfs ! La réduction substantielle d’impôt et la possibilité de choisir leur cause et ce qu’elles font de leur argent sont une opportunité à ne pas manquer. Dans la mesure où les dons ouvrent droit à une réduction d’impôt, les collectivités privent tout de même, monsieur le ministre, l’État de rentrées fiscales importantes. Au final, les seuls véritables gagnants de ce système sont les entreprises mécènes.

Je ne reviendrai pas sur les propos de nos collègues sur Notre-Dame ; nous aurons d’ailleurs l’occasion d’y revenir dans un avenir proche.

Je vous poserai une seule question, monsieur le ministre, pour être rapide : les collectivités auraient-elles eu recours au mécénat si l’État ne les y avait pas contraintes par des plans d’austérité ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Madame la présidente, je ne partage qu’à moitié, vous vous en doutez, la philosophie de votre intervention.

Il y a aussi une démarche citoyenne dans le fait de participer à un projet. Les entreprises concernées ne sont pas que les grandes entreprises ; il y a aussi des entreprises de proximité. On a beaucoup parlé de culture et de patrimoine depuis tout à l’heure, mais le sport entre également dans le champ du mécénat territorial.

M. Michel Savin. Vous n’en avez pas beaucoup parlé !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je n’y suis pour rien si je n’ai pas eu trois quarts d’heure pour m’exprimer, monsieur le sénateur ! Je suis à la disposition du Sénat ! Si vous ouvrez la séance jusqu’à trois heures du matin, je pourrai vous parler de sport… (Sourires.)

La réalité, madame la présidente, c’est que le fait de réunir tous les acteurs d’un territoire autour d’un projet présente tout de même une dimension citoyenne. Associer des commerçants, des entrepreneurs, des citoyens fait souvent société locale. Je le vois par moi-même en présidant la fondation abritée à Vernon pour la collégiale de Vernon ou le musée des impressionnismes de Giverny…

M. Antoine Lefèvre. Cumul ! (Sourires.)

M. Sébastien Lecornu, ministre. Quand les gens participent à l’acquisition d’une œuvre, on fait société locale en réunissant tout le monde, y compris les entrepreneurs locaux.

Par ailleurs, j’évoquerai un point que votre question ne traite pas complètement : fondamentalement, le mécénat territorial – on n’a pas eu le temps de le dire suffisamment – est une opportunité pour les collectivités territoriales en termes d’investissements. Soyons clairs, c’est de l’argent en plus qui est versé sur la maquette financière d’un projet local.

Le véritable enjeu, concernant le mécénat, demeure ce qui concerne le fonctionnement, avec beaucoup de petits travaux du quotidien, des embellissements, des travaux de mise en sécurité, voire, tout simplement, la rémunération du personnel chargé de l’entretien. Ce sont là des questions de fonctionnement et non pas d’investissement. Or les choses sont beaucoup plus difficiles. C’est pour cette raison que vous vous réjouissez, madame la présidente, que le Gouvernement ne diminue plus la DGF des collectivités territoriales !

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez.

Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le président, messieurs les ministres, le mécénat permet entre autres l’aboutissement de projets en lien avec les territoires. En cette période où les ressources financières des collectivités sont fragilisées, cette voie est donc à privilégier.

Dernièrement, nous avons vu avec peine un chef-d’œuvre architectural, un symbole fort de notre histoire, en proie aux flammes. Mais, malheureusement, combien de monuments, combien de sites historiques et culturels, chargés de valeur, sont au bord de l’effondrement ? Combien de patrimoines à préserver davantage sont à dénombrer dans nos nombreuses communes ? Les exemples se multiplient tristement.

Aussi, la France dispose d’un cadre fiscal assez attractif, qui permet de favoriser ce mode de financement. Cependant, parmi les difficultés qui existent, il y a celle de la mise à disposition, et plus généralement celle du manque d’information sur les manières de contribuer.

Dans plusieurs cas, nous avons observé l’existence de plusieurs plateformes consacrées à la collecte de fonds. Je veux croire qu’elles partent d’un bon sentiment. Toutefois, des citoyens, mais aussi des acteurs privés ou publics pourraient parfois être victimes d’une forme de confusion face à la multiplication de ces supports, comme les cagnottes en ligne, en particulier lorsqu’un traitement médiatique d’envergure nationale a été consacré à un bien connu. Cette confusion est d’autant plus importante quand nous apprenons l’existence de manœuvres frauduleuses, ce qui renforce alors le sentiment d’insécurité.

Ainsi, ne serait-il pas envisageable, monsieur le ministre, de créer, par exemple, une plateforme unique officielle, qui aurait pour objet de répertorier chaque support créé pour participer à des projets nationaux et locaux ?

Une telle possibilité faciliterait la mise à disposition, sur un site public et sécurisé, d’informations vérifiées. Nous pourrions également imaginer un système où les dons publics seraient indiqués. En outre, un tel site favoriserait la transparence et la traçabilité des donations publiques. Bien évidemment, je parle de « mise à disposition » ; il ne devrait en aucun cas s’agir d’une mainmise de la puissance étatique sur le mécénat ni d’un contrôle.

Par conséquent, est-il possible, monsieur le ministre, de recueillir l’avis du Gouvernement sur cette proposition et de connaître plus généralement les pistes envisagées pour pallier les difficultés que je viens de soulever ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux tout d’abord vous informer que l’Assemblée nationale vient d’adopter la proposition de loi tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse, qui avait été adoptée à l’unanimité par le Sénat. Elle l’a adoptée à la quasi-unanimité, avec 80 votes pour et 1 contre. (Mme Colette Mélot applaudit.)

M. Antoine Lefèvre. Un modèle à suivre !

M. Michel Savin. Écoutez le Sénat ! (Sourires.)

M. Franck Riester, ministre. En effet, ce travail entre le Sénat, l’Assemblée nationale et le Gouvernement est un modèle à suivre. On peut se réjouir de ce vote en ce 9 mai, qui célèbre la Journée de l’Europe. C’est une belle satisfaction que de voir que la France est le premier pays à avoir transposé la directive sur le droit d’auteur pour laquelle elle s’est beaucoup mobilisée avec les parlementaires européens. Je ferme là la parenthèse, madame la sénatrice, pour répondre à votre question.

Je partage votre conviction, il est nécessaire de veiller à éviter toute escroquerie. Nous devons faire en sorte que nos compatriotes qui, d’une manière ou d’une autre, souhaitent participer à la restauration du patrimoine au travers du mécénat ne soient pas floués ou, bien évidemment, ne donnent pas d’argent sur des sites malveillants. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons voulu nous assurer, pour ce qui concerne Notre-Dame de Paris, que les donateurs puissent donner en toute connaissance de cause et puissent notamment bénéficier des réductions d’impôt spécifiques que nous allons voter avec la loi sur Notre-Dame. Il s’agit pour les particuliers d’une réduction d’impôt de 75 % pour des dons allant jusqu’à 1 000 euros, sachant que les règles s’appliquant aux entreprises pour le mécénat restent inchangées.

À cet égard, nous avons voulu rassembler les trois fondations et l’institution dans un même portail pour garantir l’effectivité de cette réduction d’impôt et assurer la transparence financière pour les donateurs. Nous avons donc répondu à votre préoccupation.

Pour autant, et sans vouloir être trop long, je suis convaincu qu’il ne faut pas généraliser ce principe. Il faut laisser les projets, les fondations, toutes celles et tous ceux qui veulent contribuer…

M. le président. Je vous remercie de conclure, monsieur le ministre !

M. Franck Riester, ministre. Comme j’étais à l’Assemblée nationale il y a encore quelques instants, je ne me souvenais plus que ce débat s’inscrivait dans un temps limité, monsieur le président.

Ne bridons pas les initiatives et laissons les fondations, avec les mécènes, faire leur travail à l’avenir !

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.

M. Antoine Lefèvre. Messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question concerne le mécénat territorial dans le domaine culturel. Nous sommes heureux de saluer le ministre de la culture, qui nous a rejoints.

Il y a trois ans, lors de l’examen du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, la loi LCAP, le Sénat avait proposé une nouvelle forme de mécénat territorial. Le rapporteur du texte pour la commission de la culture, M. Jean-Pierre Leleux, avait alors suggéré de mettre en place un dispositif permettant aux entreprises et aux commerçants d’une commune ou d’une intercommunalité de soutenir l’action d’un organisme associatif reconnu d’intérêt général dans le domaine de la culture, afin de l’aider financièrement. En contrepartie, les mécènes auraient pu déduire une partie de ce don de leur taxe locale au profit du territoire.

Ce système est comparable au dispositif de mécénat actuel de la loi Aillagon, qui offre aux ménages une possibilité de déductibilité fiscale, qui fonctionne d’ailleurs très bien.

On pourrait prévoir que la déduction fiscale sur la cotisation foncière des entreprises, impôt local payé soit à la commune, soit à l’EPCI, soit limitée à 60 %, comme dans les dispositifs nationaux, et plafonnée, par exemple à 2 500 euros par don. Il n’y aurait bien évidemment aucune obligation pour les collectivités à mettre en œuvre le dispositif proposé.

Je crois beaucoup à une implication territoriale du mécénat, à la proximité. Les collectivités connaissent, nous le savons, les entreprises de leur territoire. Dans un contexte de baisse des dotations, comme cela a été rappelé, cela leur donnerait la possibilité d’optimiser des ressources extérieures.

Nous avions adopté ce dispositif lors de la discussion de la loi LCAP, mais la ministre Fleur Pellerin, bien que favorable sur le principe, souhaitait qu’une expertise soit menée.

Monsieur le ministre, cette expertise a-t-elle bien eu lieu ? Que pensez-vous de cette proposition ?

M. le président. La parole est à M. le ministre. Je suis strict sur le temps de parole, car nous essayons de faire tenir le débat en une heure, au lieu d’une heure et demie – c’est là le problème !

M. Franck Riester, ministre de la culture. Monsieur le président, je le redis, j’avais oublié le contexte.

Il est nécessaire de réfléchir collectivement sur les questions de mécénat. Nous sommes tout à fait ouverts à l’idée de faire évoluer les dispositifs. La preuve en est avec Notre-Dame. Je propose de continuer à travailler avec vous sur ces questions, notamment avec le sénateur Leleux. La proposition peut aller dans le bon sens, mais voyons-en toutes les conséquences.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret.

Mme Corinne Féret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai la chance de représenter au Sénat un département, le Calvados, qui est l’un des plus riches de France en matière patrimoniale. Il se classe même au troisième rang national pour ce qui est du nombre des monuments historiques, inscrits ou classés, qui embellissent villes et campagnes d’une architecture variée et participent à l’attractivité touristique.

Tout le monde sait que, depuis la loi de 1905 relative à la séparation des Églises et de l’État, l’entretien des églises et chapelles construites avant cette date ainsi que celui des œuvres qu’elles abritent incombent aux communes qui en sont propriétaires.

À l’heure où les mécènes se sont rapidement mobilisés pour la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, il me semble opportun d’évoquer l’entretien du patrimoine religieux de nos petites communes rurales.

Bien sûr, il y a les dons des fidèles, mais ce n’est pas suffisant. On me dira qu’il existe des dotations du ministère de la culture, qu’un fonds incitatif et partenarial pour les monuments historiques situés dans les communes à faibles ressources a été reconduit en 2019 ou que les départements et régions peuvent également intervenir.

De toute évidence, je le répète, cela ne suffit pas pour faire face aux besoins actuels.

La mise en place de démarches structurées de mécénat fait encore figure d’innovation au sein de nombre de collectivités, en particulier en milieu rural. De telles démarches nécessitent une adaptation tant des élus et des agents que des parties prenantes externes, les TPE-PME n’étant pas toujours au fait des incitations prévues par la loi Aillagon de 2003. Il convient donc d’encourager une forme de professionnalisation des différents acteurs et l’échange de bonnes pratiques.

Sur cette problématique spécifique de l’entretien et de la restauration des églises, je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, ce que vous proposez pour renforcer l’attractivité du mécénat territorial en direction des petits édifices religieux de nos campagnes ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Franck Riester, ministre de la culture. C’est une très bonne question, madame la sénatrice. Vous avez rappelé les dispositifs que nous avons souhaité mettre en place ou renforcer en 2019. Nous avons par exemple augmenté les crédits du fonds spécifique destiné aux collectivités de petite taille, car ces territoires rencontrent encore plus de problèmes pour restaurer leur patrimoine.

J’ajoute que le loto du patrimoine constitue aussi une réponse adaptée pour ces territoires, parce qu’il concerne particulièrement le patrimoine vernaculaire et celui qui n’est ni inscrit ni classé aux monuments historiques.

En ce qui concerne le mécénat, nous avons augmenté les plafonds applicables aux petites entreprises pour qu’elles puissent donner davantage. C’est une mesure qui est bien adaptée à la restauration du patrimoine de proximité.

Je suis convaincu que nous irons encore plus loin en 2020 pour flécher le maximum de moyens vers les petites communes et les territoires dont les ressources sont limitées. Nous savons bien que, dans notre pays, il existe un réel attrait pour le patrimoine territorial. C’est pourquoi, je le répète, nous essaierons, au travers à la fois des dispositifs de mécénat comme des choix budgétaires de l’État, de renforcer encore les moyens d’action de ces collectivités territoriales.

M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac.

Mme Marta de Cidrac. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à travers les collectivités, le mécénat territorial permet de développer des projets dans des domaines très variés. Les collectivités territoriales sont aussi légitimes que n’importe quelle structure pour porter des projets de mécénat.

Je rappelle que 81 % des entreprises disent privilégier des projets au niveau local et régional et 71 % des fondations et fonds de dotation tiennent compte des lieux d’implantation géographique de leur entreprise au moment de la sélection des projets.

Autre chiffre intéressant, environ 85 % des entreprises ne font pas appel au mécénat. Cela laisse donc d’immenses possibilités de développement. Encore faudrait-il que le dispositif soit clair et encourage les acteurs locaux à s’engager dans cette démarche sur leur territoire !

Monsieur le ministre, j’aurai deux questions.

Au regard de certaines réflexions que j’ai pu lire ou entendre dans les médias, pouvez-vous nous assurer de la pérennité des dispositifs existants ?

Surtout, qu’envisagez-vous de faire pour clarifier et encourager le mécénat territorial au service des projets locaux ? Tous les acteurs ne sont pas au courant des dispositifs existants et je crois qu’il est nécessaire de les clarifier.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Madame la sénatrice, le mécanisme du mécénat est un bon dispositif. Peut-être faut-il le faire connaître davantage ? Je prends bonne note de votre remarque, qui me semble judicieuse, et nous pourrons réfléchir à la manière de mieux communiquer auprès des acteurs susceptibles de s’inscrire dans une telle démarche. Il sera peut-être utile de mettre en place un plan de communication spécifique en la matière.

En tout cas, il n’est pas du tout prévu – c’est même l’inverse ! – de revenir sur les dispositifs qui accompagnent les collectivités territoriales concernant le mécénat.

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme.

M. François Bonhomme. Dans son rapport relatif au soutien public au mécénat des entreprises, la Cour des comptes a récemment souligné les problèmes de concentration dont souffre le secteur du mécénat, le dispositif d’encouragement profitant essentiellement aux grandes entreprises : en 2016, vingt-quatre entreprises concentraient à elles seules 44 % de la dépense fiscale liée à ce dispositif.

Dans le même sens, en juillet 2018, la mission d’information sur le mécénat culturel conduite par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat en appelait, dans ses conclusions, au développement du mécénat territorial. Selon les conclusions de cette mission d’information, les entreprises seraient désormais « plus mûres pour cette évolution, compte tenu de leur attrait pour des projets de proximité ». Qu’en est-il de la mise en application in situ ?

À l’occasion de leurs travaux, nos collègues ont notamment pu relever que, si les DRAC disposent toutes, en théorie, de correspondants mécénat, dans les faits, les pratiques semblent très disparates. Certaines DRAC sont très actives en matière de mécénat, mais de manière générale, leurs correspondants mécénat font parfois face à des manques de moyens ou de personnels évidents.

Dans certaines situations, les DRAC se contentent d’un rôle plutôt technique, qui porte notamment sur les autorisations de travaux et les études préliminaires. La gestion du mécénat revient alors aux collectivités et nombreux sont les départements qui sont appelés à s’organiser avec les moyens du bord…

Dans leurs conclusions, nos collègues de la mission d’information sur le mécénat culturel invitaient à ce titre l’ensemble des collectivités à se saisir de cette problématique afin d’éviter que les inégalités ne se creusent davantage.

Dès lors, monsieur le ministre, quelles mesures entendez-vous mettre en œuvre pour accompagner au mieux les collectivités ?

M. Michel Savin. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Monsieur le sénateur, comme je le disais tout à l’heure, s’il faut mieux communiquer et accompagner, nous le ferons ! Je vais d’ailleurs travailler avec la cellule « mécénat » du ministère de la culture pour voir de quelle manière elle peut venir davantage à l’appui des collectivités territoriales.

J’ajoute que le Parlement a voté, l’an dernier, un dispositif qui permet aux petites entreprises de donner davantage. Vous savez que le plafond de dons en matière de mécénat est fixé à 0,5 % du chiffre d’affaires. Le nouveau dispositif permet de porter ce plafond à 10 000 euros pour les entreprises qui réalisent un petit chiffre d’affaires, ce qui permet le cas échéant de dépasser le pourcentage de 0,5 %.

Cela va dans le sens de ce que vous indiquiez. Nous évaluerons bien évidemment les conséquences de cette décision, mais sachez que nous souhaitons élargir le plus possible le mécénat aux petites entreprises.

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde.

Mme Christine Lavarde. La commune de Clichy, dans les Hauts-de-Seine, s’est dotée d’un fonds de dotation qui a réussi à récolter 1,5 million d’euros depuis sa création au milieu de l’année 2016. Au-delà des deux sociétés fondatrices, L’Oréal et BIC, quarante entreprises ont contribué à ce fonds.

Je citerai pêle-mêle quelques exemples d’initiatives financées par ce fonds : semaine du droit des femmes, exposition sur la Grande Guerre, course-marche La Clichoise, fête de la musique, initiation des écoliers au codage ou encore ouverture de la médiathèque Jean d’Ormesson.

Si cette structure constitue aujourd’hui une réussite, il faut cependant dire qu’elle n’a pas été facile à porter sur les fonts baptismaux. En effet, les fonds de dotation sont si peu développés aujourd’hui que la ville a dû se faire accompagner d’un conseil spécialisé pour écrire les statuts, prospecter et convaincre les entreprises de s’inscrire dans le projet.

Par ailleurs, au-delà de la collecte des dons, il faut trouver des porteurs de projets suffisamment organisés et solides, capables de mettre en œuvre des initiatives susceptibles d’attirer les capitaux privés.

Enfin, dernière difficulté – ce n’est pas la moindre : le maire est président de la fondation, si bien que toutes les activités de celle-ci vont être mises en sommeil pendant la période de réserve qui précède le scrutin municipal.

Monsieur le ministre, cette règle de réserve doit-elle s’appliquer à des structures qui concourent à l’intérêt général et portent des projets, dont les calendriers n’ont pas de raison, a priori, de coïncider avec le calendrier électoral ?