M. Philippe Dallier. Ah, voici la conclusion ! (Sourires.)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. … je ne peux que constater les malentendus qui se sont installés. À l’évidence, le sujet a encore besoin d’un temps de maturation et d’une meilleure articulation avec la question de la direction d’école…

M. Philippe Dallier. Exactement !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. … ou celle de la revitalisation du monde rural.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de léducation et de la communication. Tout à fait !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Bref, nous devons avoir une vision systémique.

J’entends parfaitement ceux qui jugent ce projet prématuré, même si l’on pourrait leur répondre que le sujet est débattu depuis plusieurs décennies… Il existe une tension entre deux points de vue respectables, mais, in fine, il faut aboutir.

J’en ai acquis la conviction au fil des dernières semaines, les discussions doivent être poursuivies. Le présent texte peut-il, d’ores et déjà, consacrer certains principes : la question n’est pas tranchée ; plus largement, le débat est ouvert. Au-delà de la discussion de ce projet de loi, le sujet devra être travaillé au cours des prochains mois et faire l’objet de la plus vaste concertation, avec les associations d’élus…

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. … et les syndicats. Nous devons agir en notre âme et conscience ; je le ferai à la lumière des principes que j’ai énoncés.

La rédaction proposée par M. Grosperrin présente des avantages et des inconvénients. Elle apporte des garanties, ce qui constitue un progrès que je salue, mais elle a ses limites et ses lacunes et, si elle était adoptée, bien des voix les dénonceraient. En tout état de cause, sur l’amendement n° 264 rectifié quater et les sous-amendements, je m’en remets à la sagesse du Sénat.

M. David Assouline. L’accord est passé !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre Monier. En commission, la suppression de l’article 6 quater a été votée à l’unanimité. Aujourd’hui, on nous propose de le rétablir sous une forme plus habile, certes, mais les conséquences de sa mise en œuvre resteraient tout aussi néfastes pour les territoires et le service public. Ne nous y trompons pas : avec une telle réforme, on aura, d’un côté, des établissements XXL, et, de l’autre, des établissements ruraux qui perdront des élèves. (M. Rachid Temal acquiesce.) Dans nos territoires ruraux et hyper-ruraux, les classes vont se vider, notamment celles de CM1 et de CM2 : à terme, elles fermeront, puis ce seront les écoles.

Cette mesure est proposée sans évaluation, sans avis du Conseil d’État, sans étude d’impact. Or, nous sommes tous d’accord pour le dire, il s’agit d’un sujet essentiel. Il faut prendre le temps de la réflexion et, avant tout, confirmer la suppression de ces dispositions, qui ne figuraient pas dans le projet de loi initial.

Hier, nous avons consacré une heure de débat aux trajets des élèves : imaginez le temps que les enfants de CM1 et de CM2 vont passer dans les transports si cette concentration scolaire est mise en place, au détriment d’un maillage territorial équilibré. On va, une fois de plus, éloigner un service public essentiel !

Le rapporteur a dit qu’il fallait rendre les écoles plus attractives pour les enseignants, mais, au-delà, le problème de fond, c’est l’attractivité de nos territoires ruraux et hyper-ruraux. Pourquoi nos jeunes ne veulent-ils plus y vivre ? Pourquoi nos agriculteurs ne peuvent-ils plus vivre de leur travail ? Voilà le fond du problème !

J’en appelle à la sagesse du Sénat, à la sagesse de chacune et chacun d’entre nous : ne soyons pas les fossoyeurs de nos écoles rurales ! Je vous invite à voter contre l’amendement de M. Grosperrin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Laurence Cohen applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.

Mme Céline Brulin. Nous aussi, nous nous sommes réjouis que la commission unanime supprime l’article 6 quater, faisant ainsi écho aux inquiétudes exprimées dans le pays, tout particulièrement par les élus locaux. Au-delà du texte, il y a le contexte : dans les territoires ruraux et dans certains de nos quartiers urbains, les services de l’éducation nationale enjoignent aux élus locaux de trouver des formules pour faire reculer le service public, au risque de rompre le lien historique, qui demeure très fort et très fécond au regard des enjeux actuels, entre la commune et l’école.

À la lumière de ces inquiétudes, certains de nos collègues ont jugé bon de retravailler cet article. Mais, au cours des auditions auxquelles nous avons procédé, nous n’avons entendu qu’un seul avis qui ne soit pas défavorable à la création des établissements publics des savoirs fondamentaux. L’auteur de cet unique avis invoquait cependant la nécessité d’expérimenter des synergies entre l’école et le collège. Or les dispositions ici proposées sont si précises qu’elles excluent les expérimentations, celles-ci réclamant de la souplesse.

Plusieurs orateurs l’ont dit : une modification aussi profonde de l’organisation scolaire ne peut pas être décidée au détour d’un débat comme celui que nous menons aujourd’hui. Elle exige véritablement des études approfondies. On peut d’ailleurs se féliciter que le Sénat ait créé une mission d’information sur les nouveaux territoires de l’éducation.

Enfin, on a beaucoup insisté que le dispositif ne serait mis en œuvre que sur la base du volontariat. Or, on le sait, le rapport de force entre les élus locaux et les services de l’État n’est pas toujours équilibré…

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Nous sommes, si je puis dire, devant un cas d’école ! (Sourires.)

Monsieur le ministre, j’approuve presque tout ce que vous avez dit à propos de ces amendements. Il s’agit là d’un vrai sujet, qui est sur la table depuis longtemps déjà. Ce qui est incompréhensible, c’est la manière dont il a été abordé.

Un tel dossier doit nécessairement être porté par le Gouvernement,…

M. Philippe Dallier. … après la concertation la plus large possible. Il ne peut en aucun cas être traité par voie d’amendement, que ce soit à l’Assemblée nationale ou au Sénat. Ce n’est pas possible ! (Marques dapprobation sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Je salue les efforts de notre collègue Grosperrin, mais, pour l’heure, j’estime que nous devrions nous en tenir à la suppression de cet article. D’ailleurs, monsieur le ministre, j’ai cru discerner dans votre propos la volonté de mettre de nouveau le sujet sur la table, en reprenant les choses dans l’ordre. Dès lors, la question est de savoir dans quel délai : il ne faudrait pas que ce coup manqué nous fasse encore perdre dix ou quinze ans…

Vous ne vouliez pas de loi Blanquer, monsieur le ministre, mais vous aurez une loi Blanquer I, et je vous invite à déposer rapidement un projet de loi Blanquer II… (Sourires.)

M. Philippe Dallier. Je le dis très sérieusement ! Il faut, conjointement avec ce sujet, traiter la question du statut des directeurs d’école. (Marques dapprobation sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Philippe Dallier. Revenez donc avec un second texte, et traitons enfin, après avoir procédé à la plus vaste concertation possible, notamment avec les élus locaux, tous ces sujets qui, jusqu’à présent, étaient presque considérés comme des tabous. À plusieurs reprises, j’ai évoqué devant vous ma rencontre avec des directeurs d’école, des parents d’élèves et des enseignants : ce moment fut assez difficile à vivre, même pour moi qui n’ai pas la responsabilité de ce texte. À l’évidence, il faut rouvrir ce débat, le conduire à son terme et prendre des décisions, mais, en tout état de cause, pas de cette manière-là ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

M. Max Brisson, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.

Mme Corinne Féret. Monsieur le ministre, le débat est ouvert, avez-vous dit, mais ces dispositions, introduites en commission à l’Assemblée nationale, posent des problèmes de méthode. Elles n’ont pas fait l’objet d’une étude d’impact, ce qui est d’autant plus regrettable que leur adoption entraînerait un véritable bouleversement. S’agissant de la présence du service public de l’éducation dans nos territoires, il aurait également été préférable de recueillir, en amont, non seulement l’avis du Conseil d’État, mais aussi celui des élus, en particulier des maires de nos petites communes, ainsi que d’entendre la communauté éducative.

Sur le fond, j’ai demandé aux maires de mon département, le Calvados, ce qu’ils pensaient de votre projet de loi. Or, au sujet des établissements publics des savoirs fondamentaux, leur réponse est sans appel. Certes, il s’agirait de regroupements facultatifs, menés sur l’initiative des collectivités territoriales, mais de nombreux maires m’ont fait part de leur légitime inquiétude. Dans la pratique, les mutualisations se sont trop souvent traduites par une mise en commun de moyens et, à terme, par la disparition progressive de la présence de la puissance publique et de ses services.

À l’heure où la reconquête des territoires ruraux est affichée comme une priorité, il convient d’être particulièrement vigilants. En effet, cette mesure modifierait en profondeur l’organisation du système éducatif dans notre pays et, potentiellement, le maillage scolaire, notamment dans les zones rurales et périurbaines, où les services publics sont en régression permanente : toujours moins de services publics, toujours moins de bureaux de poste, toujours moins de services de santé ! Allons-nous maintenant organiser la suppression de classes et d’écoles, quand on nous demande précisément l’inverse : maintenir un maillage très dense de nos écoles dans l’ensemble du territoire, garantir les postes et les emplois ?

Monsieur le ministre, trop d’incertitudes entourent cette réforme, qui inquiète les élus et, plus largement, tous les acteurs de terrain. La préservation et le renforcement du maillage scolaire sont des conditions essentielles du maintien de l’attractivité de nos campagnes. Ne portez pas un nouveau mauvais coup à la ruralité !

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Par-delà nos divergences, nous approuvons tous la position de la commission. Or l’amendement n° 264 rectifié quater réintroduit par la fenêtre, en définitive, ce que la commission a fait sortir par la porte ! Nous devons en avoir pleinement conscience.

Monsieur le ministre, la création des établissements publics des savoirs fondamentaux, destinés à regrouper plusieurs écoles de niveaux très différents, allant de la petite section à la troisième, revient, à mon sens, à mettre en place des monstres scolaires. Cela m’évoque, à moi qui siège à la commission des affaires sociales, d’autres monstres : les regroupements hospitaliers territoriaux. Au prétexte de mutualiser, on risque de désorganiser tout à la fois l’école et les territoires. C’est pourquoi je suis sensible aux propos de M. Dallier : avant de proposer de telles mesures, il faut mener une très large concertation avec le milieu scolaire et les élus locaux.

Ces regroupements ne présentent aucun intérêt pédagogique pour les élèves. Vous affirmez, monsieur le ministre, qu’ils vont favoriser les synergies entre l’école primaire et le collège, y compris dans le domaine de la santé. Pas plus tard qu’hier, vous avez balayé d’un revers de main notre amendement tendant à garantir une visite médicale pour les collégiens… Votre argumentation est parfois à géométrie variable.

Mes chers collègues, ne réintroduisons pas des dispositions qui ont été supprimées à juste titre par la commission !

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.

Mme Sylvie Robert. Monsieur Grosperrin, je tiens à vous remercier : en commission, nous avions émis un signal très fort en supprimant cet article et, en proposant de le rétablir, vous nous permettez d’avoir ce débat en séance publique.

Monsieur le ministre, le péché originel, c’est d’avoir accepté d’introduire cet article par voie d’amendement à l’Assemblée nationale,…

Mme Sylvie Robert. … sans avis du Conseil d’État, sans étude d’impact, sans que la concertation soit achevée. J’ajoute que les dispositions créant ces nouveaux établissements publics étaient écrites de manière extrêmement imprécise ! À cet égard, je salue la nouvelle rédaction proposée : les savoirs fondamentaux sont une chose, le socle commun de connaissances en est une autre. La sémantique est importante !

Surtout, il avait été omis de faire référence à l’intérêt supérieur de l’enfant, au lien avec la communauté éducative, au rôle du maire. Peut-être avait-on également sous-estimé les conséquences d’une telle réforme du service public de l’éducation nationale : elle touchera nécessairement au cœur même de ce qui constitue le rôle, les missions, les fonctions de l’école et, par voie de conséquence, des directeurs.

Nous devons faire preuve de constance et de cohérence. Monsieur Dallier, à propos du statut des directeurs d’école, j’ai bien compris que vous aviez voulu ouvrir le débat en présentant un amendement d’appel.

M. Philippe Dallier. Tout à fait !

Mme Sylvie Robert. Sur ce sujet, je vous rejoins : le Gouvernement aurait dû prendre lui-même en main ce dossier et inclure la question du statut du directeur d’école dans la réflexion.

En réalité, le dispositif présenté reprend des expérimentations déjà en cours dans beaucoup de territoires.

M. David Assouline. Évidemment !

Mme Sylvie Robert. Bien sûr, nous soutenons l’école du socle, la continuité éducative entre le cycle 3 et le collège. Mais pourquoi ne pas avoir commencé par évaluer ces expérimentations ? Il existe des facteurs de réussite. Vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre, il faut travailler le projet pédagogique, l’adapter aux spécificités territoriales. On peut rapprocher les écoles : on n’est pas obligé de les regrouper.

Tous ces sujets exigent de prendre le temps de la concertation. Les inquiétudes sont nées de la précipitation avec laquelle vous avez procédé, en faisant fi du rôle des maires, de l’autorité compétente de l’État et de la communauté éducative.

Pour conclure,…

M. le président. Votre temps de parole est déjà expiré, chère collègue.

Mme Sylvie Robert. … nous devons prendre le temps d’approfondir ce travail. Pour l’heure, nous devons renouveler dans l’hémicycle le signal que nous avons donné en commission. Ce sera tout à notre honneur !

M. Rachid Temal. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour explication de vote.

M. Jean-Raymond Hugonet. J’ai souri en entendant notre rapporteur nous appeler à moins de passion : il est lui-même incapable d’observer cette injonction quand il s’agit de l’éducation nationale !

Je tiens à saluer le travail de fond accompli en commission, sous l’égide de notre rapporteur et la bienveillante présidence de Catherine Morin-Desailly.

Monsieur le ministre, je salue l’action que vous menez depuis votre entrée en fonction. Je me réjouis que notre pays possède enfin un vrai ministre de l’éducation nationale ! Personne ici ne peut sincèrement douter de votre honnêteté intellectuelle.

M. Jean-Raymond Hugonet. Oui, chère collègue, il y a un « mais » ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)

M. Fabien Gay. On l’attendait !

M. David Assouline. Après tant de cirage…

M. Jean-Raymond Hugonet. Hier, notre collègue Sophie Taillé-Polian l’a dit à juste titre : c’est la troisième fois que l’on nous fait le coup de la confiance ! Je pense, notamment, à cette baudruche qu’a été la loi pour un État au service d’une société de confiance. Or la confiance, c’est comme la confiture : moins on en a, plus on l’étale.

Monsieur le ministre, vous l’avez souligné : voilà plus de dix ans que nous débattons de ces sujets, qui ne sont pas mineurs. Aujourd’hui, un consensus semble possible, même s’il sera difficile à trouver. Mais, en l’occurrence, nous sommes face à un problème de méthode : comment concevoir qu’une réforme si importante soit introduite piteusement…

M. Jean-Raymond Hugonet. … par la voie d’un amendement déposé à l’Assemblée nationale non par vous, mais par une députée ? À présent, nous devrions en somme aller à la pêche avec une épuisette pour trouver des solutions ! Je salue néanmoins l’excellent travail de Jacques Grosperrin…

M. le président. Il faut conclure, monsieur Hugonet.

M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le président, laissez-moi quelques secondes de plus : tous les orateurs dépassent leur temps de parole !

Je souscris à la proposition de bon sens de notre collègue Dallier : oui à une loi Blanquer II qui traitera également du statut des directeurs d’école !

M. Fabien Gay. Eh bien voilà !

M. Pierre Ouzoulias. Il fallait le dire tout de suite !

M. le président. La parole est à Mme Samia Ghali, pour explication de vote.

Mme Samia Ghali. J’ai l’impression que certains d’entre nous tiennent un double, voire un triple discours.

M. Philippe Dallier. Bien sûr, il y a un complot !

Mme Samia Ghali. Pas encore, monsieur Dallier, mais nous n’en sommes peut-être pas loin !

Chers collègues de la majorité sénatoriale, vous reprochez au Gouvernement de mettre à mal les territoires, mais, quand nous les défendons, vous refusez de nous soutenir.

M. Philippe Dallier. Vous faites vraiment dans la dentelle…

Mme Samia Ghali. Monsieur le ministre, aujourd’hui, pour survivre, beaucoup de communes ne peuvent plus compter que sur leur école.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Ce n’est pas le sujet…

Mme Samia Ghali. Il y a un lien : les familles veulent habiter à proximité d’une école. S’il n’y a pas d’école dans une commune, elles ne s’y installent pas.

Pourquoi sert-on des petits-déjeuners dans les écoles – c’est une démarche que j’approuve pour l’avoir pratiquée dans les centres aérés lorsque j’étais maire ? Parce que tous les enfants n’ont pas la chance de faire, chez eux, trois repas par jour, mais aussi parce que certains parents qui travaillent n’ont pas le temps de préparer le petit-déjeuner des enfants. Or, on va imposer à ces enfants des trajets supplémentaires ! Dans cette affaire, on pense aux adultes, on cherche à faire des économies, mais on oublie l’essentiel : l’enfant. Dans notre pays, les enfants sont systématiquement négligés, car ils ne peuvent pas faire entendre leur voix. Mais, si tel était le cas, je vous assure qu’ils demanderaient à pouvoir dormir un peu plus, se rendre à l’école à pied, sans subir tout le stress qu’on leur inflige dès le plus jeune âge.

Cet amendement est à mes yeux catastrophique, déconnecté du réel. Faute d’être capables d’assumer vos divergences, vous présentez un amendement traduisant peut-être des accords négociés en catimini. Mais n’ayez crainte, les Français vous regardent !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour explication de vote.

M. Jean-Marie Mizzon. En tant que tel, ce dispositif, même facultatif, s’inscrit dans une logique de concentration des établissements scolaires. Personnellement, j’y suis totalement opposé.

Je salue le travail de M. Grosperrin. Avec l’énergie qu’on lui connaît, il a essayé d’élaborer une rédaction plus acceptable, mais le texte d’origine était une erreur, pour ne pas dire une connerie ! Même récrit, cela reste une connerie…

Le meilleur moyen de vendre une réforme, c’est, dans un premier temps, de rendre sa mise en œuvre facultative : la coopération intercommunale a commencé ainsi. Elle était d’abord facultative, puis, chemin faisant, on a créé des incitations et, in fine, elle est devenue obligatoire.

Il ne faudrait pas aboutir à une caporalisation, à une vassalisation progressive des écoles par les collèges. Les maires ruraux se battent pour garder des écoles vivantes : c’est pourquoi ils s’opposent à ce dispositif. (Mme Laurence Cohen applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.

Mme Angèle Préville. En tant qu’élue d’un département rural et peu dense, le Lot, je le dis tout de go : je ne voterai pas ces amendements.

Un maire me parlait il y a peu de sa commune natale, où il était écolier dans les années cinquante. À l’époque, l’école était neuve et pimpante. Il a voulu la revoir. Le constat fut amer : l’école n’existe plus, le local est envahi par la végétation, le village est mort. « La ruralité est en train de mourir », m’a-t-il dit d’une voix brisée.

Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas ne pas voir une réalité criante qui nous saute aux yeux, à nous qui vivons au cœur des terroirs. Anticiper l’avenir, c’est faire en sorte que notre pays reste partout vivant. Or, les écoles, c’est la vie ! Il est vital que des habitants restent présents sur tout le territoire. Pour l’heure, l’hémorragie continue, lentement mais sûrement : nombreux sont les départements qui perdent encore des habitants tous les ans. Que voulez-vous ? Que la forêt et les broussailles recouvrent tout, au point qu’un jour, en passant sur une autoroute, vous aperceviez, de loin, au milieu d’une mer de verdure, le clocher écroulé d’un village où il n’y a plus personne ?

Gouverner, c’est avoir une vision pour le temps long. C’est se laisser traverser par tout ce que le pays murmure. C’est ne pas se contenter d’une vision comptable, à court terme. En définitive, que voulons-nous pour notre pays ?

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.

Mme Françoise Laborde. En demandant une étude d’impact, à défaut d’un rapport, nous sommes dans notre rôle : c’est pourquoi cet article avait été supprimé en commission à l’unanimité.

À ce titre, madame la présidente de la commission, je vous remercie d’avoir permis la création d’une mission sur les nouveaux territoires de l’éducation : ainsi, il sera possible de mieux connaître les nombreuses expérimentations menées en France, en pointant leurs réussites et leurs faiblesses.

Le groupe du RDSE reconnaît tout à fait que certains points du texte sont positifs, s’agissant en particulier de l’école du socle et du continuum. Celui-ci existe déjà entre la grande section et le CP, même s’il n’est pas toujours bien appliqué sur tous les territoires. Il est normal de le mettre en place entre le CM2 et la sixième, d’autant que cela peut contribuer efficacement à la lutte contre le décrochage. Rappelons néanmoins que l’intérêt pédagogique de l’enfant doit être mis au premier plan. L’expérimentation existe, il faut la valoriser du point de vue pédagogique.

Je ne renie pas les conclusions du rapport que j’ai rendu avec Max Brisson sur l’attractivité du métier d’enseignant. Il est important de permettre à certains enseignants de compléter leur temps de travail sur un territoire, mais seulement sur la base du volontariat et si c’est enrichissant sur le plan pédagogique.

Certains sujets concrets sont importants. Nous avons rencontré des écoles qui pratiquent cette pédagogie et dont les équipes enseignantes affirment qu’elle est efficace.

À mon sens, nous devons confirmer en séance publique la suppression de l’article votée à l’unanimité en commission. J’approuve la demande par Philippe Dallier d’une loi « Blanquer II ». Avec une touche d’humour, nous avions indiqué que l’on aurait pu faire l’économie d’une loi « Blanquer I », trop large, et se contenter, comme en 2004, d’un texte à l’objet restreint, portant en l’occurrence sur la seule scolarisation à 3 ans et, éventuellement, l’obligation de formation ou d’activité pour les jeunes de 16 à 18 ans. Monsieur le ministre, je vous remercie par avance de préparer une loi « Blanquer II » ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour explication de vote.

M. Laurent Lafon. Monsieur le ministre, nous avons écouté avec beaucoup d’attention vos propos ce matin, et nous avons noté une évolution significative par rapport à ceux que vous avez pu tenir ces dernières semaines. Je vous remercie d’ailleurs d’avoir prononcé ces paroles ici au Sénat : cela marque, me semble-t-il, un souci de dialoguer avec notre assemblée. Les arguments que nous avions préparés, les uns et les autres, au sujet de l’article 6 quater s’en trouvent quelque peu périmés.

Je voudrais faire un point sur l’état de la procédure législative. La commission a supprimé l’article 6 quater. Jacques Grosperrin, désireux d’avancer dans un esprit constructif et de faire en sorte que la voix du Sénat soit entendue par l’Assemblée nationale, a déposé un amendement de réécriture de cet article. Compte tenu de vos déclarations, monsieur le ministre, il ne me semble toutefois pas opportun de proposer une nouvelle rédaction de l’article 6 quater. Vous l’avez dit, pour mener une véritable concertation, il faudra certainement plus de temps que les quelques semaines qui nous séparent de l’adoption définitive de ce projet de loi. Je forme donc le vœu que l’amendement de Jacques Grosperrin soit retiré.

S’agissant des territoires et des écoles rurales, les débats de ces dernières semaines indiquent, à mon sens, qu’il n’existe pas de solution unique : il faut mettre en place une boîte à outils. La prise en compte de la diversité des situations impose en effet une diversité des solutions. Ces dernières semaines, un malentendu s’est fait jour, selon lequel la réponse découlerait uniquement du dispositif de l’article 6 quater.

M. le président. Votre temps de parole est écoulé, mon cher collègue.

La parole est à Mme Françoise Cartron, pour explication de vote.

Mme Françoise Cartron. Monsieur le rapporteur, notre amendement n° 265 ne constitue nullement une proposition de réécriture in extenso du texte qui avait été adopté à l’Assemblée nationale. J’avais en effet souligné la faille que présentait ce dernier : il omettait la nécessaire adhésion à ce qui est pour moi un projet pédagogique des communautés éducatives, tant à l’école primaire qu’au collège. Il ne s’agit pas d’une restructuration, d’un regroupement entraînant des fermetures pour faire des économies ou pour répondre au désir éventuel de tel ou tel élu local : c’est bien un projet pédagogique, construit autour de la liaison nécessaire entre école primaire et collège, prônée depuis des années par nombre d’acteurs, et l’amplification des interactions entre les enseignants. Dans ce domaine, les expérimentations qui réussissent sont toujours le fruit d’une réflexion pédagogique concertée visant à rendre l’enseignement plus efficace, au bénéfice des élèves.

L’amendement n° 265 avait donc pour objet de reprendre la teneur de ces expérimentations, en posant comme condition sine qua non l’accord des conseils d’école et du conseil d’administration du collège. Nous savons tous dans cet hémicycle qu’aucune loi sur l’éducation ne peut être efficace si les enseignants ne la soutiennent pas et ne se l’approprient pas.

C’est dans cet esprit que j’avais déposé cet amendement. J’entends que certains demandent du temps pour poser le problème de manière plus globale, en traitant la question du statut et du rôle du directeur d’école.