PRÉSIDENCE DE M. Pierre Laurent

vice-président

M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Didier Rambaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec les chiffres on compte, avec les mots on pense et on espère.

Quoi que l’on en dise, les chiffres sont et seront – hélas ! – toujours les chiffres. Nous avons beaucoup parlé de croissance et de récession, de dette, de taxes ou de dépenses, mais je souhaiterais que nous parlions ensemble de l’avenir. De ce qui fait, au fond, que nous soutiendrons ce budget et que nous préparerons ensemble l’après-crise pour nous et pour nos enfants.

En effet, il serait vain de poursuivre cette longue litanie de chiffres qui occupe nos discussions depuis le début de l’après-midi sans donner un peu de perspectives. Nos concitoyens, nos proches, n’attendent pas telle enveloppe budgétaire ou telle mesure fiscale. Ils n’attendent pas non plus de savoir si le taux de croissance effectif rejoindra le taux de croissance potentiel. Ils attendent des réponses.

Des réponses pour leur quotidien. L’assurance que l’État sera à leur côté tant que durera cette crise, que notre économie sera prête à repartir quand nous sortirons enfin de cet enfer, que la société aura été préservée et que les plus fragiles auront été protégés.

C’est ce qu’attendent nos voisins, nos amis, nos collègues, nos proches, de la Guyane à la Polynésie, en passant bien évidemment par l’Isère. Toutes celles et tous ceux qui se sont retrouvés du jour au lendemain en télétravail, ceux qui ont été confrontés à la fermeture de leur commerce, ceux d’entre nous qui ont été contraints de se tenir loin de leurs proches fragiles afin de les protéger, ceux enfin qui ont perdu un proche, un ami, un collègue et qui n’aspirent qu’à retrouver un peu d’humanité dans cette avalanche d’annonces dramatiques, de chiffres inquiétants et de mesures inhabituelles.

C’est à ceux-là que je veux m’adresser aujourd’hui. À ceux pour lesquels nous renforçons notre soutien, budget après budget, texte après texte, à ceux qui attendent des réponses concrètes pour leur quotidien et qui s’inquiètent pour l’avenir et pour celui de leurs proches. À ceux-là mêmes qui ont été marqués par la crise que nous vivons et que nous tentons de traverser, chacun à notre manière.

Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, ils ont bénéficié de mesures de soutien courageuses cette année. Je pense notamment au financement du chômage partiel : nous sommes le seul pays au monde à avoir assuré le salaire de plus de 12 millions d’actifs.

À situation exceptionnelle, budget exceptionnel. Alors que nos territoires sont frappés de plein fouet par la crise sanitaire, alors que les collectivités et les élus assument une nouvelle fois leurs responsabilités avec courage et opiniâtreté et accompagnent nos concitoyens face aux conséquences désastreuses auxquelles ils sont confrontés, qu’elles soient sociales ou économiques, alors que l’État confirme son soutien inédit aux entreprises, aux collectivités et à nos concitoyens, nous, parlementaires, devons être à la hauteur de leurs attentes.

Nous le devons à ceux qui ont continué d’assurer leurs missions au plus fort de la crise. Nous le devons aux enseignants, aux soignants, aux éboueurs, aux ambulanciers, aux agents d’entretien, à tous ceux qui ont été en première ligne depuis le début de la crise.

Mais nous le devons également à tous les agents des services de l’État qui n’ont jamais cessé de remplir leurs missions et qui ont déployé des trésors d’inventivité pour mettre en place des dispositifs de soutien, lesquels, reconnaissons-le, malgré une crise inédite qui a surpris jusqu’aux plus avisés d’entre nous, ont été d’une efficacité et d’une envergure sans précédent.

C’est pour eux que nous devons examiner ce projet de loi de finances avec sérieux, rigueur et ambition. La crise actuelle nous oblige à réagir sans attendre et à déployer des moyens renforcés. Tel est l’objectif de la mission budgétaire spécialement abondée dans ce PLF pour alimenter le plan de relance. Ce dernier est indispensable pour atteindre les trois objectifs fixés par le Gouvernement, que sont le verdissement de l’économie, l’amélioration de la compétitivité des entreprises et le soutien aux plus fragiles.

Ce plan de relance, ce sont 30 milliards d’euros alloués à la transition écologique, avec un plan ambitieux de rénovation énergétique et de transition agricole. Ce sont 34 milliards d’euros fléchés vers le soutien à la compétitivité et l’innovation, avec une nouvelle enveloppe de lutte contre la dépendance industrielle et technologique de notre économie et un plan de mise à niveau numérique des administrations et de nos entreprises. Ce sont, enfin, 36 milliards d’euros consacrés à la cohésion des territoires, avec un plan de modernisation du réseau routier ou de relance de l’activité dans les centres-villes.

À quelque chose, malheur est bon, car les moyens nouveaux que nous devons déployer pour sauver notre économie seront au service d’une transformation profonde de notre économie, de nos infrastructures et de notre rapport à l’environnement.

Ces trois priorités fortes et clairement assumées sont au cœur de ce plan de relance à 100 milliards d’euros, dont près de la moitié sera disponible dès 2021,…

M. Didier Rambaud. … pour répondre au plus vite à l’urgence. Car l’urgence, c’est la relance, vous l’avez rappelé récemment, monsieur le ministre.

Ces grands axes se traduisent par des mesures concrètes, dont certaines ont d’ores et déjà été inscrites au budget pour 2020.

Dès la fin de l’année, une enveloppe de 25 millions d’euros affectée à la mission « Enseignement scolaire » permettra de recruter des assistants d’éducation supplémentaires dans les collèges et les lycées professionnels. Grâce à cette somme, les enseignants vulnérables pourront continuer de faire cours à distance. Pensez donc à Valérie, professeure de français à Grenoble et personne à risque compte tenu de sa santé. Elle pourra continuer d’assurer l’enseignement de ses élèves à distance, grâce au recrutement d’un nouvel assistant d’éducation embauché dans son lycée. Cet effort sera sans aucun doute poursuivi dans ce budget pour 2021.

Le PLF pour 2021, c’est un budget qui accompagne également la rénovation énergétique des bâtiments, avec la transformation du crédit d’impôt pour la transition énergétique en une aide, « MaPrimeRénov’ », alimentée d’un budget considérable de 2 milliards d’euros pour la seule année 2021.

Pour Jean, jeune entrepreneur et propriétaire d’une maison, l’État prendra en charge le quart de ses dépenses de rénovation thermique. Avec ce budget, les entreprises pourront aussi réaliser des travaux de rénovation énergétique. Pour son entreprise, Jean pourra bénéficier d’un crédit d’impôt accessible pour les dépenses engagées depuis le 1er octobre et prenant en charge 30 % des travaux entrepris.

Pour Jean, le PLF pour 2021, c’est également une baisse inédite des impôts de production, avec la réduction de moitié de sa CVAE.

C’est également un soutien sans précédent à l’exportation, notamment grâce au « chèque export », ou encore la mise en place du chèque volontariat international en entreprise (VIE), qui financera à hauteur de 5 000 euros l’envoi en mission d’un VIE par son entreprise.

L’État finance avec toutes ces mesures un plan de relance d’une ampleur inédite, mais il n’oublie pas pour autant de soutenir les plus démunis. Car la précarité guette bon nombre de nos concitoyens, parmi les populations les plus fragiles et les plus atteintes par la crise. Elle menace notamment les jeunes de notre pays, étudiants comme jeunes diplômés.

Dans le PLF pour 2021, le Gouvernement confirme sa volonté de s’attaquer à la question de la précarité, en renforçant le dispositif de la garantie jeunes et en facilitant les nouvelles aides à l’embauche. C’est également l’une des raisons pour lesquelles notre groupe soutiendra ce projet de loi de finances.

Alexandre, lui, est un jeune boursier de 20 ans à l’université. On sait qu’il est difficile d’avoir 20 ans en 2020. Pourtant, il bénéficie aujourd’hui de repas au restaurant universitaire à 1 euro. Depuis 2018, il n’a plus à verser de cotisations pour la sécurité sociale étudiante et il peut désormais demander une allocation, qui pourra s’ajouter à ses revenus d’activité, dans le cadre de la garantie jeunes.

Pour Alexandre, l’État propose également une aide exceptionnelle créée dès la troisième loi de finances rectificative, d’un montant de 4 000 euros par an, qui permettra à une entreprise de l’embaucher en CDI ou CDD de trois mois et plus, pour un salaire jusqu’à deux fois le SMIC. S’il cherche à être embauché dans le cadre d’un contrat d’alternance, le PLF pour 2021 le soutiendra également, en accordant à l’entreprise un montant pouvant aller jusqu’à 8 000 euros.

Mais ce PLF pour 2021 est également l’occasion de rappeler le soutien de l’État aux collectivités. Ce soutien n’a pas failli tout au long de la crise. À cet égard, permettez-moi de saluer de nouveau la réactivité, l’ingéniosité et l’innovation dont les collectivités ont su faire preuve pour s’adapter à cette crise sanitaire et protéger leurs administrés.

Ce PLF s’inscrit dans la continuité des actions que nous menons résolument depuis trois ans en faveur des territoires. Il s’agit de redonner du pouvoir aux élus locaux et de les replacer au cœur des territoires, avec la loi Engagement et proximité, de favoriser la revitalisation des territoires, avec les programmes Action cœur de ville, Petites villes de demain et Territoires d’industrie, d’accélérer la transition écologique par le biais des contrats de transition écologique ou le déploiement des mobilités durables.

Au cœur de la crise sanitaire, l’État n’a pas failli et a accompagné les collectivités, notamment par les mesures d’urgence prises dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative, à l’origine de la mise en place du « filet de sécurité budgétaire » pour les collectivités du bloc communal.

Ce dispositif de soutien ambitieux permet de compenser les pertes de recettes engendrées par la crise sanitaire et économique.

Le dispositif d’avances remboursables des DMTO permet également de préserver les finances des départements.

Le PLF pour 2021 comprend des mesures fortes d’accompagnement des collectivités locales dans la relance économique.

D’une part, il prévoit le maintien historique des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales pour 2021, avec une dotation globale de fonctionnement à hauteur de 26,8 milliards d’euros, pour la quatrième année consécutive.

À cela s’ajoutent des variables d’ajustement historiquement faibles et une accélération du rattrapage de la Dacom, la dotation d’aménagement des communes et circonscriptions territoriales d’outre-mer, sur quatre ans au lieu de cinq.

D’autre part, le PLF prévoit la compensation intégrale et dynamique de la baisse des impôts de production. La CVAE régionale sera intégralement compensée par une fraction de TVA affectée aux régions.

Les communes et les EPCI bénéficient d’une compensation dynamique et territorialisée de l’allégement de la fiscalité sur les établissements industriels, via un nouveau prélèvement sur les recettes de l’État, à hauteur de 3,3 milliards d’euros. En outre, le bloc communal bénéficiera de crédits supplémentaires, notamment par le biais de la DSIL, la dotation de soutien à l’investissement local, à hauteur de 1 milliard d’euros, voté dans le cadre du PLFR 3 pour 2020.

Nos collectivités locales ont en effet besoin que l’investissement local se poursuive. C’est pourquoi le PLF pour 2021 reconduit les montants des dotations d’investissement à un niveau record, qu’il s’agisse de la DETR, la dotation d’équipement des territoires ruraux, de la DSIL, de la DPV, la dotation politique de la ville, ou de la DSID, la dotation de soutien à l’investissement des départements.

Enfin, vous le savez, ce PLF pour 2021 sera marqué par l’entrée en vigueur de l’acte II de la suppression de la taxe d’habitation, votée dans le cadre de la loi de finances de l’an dernier.

Le PLF pour 2021 constitue donc un engagement inédit, à la hauteur de l’accompagnement attendu par les collectivités, qui se poursuit dans le cadre du plan de relance, dont 1,5 milliard d’euros bénéficieront directement aux territoires ultramarins.

Le groupe RDPI soutient les bases du projet de loi de finances pour 2021. Solidaires de l’action du Gouvernement, mais vigilants s’agissant de la mise en œuvre de la relance, nous proposerons plusieurs amendements visant à enrichir ce budget. Quoi qu’il en soit, notre groupe salue d’ores et déjà l’effort volontaire du Gouvernement pour ce qui concerne les mesures d’aides fiscales et financières prévues pour nos concitoyens comme pour nos collectivités locales. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac.

M. Christian Bilhac. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous traversons, depuis dix mois déjà, un scénario digne d’un film de science-fiction. En mars dernier, il a fallu préserver la santé de nos concitoyens. C’était nécessaire, mais nous ressentons aujourd’hui les conséquences de ce choix, même si nous ne pouvons encore en mesurer toute l’ampleur, d’un point de vue non seulement humain, mais aussi social, économique ou budgétaire, la pandémie étant loin d’être terminée.

Nous avons fait le choix du confinement à deux reprises, pour sauver des vies, je le répète. Des mesures budgétaires ont aussitôt été prises pour financer l’urgence sanitaire et compenser les pertes brutales de revenus et de chiffre d’affaires. Beaucoup a été fait lors de la première vague. Malheureusement, nombre de nos compatriotes, les plus fragiles, sont cruellement atteints par ce deuxième confinement et se demandent s’ils pourront en surmonter le coût.

Afin d’en contrecarrer les effets, le projet de loi de finances pour 2021 s’inscrit dans la continuité des mesures d’urgence entérinées par les quatre projets de loi de finances rectificative successifs, sans oublier le plan de relance, inscrit dans le budget général pour 2021 comme une mission à part entière, pour un montant de 36,4 milliards d’euros en autorisations d’engagement.

Alors que la sortie du premier confinement durant l’été avait apporté une dynamique de reprise et que les analyses prospectives présentées en commission des finances laissaient entrevoir un rétablissement budgétaire, le deuxième épisode de confinement nous oblige à revoir à la baisse nos hypothèses de rebond.

La pandémie est venue bouleverser intégralement toutes les prévisions, et la discussion budgétaire en porte les stigmates. La situation économique et financière de notre pays s’est dégradée avec cette crise sanitaire, mais la loi de finances pour 2021, si elle répond à l’urgence et à la situation conjoncturelle, n’amorce aucun changement de direction par rapport à la situation de l’avant-crise.

Les crédits des missions les plus significatifs restent ceux de la mission « Enseignement scolaire », avec 54,9 milliards d’euros, soit une progression de 1,4 milliard d’euros, de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », pour 26 milliards d’euros, de la mission « Cohésion des territoires », pour 16,9 milliards d’euros, et de la mission « Plan de relance », pour 22 milliards d’euros.

La mission « Justice » progresse également, avec 8,2 milliards d’euros et une hausse notable des effectifs, avec 1 359 emplois équivalents temps plein supplémentaires.

Les mesures du volet « rémunérations » du Ségur de la santé atteignent 8,8 milliards d’euros et la réaffectation de la CSG à la branche dépendance 2,3 milliards d’euros.

Je le rappelle, les projets de loi d’urgence sanitaire ont permis de pallier les conséquences sociales de la crise sanitaire, même si le coût de la dette qui en découle demeure une inquiétude. Ainsi, le remboursement des 10 milliards d’euros apportés par l’Union européenne dès 2021 pourrait représenter des annuités de l’ordre de 2,5 milliards d’euros à compter de 2028.

Mais revenons aux mesures budgétaires en tant que telles. La baisse annoncée de 10 milliards d’euros des impôts de production des entreprises est maintenue, avec pour objectif affiché la souveraineté et la relocalisation des emplois industriels.

Ainsi, l’article 3 prévoit la baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et un ajustement de la contribution économique territoriale (CET) pour cet impôt qui s’élève, en France, à 77 milliards d’euros, soit le double de la moyenne de l’Union européenne. L’article supprime la part régionale de la CVAE, qui représente 50 % du total, et lui substitue une fraction supplémentaire de TVA. Le plafond de la CET passe de 3 % à 2 %.

Avec moi, les membres du groupe du RDSE regrettent qu’aucune réelle contrepartie sociale ou écologique ne soit exigée. Nous redoutons que cette mesure ne favorise les grandes entreprises, alors que ce sont véritablement les plus petites d’entre elles qui sont en danger, car elles sont davantage pénalisées par le deuxième confinement. Elles représentent pourtant un gisement d’emplois non délocalisables, précieux pour maintenir la vie et le lien social au cœur de nos territoires. Déjà, de très nombreux artisans, commerçants ou prestataires de services estiment qu’ils ne seront pas en mesure de rembourser les prêts garantis par l’État.

Leur survie est compromise, à l’image du secteur de la culture, du tourisme, des loisirs, des festivals, de la restauration, des services à la personne, pour ne citer que ces quelques exemples. La plupart se demandent comment ils seront en mesure de payer à l’avenir l’échéancier des cotisations de l’Urssaf, qui n’ont pas été annulées, mais seulement reportées.

Malgré les 4 milliards d’euros consacrés à l’entrée dans la vie professionnelle des jeunes et les 5 milliards d’euros prévus pour le volet « cohésion » centré sur la sauvegarde de l’emploi, le chômage partiel ou la formation, nous craignons que les plus fragiles ne paient le prix fort des conséquences de ce deuxième confinement.

Autre lacune de ce budget pour 2021, l’insuffisance des moyens octroyés aux collectivités territoriales non seulement pour faire face aux surcoûts consécutifs à la gestion de la crise sanitaire, mais aussi pour tenir une place prépondérante dans la relance économique.

Au travers des aides et de la reprise des investissements, elles auraient pu jouer un rôle moteur, un rôle de levier, pour contribuer à la relance économique, en assurant le maintien des investissements et de la commande publique. La loi de finances ne tient pas ses promesses en la matière, et le compte n’y est pas pour les collectivités territoriales !

Néanmoins, nous ne pouvons que saluer un certain nombre de mesures en discussion, comme l’article 2 quinquies, qui vise à lever les gages de la troisième loi de finances rectificative pour 2020 ou encore l’article 3 bis, qui tend à proroger les dispositifs de soutien à la presse écrite jusqu’à la fin 2023.

L’article 3 quater prévoit l’élargissement du champ de la déduction pour épargne de précaution aux aquaculteurs et aux centres équestres, autant de mesures qui seront utiles concrètement, tout comme celles qui sont prises en faveur des entreprises du secteur du théâtre ou du spectacle, à l’article 3 undecies.

Pour ce qui concerne les ressources affectées, l’article 22 fixe le montant de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et des variables d’ajustement. Le montant de la DGF stagne avec 26,76 milliards d’euros en 2021, contre 26,85 milliards d’euros en 2020. Il convient de ne pas perdre de vue que cette dotation représentait, voilà dix ans, près de 40 milliards d’euros.

La DGF représente 62 % de l’ensemble des prélèvements sur les recettes de l’État au profit des collectivités territoriales. En tout, cela représente 43,25 milliards d’euros, dont 6,55 milliards d’euros pour le Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), ou encore 2,91 milliards d’euros pour la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle et 3,74 milliards d’euros de dotations pour l’équipement scolaire, l’exonération d’impôts locaux et le soutien exceptionnel au bloc communal pendant la crise sanitaire.

Je salue également la revalorisation de la dotation de solidarité urbaine (DSU) et de la dotation de solidarité rurale (DSR), pour un montant de 90 millions d’euros chacune, même s’il me semble qu’un effort plus substantiel doit être consenti en faveur des communes rurales, la dotation de solidarité rurale par habitant étant bien inférieure à la dotation de solidarité urbaine.

C’est une évidence, la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2021 se caractérise principalement par une très forte inquiétude. Selon les différentes hypothèses retenues concernant la situation sanitaire ou encore la durée ou la sévérité du confinement effectif, les prévisions de croissance varient et restent fragiles.

La prévision de solde effectif est de –6,7 % du PIB, avec un déficit structurel de 3,6 %, qui représenterait plus de la moitié du total, contre 1,2 % en 2020 et 2,2 % en 2019. Une telle hypothèse est jugée « atteignable » par le Haut Conseil des finances publiques.

La perte d’activité de novembre serait moindre que celle du printemps : 12 % au lieu de 30 % en avril. Selon les données de la Banque de France, elle serait plus modérée que celle qui est redoutée, notamment dans le secteur de la construction, où l’on annonce une baisse de 8 % contre 65 % en avril, ou encore dans les services marchands, avec une diminution de 17 % contre 27 % au printemps. En revanche, pour les commerces de gros et de détail, dont la restauration et l’hébergement, la Banque de France annonce une baisse d’activité de 40 %, contre 46 % en avril.

Dans ces conditions, le déficit public devrait atteindre 11,3 % du PIB, pour un endettement de 119,8 %. Nous devons tabler sur des prévisions de croissance prudentes à l’issue du reconfinement.

En conclusion, nous pouvons affirmer que, pour 2021, l’État se finance autant par l’endettement que par l’impôt. Mais chacun le sait bien ici, les emprunts d’aujourd’hui sont les impôts de demain.

Conscient que notre pays s’inscrit dans un effort financier somme toute plus faible que celui déployé par certains de nos voisins européens, le groupe du RDSE sera très soucieux, au cours de la discussion budgétaire, de maintenir la dynamique de nos territoires et la solidarité envers les plus fragiles de nos concitoyens, dans un souci d’équité. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, monsieur le ministre Olivier Dussopt – je n’aurai pas l’occasion de saluer M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance, qui est non pas excusé, mais absent ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, GEST, RDSE, UC et Les Républicains.) Il est pourtant ministre non seulement de l’économie et des finances, mais aussi de la relance – ça en dit long !

Mes chers collègues, le Président de la République et le Gouvernement ont souvent rappelé que nous étions en guerre contre le virus. Cette métaphore guerrière est dangereuse pour la démocratie et l’unité du peuple, à l’image du précédent couvre-feu, décision d’exception qui a une histoire dans la société française. Je vous le dis, monsieur le ministre, les mots ont toujours des conséquences !

La crise sanitaire fait des ravages économiques et sociaux. Les économies qui ont été confrontées à de tels chocs se sont toujours reposées sur trois piliers : nationalisation et planification des secteurs fondamentaux, taxation des bénéfices exceptionnels liés à la crise et mise en place d’un circuit de financement des dépenses publiques, indépendamment du marché. Ces choix politiques ont été pris au sortir d’événements historiques douloureux, ne l’oublions pas. L’histoire n’est pas sans leçons.

Alors que l’observation de la conjoncture est une exhortation à changer de cap, vous vous contentez de reconduire la même politique de l’offre, selon une conditionnalité relative dans l’octroi de l’argent public, et c’est peu dire : elle est très forte pour les plus précaires, mais pratiquement absente pour les grandes entreprises.

Cette approche déconnectée de la réalité a favorisé le coup d’éclat de la droite, samedi dernier, sur l’âge de la retraite, confortant ainsi l’insécurité sociale.

Cette loi de finances pour 2021 doit être l’ébauche d’une nouvelle vision politique, celle d’une redistribution la plus juste et la plus équitable, celle qui répond aux vrais besoins.

Nous, sénatrices et sénateurs du groupe CRCE, ne voyons pas dans votre loi de perspectives durables qui nous permettraient d’être optimistes, dans le cadre d’un changement de paradigme pourtant nécessaire. C’est un budget semblable à celui de toutes les autres années, avec un déficit plus élevé et un recours à la dette plus important, voilà tout.

Il y a bien, dans cette loi de finances, des mesures d’urgence, mais l’urgence sociale vous échappe.

C’est le budget de l’état actuel du capitalisme, où prédominent la technocratie et le marché. Monsieur le ministre, vous avez dit à mon collègue Éric Bocquet que vous ne meniez pas une politique néolibérale. Vous n’êtes pas néolibéral, vous n’êtes pas ordolibéral, vous n’êtes pas ultralibéral… Mais qu’est-ce que vous êtes libéral, monsieur le ministre ! (Sourires et applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Que dire des méthodes ? Sans m’alarmer sur les inquiétantes questions de la réduction du temps de débat public ou de la dépossession du Parlement de ses pouvoirs de vote de l’impôt et de contrôle, que penser de l’absence de concertation entre acteurs et bénéficiaires de ce budget ?

Votre conception de l’État trouve ses sources dans une forme de surdité politique entretenue. Elle constitue le fil rouge de vos politiques d’après-crise, pour défendre une forme illusoire d’« autorégulation naturelle » des injustices criantes. La surdité aux aspirations populaires au changement porte déjà votre signature, et vous persistez pourtant à vous enfoncer dans une continuité aveugle, qui n’a rien de « disruptif ».

Face à la crise, ne nous laissons pas enfermer dans un conflit entre l’éthique de la conviction et l’éthique de la responsabilité.

Notre groupe propose de transformer un texte de loi suscitant lassitude et défiance en un budget d’émancipation humaine et démocratique. Nous voulons traiter les urgences de la vie des Françaises et des Français ; nous voulons ouvrir un horizon plus juste et plus égalitaire.

L’audace exigerait d’abord de rééquilibrer le rapport entre le travail et le capital. Le travail productif engendre directement une plus-value économique et une valeur sociale. Il est réalisé par les travailleurs : je pense aux infirmières, aux livreurs, aux ouvriers, aux personnels d’entretien…

À ce sujet, j’écoutais ce matin à la radio Patrice Blanc, président des Restos du cœur, exprimer sa stupéfaction de voir des jeunes arriver dans ses permanences avec la tenue d’Uber Eats. Des livreurs de repas à domicile qui n’ont même pas les moyens de s’alimenter, quel cynisme !

Nous sommes aujourd’hui face à des personnes effectuant des activités essentielles, qui, si elles décidaient demain d’arrêter de travailler, provoqueraient l’effondrement d’un système économique qui s’est reposé sur leur sous-rémunération et leur exploitation. Il est grand temps que cela cesse !

Comment accepter que les 20 % les plus riches voient leurs richesses croître énormément pendant et après le confinement, quand les 20 % les plus pauvres continuent de plonger dans l’endettement et la misère ? Grâce au travail improductif, la rémunération du capital a engendré toujours plus de richesses pour ceux qui en détiennent : les 10 % des Français les plus riches ont amassé plus de la moitié des 32 milliards d’euros de surcroît d’épargne accumulée pendant la crise. La réponse doit être simple et directe, à savoir une taxation exceptionnelle des revenus ayant bénéficié aux foyers les plus riches et aux entreprises dont les profits ont explosé.

L’audace exigerait également d’arrêter de vouloir réduire massivement les dépenses publiques au profit d’une succession de privatisations de services, qui, aujourd’hui, nous font défaut. Je pense notamment aux secteurs de l’énergie et des transports ferroviaires, mais aussi à l’hôpital public et à la recherche. Nous sommes confrontés à une marchandisation qui traite spontanément des biens sociaux comme des biens privés. Parlez-leur de maillage du territoire et de petites lignes, on vous répondra indicateur de rentabilité d’une rame ou fréquence de passagers.

Si l’État doit intervenir, ce n’est pas pour enrichir les actionnaires ni pour se rendre complice des suppressions d’emplois ou d’une détérioration du climat. Pas d’aides publiques pour les entreprises qui trichent ! Je pense tout particulièrement aux Gafam, objet de notre amendement déposé lundi dans le cadre du PLFR 4 et visant à la création de la notion d’établissement stable.

J’ai d’ailleurs bien noté le double langage tenu dans certaines travées de cet hémicycle, qui consiste à soutenir l’amendement en séance, mais à le retoquer en CMP. Ce n’est pas la première fois !

Parler des services publics pose la question des services d’intérêt général et des choix démocratiques. Relocalisons l’économie et évitons les drames sociaux chez Goodyear, Bridgestone, Carrefour, et d’autres. Ayons du cran ! Ne faisons pas croire que les réponses à la crise sont trop complexes, ce sont avant tout des choix politiques.

Mes chers collègues, notre État de droit est devenu un État de la faveur, où tout se monétise, y compris notre souveraineté.

Puisque nous parlerons d’emprunt, quelles réponses structurelles trouve-t-on dans le budget proposé pour contrer l’aggravation de la dette privée, qui s’élève à 150 % du PIB au second semestre de 2020 ? L’encours de la dette des entreprises privées a doublé.

Enfin, comment pouvez-vous fermer les yeux sur l’absence de taxation des transactions financières ? Ces transactions non essentielles bénéficient pourtant d’un passe-droit de TVA, contrairement à d’autres biens de première nécessité.

Nous ne lâcherons pas sur ces sujets. La continuité budgétaire se manifeste aussi à l’égard des collectivités. La démocratie locale est menacée par la perte d’autonomie fiscale. Mesure après mesure – je pense à la taxe d’habitation et à la fiscalité économique sur les entreprises, que vous avez rebaptisée « impôts de production » –, vos cadeaux s’élèvent à 10 milliards d’euros pour la seule année 2021.

Nous assistons à la disparition des impôts locaux, remplacés par des dotations liées au produit des impôts nationaux. Chaque année, la marge de manœuvre des élus locaux se réduit, et l’autonomie fiscale des collectivités n’aura d’autonomie que le nom. Cette hypercentralisation des budgets locaux doit cesser ! Elle est tout le contraire d’une démocratie vivante !

La position du Gouvernement est une faute démocratique et politique. En faisant disparaître la responsabilité fiscale et, donc, politique des assemblées locales élues au suffrage universel, c’est le fondement même de la démocratie qui est sapé. Le consentement à l’impôt comme moyen de financer les charges communes crée une responsabilité des élus, mais également des citoyens et des entreprises. Sans cela, la démocratie locale perd tout son sens.

La proximité constitue la force de nos collectivités, qui ne demandent qu’à s’investir dans la relance. Dans cette relance, ce n’est pas que la survie des grands groupes qui est en jeu, c’est d’abord la sauvegarde de notre quotidien, qui se traduit par la vitalité des commerces de proximité, qui représentent, je le rappelle, 600 000 entreprises, 20 % du PIB, 1,2 million de salariés et 3 millions d’actifs. Pourtant, on n’en parle pas !

L’intelligence du local, que possèdent nos élus grâce à leur expérience et la connaissance de leur collectivité et de leur population, est essentielle.

À l’heure du deuxième confinement, le constat est sans appel : les finances locales subissent des pertes de plusieurs milliards d’euros. Le cercle de l’endettement devient insoutenable pour les collectivités, qui, privées de leurs marges de manœuvre budgétaires, ne pourront pas participer à la relance.

En effet, la commande publique est en baisse de 22 % par rapport à 2019. Les départements voient leurs dépenses sociales alourdies par la précarisation de la population. Les collectivités locales sont fragilisées, et vous ne répondez au principal que par de l’accessoire. Nous répondrons par des amendements visant à les sécuriser financièrement.

Mes chers collègues, « le bonheur existe et j’y crois » disait Aragon aux heures sombres. Notre groupe y croit et vous exhorte à passer du « toujours moins » pour les 99 % au véritable « quoi qu’il en coûte » pour les 1 % ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER.)