Mme le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Colette Mélot.

Mme Colette Mélot. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la crise sanitaire et économique que nous vivons a eu des impacts très lourds sur les plus vulnérables d’entre nous. Je pense aux populations qui vivaient déjà dans la précarité, à ceux qui y ont basculé, mais également aux étudiants de plus en plus nombreux à connaître des difficultés financières significatives. Malheureusement, ces situations dramatiques risquent de perdurer. La solidarité doit rester un des ciments de notre pays et de notre société.

Cette mission enregistre, et nous le regrettons, une légère baisse pour l’année à venir, alors qu’elle augmentait de 6,7 % l’année dernière. La pandémie de la covid-19 accentue les problématiques liées à la pauvreté et aux inégalités. Lors du premier confinement, j’ai pu alerter sur ces sujets, particulièrement sur le creusement des inégalités face à l’éducation de nos jeunes et sur les situations de violences conjugales touchant les femmes. Je salue donc l’augmentation de 37,5 % des crédits du programme 137, « Égalité entre les femmes et les hommes », et appelle à poursuivre notre lutte contre les violences faites aux femmes.

À la rentrée 2020, nous avons été alertés par de nombreuses associations au sujet de la précarité et de la pauvreté exacerbées par la crise sanitaire. Le Gouvernement a réagi le mois dernier en annonçant des mesures dans ces domaines. Je tiens à saluer les efforts prévus dans le plan de relance pour les associations, qui s’inquiètent de ne pas avoir de moyens suffisants pour faire face à l’afflux de nouveaux bénéficiaires. Le soutien devra certainement se poursuivre à court et moyen termes.

Plus des trois quarts des crédits de la mission sont alloués à deux mécanismes faisant partie des deux programmes les plus dotés : la prime d’activité et l’allocation aux adultes handicapés. Les moyens proposés pour l’AAH sont en progression ; ceux qui sont relatifs à l’accompagnement dans l’emploi révèlent l’effort d’ampleur qui est réalisé. Voilà qui va dans le bon sens.

L’insertion professionnelle est un combat que nous allons continuer à mener dans les années à venir, qui seront cruciales. Cette insertion concerne notamment les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) et des aides au retour à l’emploi (ARE). Le groupe Les Indépendants est très attaché à ce sujet, comme nous avons pu le démontrer lors des discussions récentes de la proposition de loi relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique. Le rôle des départements est primordial. Le président Claude Malhuret a d’ailleurs déposé une proposition de loi prévoyant une expérimentation à destination des bénéficiaires du RSA, qui pourraient reprendre une activité partielle tout en percevant leur allocation durant un an. Ce dispositif incitatif et temporaire aurait des effets positifs sur le retour à l’emploi.

Enfin, je rappellerai l’importance de l’encadrement des mineurs non accompagnés, phénomène qui a pris de l’ampleur ces dernières années et qui représente, en 2019, 2 milliards d’euros de charges pour les départements. Le budget doit donc être à la hauteur de l’enjeu. Une aide beaucoup plus importante est attendue de la part de l’État.

Cette mission présente un certain nombre de lacunes dans le contexte actuel. Cependant, les efforts sur des programmes clés sont au rendez-vous. Le groupe Les Indépendants votera les crédits de cette mission.

Mme le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, alors que notre pays traverse une crise sociale profonde, que les inégalités se sont accrues depuis le début de ce quinquennat, malgré les mesures obtenues par le mouvement des « gilets jaunes », et que le recours à l’aide alimentaire explose, nous avions besoin, en 2021, de politiques de solidarité ambitieuses et justes.

Pour le groupe écologiste, les crédits de cette mission ne répondent pas à ces enjeux, tout comme le plan de relance, qui ne consacre que 1 % des budgets à l’urgence sociale.

Par ailleurs, nous mesurons, avec la crise économique, les limites d’une politique de lutte contre la pauvreté centrée essentiellement sur les travailleurs pauvres, principaux bénéficiaires des aides de l’État, en compensation de politiques de bas salaires ou de temps partiel imposé, alors que la pauvreté dite « non laborieuse » fait trop souvent l’objet d’une stigmatisation, comme étant assistée.

En effet, le programme relatif à la prime d’activité va diminuer à la suite de la montée du chômage, sans pour autant que les montants libérés majorent d’autant les autres mesures contre la pauvreté, dont celles concernant les jeunes, les privés d’emploi, les étudiants ou les personnes issues de l’aide sociale à l’enfance, du fait notamment de leur exclusion du RSA.

Évidemment, comme la commission des affaires sociales, nous nous réjouissons de l’augmentation du dispositif d’emploi renforcé des travailleurs en situation de handicap, nécessaire pour que le droit à un égal accès à l’emploi devienne effectif, tout comme de l’augmentation des crédits dédiés à la lutte contre les violences faites aux femmes, après des années d’insuffisance.

En 2020, le Gouvernement a apporté des réponses conjoncturelles, comme l’aide exceptionnelle de solidarité, mais les acteurs du terrain les jugent insuffisantes et réclament des réponses pérennes face à la dégradation de la situation sociale à laquelle ils sont confrontés.

À Lyon, la permanence du Secours populaire qui accueille spécifiquement les étudiants a vu leur nombre doubler depuis le confinement. La précarité alimentaire connaît une hausse ininterrompue.

Concernant ces mesures d’urgence, nous regrettons le manque d’anticipation du Gouvernement pour reconduire des mesures exceptionnelles à la suite du reconfinement.

Dans l’ensemble, la mission démontre son incapacité à apporter des réponses pérennes à une crise sociale structurelle, simplement démultipliée par la crise sanitaire.

Nous ne pouvons valider le retour à la normale envisagé pour la mission en 2021. Par ailleurs, la situation normale, est-ce les 9 millions de pauvres de l’avant-crise ?

Une action de fond nécessite de réévaluer la dernière stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté et de revaloriser les minimas sociaux, en premier lieu le RSA, en l’ouvrant aux 18-25 ans. Nous regrettons l’irrecevabilité de nos amendements en ce sens.

Par ailleurs, l’État doit être bien plus présent aux côtés des collectivités locales, pour soutenir les centres communaux d’action sociale (CCAS), dont l’organisation et les budgets ont été fortement impactés depuis le premier confinement.

Dans le Rhône, le nombre de bénéficiaires du RSA a augmenté de 21 % en neuf mois. À la métropole de Lyon, le taux de couverture du RSA s’effondre, en passant de 54 % en 2015 à 44 % en 2020. Le manque à gagner s’élève à 25 millions d’euros.

En conclusion, parce que la crise sociale était là bien avant la crise sanitaire et qu’elle risque d’être la réalité de la prochaine décennie, un choc de solidarité et de justice devait intervenir dès maintenant. Les crédits 2021 de la mission sont loin d’en prendre la mesure. Nous voterons contre ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli.

M. Xavier Iacovelli. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » que nous examinons aujourd’hui couvre un large panel de politiques publiques.

Celles-ci sont cruciales, au moment où les conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire se font ressentir et touchent, en particulier, nos concitoyens les plus exposés.

Cette mission sera dotée de 26,1 milliards d’euros en 2021, soit une augmentation de 250 millions d’euros à périmètre constant.

Les moyens en matière de lutte contre les violences faites aux femmes, grande cause du quinquennat, sont renforcés.

Ainsi, le programme 137, « Égalité entre les femmes et les hommes », sera doté de 41,5 millions d’euros de crédits de paiement, soit une augmentation de 40 % par rapport à 2020. Nous nous félicitons de cet effort, qui permettra de mener des actions ambitieuses : je pense notamment au financement des centres d’information sur les droits des femmes et des familles, qui constituent un réseau majeur.

Ces crédits supplémentaires financeront trois chantiers principaux : le déploiement d’une plateforme d’écoute téléphonique continue pour les femmes victimes de violences, plus accessible aux femmes en situation de handicap ; l’accroissement du soutien financier aux associations ; le financement de nouveaux centres de suivi et de prise en charge des auteurs de violences conjugales.

La déconcentration de 70 % des crédits du programme permettra d’apporter une réponse concrète aux besoins des territoires, au plus près des acteurs locaux.

Je voudrais revenir sur une cause qui m’anime tout particulièrement : la protection de l’enfance et l’accompagnement des jeunes majeurs vulnérables.

Chaque année, des milliers de jeunes sont victimes de sorties sèches du dispositif de l’aide sociale à l’enfance, faute de contrat jeune majeur. Les chiffres, nous les connaissons : 70 % des jeunes de l’ASE sortent sans diplôme, 40 % des SDF de moins de 25 ans ont eu un parcours en protection de l’enfance.

Avec ce PLF, 252 millions d’euros seront attribués à la stratégie interministérielle de prévention et de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes au sein du programme 304, « Inclusion sociale et protection des personnes ».

Nous saluons cette progression, tout en étant conscients que l’ampleur de la situation nécessitera un engagement total de l’État et des départements, aux côtés des acteurs associatifs, afin de mettre un terme à ce qu’Olivier Noblecourt appelait, à juste titre, un « carnage social ».

C’est le sens de l’accord trouvé par les ministres Adrien Taquet et Brigitte Klinkert, visant à sécuriser les parcours des jeunes de l’ASE et favoriser leur insertion sociale et professionnelle.

Ainsi, en 2021, la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance poursuivra sa montée en charge ; une contractualisation sera menée avec 70 départements, afin de prévenir les situations de danger et de rupture. Cette action sera dotée de 246,3 millions d’euros, soit une augmentation de 39,5 millions d’euros par rapport à cette année.

La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » porte aussi en elle l’engagement du Gouvernement dans le domaine du handicap. Le financement de l’allocation aux adultes handicapés s’élèvera à plus de 11 milliards d’euros de crédits, ce qui représente le poste le plus important du programme 157, « Handicap et dépendance ».

Aujourd’hui, 1,2 million de foyers bénéficient de cette allocation, ce qui constitue un gain de pouvoir d’achat non négligeable pour nos concitoyens en situation de handicap. Pour la durée du quinquennat, cette revalorisation représente près de 2 milliards d’euros d’investissements.

Le programme 157 concrétise également l’engagement du Gouvernement en matière d’insertion professionnelle des travailleurs handicapés. En 2021, les crédits dédiés à l’emploi accompagné progresseront de 5 millions d’euros, après avoir été multipliés par deux l’an dernier. Nous saluons cet engagement en faveur du pouvoir d’achat et de l’accompagnement des personnes en situation de handicap, particulièrement exposées en cette période de crise sanitaire, économique et sociale.

Cette mission démontre ainsi les engagements du Gouvernement pour la protection de tous les citoyens face à la pluralité de situations auxquelles ils doivent faire face.

Voici en quelques lignes budgétaires des exemples concrets qui traduisent en action nos valeurs charnières de liberté, d’égalité et de fraternité. Le groupe RDPI votera donc en faveur de l’ensemble de ces crédits, qui nous semblent répondre aux nombreux défis sociétaux qui nous attendent. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme le président. La parole est à M. Stéphane Artano. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Stéphane Artano. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au moment où nous examinons les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », permettez-moi tout d’abord de saluer l’engagement des associations et des bénévoles qui œuvrent chaque jour auprès de nos concitoyens les plus fragiles. « La solidarité, c’est aider chacun à porter le poids de la vie et à la rendre plus facile », comme l’écrivait Henri-Frédéric Amiel.

L’examen de ces crédits revêt une dimension particulière en raison de la crise sanitaire, économique et sociale qui frappe notre pays. Cette crise a précipité un million de nos concitoyens dans la pauvreté. Ils sont étudiants, intérimaires, commerçants, autoentrepreneurs ou même salariés fragilisés par le chômage partiel – la liste est encore longue. Ces nouveaux visages de la précarité franchissent, pour la première fois, les portes des associations et des banques alimentaires.

En 1849, Victor Hugo s’insurgeait contre l’incapacité de la société à éradiquer l’extrême misère dans un discours devant l’Assemblée constituante. Un siècle et demi plus tard, malgré les différentes politiques sociales mises en place, nous ne pouvons que constater notre échec à détruire la pauvreté, qui, depuis quelques décennies, ne cesse de croître.

Pour faire face à la crise, le Gouvernement a déjà mis en place plusieurs mesures dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, et le Premier ministre a annoncé, jeudi dernier, la création d’une aide mensuelle exceptionnelle de 900 euros pour les travailleurs précaires jusqu’en février 2021.

C’est une bonne nouvelle. Même si ces aides ponctuelles sont les bienvenues, nous pensons toutefois qu’il nous faudra, à terme, trouver le moyen de lutter contre la pauvreté avec des dispositifs plus structurels. À ce titre, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous apporter quelques précisions sur l’état d’avancement des travaux engagés sur le revenu universel d’activité ?

En matière de lutte contre les violences faites aux femmes, je note avec satisfaction l’augmentation conséquente des crédits et le renforcement de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, alors que le nombre de violences intrafamiliales s’est accentué avec le confinement, en faisant de ces victimes des otages sans répit.

Les chiffres sont alarmants : entre le 16 mars et le 10 mai dernier, le numéro 3919, destiné à conseiller et à orienter les femmes victimes de violences, a reçu près de 45 000 appels, soit trois fois plus que les mois précédents.

Pendant cette période propice aux violences, de nouveaux dispositifs salutaires ont été mis en place pour permettre aux victimes de briser le silence. Je pense notamment à l’ouverture d’espaces d’accueil éphémères dans les centres commerciaux, au dispositif d’alerte en pharmacie, à la mise à disposition d’un nouveau système d’alerte avec la possibilité d’envoyer un SMS au 114, ou encore à la mise en place d’une ligne d’écoute à destination des conjoints violents ou s’apprêtant à le devenir.

Nous ne pouvons qu’appeler à la pérennisation de ces mesures. Parce que la fin du confinement ne signe pas la fin des violences intrafamiliales : n’oublions pas que, en France, une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son conjoint.

C’est pourquoi je salue l’ouverture du 3919, d’ici à l’été prochain, vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, pour tenir compte du décalage horaire avec les territoires ultramarins.

Il devrait également devenir accessible aux personnes sourdes ou ayant des troubles du langage. Cette mesure est très attendue.

Pour autant, je partage l’inquiétude de la Fédération nationale Solidarité Femmes (FNSF) et des associations, qui craignent que le service ne sorte fragilisé de cette procédure et que la rentabilité économique ne finisse par l’emporter sur la qualité du service d’écoute.

En conclusion, le groupe RDSE votera les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme le président. La parole est à M. Alain Duffourg. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Alain Duffourg. Madame le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » résonne cette année d’un sens particulier. Dans un contexte où le moral des Français est à son niveau le plus bas depuis la crise des « gilets jaunes », en décembre 2018, nos concitoyens anticipent une nouvelle crise longue et difficile, et les crédits de cette mission sont particulièrement attendus.

Portant les politiques publiques de lutte contre la pauvreté, de réduction des inégalités et de protection des personnes vulnérables, cette mission voit ses crédits atteindre 26,1 milliards d’euros en 2021. Après de fortes hausses en 2018 et en 2019, ils sont en légère baisse de 0,7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2020, mais, avec l’ouverture de crédits supplémentaires des lois de finances rectificatives pour 2020, c’est en réalité une chute de 10 %.

Nous comprenons, monsieur le secrétaire d’État, que le Gouvernement parie sur la relance et la soutienne. C’est indispensable, mais cela repose sur des prévisions, par définition incertaines. La contraction des crédits de la mission constitue ainsi un pari des plus risqués pour celles et ceux qui pourraient passer à côté de cette relance.

Si certaines mesures envers des personnes vulnérables ont été amplifiées, les dispositifs assurant la cohésion sociale demandent une vigilance accrue : c’est le cas de l’AAH, de la prime à l’emploi ou encore de la prévention et la lutte contre la pauvreté.

Parmi les crédits revalorisés, je voudrais saluer la montée en puissance du dispositif d’emploi accompagné pour les personnes handicapées du programme 157, soutenu par le plan de relance, qui s’élève à 22,5 millions d’euros, et l’augmentation de 37,7 % des crédits de paiement du programme 137, « Égalité entre les femmes et les hommes », pour la protection des femmes victimes de violences, que le confinement a fragilisées.

La crise sanitaire a mis en lumière la surcharge de travail des femmes. À ce propos, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous nous préciser le calendrier du projet de loi sur la reconnaissance de l’égalité hommes-femmes dans l’économie ?

Dans un contexte de crise, qui accroît les inégalités, la vigilance sur les mesures assurant la solidarité et la cohésion sociale entre nos citoyens doit être constante. Les deux principaux dispositifs dans la mission, et qui représentent 80 % de ses crédits, à savoir l’AAH pour 11,1 milliards d’euros et la prime à l’emploi pour 9,7 milliards, connaissent une stabilisation, voire une régression, après de fortes revalorisations par le passé. Pourtant, la situation de crise nous impose une réflexion sur les mesures de solidarité envers nos concitoyens les plus fragiles dans la durée. Je partage à cet égard les interrogations de notre rapporteur sur la branche autonomie dans le cadre du PLFSS, M. Philippe Mouiller, concernant l’avenir de l’AAH au sein de la mission ou les transferts de la branche autonomie de la sécurité sociale.

Je voudrais ici mettre l’accent sur un sujet qui préoccupe particulièrement le groupe Union Centriste, à savoir la prise en charge spécifique de la pauvreté et de la précarité engendrées par la crise sanitaire.

Comme l’a exposé notre collègue Olivier Henno dans sa question d’actualité au Gouvernement la semaine dernière, nous faisons face à un risque de basculement dans l’extrême précarité de personnes qui pensaient ne jamais devoir recourir aux aides sociales. Selon le Secours populaire, 1 million de Français auraient basculé dans la pauvreté pendant l’épidémie, en plus des 9 millions qui y étaient déjà. Ce sont des salariés, des indépendants, des jeunes. Ces derniers sont particulièrement touchés : ils ne peuvent plus exercer de petits boulots, notamment dans les restaurants ou autres endroits de ce type. Ils sont en revanche accueillis aujourd’hui dans des associations comme les Restos du cœur. La moitié a moins de 25 ans, ce qui relance le débat sur l’extension du RSA aux jeunes actifs.

La stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, mise en place par le Gouvernement en 2018, doit désormais tenir compte d’une situation de crise qui est là pour durer : des centaines de milliers d’emplois sont détruits, le taux de chômage augmente, la Banque de France l’estimant à 11 % dès le 1er semestre 2021.

L’acte II de la stratégie précitée a débuté. Le ministre des solidarités et de la santé a lancé, le 24 novembre dernier, un plan d’aide aux associations de lutte contre la pauvreté de 100 millions d’euros sur deux ans, dans le cadre du plan France Relance. Est attendue une première vague d’appels à projets d’ici au 15 janvier.

Attaché à une réponse de terrain, le groupe Union Centriste attend une réponse humaine mobilisant les élus locaux, les partenaires sociaux, les associations, dans un grand plan de relance et de cohésion sociale en faveur de nos citoyens les plus vulnérables.

Respectueux de sa tradition humaniste, le groupe Union Centriste votera les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou.

Mme Annie Le Houerou. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » pour 2021 s’élèvent à plus de 26 milliards d’euros, et ils sont symboliquement en baisse de 161 millions d’euros.

Or 1 million de pauvres supplémentaires annoncés pour la fin 2020 porteront à plus de 10 millions le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté ; plus de 800 000 emplois seront détruits d’ici à la fin de l’année.

Ces chiffres nous donnent le vertige. Cette précarité grandissante, qui touche une personne sur dix dans notre pays, nous oblige à prévoir des réponses structurelles pour enrayer ce phénomène. Force est de constater que la politique de ruissellement de M. Macron ne fonctionne pas. Accentuées par la crise sanitaire, ses conséquences sont insupportables, alors que les inégalités se creusent.

Or le budget alloué au programme 304, dédié à l’inclusion sociale et la protection des personnes, est en baisse. Pourtant, l’augmentation de la pauvreté menace notre cohésion sociale.

Les associations caritatives, les communes nous alertent. Nous le constatons nous-mêmes. Les choses vont s’aggraver en 2021, avec des suppressions d’emplois et des faillites d’entreprises attendues. La Banque de France prévoit un taux de chômage dépassant les 11 % dès le premier semestre 2021.

La prime d’activité représente la quasi-totalité du budget du programme 304, en baisse de 1 %, une baisse liée à l’augmentation du chômage.

Afin d’amortir le choc social de la crise, notre groupe a proposé un amendement pour créer un revenu de base, revenu socle pour ceux qui sont sans ressource, ou complément de revenus pour les personnes qui travaillent. Malheureusement, cet amendement a fait long feu à cause de l’article 40. Nous y reviendrons.

L’action n° 14 dédiée à l’aide alimentaire est en baisse de 11 %. Au vu des demandes, il est surprenant que ce budget baisse. Les arguments avancés et le recours à d’autres financements ne sont pas convaincants et nous embrouillent, quand on sait que 8 millions de personnes sollicitent cette aide.

La protection et l’accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables de l’action n° 17 présentent une hausse d’environ 40 millions d’euros, liée à la stratégie de prévention et de protection de l’enfance. Cette augmentation vise à financer quelques préconisations du rapport de la commission Cyrulnik sur les 1 000 premiers jours de l’enfant. C’est un engagement à saluer. Nous nous interrogeons toutefois sur un saupoudrage qui pourrait nuire à l’efficacité des mesures.

L’action n° 19 consacrée à la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes n’est pas à la hauteur des engagements du Premier ministre, qui annonçait des mesures importantes. Le nombre de jeunes inscrits à Pôle emploi âgés de moins de 25 ans est en hausse d’environ 15 % par rapport au mois de février 2020. Les problèmes financiers, qui s’ajoutent à une absence de confiance en l’avenir, plongent notre jeunesse dans une détresse psychologique qui nécessite de prévoir un accompagnement spécialisé.

Les jobs d’étudiants proposés ne suffiront pas. Or les étudiants ont besoin d’étudier sereinement. À cet égard, nous porterons un amendement visant à mettre en place un « minimum jeunesse ».

Concernant le handicap et la dépendance, le programme 157 finance l’AAH, l’aide au poste des travailleurs handicapés et le dispositif « emploi accompagné ». Nous regrettons néanmoins que l’AAH soit conditionnée à la situation familiale et aux revenus du foyer. L’individualisation de cette allocation serait juste pour l’autonomie des personnes. C’est ce que nous proposons.

S’agissant de l’égalité femmes-hommes, déclarée grande cause du quinquennat, nous nous réjouissons de voir ses crédits en très nette augmentation. Néanmoins, sont-ils suffisants au regard des enjeux ?

Sur l’initiative de Laurence Rossignol, notre groupe proposera un amendement pour la création d’un observatoire national des féminicides afin d’objectiver ce phénomène et d’évaluer l’efficacité des mesures.

Nous déplorons en outre que la prise en charge des auteurs de violences s’impute sur ce budget et non sur celui de la justice, réduisant d’autant les actions en faveur des victimes.

La parole des femmes se libère. Elles sont encouragées à révéler les violences. Nous leur devons des solutions pour qu’elles puissent se libérer de toute emprise et être sécurisées, leur permettre de se reconstruire et de reconstruire une nouvelle vie, pour elle et leurs enfants.

Le programme 137 pérennise le budget de 2,1 millions d’euros pour les personnes en situation de prostitution. Cependant, il n’y a aucune mesure spécifique contre la prostitution des mineures, dont les chiffres sont d’une ampleur catastrophique : entre 6 000 et 10 000 mineures seraient concernées.

Un diagnostic alarmiste réalisé en Bretagne révèle que ce phénomène prospère via les réseaux sociaux tant dans nos villes que dans les zones très rurales, accentué par la situation de précarité de nos jeunes et la banalisation à l’œuvre.

Par ailleurs, notre groupe souligne l’insuffisance du budget alloué pour aider à sortir du système prostitutionnel. L’aide financière allouée, à savoir l’aide financière à l’insertion sociale et professionnelle (AFIS), est de 330 euros. C’est nettement insuffisant, et elle devrait être alignée sur le montant du RSA. Notre groupe propose un amendement en ce sens.

Sur le volet « égalité professionnelle », la crise sanitaire a révélé combien les femmes sont les premières de cordée. Elles exercent les métiers les plus exposés : soins, services à domicile, métiers de la vente en grandes surfaces. Elles gèrent aussi, souvent seules, les jeunes et les enfants dans le suivi chaotique des scolarités de ces deux années particulières. Une revalorisation de ces métiers serait bienvenue.

Le Ségur de la santé donnait de l’espoir, mais il a suscité des injustices malvenues et mal vécues par les professionnels.