Mme le président. L’amendement n° II-841 rectifié bis, présenté par Mmes Le Houerou et Lubin, MM. Féraud et Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Inclusion sociale et protection des personnes

dont titre 2

 

260 000 000

 

260 000 000

Handicap et dépendance

360 000 000

 

360 000 000

 

Égalité entre les femmes et les hommes

 

 

 

 

Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales

dont titre 2

 

100 000 000

 

100 000 000

TOTAL

360 000 000

360 000 000

360 000 000

360 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Annie Le Houerou.

Mme Annie Le Houerou. Cet amendement a pour objet d’individualiser les critères de versement de l’AAH. On sait que les ressources du ménage entier sont actuellement prises en compte, en particulier celles du conjoint. Cela crée souvent de nombreuses difficultés morales et financières.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. Quand le Gouvernement a décidé d’augmenter, sur deux exercices, l’allocation aux adultes handicapés, il a souhaité aligner en même temps les règles de prise en compte des revenus du couple sur celles qui s’appliquent pour le RSA.

Éric Bocquet et moi-même avons eu plusieurs occasions d’exprimer notre opposition à ce coup de rabot, qui permet à l’État d’économiser 287 millions d’euros chaque année, entre 2020 et 2022, et affecte environ 14 % des allocataires.

Cet amendement vise à tirer les conséquences budgétaires d’une mesure contre laquelle le Sénat s’était prononcé à la fin de 2018. Par ailleurs, une telle mesure relève de la loi ; dès lors, si l’examen de cet amendement permet d’appeler l’attention du Gouvernement sur ce sujet, la modification de crédits qui y est proposée ne saurait, à elle seule, faire entrer en vigueur cette mesure.

Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable, dans la mesure où nous voulons rester cohérents avec le vote de notre assemblée à la fin de 2018. Cependant, il m’intéresserait d’apprendre l’estimation que fait le Gouvernement de la dépense que j’ai évoquée, que nous évaluons à 287 millions d’euros chaque année.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sophie Cluzel, secrétaire dÉtat. L’allocation aux adultes handicapés est fondée sur la solidarité nationale et la solidarité entre conjoints, partenaires et concubins. C’est à ce titre que le calcul de l’AAH, tout comme celui des autres minima sociaux, tient compte de l’ensemble des ressources du foyer des bénéficiaires.

Permettez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, de rappeler les règles de calcul de l’AAH : elles tiennent totalement compte des besoins spécifiques de ses bénéficiaires, avec un premier abattement de 20 % spécifique aux revenus du conjoint et un plafond de ressources supérieur à celui qui s’impose pour les autres minima sociaux.

Il existe également des situations où la prise en compte des revenus du conjoint peut s’avérer favorable à l’allocataire. C’est le cas, par exemple, si celui-ci travaille, mais non son conjoint. On a souvent tendance à oublier de telles situations, mais 44 000 ménages seraient perdants en cas de « déconjugalisation » de l’AAH ; parmi eux, 9 250 ménages perdraient complètement le bénéfice de cette allocation.

Enfin, comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, la mesure proposée pèserait sur le budget de 560 millions d’euros par an. Cette somme aurait sans nul doute un effet de levier beaucoup plus favorable pour l’autonomie des personnes si elle était employée à favoriser leur accès à un revenu d’activité, comme le proposait M. Mouiller.

Je vous propose donc de continuer de mobiliser les crédits qui sont à notre disposition au bénéfice de l’insertion et du maintien dans l’emploi. Nous continuons de travailler afin d’aboutir à une situation « gagnant-gagnant » pour les personnes qui retournent à l’emploi.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-841 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. L’amendement n° II-845 rectifié bis, présenté par Mmes Le Houerou et Lubin, MM. Féraud et Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Inclusion sociale et protection des personnes

dont titre 2

122 125 001

 

122 125 001

 

Handicap et dépendance

 

 

 

 

Égalité entre les femmes et les hommes

 

 

 

 

Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales

dont titre 2

 

122 125 001

 

122 125 001

TOTAL

122 125 001

122 125 001

122 125 001

122 125 001

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Annie Le Houerou.

Mme Annie Le Houerou. Cet amendement vise à annuler la baisse de plus de 120 millions d’euros prévue pour les crédits de l’action n° 11, Prime d’activité et autres dispositifs.

Cette baisse nous paraît particulièrement inexplicable et injustifiable parce que cette ligne budgétaire permet aussi le financement du RSA jeune actif, qui représente à ce jour, pour les jeunes de moins de 25 ans, le seul moyen d’accéder au RSA. Compte tenu de la situation économique et sociale, nous estimons que cette baisse n’est pas justifiée.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. Cet amendement vise à ramener les crédits prévus pour la prime d’activité et le RSA jeune actif à leur niveau de 2020, via une ouverture de crédits de 122,2 millions d’euros.

Néanmoins, cette baisse résulte uniquement des prévisions faites du nombre de bénéficiaires de ces prestations en 2021. La baisse de la prime d’activité tiendrait tout simplement à la hausse attendue du taux du chômage.

En tout état de cause, la prime d’activité et le RSA jeune actif sont des droits pour les personnes éligibles : l’enveloppe ne peut donc pas être fermée. Aucune personne éligible ne pourrait se voir refuser l’allocation au motif que les crédits ouverts seraient insuffisants ; le Gouvernement devrait y pourvoir.

Pour cette raison, nous proposons de laisser le Gouvernement responsable de la sincérité de ses prévisions ; en conséquence, la commission demande le retrait de cet amendement, faute de quoi son avis sera défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Il sera défavorable, pour les raisons développées par M. le rapporteur spécial.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-845 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. L’amendement n° II-844 rectifié bis, présenté par Mmes Le Houerou et Lubin, MM. Féraud et Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Création d’un revenu de base

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Inclusion sociale et protection des personnes

dont titre 2

 

100 000 000

 

100 000 000

Handicap et dépendance

 

 

 

 

Égalité entre les femmes et les hommes

 

 

 

 

Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales

dont titre 2

 

 

 

 

Création d’un revenu de base

100 000 000

 

100 000 000

 

TOTAL

100 000 000

100 000 000

100 000 000

100 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Annie Le Houerou.

Mme Annie Le Houerou. Cet amendement vise à instaurer un « minimum jeunesse » accessible dès l’âge de 18 ans. Il nous paraît important de prévoir une telle mesure pour ces jeunes, qui sont aujourd’hui en très grande difficulté, qu’ils soient actifs ou fassent leurs études.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. Cet amendement vise à instituer un revenu minimum pour les jeunes âgés de 18 à 25 ans, qui ne sont pas éligibles au RSA à l’heure actuelle, ce qui soulève à l’évidence un vaste débat de société.

La commission s’est déjà prononcée sur le sujet lors du présent projet de loi de finances : elle a émis un avis défavorable sur les amendements similaires déposés sur la mission « Plan de relance ». Son avis reste donc défavorable sur cet amendement-ci.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Je tiens à rappeler que, si les jeunes de moins de 25 ans ne peuvent effectivement demander le RSA que sous certaines conditions, d’autres dispositifs n’en demeurent pas moins ouverts à leur attention : la prime d’activité, qui est ouverte à tous les travailleurs majeurs sans condition et dont le montant a été très fortement augmenté en 2019, ainsi que la garantie jeunes, qui est destinée aux jeunes de 16 à 25 ans en situation de grande précarité.

Vous n’ignorez pas, madame la sénatrice, qu’il y a une opposition de fond entre nous : nous ne pensons pas que c’est en permettant aux jeunes de 18 à 25 ans d’avoir accès au RSA que nous lutterons efficacement et durablement contre la pauvreté des jeunes, mais plutôt en créant les conditions d’une meilleure insertion sociale et professionnelle et, notamment, en offrant un meilleur accès à la garantie jeunes.

Vous avez sans doute entendu tout récemment le Premier ministre annoncer l’extension de cette garantie jeunes à 200 000 personnes en 2021, soit un doublement du dispositif.

Par ailleurs, nous sommes particulièrement soucieux des conséquences sociales de cette crise. C’est pourquoi une aide exceptionnelle de solidarité d’un montant de 150 euros a été versée aux jeunes qui bénéficient de l’aide personnalisée au logement (APL), mais aussi aux étudiants boursiers.

Ces quelques éléments de réponse viennent justifier l’avis défavorable que le Gouvernement émet sur cet amendement.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-844 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. L’amendement n° II-43, présenté par M. Sol, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Inclusion sociale et protection des personnes

dont titre 2

42 000 000

 

42 000 000

 

Handicap et dépendance

 

 

 

 

Égalité entre les femmes et les hommes

 

 

 

 

Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales

dont titre 2

 

42 000 000

 

42 000 000

TOTAL

42 000 000

42 000 000

42 000 000

42 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean Sol, rapporteur pour avis. L’arrivée continue sur le territoire national de personnes se présentant comme des mineurs non accompagnés (MNA) pose depuis plusieurs années un problème financier majeur.

Bien que leur prise en charge sociale relève de la compétence départementale, au titre de l’aide sociale à l’enfance (ASE), cette prise en charge doit nécessairement être précédée d’une phase d’évaluation de la minorité et de l’isolement de ces personnes ; cette évaluation, pendant laquelle un hébergement d’urgence de ces personnes est nécessaire, peut durer plusieurs semaines.

Les crédits portés depuis 2016 par la présente mission au titre des MNA visent donc à alléger la charge encourue par les départements pour cette première phase, mais aussi la contrainte supplémentaire pesant sur l’aide sociale à l’enfance. En effet, les MNA représentent aujourd’hui entre 15 % et 20 % des mineurs pris en charge par l’ASE.

Or les crédits demandés pour 2021 au titre des MNA s’élèvent à 120 millions d’euros, ce qui représente un recul de 26 % par rapport à 2020. Cette participation de l’État diminue dans ses deux composantes.

Son volet amont, qui représente la participation forfaitaire de l’État aux dépenses engagées par les départements au titre de la mise à l’abri et de l’évaluation de la minorité, est désormais conditionné à la signature par le président du conseil départemental d’une convention avec le préfet. Son montant diminue de 115 millions d’euros, pour s’établir à 103 millions d’euros.

Son volet aval, qui représente la contribution exceptionnelle, quoique reconduite d’année en année, de l’État aux dépenses supplémentaires de l’ASE, est soumis à un mode de calcul conduisant à la contraction inexorable de son montant, qui passe de 47 millions à 17 millions d’euros en 2021.

La responsabilité de l’État dans un phénomène migratoire dont l’incidence sur la protection de l’enfance sera durable justifie de maintenir, sinon d’accroître, le montant de sa participation financière, d’autant que la France s’est engagée, dans le cadre d’un programme européen, à accueillir des jeunes migrants ayant transité par la Grèce, ce qui revient concrètement, là encore, à les orienter vers l’ASE, selon des critères de répartition peu transparents.

Les départements reçoivent, pour chaque jeune accueilli à ce titre, 1 000 euros de l’État et 4 000 euros de l’Union européenne, compensation sans commune mesure avec la charge nouvelle qui pèse sur eux.

Cet amendement vise donc à augmenter de 42 millions d’euros les crédits du programme 304, « Inclusion sociale et protection des personnes », afin que les crédits dédiés à la participation de l’État à la prise en charge des MNA soient maintenus à leur niveau de 2020, soit 162 millions d’euros au total.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. Avec notre collègue Jean Sol, nous ne pouvons que déplorer l’attrition, d’année en année, du soutien de l’État aux conseils départementaux pour l’accueil et l’évaluation de la minorité des MNA.

Cet amendement, qui vise à revenir sur la minoration de ces crédits de 42 millions d’euros par rapport à 2020, est donc bienvenu. L’État justifie cette baisse par une diminution des flux de nouveaux arrivants, mais nos échanges avec l’Assemblée des départements de France ont mis en évidence les désaccords entre l’État et les départements quant à la méthode du décompte des mineurs non accompagnés.

En outre, la participation de l’État ne concerne que le premier accueil – la mise à l’abri, comme l’on dit dans les départements – et l’évaluation de la minorité, ce qui ne représente qu’une faible part des dépenses consenties par les départements au titre des MNA, qui s’élèvent aujourd’hui à près de 2 milliards d’euros, soit plus de dix fois ce qui était dépensé à ce titre vers l’année 2011.

Nous considérons que l’État doit prendre toute sa part au financement de cette politique. L’accueil des mineurs non accompagnés est source de problématiques complexes, au carrefour d’enjeux de politique migratoire, d’intégration, d’action sociale et, dans certains cas, de prévention de la délinquance juvénile, qui relèvent de sa compétence régalienne.

La commission des finances a donc émis un avis favorable sur cet amendement.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Je veux, tout en justifiant cet avis, apporter des éléments de réponse à certains arguments qui ont été développés pendant la discussion générale des crédits de cette mission.

Vous soulignez, monsieur le rapporteur pour avis, que les crédits dédiés à cette action dans le projet de loi de finances s’élèveront l’année prochaine à 120 millions d’euros, soit une baisse de 42 millions d’euros. Comme vous le savez, les flux d’arrivée de jeunes migrants se présentant sur le territoire national en tant que mineurs non accompagnés ont très sensiblement baissé en 2020.

En réalité, ils avaient déjà très sensiblement baissé en 2019. L’année où de nombreux MNA sont arrivés sur notre territoire, c’est l’année 2018. Quand j’ai été nommé au poste que j’occupe aujourd’hui, au début de 2019, j’ai eu beaucoup de discussions avec les présidents de conseil départemental à ce sujet. D’ailleurs, dès que j’en rencontrais un, le premier sujet qu’il évoquait était celui des mineurs non accompagnés. Ce n’était presque plus le cas au second semestre de 2019. J’en ai conclu – vous m’objecterez que c’est de la pure intuition, sans grande réalité objective ; j’en conviens – que les flux avaient tendance à diminuer.

En 2020, pour des raisons dont je ne prétendrai pas qu’elles sont structurelles, mais qui sont évidemment liées au contexte sanitaire et à la fermeture des frontières, ils ont encore baissé : il y a quelques jours, nous décomptions depuis le début de l’année 8 437 jeunes effectivement reconnus mineurs. En 2018, on avait recueilli 40 000 demandes d’évaluation et accordé 17 000 reconnaissances de minorité. Oui, c’est une réalité ! Elle est liée au contexte, soit, mais c’est une réalité : les flux d’arrivées sont bien plus faibles cette année que les années précédentes.

En outre, le budget pour 2020 avait été établi dans un contexte tendanciel à la hausse, avec plus de 15 % d’augmentation d’une année sur l’autre. Cette dynamique n’était de fait déjà plus à l’œuvre ; elle l’est encore moins aujourd’hui, comme je viens de le démontrer. Il s’agit donc, tout simplement, d’adapter nos prévisions budgétaires à une réalité nouvelle.

Enfin, les barèmes financiers sont inchangés et l’engagement global de l’État aux côtés des départements en faveur de chacun de ces jeunes demeure une priorité. À cet égard, je veux répondre à certains propos de M. Antoine Lefèvre : le financement s’élève à 500 euros par jeune évalué, dont 100 euros pour un bilan de santé ; c’est important ! On verse également 90 euros pendant quatorze jours de mise à l’abri, puis 20 euros pendant neuf jours ; sauf erreur – l’ADF pourra vous le confirmer –, cela a été élaboré et acté en accord avec cette association. Il n’y a, à cet égard, ni surprise ni désengagement de l’État. Je le répète, cette participation a été approuvée par l’ADF lors de sa mise en place, sauf erreur de ma part.

J’en viens à la clé de répartition qui a été évoquée, à raison, par M. Lefèvre. Elle a effectivement été fixée en se fondant sur des critères démographiques, à savoir sur le nombre de jeunes de moins de 19 ans présents sur un territoire, dont on peut déduire le nombre de structures préexistantes pouvant accueillir des mineurs non accompagnés. De fait, cela a eu tendance à accroître les inégalités et à susciter des difficultés pour certains départements ; la Seine-Saint-Denis en est le meilleur exemple. C’est notamment à la demande du président de son conseil départemental que nous avons modifié, par voie réglementaire, le seul élément qui pouvait être ainsi modifié, à savoir les critères démographiques, pour retenir la population générale plutôt que le nombre de jeunes de moins de 19 ans.

Si vous voulez intégrer des critères socioéconomiques dans la clé de répartition, ce à quoi le Gouvernement est favorable, pour des raisons d’équité territoriale, il faudra en passer par la loi. Nous aurons peut-être l’occasion, dans les semaines ou les mois à venir, de le faire au travers d’un texte législatif pertinent. Sur le fond, je le répète, j’y suis favorable.

J’en viens enfin au fichier « Appui à l’évaluation de la minorité » (AEM). Ce ne sont pas trente départements qui y ont recours, comme je l’ai entendu dire, mais dix-neuf. Pardonnez-moi, mais il me semble que la commission des finances devrait adhérer au principe selon lequel nous lions l’utilisation du fichier AEM au versement des aides de l’État. En effet, si ce fichier n’est pas utilisé, vous aurez des personnes qui se livreront au nomadisme administratif : si un département les reconnaît majeures, elles iront tenter leur chance dans un département voisin. Concrètement, cela signifie pour les finances publiques que l’État rembourserait deux fois, à deux départements, l’évaluation de leur minorité. D’un point de vue strictement comptable, lier ces remboursements à l’utilisation du fichier AEM se justifie totalement ! Vous jugerez peut-être que c’est regarder le sujet par le petit bout de la lorgnette, mais c’est une réalité du point de vue comptable.

Sachez par ailleurs que, depuis les débuts de l’utilisation de ce fichier, les départements nous disent observer une baisse, qui s’établit entre 20 % à 30 %, du nombre de personnes qui demandent à être reconnues mineures. Très probablement, cela correspond à des personnes qui ont déjà reçu une évaluation.

Enfin, le fichier AEM est aussi protecteur pour les mineurs. En effet, le phénomène inverse existe aussi : il arrive que, du fait de la clé de répartition employée, des jeunes déclarés mineurs dans un département se rendent dans un autre, qui leur refuse la minorité ! C’est illégal et inacceptable. (Marque dapprobation de Mme Sonia de La Provôté.) Le fait qu’ils soient dans le fichier permet de les protéger : on ne peut pas remettre en cause leur minorité. Je suis désolé, mais il est important de rappeler que le fichier AEM, c’est aussi cela !

Je me suis un peu éloigné de l’objet de cet amendement, mais il me semblait important de le faire au vu de tout ce qui avait été évoqué dans la discussion ; je ne doute pas que nous aurons encore l’occasion d’aborder les sujets.

Cela dit, à ce stade de la discussion, monsieur le rapporteur pour avis, l’avis du Gouvernement sur votre amendement est défavorable.

Mme le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Je comprends assez bien le raisonnement de M. le secrétaire d’État et l’explication qu’il donne. Effectivement, c’est mécanique, si je puis dire : il y a un taux par département, un nombre de mineurs non accompagnés et une contribution de l’État aux dépenses des départements ; quand le nombre de MNA baisse, le budget prévisionnel baisse aussi, car vous anticipez que le nombre de mineurs à évaluer en 2021 sera sensiblement équivalent à celui de 2020, voire diminuera.

C’est d’ailleurs ce qui m’étonne un peu, monsieur le secrétaire d’État : si je comprends bien, vous n’avez pas dépensé en 2020 tous les crédits prévus et vous alignez les crédits prévus sur le niveau de dépense réel de 2020. Est-ce bien cela, ou bien anticipez-vous que le nombre de demandes va encore baisser ? C’est le seul petit détail que je n’ai pas totalement compris dans votre raisonnement, monsieur le secrétaire d’État. Si la première hypothèse est la bonne, c’est compréhensible ; sinon, cela l’est moins.

Il se trouve que nous ne parlons de protection de l’enfance que par le biais des MNA, qui représentent une toute petite partie de cette question et, partant, des dépenses qui pèsent sur les départements à ce titre.

Je voudrais à ce propos répondre à M. le rapporteur pour avis : non, les mineurs non accompagnés ne sont pas plus compliqués que les autres ; non, ils ne sont pas plus délinquants. Si l’on fait abstraction des spécificités des très jeunes enfants, tels ceux de la porte de la Chapelle, que l’on connaît, la plupart d’entre eux, dans nos départements, sont plus matures et plus autonomes que la moyenne – pour arriver jusqu’ici, il faut bien l’être ! – et ont une envie d’insertion et de travail beaucoup plus grande. (Marques dapprobation de Mme Cathy Apourceau-Poly et de M. Xavier Iacovelli.)

Ce n’est donc pas par ce biais-là qu’il faut considérer le problème des MNA. Par ailleurs, il faudra quand même un jour que l’État offre des moyens suffisants pour que les départements puissent prendre en charge tout ce qui leur revient aujourd’hui au titre de la protection de l’enfance.

Comme je vous le confiais la semaine dernière, monsieur le secrétaire d’État, je trouve que cela ne va pas bien ! Pour mettre tout le monde à l’aise, je précise que cela n’allait pas bien quand je m’en occupais ; cela ne va toujours pas bien, et c’est peut-être ce qui me désole le plus !

Quant aux jeunes majeurs, le rapport de la Cour des comptes sur ce sujet est assez explicite : il est temps que l’État contribue à leur prise en charge par les départements au-delà de 18 ans. Voilà l’amendement que nous défendrons pour l’année prochaine !

Mme le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous sommes toujours face au problème que nous avons déjà relevé lors de l’examen des amendements sur les crédits de la mission « Santé ». On est toujours obligé de gager les amendements sur d’autres actions de la mission ; ainsi, cet amendement-ci est gagé sur le programme 304, « Inclusion sociale et protection des personnes ». Nous sommes d’accord avec l’objet de l’amendement, mais il est regrettable que l’on soit obligé de gager sur le handicap, ou sur l’égalité, ou sur le soutien aux politiques sanitaires et sociales. Voilà ce qui ne va pas : on est contraint de gager l’amendement sur une politique qui, elle aussi, a des besoins. Tel est le problème de ce projet de loi de finances. On ne touche pas où il faudrait toucher, dans la poche des plus riches, de ceux qui en ont les moyens, on ne touche pas non plus à l’évasion fiscale ; on va donc chercher l’argent sur un programme qui répond à d’autres besoins.

Concernant les mineurs isolés, il me semble que les départements sont aujourd’hui dépassés par la situation, qu’il s’agisse des seuls jeunes migrants ou de l’aide sociale à l’enfance de manière plus générale.

Mon département du Pas-de-Calais, qui compte près de 7 000 enfants placés, est totalement dépassé : nous savons que le nombre de jeunes enfants placés explosera dès lors que la situation sociale s’aggravera. Il ne peut pas en être autrement !

Il faut que l’État prenne des mesures très fortes pour aider les départements qui ne peuvent plus faire face seuls, face tant face à l’ASE qu’au RSA.

La semaine passée, dans un foyer du Pas-de-Calais, vingt-sept jeunes sur vingt-neuf ont été testés positifs au virus. Il est vrai que face aux difficultés, les départements font de leur mieux. Reste que ces jeunes demeurent aujourd’hui dans une situation d’extrême souffrance.