Mme la présidente. L’amendement n° 6, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Au début

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La première phrase du second alinéa de l’article L. 11-1 du code de la justice pénale des mineurs, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 précitée, est supprimée.

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Cet amendement va dans le même sens.

Nous proposons de remplacer la présomption simple, selon laquelle l’enfant de moins de 13 ans ne dispose pas du discernement suffisant pour voir sa responsabilité pénale engagée, par une présomption irréfragable. Cette disposition répond à une exigence essentielle à nos yeux : le droit pénal des mineurs doit respecter le principe selon lequel chacun a le droit de bénéficier d’un procès équitable.

Pour exercer ce droit, l’enfant doit avoir pleinement la capacité de participer à son procès ; cette compréhension constitue un aspect fondamental du discernement. Cela a d’ailleurs été rappelé, en 2018, par Jacques Toubon, alors Défenseur des droits ; ce dernier expliquait que, « pour que l’enfant bénéficie d’un procès équitable, il doit avoir pleinement la capacité de participer à son procès, il doit comprendre pourquoi il est là, les sanctions pénales susceptibles d’être prononcées contre lui, mais aussi les mécanismes des recours judiciaires ». Or, au-dessous d’un certain âge, un enfant, s’il peut avoir compris et même voulu son acte, peut en revanche difficilement comprendre la procédure pénale dans laquelle il se trouve impliqué.

En outre, l’actuelle Défenseure des droits, Claire Hédon, souligne que la responsabilité pénale continue de reposer sur la notion de discernement sans que celle-ci soit pour autant définie. Cela implique que des enfants de moins de 13 ans pourront toujours faire l’objet d’une procédure pénale. Ainsi, il n’y aura pas de réel changement par rapport au régime applicable aujourd’hui ; des enfants de 7 ou 8 ans pourront encore, comme cela existe actuellement, faire l’objet de poursuites pénales.

Pis – cela est rappelé par de nombreux acteurs –, cette notion de discernement laisse place à une grande diversité de pratiques selon les magistrats et rompt donc le principe d’égalité devant la loi et devant la justice. Bien que Mme la rapporteure ait tenté, en commission, de définir cette notion, celle-ci demeure encore assez floue à nos yeux, alors que son appréhension est centrale pour définir la culpabilité d’un mineur. Les voies de recours contre une telle appréciation ne sont pas précisées.

Mme la présidente. L’amendement n° 50 rectifié, présenté par M. Sueur, Mme Harribey, M. Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain, Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Antiste et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Au début

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

….- La première phrase du second alinéa de l’article L. 11-1 du code de la justice pénale des mineurs, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 précitée, est ainsi rédigée : « Les mineurs de moins de treize ans ne sont pas responsables pénalement des actes qu’ils ont pu commettre. »

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. L’amendement que je présente va dans le même sens que les précédents.

Selon la convention internationale des droits de l’enfant, chaque État partie doit fixer « un âge minimum au-dessous duquel » un mineur ne peut être poursuivi pénalement. Or la rédaction actuelle de l’article L. 11-1 du code de la justice pénale des mineurs, résultant de l’ordonnance du 11 septembre 2019, ne permet pas de répondre à cette exigence, dans la mesure où, pour les enfants de moins de 13 ans, la présomption d’irresponsabilité pénale est simple et non pas irréfragable.

Le Comité des droits de l’enfant, à Genève, a été très clair à ce sujet ; il s’est exprimé à de nombreuses reprises. Il indique que, pour ces enfants, il ne peut pas y avoir de poursuites pénales, il ne peut y avoir que des mesures éducatives. Or ces mesures, tout le monde en conviendra, ne sont pas purement cosmétiques, elles sont très réelles, très fortes, et l’objectif du texte est de leur donner le primat.

Par ailleurs, prévoir l’irresponsabilité pénale des mineurs de moins de 13 ans ne signifie pas une absence de réponse.

Enfin, pour ce qui concerne les jeunes de plus de 13 ans, la responsabilité pénale doit être présumée mais liée à la capacité de discernement, qu’il appartient au magistrat de déterminer.

Les choses me semblent donc très claires quant à notre point de désaccord sur ce sujet.

Mme la présidente. L’amendement n° 51 rectifié ter, présenté par Mmes V. Boyer, Deroche et Belrhiti, M. Bouchet, Mme Dumont, MM. Cadec et Panunzi, Mme Dumas, M. Bascher, Mme Garnier, M. B. Fournier, Mme F. Gerbaud, M. Klinger, Mme de Cidrac et MM. Belin, Brisson, Bonhomme, Le Rudulier et Boré, est ainsi libellé :

Au début

Insérer deux paragraphes ainsi rédigés :

…. – Le second alinéa de l’article L. 11-1 du code de la justice pénale des mineurs, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 précitée, est ainsi modifié :

1° À la seconde phrase, les mots : « d’au moins treize » sont remplacés par les mots : « de treize à seize » ;

2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Les mineurs de seize à dix-huit ans sont pénalement responsables. »

…. – Au premier alinéa de l’article 122-8 du code pénal, les mots : « capables de discernement » sont remplacés par les mots : « âgés de dix à seize ans capables de discernement et ceux âgés de seize à dix-huit ans ».

La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Cet amendement vise à répondre en partie aux difficultés auxquelles nous sommes confrontés, en particulier celles qui sont liées aux mineurs ultraviolents et à ce que le ministre de l’intérieur appelle « l’ensauvagement de la société ». Ces termes ont peut-être été contestés lorsqu’ils ont été prononcés, mais, malheureusement, du fait de l’actualité, ils sont aujourd’hui partagés par tous.

Je veux rappeler une affaire sordide et particulièrement triste : les mineurs qui ont frappé Marin – ce courageux jeune qui était venu au secours d’un couple s’embrassant et qui a été tabassé jusqu’à être handicapé à vie – avaient été interpellés dix-huit fois, si ma mémoire est bonne, monsieur le garde des sceaux.

Cet amendement tend donc à instaurer un âge minimal de responsabilité pénale des mineurs à 16 ans, tout en conservant l’exigence morale du discernement en deçà de cet âge.

L’article L. 11-1 du code de la justice pénale des mineurs, relatif à la responsabilité pénale des mineurs, prévoit une présomption de responsabilité pénale à partir de 13 ans et une présomption d’irresponsabilité en deçà, afin de rapprocher le droit français des règles de droit international, notamment de la convention internationale des droits de l’enfant, laquelle exige un « un âge minimum au-dessous duquel les enfants seront présumés n’avoir pas la capacité d’enfreindre la loi pénale ».

Ainsi, dans le respect de ces fondamentaux, je vous propose de compléter ce dispositif en rendant responsables les mineurs de 16 à 18 ans, tout en maintenant une présomption de responsabilité pour les mineurs de 13 à 16 ans.

Mme la présidente. L’amendement n° 52 rectifié ter, présenté par Mmes V. Boyer, Deroche et Belrhiti, M. Bouchet, Mme Dumont, MM. Cadec et Panunzi, Mme Dumas, MM. Bascher et B. Fournier, Mme F. Gerbaud, M. Klinger, Mme de Cidrac et MM. Belin, Brisson, Bonhomme, Le Rudulier et Boré, est ainsi libellé :

Au début

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

….- Le second alinéa de l’article L. 11-1 du code de la justice pénale des mineurs, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 précitée, est ainsi modifié :

1° À la seconde phrase, les mots : « d’au moins treize » sont remplacés par les mots : « de treize à seize » ;

2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Les mineurs âgés de seize à dix-huit ans sont capables de discernement et pénalement responsables. »

La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Il s’agit d’un amendement de repli.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Ces amendements en discussion commune posent plusieurs questions.

La première est celle de l’âge pivot. J’ai eu l’occasion de le dire dans la discussion générale, il n’y a pas de consensus à ce sujet. Si l’on considère l’ensemble des pays de l’Union européenne, on constate que certains ont choisi 8 ans quand d’autres vont jusqu’à 18 ans. Même parmi ceux que nous avons entendus en audition, l’âge proposé varie.

Dans le droit positif français, l’âge de 13 ans est reconnu, et ce seuil nous paraît bon ; il semble correspondre à l’état de développement des enfants. Nous sommes donc favorables plutôt à l’âge de 13 ans qu’à celui de 14 ans.

En ce qui concerne la présomption irréfragable de non-discernement ou l’irresponsabilité pénale, c’est le même raisonnement. Nous considérons que le dispositif de la présomption simple, tel qu’il figure aujourd’hui dans le texte, permet de faire confiance au juge. Dans le cadre de la justice pénale des mineurs, il nous paraît important que les juges des enfants, qui sont des juges spécialisés et qui connaissent bien – c’est un principe de base – le développement des enfants, puissent adapter la réponse pénale en fonction du développement de l’enfant.

La présomption simple de non-discernement avant 13 ans et de discernement après cet âge permet de faire glisser la réponse pénale en fonction des situations. Il ne faut pas légiférer par rapport à des situations précises, et le droit ne doit pas répondre à telle ou telle situation, mais certaines situations permettent d’expliquer, d’éclairer nos débats. Ainsi, si l’on considère l’affaire de la jeune Évaëlle, on voit bien que les auteurs avaient moins de 13 ans et que la question du discernement se pose très clairement pour eux.

Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur les amendements nos 62 rectifié et 6. Elle a également émis un avis défavorable sur l’amendement n° 50 rectifié, qui concerne l’irresponsabilité pénale, car ses effets sont les mêmes que pour la présomption irréfragable de non-discernement.

En ce qui concerne l’amendement n° 51 rectifié ter de Mme Boyer, je ne suis pas sûre que la création de trois seuils simplifierait les choses et apporterait véritablement une solution, notamment pour la responsabilité pleine et entière de 16 à 18 ans, même quand il s’agit d’un groupe important de jeunes mineurs délinquants, souvent enfermés dans cette spirale. Aujourd’hui, le juge peut renverser l’excuse de minorité, et, là encore, je pense qu’il faut lui faire confiance. Ce n’est pas la peine de complexifier les choses en créant des strates supplémentaires.

La commission a donc également émis un avis défavorable sur cet amendement, de même que sur l’amendement de repli n° 52 rectifié ter.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. C’est le même avis.

Tout d’abord, le mineur de 13 ans ne peut pas faire l’objet d’une mesure coercitive. Il faut le rappeler, pour qu’il n’y ait pas de confusion.

Ensuite, nous partons du principe qu’il faut faire confiance au juge des enfants, qui fait face à des gamins de 12 ans ayant davantage de discernement que certains gamins de 14 ans.

Nous souhaitons également qu’il y ait une réponse judiciaire adaptée à l’âge mais encore au discernement du mineur.

Je pense avoir tout dit, et je me joins aux explications de Mme la rapporteure. J’ajoute toutefois que, dans quelques instants, le Gouvernement proposera un amendement visant à mieux définir le discernement, afin de donner un certain nombre d’assurances, car la loi pénale doit être strictement encadrée. Vous le verrez, nous nous servirons de la définition proposée par la Cour de cassation.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 62 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 6.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 50 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme Valérie Boyer. Je retire mes amendements, madame la présidente !

Mme la présidente. Les amendements nos 51 rectifié ter et 52 rectifié ter sont retirés.

Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 27, présenté par M. Sueur, Mmes Harribey et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner, Bourgi, Leconte, Kerrouche, Marie, Antiste et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Les mineurs sont capables de discernement lorsqu’ils ont voulu et compris l’acte. »

La parole est à Mme Laurence Harribey.

Mme Laurence Harribey. Il s’agit de définir le discernement ; j’en ai parlé dans de mon propos lors de la discussion générale.

Selon nous, le mineur est capable de discernement lorsqu’il a voulu et compris l’acte qu’il a commis. Nous reprenons ainsi la jurisprudence de la Cour de cassation, à savoir l’arrêt Laboube de 1956, qui a été confirmé plusieurs fois.

Nous irions même plus loin ; selon nous, les mineurs devraient également être en mesure de comprendre la procédure applicable et ses enjeux.

Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 71 rectifié est présenté par MM. Mohamed Soilihi, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand, Patient et Patriat, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

L’amendement n° 75 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

dont la maturité lui permet de comprendre l’acte qui lui est reproché et sa portée

par les mots :

qui a compris et voulu son acte et qui est apte à comprendre le sens de la procédure pénale dont il fait l’objet

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour présenter l’amendement n° 71 rectifié.

M. Thani Mohamed Soilihi. La rapporteure a utilement introduit dans le texte une définition du discernement ayant vocation à figurer dans le code de la justice pénale des mineurs. Cette définition procède d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation, remontant à 1956. Elle repose sur la compréhension qu’a le mineur de son acte, mais également sur sa volonté de commettre celui-ci. Afin de ne pas affaiblir, dans la définition qui sera inscrite dans la loi, la portée de cette jurisprudence, le présent amendement vise à y intégrer une référence expresse à la volonté du mineur et à sa compréhension de la procédure pénale.

Mon amendement n° 70, qui viendra ultérieurement, est un amendement de repli, que l’on peut considérer comme défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux, pour présenter l’amendement n° 75.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le Gouvernement présente cet amendement, identique à celui de M. Thani Mohamed Soilihi, de précision sur la notion de discernement ; je l’ai évoqué précédemment.

Nous avons choisi de recopier servilement – les adverbes sont utiles – la définition du discernement donnée par la Cour de cassation – belle référence s’il en est, vous me l’accorderez – dans un vieil arrêt, datant du 13 décembre 1956, et qui a fait consensus depuis lors : le discernement implique que le gamin ait compris et voulu son acte et qu’il soit apte à comprendre le sens de la procédure pénale dont il fait l’objet.

Le dernier volet de la définition est extrêmement important, parce qu’il faut évidemment que la réponse pédagogique apportée par la justice puisse être comprise ; sinon, ça n’a strictement aucun sens et la justice tourne à vide pour elle-même ; ce n’est quand même pas le but…

Voilà la définition du discernement que nous proposons. C’est plus précis que la notion de maturité, par exemple. C’est un mot qu’on a beaucoup utilisé, ici, il y a quelques jours, et sur lequel nous avons déjà disserté.

Le Gouvernement se réfère donc à cette définition, qui fait aujourd’hui référence pour définir le discernement.

Mme la présidente. L’amendement n° 70, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Alinéa 2

1° Après les mots :

lui permet de

insérer les mots :

vouloir et

2° Supprimer les mots :

et sa portée

Cet amendement a été précédemment défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Vous l’aurez compris, nous sommes tous attentifs à ce qu’il y ait, dans le code de la justice pénale des mineurs, une définition de la notion de discernement, pierre angulaire de la responsabilité pénale du mineur. Celle que nous avons proposée s’articule autour du concept, certes peu juridique – nous en avons bien conscience –, de maturité. En effet, il nous paraissait important que les sanctions prononcées à l’égard des mineurs délinquants prennent véritablement en compte l’état d’évolution et de compréhension des mineurs, notamment de leur aptitude à comprendre.

Vous l’avez dit, monsieur le garde des sceaux, il y a clairement une base – la jurisprudence constante fondée sur l’arrêt de principe Laboube, que tout le monde a cité –, à laquelle il est nécessaire de se référer. Néanmoins, nous sommes aussi très ouverts – c’est l’intérêt des débats parlementaires, qui permet l’enrichissement mutuel – à l’ajout relatif à l’aptitude à comprendre le sens de la procédure. Il nous paraît important que le jeune puisse s’inscrire dans la procédure et puisse en comprendre les enjeux, même si, selon nous, ce n’est pas tant la procédure qu’il doit comprendre que la sanction qui va être prononcée à son encontre. Nous craignons en effet que la notion de procédure soit un peu plus absconse que celle de sanction, qui parlera peut-être plus aux jeunes.

La commission a donc émis un avis défavorable sur l’amendement n° 27, dans lequel manque la précision relative à l’aptitude à comprendre la procédure, et un avis favorable sur les amendements identiques nos 71 rectifié et 75 ; par conséquent, elle a émis un avis défavorable sur l’amendement de repli n° 70.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 27 et 70.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour explication de vote.

Mme Laurence Harribey. Je veux bien que l’on s’amuse à émettre des avis favorables ou défavorables à tel ou tel amendement, mais je ne peux pas vous laisser dire, madame la rapporteure, que notre amendement serait incomplet parce qu’il ne comporterait pas la notion de compréhension ; nous avons bien précisé qu’il y a discernement lorsque l’acte est voulu et compris. Vous vous êtes peut-être mal exprimée ; nous voulons bien admettre que notre amendement n’est pas complet et que les amendements nos 71 rectifié et 75 le sont un peu plus, et nous acceptons de les soutenir, mais ne dites pas que le nôtre ne parle pas de compréhension.

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Je me suis peut-être mal exprimée ou vous m’avez mal comprise ; je parlais de l’aptitude à comprendre le sens de la procédure. Les amendements identiques de M. Mohamed Soilihi et du Gouvernement nous semblent plus complets, puisqu’ils intègrent cette aptitude à comprendre la procédure. Le jeune ne doit pas simplement comprendre ce qu’il a fait ; il doit également comprendre ce qu’il encourt et ce qu’il se passe.

Cela nous paraît important et nous semble se rapporter à la notion de maturité. C’est pour cette raison que la commission préfère ces amendements identiques, le vôtre étant une bonne base, puisqu’il reprend la définition jurisprudentielle issue du socle, l’arrêt de principe Laboube.

Mme Laurence Harribey. Je retire mon amendement au profit des deux suivants !

Mme la présidente. L’amendement n° 27 est retiré.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 71 rectifié et 75.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 70 n’a plus d’objet.

Je mets aux voix l’article 1er ter A, modifié.

(Larticle 1er ter A est adopté.)

Article 1er ter A (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs
Article 1er ter (supprimé)

Article 1er ter B (nouveau)

Le code de la justice pénale des mineurs, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 précitée, est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa des articles L. 12-1 et L. 12-2, les mots : « de la cinquième classe » sont supprimés ;

2° Au début du second alinéa de l’article L. 111-2, les mots : « Le tribunal de police » sont remplacés par les mots : « Pour les contraventions de la première à la quatrième classe, le juge des enfants » ;

3° Au premier alinéa de l’article L. 121-3, les mots : « tribunal de police » sont remplacés par les mots : « juge pour enfants » ;

4° Au premier alinéa de l’article L. 121-7, les mots : « tribunal de police » sont remplacés par les mots : « juge des enfants appelé à statuer sur une contravention de la première à la quatrième classe » ;

5° L’article L. 231-2 est ainsi rédigé :

« Art. L. 231-2. – Le juge des enfants connaît des contraventions et des délits commis par les mineurs. » ;

6° L’article L. 231-6 est ainsi rédigé :

« Art. L. 231-6. – La chambre spéciale des mineurs de la cour d’appel mentionnée à l’article L. 312-6 du code de l’organisation judiciaire connaît des appels formés contre les décisions du juge des enfants et du tribunal pour enfants. » ;

7° Au cinquième alinéa de l’article L. 422-4, les mots : « ou, pour les contraventions des quatre premières classes, par le juge compétent du tribunal de police » sont supprimés ;

8° L’article L. 423-1 est abrogé ;

9° À l’article L. 511-2, les mots : « et le président du tribunal de police » sont supprimés et la première occurrence du signe « , » est remplacée par le mot : « et » ;

10° L’article L. 513-2 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « et le président du tribunal de police » sont supprimés ;

b) Au deuxième alinéa, les mots : « du tribunal de police » sont supprimés ;

11° Au premier alinéa de l’article L. 513-3, les mots : « le tribunal de police ou » sont supprimés ;

12° À l’article L. 531-1, les mots : « du tribunal de police prononcés à l’égard d’un mineur, » sont supprimés ;

13° Au premier alinéa de l’article L. 532-1, les mots : « mentionnées à l’article 545 du code de procédure pénale sont applicables aux jugements du tribunal de police prononcés à l’égard d’un mineur. Celles » sont supprimés et les mots : « même code » sont remplacés par les mots : « code de procédure pénale ».

Mme la présidente. L’amendement n° 74, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Il s’agit de rétablir la compétence du tribunal de police pour les contraventions des quatre premières classes s’agissant des mineurs. Je connais la position de la commission des lois et la vôtre, madame la rapporteure. Pourtant, je ne désespère pas de vous convaincre, pour différentes raisons.

Ces contraventions de faible gravité ne nécessitent ni l’intervention d’un magistrat spécialisé ni la mise en place d’un suivi éducatif prolongé. Il s’agit, le plus souvent, de l’absence du port du casque, d’un refus de priorité, de la circulation à scooter dans une voie de bus ou encore d’un défaut d’assurance. Ce n’est pas le signe d’une délinquance naissante ! C’est pourquoi il peut y avoir une rupture entre le tribunal pour enfants et le tribunal de police.

Puisque l’une des préoccupations de la commission est l’engorgement des tribunaux pour enfants, au point que vous demandiez le report de l’application du texte, contrairement à mon avis sur cette question – je suis d’accord avec vous, mais pour d’autres raisons –, je tiens quand même à vous indiquer que les mineurs représentent 2,5 % des personnes jugées devant le tribunal de police. Cela peut paraître peu au regard de la totalité des justiciables, mais considérons le nombre que cela représente : ce sont 5 000 mineurs qui devront être jugés non plus, si le Sénat vous suit, par le tribunal de police mais par les juges des enfants. Il y a alors un risque d’engorgement.

Vous ne pouvez pas, d’un côté, affirmer que les juridictions ne sont pas prêtes et qu’il faut renvoyer l’application à une date ultérieure et, de l’autre, ne pas prendre en considération les 5 000 mineurs qui seraient désormais jugés par le juge des enfants pour les infractions que je viens de rappeler. Il y a là une petite contradiction.

En outre, je le répète, on ne se situe pas sur les premiers barreaux de l’échelle de la délinquance ; il s’agit d’infractions routières ou de cette nature.

Je vous demande donc respectueusement, mais avec insistance, de réfléchir à deux fois avant d’attribuer tout ce contentieux aux juges des enfants qui – pardon de vous le dire – n’en ont pas besoin.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Votre plaidoirie pour le maintien du tribunal de police repose, monsieur le garde des sceaux, sur des arguments qui peuvent être contestés.

Au Sénat, nous tenons à la cohérence en matière de spécialisation des juridictions pour mineurs. Vous nous indiquez que les contraventions des quatre premières classes sont avant tout des contraventions routières. Certes, c’est le gros du contentieux, mais ce n’est pas seulement cela ; il y a aussi les violences volontaires, les injures publiques, les messages injurieux appelant à la violence ou les menaces de violence. On trouve donc, dans ces infractions, les prémices de la montée en puissance d’une délinquance malheureusement probable.

Il nous paraît important que le juge des enfants puisse, le plus tôt possible, dès la plus petite infraction, mettre en place les mesures éducatives, les actions visant à éviter cette spirale en ayant une vision large du comportement du jeune. C’est pour cela que nous sommes favorables à la suppression du tribunal de police.

Vous nous dites aussi que cela représente 5 000 affaires, soit 2,5 % des dossiers ; c’est vrai que, même si c’est peu, cela peut déstabiliser les juridictions pour mineurs. Toutefois, si nous pensons qu’il est nécessaire de reporter la réforme, c’est parce que ces juridictions ne sont pas prêtes, ce n’est pas uniquement parce qu’elles sont en nombre insuffisant. Selon nous, il y a encore besoin de temps pour assimiler la réforme et pour mettre en place les outils permettant d’arriver à une réforme performante, qui atteigne ses buts.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.