Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Et de la femme ! (Murmures prononcés sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Si les progrès scientifiques – qui sont, je crois, la raison d’être de ces lois de bioéthique – font la grandeur de l’homme, ils ne doivent pas, selon moi, nous éblouir au point de nous faire oublier ce point : il nous faut conserver ce qui, dans l’homme, doit rester immuable. Bon débat ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Bernard Jomier, rapporteur de la commission spéciale chargée dexaminer le projet de loi relatif à la bioéthique. Madame, messieurs les ministres, si j’étais inspiré par la religion, je dirais que votre projet de loi souffre d’un péché originel.

Ce péché originel, c’est d’avoir mêlé la réforme de l’AMP à la révision générale de la loi de bioéthique. Au sujet de cette réforme sociétale, chacun a son analyse et son opinion ; mais cet engagement du Président de la République méritait un texte à part, dissocié de la révision de la loi de bioéthique.

M. Bruno Retailleau. C’est vrai !

M. Bernard Jomier, rapporteur. La décision prise a une conséquence politique directe, et vous le savez : c’est l’impossibilité d’un accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat.

Il s’agit non pas d’un jugement, mais d’un constat : politiquement, il n’y aura pas d’accord ; par ricochet, sur toutes les questions de bioéthique, dont Frédérique Vidal et Adrien Taquet nous ont parlé, ce choix encourage, non pas la recherche d’un consensus ou de solutions partagées, mais la radicalisation des positions et l’affirmation de postures identitaires.

Ainsi, face à la recherche, face aux nouvelles techniques, qui permettent d’envisager des progrès, les positions se sont figées. Bien sûr, un certain nombre de dispositions adoptées par le Sénat ont fait l’objet d’un vote conforme de l’Assemblée nationale, notamment plusieurs articles qui m’ont été confiés en tant que rapporteur. Mais il sera difficile d’aller beaucoup plus loin. Or nous aurions pu aller plus avant dans une élaboration commune si les analyses avaient été mieux partagées.

Les innovations technologiques doivent évidemment s’inscrire dans un cadre bioéthique bien défini par le législateur ; mais j’espère aussi que nous pourrons profiter des progrès qu’elles offrent.

Mes chers collègues, lors de ce débat en deuxième lecture, le Sénat ne saurait aborder ces questions sous le seul angle de la peur : la crainte perpétuelle des dérives traduit un manque de confiance en nos chercheurs et nous savons ce que ce sentiment produit.

Bien sûr, nous voulons garantir un encadrement éthique. Mais Mme la ministre a rappelé le cas de la Française Emmanuelle Charpentier, distinguée par le prix Nobel pour ses découvertes fondamentales en génétique – il s’agit, plus précisément, des ciseaux moléculaires ou CRISPR-Cas9. Cette chercheuse a quitté notre pays – elle s’en est expliquée – et je crains que, si nous ne changeons pas résolument d’approche, si nous refusons de tracer des perspectives, raisonnées et encadrées, nous ne finissions par affaiblir définitivement la recherche française dans ce domaine.

Le Sénat va adopter un texte en deuxième lecture et il n’y aura probablement pas d’accord avec l’Assemblée nationale. Je vous demande donc de garder ces enjeux en mémoire : nous devons aboutir au texte le plus satisfaisant possible pour nos concitoyens, pour la recherche et pour les enfants à naître ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes RDPI et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier. (Murmures.)

M. Stéphane Ravier. Quel enthousiasme : ça fait plaisir !

Madame, messieurs les ministres, malgré une crise économique, sociale, identitaire et démocratique, considérablement aggravée par une crise sanitaire que vous êtes incapables de maîtriser, la priorité de votre gouvernement reste la même : le déracinement, le combat contre tout ce qui est réel, naturel, inné.

Cette offensive s’illustre par un nouvel examen du projet de loi relatif à la bioéthique, qui ne comprend rien de moins que trente-quatre articles, dont la mesure phare est la légalisation de la PMA pour les couples de femmes et les femmes seules et dont les autres dispositions ne sont pas moins bouleversantes, non seulement pour notre pays, mais aussi – disons-le tout net – pour notre civilisation.

L’égalité homme-femme, que vous ne cessez de brandir, trouve ici une exception pour la filiation, preuve que votre égalité revendiquée n’est qu’un prétexte pour en finir avec la famille traditionnelle et la transmission naturelle.

Par ailleurs, le même argument revient, chaque fois, dans les débats sociétaux : « Si l’on ne légalise pas chez nous, elles iront le faire à l’étranger. » Je serais plutôt fier que mon pays, la France, ne perde pas son âme en refusant toute marchandisation de l’embryon et de l’enfant. Rien ne nous oblige à suivre le funeste destin de ces pays qui sombrent dans la marchandisation du corps.

Le temple de la vie, nous devons le préserver des marchands du temple en reprenant la maîtrise de notre État de droit et de devoirs !

Plus que jamais, politique doit rimer avec éthique : rappelons que la société de la vie ne disparaîtra pas au profit, aux très gros profits de la société de l’envie, que l’amour maternel et paternel ne laissera pas la place au désir matériel.

Mes chers collègues, il est encore temps de refuser la légalisation de la PMA sans père, mais également de protéger le domaine de la recherche génétique des dérives eugénistes, d’encadrer la recherche sur les cellules souches embryonnaires et les embryons humains, d’interdire la création de gamètes artificiels, de revoir la question des embryons surnuméraires, d’interdire formellement et définitivement la création d’embryons transgéniques et de chimères homme-animal et animal-homme, de rétablir le consentement préalable à tout programme de recherche.

Le Sénat peut s’honorer d’avoir supprimé du texte la mention immonde de l’avortement médical jusqu’à neuf mois en cas de détresse psychosociale : l’avortement à neuf mois, mes chers collègues, neuf mois !

Je mets en garde mes collègues de l’Assemblée nationale et certains ici même : si vous rétablissez cette ignominie, l’histoire vous condamnera à l’indignité.

Au moment d’aborder l’examen de ce texte, n’oublions pas l’essence même du terme « bioéthique » : ne tuons pas les droits de la vie, du vivant et des vivants.

Notre responsabilité est immense. La légalisation de l’enfant orphelin de père, les expériences folles sur l’embryon, l’ignominieuse marchandisation du corps constituent un basculement anthropologique majeur annonciateur d’un effondrement civilisationnel.

Ne cédez pas à la mode. N’écoutez pas les apprentis sorciers. Le progrès scientifique entre ici directement et violemment en conflit avec la conservation de l’éthique et, donc, de l’homme, de la femme, de l’enfant, en un mot de l’humain.

Mes chers collègues, face aux marchands de science, j’en appelle tout simplement à votre conscience ! (M. Alain Duffourg applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous devons sélectionner dans le champ des possibles ce que le droit accepte de la science.

L’exercice de révision de la loi de bioéthique engage la responsabilité et la conscience de chacun d’entre nous. Notre groupe respecte l’ensemble des sensibilités qu’il représente et je m’exprimerai à titre personnel.

Avant tout, je tiens à féliciter et à remercier le président et les rapporteurs de la commission spéciale pour leur travail de très grande qualité. Le texte adopté par la commission est le fruit d’une réflexion collective.

Je reste favorable à l’ouverture de la procréation médicalement assistée pour les femmes seules et les couples de femmes. L’Académie de médecine indique qu’il est préférable – bien sûr –, pour l’équilibre de l’enfant, de grandir avec un père et une mère, mais elle reconnaît la légitimité du désir de maternité de toute femme et ne s’oppose pas à la loi.

En effet, les familles fondées par des couples de femmes et les familles monoparentales sont une réalité. Au total, 4 000 Françaises ont recours chaque année à une AMP à l’étranger. À mon sens, nous devons sécuriser le parcours de ces femmes et leur permettre de réaliser un projet de maternité sur le sol national avec les équipes pluridisciplinaires des centres d’AMP.

Je pense que l’assurance maladie doit prendre en charge cet acte médical, même s’il n’est pas motivé par un critère médical, avec un ticket modérateur restant à charge dans ce cas. J’ai déposé un amendement en ce sens.

Pour ce qui concerne le projet parental, je voterai l’amendement de Mme Berthet : il faut garantir une procédure d’adoption accélérée pour la conjointe qui n’a pas accouché.

Par ailleurs, comme l’a dit M. le garde des sceaux, la GPA pour autrui représente une ligne rouge en matière de bioéthique : nous ne devons pas la franchir. Les avancées de la PMA pour les couples de femmes ne sauraient constituer un premier pas en direction de la GPA pour les couples d’hommes.

Je suis favorable au maintien de l’anonymat des donneurs de gamètes lorsque ces derniers ne souhaitent pas être identifiés, comme à la communication systématique des données non identifiantes des donneurs aux personnes issues de dons de gamètes lorsqu’ils en font la demande à leur majorité. En effet, la situation familiale des donneurs, dix-huit ans après le don, a souvent changé. À mon avis, nous devons respecter l’anonymat des donneurs pour encourager les dons.

De plus, je pense qu’il est important de maintenir le consentement du conjoint du donneur, si ce dernier est en couple.

Je suis favorable à l’autorisation de l’autoconservation des gamètes à des fins de prévention de l’infertilité, prévue par l’article 2 du projet de loi. La commission a assoupli les conditions d’âge pour effectuer ces autoconservations. Il s’agit à mon sens d’une avancée louable pour les personnes exposées à un risque particulier d’infertilité dû à l’âge.

Je suis favorable à l’élargissement du diagnostic préimplantatoire (DPI) à la recherche d’anomalies chromosomiques. J’avais d’ailleurs déposé un amendement visant à autoriser le DPI avec recherche d’aneuploïdies chez les patientes ayant fait de nombreuses fausses couches et se trouvant contraintes de partir à l’étranger. Leur seul but est d’améliorer l’efficience de l’AMP réalisée : il ne s’agit en aucun cas de dérives eugénistes.

Je suis favorable à la transmission des informations génétiques à la parentèle, au renforcement du diagnostic prénatal pour améliorer l’information de la femme enceinte et du couple ainsi qu’au dépistage néonatal renforcé en rapport avec l’avancée de la thérapie génique.

Je voterai pour la création d’un statut honorifique de donneur d’organe, en faveur du don de cellules souches hématopoïétiques pour un enfant de 16 ans envers ses parents, en cas de nécessité bien sûr, et du don du sang dès 17 ans.

En revanche, je suis défavorable à la création d’embryons chimériques, que ce soit par insertion de cellules embryonnaires ou par insertion de cellules pluripotentes induites humaines dans un embryon animal.

Je suis également contre l’allongement des durées de recherche sur les embryons jusqu’au vingt et unième jour, bien que je puisse comprendre le développement nécessaire de la recherche et son importance à ce stade ; bien sûr, ces travaux doivent être poursuivis.

Ainsi amendé par la commission spéciale, ce projet de loi apporte des avancées que je considère comme positives pour notre pays. Il permet d’adapter dans un sens pragmatique et utile les progrès de la biomédecine à l’évolution sociétale. J’espère que les discussions en séance amélioreront encore ce texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDPI, SER, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Daniel Salmon. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce projet de loi relatif à la bioéthique est l’aboutissement de nombreux mois de travaux et de débats, entamés en janvier 2018.

Nous arrivons donc au bout d’un long chemin, mais les enjeux sont de taille. Il s’agit d’actualiser notre droit en l’adaptant aux progrès scientifiques et à l’évolution toujours très rapide des techniques, ainsi qu’aux attentes et aux transformations de notre société, dans le respect de nos principes éthiques.

Au sein du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, dans ces débats parfois vifs et passionnés, qui soulèvent des enjeux complexes, empreints de vécu et de points de vue dépassant les clivages habituels, nous nous sommes donné comme boussole de toujours placer l’humain et l’intérêt supérieur de l’enfant au cœur de nos réflexions, en nous appuyant sur des principes de justice, d’équité et de solidarité.

C’est avec responsabilité et humilité que nous abordons la deuxième lecture de ce texte, à commencer par l’extension du droit à l’AMP.

Je salue le courage et la détermination dont ont fait preuve celles et ceux qui, par leurs luttes, ont permis d’aboutir à l’examen de cette mesure aujourd’hui.

Ne nous laissons pas entraîner dans de faux débats. L’AMP ouverte à toutes les femmes, c’est l’absence de hiérarchie entre les modèles familiaux et le droit des femmes à disposer librement de leur corps. Comme l’a indiqué Bernard Jomier avant moi, cette mesure aurait même mérité un projet de loi à part entière, les enjeux et les attentes étant majeurs – vous en conviendrez.

Par souci d’une égalité effective entre toutes les femmes, nous proposerons évidemment de rétablir la prise en charge intégrale par l’assurance maladie, sans aucune différence de traitement au regard de leur projet parental, de leur statut matrimonial, de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre.

Toujours au titre de l’article 1er, nous souhaitons laisser la possibilité aux femmes qui déplorent la perte de leur conjoint lors d’un parcours d’AMP de ne pas subir l’extinction automatique de leur projet parental. Il serait bien préférable qu’elles puissent le poursuivre dans un délai limité : il s’agit de garantir la cohérence d’ensemble de la réforme – c’est d’ailleurs ce que recommande le Conseil d’État.

Concernant l’accès aux origines, l’intérêt supérieur de l’enfant est bien d’avoir le droit de connaître ses origines, pour des raisons tant psychologiques que médicales.

Ainsi, je suis plutôt convaincu par le dispositif du Gouvernement ouvrant l’accès aux origines à tous les enfants conçus avec tiers donneur. De plus, c’est au moment du don que le donneur consentirait à l’accès à ses données non identifiantes et à son identité : cette disposition permet de placer tous les enfants issus de dons sur un pied d’égalité.

Pour ce qui est des modes de filiation, la reconnaissance conjointe anticipée (RCA), adoptée par l’Assemblée nationale, nous paraît encore inachevée et, donc, perfectible : elle maintient une discrimination en matière d’établissement de la filiation.

La solution la plus à même de garantir l’égalité entre les couples est d’étendre aux couples de femmes le régime de droit commun prévu pour les couples hétérosexuels. Qu’un enfant naisse de PMA au sein d’un couple lesbien ou d’un couple hétérosexuel, le ou la conjointe verra sa filiation établie par la présomption de parenté.

Fidèles à notre objectif de lutte contre les discriminations, nous ne pouvons bien sûr que nous opposer à l’article 4 bis, réintroduit par la commission, qui tend à stigmatiser, voire à punir les enfants conçus par GPA via des procédures judiciaires incertaines.

Nous défendrons là aussi l’intérêt supérieur des enfants : la transcription intégrale de la filiation doit être reconnue, et ce de façon effective, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, validée par la Cour européenne des droits de l’homme. À cet égard, le droit actuel n’a pas à être modifié.

Enfin, en matière de recherche, d’autres sujets d’importance, parfois peu consensuels, requièrent eux aussi un encadrement juridique.

Ce qui est techniquement possible est-il toujours humainement souhaitable ? Cette question nous a bien sûr accompagnés tout au long de nos travaux.

L’utilisation des outils de modification ciblée du génome en recherche fondamentale, ou dédiés aux cellules souches embryonnaires, ne doit pas être prise à la légère.

L’Assemblée nationale a introduit à l’article 17 des exceptions au principe extrêmement clair posé à l’article L. 2151-2 du code de la santé publique, à savoir que « la création d’embryons transgéniques ou chimériques est interdite ». Un tel article mériterait à lui seul un débat philosophique et politique d’ampleur. Sur ce point, la position adoptée en commission me paraît apporter les garde-fous nécessaires pour éviter toute dérive.

Mes chers collègues, les sujets que nous allons traiter sont nombreux. C’est notamment à l’aide de la boussole du droit commun que les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires essaieront d’aborder les sujets portant l’ouverture de droits nouveaux.

Lors du vote final, chacun se prononcera en conscience. Malgré tout, notre choix dépendra largement du maintien de l’AMP pour toutes les femmes et des principes d’équité et de justice, qui doivent prévaloir sur tous ces sujets ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis pour examiner un texte attendu par un grand nombre de Français.

Alors que la recherche scientifique a plus que jamais démontré son importance, sa rapidité et son impact cette année, les sujets de bioéthique demeurent centraux.

Nous ne connaissons que trop bien cette maxime apprise sur les bancs de l’école : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. » Rabelais nous préparait déjà aux lois de bioéthique, qui nous réunissent depuis 1994, et aux débats qui vont animer cet hémicycle.

C’est une exigence, non seulement de la science, mais aussi de la société : cette dernière mérite que notre assemblée examine ces sujets pour répondre aux besoins des citoyens.

Ces besoins, ce sont ceux de la famille sous toutes ses formes ; ceux du don, signe d’une solidarité qui a démontré sa force depuis un an ; ceux de la recherche, en vertu du progrès ; et ceux de la protection des citoyens.

Cette deuxième lecture est essentielle. Un texte si complexe et important exigeait que l’on prenne le temps de la discussion sans recourir à la procédure accélérée.

À cet égard, notre assemblée s’est parfois dérobée en adoptant des motions de procédure. Avant tout, je tiens donc à me féliciter du choix fait aujourd’hui de privilégier le débat constructif.

Ce projet de loi relatif à la bioéthique porte en lui des avancées pour tous et, encore davantage, pour toutes.

En effet, les familles de 2021 ne sauraient se réduire à un modèle unique et l’on ne peut pas se limiter aux dictons si souvent scandés. Un enfant a surtout besoin d’être bercé dans l’amour, de grandir dans le respect et de s’épanouir dans la bienveillance.

À ces besoins, la famille sous toutes ses formes répond. Bien sûr, ces changements ne sont pas accueillis à l’unisson : des sujets si riches font forcément naître des points de vue divergents. Ces visions différentes, nous les connaissons au sein même du groupe RDPI. Nous en discutons et nous laissons à chacun une totale liberté de vote. Le respect des individus et des valeurs de chacun devra seul, je l’espère, nourrir nos discussions.

Les évolutions permises par ce texte sont nombreuses. Certaines ont bénéficié d’un vote conforme à l’Assemblée nationale et nous nous en félicitons. C’est notamment le cas de l’élargissement du don croisé d’organes à plus de deux paires de donneurs-receveurs et de la clarification des conditions d’interruption de grossesse pour raison médicale pour les mineures.

D’autres sujets cristallisant des positions divergentes demeurent en discussion. C’est le cas de l’extension de l’AMP pour toutes les femmes, qu’elles soient en couple hétérosexuel, en couple homosexuel ou bien seules.

Bien que les travaux de la commission spéciale n’aient pas remis en question cet élargissement, l’article 1er a perdu de sa substance par l’exclusion de la prise en charge par l’assurance maladie pour les femmes seules et les femmes en couple homosexuel.

Cette mesure, à rebours d’un élargissement égalitaire, met en péril la solidarité de notre système de santé. Le droit à l’AMP ne serait que partiellement acquis si des barrières économiques empêchaient les femmes d’y accéder pleinement.

Il nous paraît également dommageable d’avoir rétabli le consentement du conjoint du donneur de gamètes, à l’article 2, et limité l’accès à l’identité du donneur pour les enfants nés du don, à l’article 3.

À l’article 4, le présent texte précise les conséquences, sur le plan de la filiation, de l’ouverture de l’AMP aux couples de femmes afin qu’elles puissent être reconnues mères de l’enfant dès sa naissance.

Afin que l’AMP pour toutes soit prise en compte dans la globalité du cadre légal existant, nous proposerons un amendement de cohérence à l’article 19.

Le projet de loi est également empreint de solidarité, qu’il s’agisse de prendre en charge l’AMP – je viens d’évoquer cette question –, de permettre, à l’article 6, le prélèvement de cellules souches hématopoïétiques au bénéfice des parents, ou bien d’ouvrir le don de sang à des citoyens qui en sont aujourd’hui exclus.

Pour autant, on ne saurait faire du don un moyen d’opérer une distinction entre citoyens sans prendre le risque de le vider de son sens. N’oublions pas que donum en latin signifie « présent », « cadeau ».

C’est pourquoi, sans aller à l’encontre de la reconnaissance essentielle du donneur par la société, qui est aujourd’hui assurée, nous présenterons un amendement de suppression de l’article 5 A concernant l’établissement d’un « statut » de donneur d’organe. Le don doit rester un acte qui n’attend aucun retour, aucune distinction honorifique.

Enfin, par ce texte, les évolutions scientifiques pourront être favorisées tout en étant sécurisées. Nous pouvons noter les éléments de contrôle concernant les décisions prises grâce à l’intelligence artificielle, l’élargissement des compétences du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) et les mesures en faveur du développement de la recherche.

Dignité, liberté et solidarité : tels sont les trois principes qui guident les grandes évolutions émanant de ce texte. Ces exigences doivent être protégées pour que les mesures aujourd’hui votées puissent devenir une réalité pour nos concitoyens.

Notre groupe, sans être une voix unanime, soutiendra pour l’essentiel les évolutions prévues par le projet de loi initial, ce qui nous conduira, sur certains points, à voter des amendements de suppression ou de réécriture du texte issu de la commission.

Toutes ces avancées sont nécessaires au sein d’une société qui ne cesse d’évoluer. Être à l’écoute des besoins des citoyens et y répondre avec exigence en assurant un cadre protecteur et respectueux de chacun : c’est tout le sens des débats qui s’ouvrent aujourd’hui. Nous devrons assumer notre mission avec responsabilité et bienveillance ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, c’est à nouveau avec un sentiment particulier que nous entamons, un an après le début de nos travaux, l’examen en deuxième lecture du projet de loi relatif à la bioéthique.

Ce texte à part dans le travail législatif aura connu un parcours mouvementé, depuis les manifestations et très nombreuses sollicitations de la première lecture jusqu’au report de son examen en raison de la crise sanitaire. Nous pouvons nous réjouir de voir aujourd’hui les débats reprendre et la perspective d’une adoption définitive se rapprocher enfin.

Certes, les discussions semblent avoir repris sur les mêmes bases, avec des clivages persistants. Toutefois, je salue la qualité de nos échanges en commission : ils ont permis à chacun d’exprimer ses positions et ses convictions dans le respect, l’écoute et l’échange.

De même que la crise qui nous secoue depuis de nombreux mois, ce projet de loi relatif à la bioéthique nous pose des questions simples aux réponses très complexes : aucune échelle de valeurs ne prévaut ici.

En tant que représentants du peuple, nous devons ériger des lignes rouges à ce que la science peut faire, non pas en choisissant entre le bien et le mal, mais en examinant les avancées scientifiques au regard de notre propre éthique, de notre histoire, de l’évolution de la société et de l’intérêt général.

Concernant l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation à toutes les femmes, la majorité du groupe du RDSE défendra deux convictions. D’une part, la société est prête à reconnaître en son sein la diversité des configurations familiales qui la composent. D’autre part, les femmes sont tout à fait à même de décider ce qui est bon pour elles et pour leur enfant à naître.

Aussi, il me semble primordial d’ouvrir l’AMP à toutes les femmes dans les mêmes conditions, y compris pour ce qui concerne la prise en charge par l’assurance maladie.

S’agissant de l’article 4, qui a pour objet la filiation des enfants nés d’une PMA par un couple de femmes, je suis satisfaite de la rédaction actuelle, même si je comprends que la majorité sénatoriale soit décidée à ne pas en rester là.

Je ne suis pas favorable à une filiation de la mère d’intention par voie d’adoption, procédure qui créerait une trop grande distorsion avec les autres modèles familiaux.

Dans le même esprit, je regrette l’introduction de l’article 4 bis, qui interdit la transcription totale de l’acte de naissance étranger d’un enfant français né d’une GPA. Les enfants ne sont en aucun cas responsables de leur mode de procréation. Ils ne doivent pas en être pénalisés. Il nous appartient de les protéger.

Enfin, il me semble important de permettre aux femmes de bénéficier d’un transfert d’embryons en cas de décès de leur conjoint en cours de procédure de fécondation in vitro. Les débats de la première lecture, empreints de beaucoup de respect et de dignité sur ce sujet, avaient abouti à un vote extrêmement serré. J’espère que la discussion pourra reprendre sur les mêmes bases pour faire évoluer une réglementation que beaucoup jugent incompréhensible. J’aurai l’occasion de m’exprimer sur ce point lors de l’examen des amendements.

Concernant le don de gamètes, je ne suis pas favorable au recueil du consentement du conjoint et je proposerai un amendement visant à supprimer cette exigence. Le don est une démarche personnelle et la communication de cette information au sein du couple doit relever du libre choix du donneur, dans la sphère privée. Je ne vois pas pourquoi le législateur s’inviterait dans cette discussion.

Je défendrai également le recueil, au moment du don, du consentement du donneur à la divulgation de son identité en cas de demande de l’enfant à sa majorité, afin de mettre sur un pied d’égalité tous ceux qui naîtront de cette procédure. L’incertitude et le secret ont conduit à trop de souffrances : il est temps d’y mettre fin et de garantir à tous ces jeunes un accès équitable à leurs origines.

Enfin, l’article 21 bis n’a pas fait l’objet de modifications en commission, mais je proposerai deux amendements. J’ai, certes, été sensible aux arguments de notre rapporteur Bernard Jomier et les discussions que nous avons eues ce matin en commission ont retenu mon attention. Pour autant, le débat sur ce sujet particulièrement sensible me semble devoir être poursuivi dans l’hémicycle.

Je terminerai en évoquant un autre vote qui a eu lieu sur ces mêmes travées l’automne dernier, celui de l’extension du congé paternité. J’ai abordé cette réforme et celle de la PMA comme toutes les questions sociétales, en considérant que le droit devait suivre l’évolution de la société chaque fois que celle-ci coïncidait avec l’intérêt général et avec la protection de l’enfant, comme c’est le cas pour cette loi. J’ai l’intime conviction que nous sommes là pour cela. Dans les deux cas, il s’agit de défendre une approche affective de la parentalité, dans toute sa diversité.

Cet automne, le Sénat a eu la sagesse de voter la réforme du congé paternité ; je nourris donc l’espoir qu’un nouveau consensus soit trouvé pour le projet de loi relatif à la bioéthique, tout en vous assurant que le groupe RDSE, fidèle à ses valeurs, participera à ces débats avec humilité et respect pour la diversité et la complexité des opinions. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes SER et UC.)