M. Jacques-Bernard Magner. Il s’agit d’un amendement de suppression de l’article.

Je ne reviens pas en détail sur le contrat d’engagement républicain. Il répond d’ailleurs à une certaine préoccupation puisque, lorsqu’une association reçoit des subventions émanant d’une collectivité ou de l’État, il est logique que l’on s’assure que celle-ci prenne en contrepartie un certain nombre d’engagements.

Le champ du contrat prévu à l’article 6 nous paraît démesuré par rapport à ce que sont réellement un très grand nombre d’associations.

Bien entendu, pour préparer l’examen de ce texte, nous avons auditionné le mouvement associatif, les grandes associations comme les plus petites et nous avons relevé chez elles une certaine inquiétude. Vous le savez comme moi, le monde associatif rencontre aujourd’hui de nombreuses difficultés, par exemple trouver des dirigeants, notamment pour les associations qui s’occupent des plus jeunes.

Si l’on continue à multiplier les obstacles au développement et à la création des associations, le milieu associatif, auquel on fait souvent référence et dont on dit fréquemment qu’il est le creuset de la vie républicaine dans nos quartiers, nos villages et nos communes, souffrira de plus en plus et finira petit à petit par s’essouffler.

Depuis 2001 existe une charte des engagements réciproques qui, si on la complétait au moyen de dispositions législatives supplémentaires, pourrait parfaitement convenir à la situation. Elle permettrait en effet d’obtenir un engagement des structures qui reçoivent des subventions.

J’ajoute que les associations qui posent problème à notre République ne sont, la plupart du temps, pas celles qui sollicitent des subventions.

Mme le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 305.

Mme Esther Benbassa. Cet article prévoit d’imposer aux associations et aux fondations non reconnues d’utilité publique de s’engager à respecter les principes figurant dans un contrat d’engagement républicain. Le respect de cet engagement conditionnerait la délivrance ou le maintien de la subvention publique.

En premier lieu, à quoi correspond exactement ce contrat d’engagement républicain ? Les dispositions contractuelles qui y figureront ne sont pas expressément énumérées. Aucune transparence ! Cela représente évidemment un problème pour nous, législateurs, alors que nous devons nous prononcer sur cette mesure.

En second lieu, les associations françaises sont déjà légalement soumises aux principes d’égalité, de liberté et de fraternité. Ces nouvelles dispositions contractuelles dogmatiques et redondantes n’ont pour seul objet que d’affaiblir les petites et moyennes associations, en grande majorité vertueuses et engagées pour le bien commun, par le biais de contraintes administratives supplémentaires.

Enfin, du point de vue symbolique, que signifie ce contrat d’engagement républicain ? Cette mesure n’est ni plus ni moins que la matérialisation d’une logique de défiance vis-à-vis de l’ensemble des associations ; certaines, en particulier, seront désormais soumises aux interprétations arbitraires des dispositions nébuleuses de ce contrat.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoire demande la suppression de cet article.

Mme le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 561 rectifié.

Mme Céline Brulin. Nous aussi, nous sommes très intrigués, pour ne pas dire plus, par ce contrat d’engagement républicain. Très nombreuses sont les associations qui s’interrogent ou qui contestent ce contrat, parce qu’elles craignent une fragilisation de la liberté associative.

Je ne développerai pas ce point, mais, du point de vue constitutionnel, il y aurait au moins deux raisons sur lesquelles on pourrait s’appuyer pour démontrer qu’il existe un risque : le nécessaire respect du principe de la liberté d’association, celui de la liberté d’entreprendre.

D’un point de vue plus politique, au sens noble du terme, et au vu du contexte actuel, je ne suis vraiment pas sûre qu’il soit opportun que le premier signal envoyé aujourd’hui – pour certains, je l’espère, à leur corps défendant – tende vers une fragilisation de la vie associative ou laisse supposer que les associations n’agiraient pas en vertu des principes républicains.

Nous avons tous en tête le nom d’associations – je ne les énumère pas – qui auraient vraiment de quoi se mettre en colère si l’on doutait sincèrement qu’elles agissent en vertu des principes républicains, dans la mesure où c’est précisément ce qu’elles font au quotidien !

En outre, il existe déjà de nombreux outils. D’abord, les associations sont évidemment tenues de respecter la loi. Ensuite, la charte des engagements réciproques, créée en 2001 et renouvelée en 2014, pose et renforce un certain nombre de principes. Il existe aussi beaucoup d’associations agréées qui, à ce titre, doivent remplir un certain nombre de critères. Enfin, les contrats d’objectifs et de moyens permettent aux collectivités de contractualiser avec certaines associations sur le fondement d’objectifs partagés.

Que faut-il de plus ? Je considère que, dans leur immense majorité, les associations sont nos alliées dans le combat que nous menons pour faire respecter la République et la défendre. Pas des adversaires ! Quand on veut conduire une bataille, on soigne ses alliés et on les fédère au lieu de les stigmatiser et de les suspecter !

M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Nous sommes défavorables à ces amendements, car, comme l’a rappelé le président de la commission des lois, nous approuvons le contrat d’engagement républicain.

Je tiens à répondre à une remarque qui a été formulée. Évidemment, ce contrat n’entravera pas la liberté d’association, mais il empêchera les associations qui ne se conforment pas aux règles de la République ou, en tout cas, qui luttent contre elle de toucher des subventions publiques.

Par ailleurs, et c’est un point important, le texte de la commission précise que le décret ne fera que détailler les modalités d’application de l’article.

Enfin, le contrat d’engagement républicain n’est pas une menace pour les 1,5 million d’associations françaises : c’est au contraire un instrument utile pour faire prévaloir les principes de la République.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Qu’est-ce qui a incité le Gouvernement à créer ce contrat d’engagement républicain ?

D’abord, nous avons suivi un mot d’ordre, que vous connaissez, parce que nous le répétons inlassablement : « Pas un euro d’argent public pour les ennemis de la République. ».

En effet, dans nombre de territoires de notre pays, il a existé et il existe encore des associations qui ne respectent pas les principes de la République, voire qui véhiculent une idéologie séparatiste, et qui touchent malgré tout de l’argent public.

M. Jean-Pierre Sueur. Il ne faut pas les subventionner alors !

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Nous voulons mettre fin à cette réalité.

Notre volonté se fonde sur des demandes émanant d’élus, qui sont d’ailleurs issus de différents groupes politiques.

Il n’est qu’à citer la présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse, qui a tenté de créer – et c’est tout à son honneur – une charte de la laïcité. Hélas, cette initiative a été attaquée en justice…

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Par les Verts !

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. … et le tribunal a considéré que la charte n’avait aucune valeur. Mme Pécresse n’est donc pas parvenue à aller au bout de son projet.

Je citerai également le maire socialiste de Montpellier, M. Michaël Delafosse, que nous avons rencontré lors d’un déplacement et qui souhaite lui aussi mettre en place une charte dans sa ville, justement pour obtenir des engagements de la part des associations et leur faire comprendre que, dès lors que l’on leur donne de l’argent public, de l’argent des impôts, de l’argent de la collectivité, celles-ci doivent s’engager – cela ne me semble pas infamant ! – à respecter les principes de la République.

Enfin, et c’est un troisième exemple, M. Éric Piolle, maire EELV de Grenoble, s’est aperçu qu’il avait malencontreusement financé le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) pendant un certain temps avec l’argent public de sa ville.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Malencontreusement !

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Si le contrat d’engagement républicain avait existé, ce maire aurait pu, plus encore que cesser de financer cette organisation – qui, je le rappelle, a depuis été dissoute en conseil des ministres à la demande du Président de la République et du ministre de l’intérieur –, récupérer l’argent qu’il lui avait versé.

Vous le voyez, certains élus s’engagent dans cette voie, quelles que soient leurs responsabilités – vous les connaissez bien et vous connaissez leurs difficultés, puisque vous êtes le Sénat et que vous représentez les territoires. Nous voulons non seulement aider les élus courageux qui veulent défendre la laïcité et les principes de la République, mais aussi aider malgré eux, si je puis dire, des élus qui subissent des pressions communautaires.

Certains d’entre vous ont évoqué l’existence de chartes. Je vous rappelle la prévalence des lois de la République sur les chartes : une charte ne permet pas de demander le remboursement des subventions qui ont été versées ; elle n’a ni valeur juridique ni force contraignante, ce que les différents litiges en cours entre des élus et certains groupes communautaires montrent bien. Les élus nous disent qu’ils ont besoin de s’appuyer sur une disposition législative, sur un contrat d’engagement républicain qui couvre tout le champ des possibles en matière d’argent public.

Dans mes précédentes fonctions de secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, j’ai demandé aux quelque 1 600 associations qui défendent ce principe d’égalité entre les femmes et les hommes et qui reçoivent de l’argent de l’État de ratifier un contrat similaire, que j’ai moi-même souhaité mettre en place, sans que cela pose aucun problème.

D’autres ont mentionné le cas des associations agréées. Nous aurons ce débat ultérieurement, mais je l’indique dès à présent : les associations agréées, sur lesquelles porte l’article 7, seront réputées être d’emblée adhérentes, si je puis dire, à ce contrat d’engagement républicain.

Nous ne soupçonnons donc personne ; il n’est pas question de cela. L’immense majorité des associations, non seulement respectent les principes de la République, mais les promeuvent et les défendent – il est important de le rappeler. Il existe néanmoins une minorité d’associations qui se servent de la loi de 1901 pour la dévoyer et qui sont le faux nez de l’islamisme radical. On ne peut plus ignorer les prétendues associations sportives, les prétendues associations d’aide aux devoirs, les prétendus groupes de parole – je vous renvoie à de nombreuses enquêtes journalistiques et même à des rapports parlementaires – qui, en réalité, propagent une idéologie qui est le terreau du terrorisme. C’est ce qui nous réunit aujourd’hui : trouver les moyens de mieux lutter contre ces associations.

Lorsqu’un élu ou un préfet pense, de bonne foi, financer la pratique du ju-jitsu et se rend compte qu’il finance en fait des individus ou des associations propageant des propos antisémites, obligeant des petites filles à porter le voile ou imposant la prière, il faut arrêter de financer ces structures et demander le remboursement des subventions versées. Là encore, cela ne me semble pas infamant.

L’une d’entre vous a parlé de l’inconstitutionnalité supposée du contrat d’engagement républicain.

Nous avons travaillé très sérieusement sur ce dispositif, pendant plusieurs mois. Nous n’en avons arrêté les contours qu’après que Jacqueline Gourault et moi-même avons mené un certain nombre de consultations auprès des élus et après que Sarah El Haïry et moi-même avons rencontré les associations.

Par ailleurs, le Conseil d’État a émis un avis positif sur ce contrat d’engagement républicain. Il considère en effet que les dispositions du projet de loi ne méconnaissent pas le principe de la libre administration des collectivités territoriales, dont il appartient au législateur de fixer les conditions et pour l’énoncé desquels il dispose d’une marge d’appréciation. En outre, ce dispositif n’affecte pas davantage la liberté d’association. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le Conseil d’État !

Pour être encore plus précise, le principe de liberté d’association n’oblige pas à subventionner une association : c’est un choix qui appartient aux organisations, aux collectivités, à l’État central ou déconcentré, en fonction de leurs orientations.

Entre ne pas subventionner une association et la dissoudre, il existe une marge énorme : il n’y a là aucune atteinte à la liberté d’association. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.) Chacun peut s’organiser comme il le souhaite et il n’y a aucune obligation de financer, avec l’argent des impôts, avec l’argent public, des organisations qui ne respectent pas les principes de la République.

Pour terminer, j’indique que, contrairement à ce que j’ai pu entendre, ces principes ne sont pas flous ou tangents, ils sont au contraire clairement définis. D’ailleurs, le président de la commission des lois les a rappelés à l’instant. L’activisme, par exemple, n’est nullement visé : une association peut évidemment être écologiste ou féministe et être subventionnée, si elle en fait la demande et si les responsables publics ont décidé de lui accorder une aide.

M. Guy Benarroche. Heureusement !

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Je le précise pour ceux qui soutenaient que l’on ne pourrait plus être activiste. Bien sûr que si ! Cela n’a rien à voir. Le contrat d’engagement républicain ne pose aucun problème en la matière.

Enfin, il a été question des contrats aidés. Avec le dispositif « 1 jeune, 1 solution », le Gouvernement a considérablement relancé les emplois aidés. Mesdames, messieurs les sénateurs, si certains d’entre vous ont connaissance d’associations qui recherchent des emplois aidés et veulent s’inscrire dans ce dispositif, je suis évidemment à leur disposition pour les mettre en relation.

Mme le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Je suis très frappé par la confusion qui règne ici. Nous posons toujours la même question : à quoi sert ce texte ?

Mme Esther Benbassa. Bonne question !

M. Jean-Pierre Sueur. Il est pourtant évident que les règles de la République s’imposent à tous les Français et à toutes celles et à tous ceux qui vivent en France. Point ! Les règles de la République s’imposent donc à toutes les associations en vertu de la Constitution de la République française. Point ! Nous n’avons pas besoin de contrats.

Si ces règles sont méconnues, il existe déjà de nombreuses dispositions dans les différents codes pour y répondre.

Alors, à quoi sert ce texte ?

Madame la ministre, vous nous dites qu’il arrive parfois que l’on finance des associations qui mènent des actions très condamnables. Que ces associations aient signé un papier ou pas, il revient aux élus de décider de les subventionner ou non ! Dans les exemples que vous avez donnés, la situation paraît très simple : si les élus ont connaissance de ces faits, ils peuvent décider de ne pas subventionner ces associations.

Je pense aux sénateurs et aux députés qui ont fait ce monument qu’est la loi de 1901 : ces parlementaires ne savaient pas quand ils l’ont votée que, 119 ans plus tard, elle s’appliquerait à 1,3 million d’associations.

J’ai le plus grand respect pour Joseph Wresinski, le fondateur d’ATD Quart Monde, ainsi que pour Geneviève de Gaulle-Anthonioz qui, après avoir été déportée, est devenue présidente de l’Association nationale des anciennes déportées et internées de la Résistance et s’est mise à parler de la misère et à agir. Il s’agit de deux très grandes figures. Madame la ministre, vous voyez-vous demander à Mme de Gaulle-Anthonioz et au père Wresinski s’ils ont bien signé leur contrat d’engagement républicain,…

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Vous êtes un tout petit peu méprisant !

M. Jean-Pierre Sueur. … alors que ce sont eux qui ont des leçons de République à nous donner ? L’enjeu, ce n’est pas ce papier !

Les associations doivent être respectées, la République doit être respectée. Voilà la vérité ! On n’a pas besoin dans ce pays d’une procédure qui ajoute de la défiance. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

Mme le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Je remercie Jean-Pierre Sueur d’avoir rappelé que les règles de la République s’appliquaient à tous les Français. Il est vrai que l’on a parfois un peu trop tendance à l’oublier avec ce texte.

Mme la ministre voudrait nous faire croire que ce texte vise à aider les élus. Je signale à tous mes collègues, en particulier à ceux de la majorité sénatoriale, toujours si prompts à défendre les collectivités locales et à dénoncer toutes les contraintes supplémentaires que la loi leur impose, que c’est exactement ce à quoi tend cet article : au lieu d’offrir aux collectivités et aux autorités administratives un levier d’action contre les séparatismes, il crée de nouvelles obligations. En effet, dans sa rédaction actuelle, il s’agit d’une forme d’injonction qui permettrait à l’État de poursuivre une collectivité qui n’aurait pas refusé une subvention ou procédé au retrait de celle-ci si une association ne respectait pas le contrat d’engagement républicain.

Je rappelle d’ailleurs encore une fois que le cadre de ce contrat doit être défini par un décret – on renvoie donc bien à un décret dont on ne connaît pas par avance le contenu – et concerne des sujets dont l’interprétation est extrêmement délicate au point qu’elle est d’ailleurs aujourd’hui confiée aux tribunaux.

Outil de dialogue respectueux des apports et pratiques de chacune des parties, la charte des engagements réciproques, signée en 2014 entre l’État, les représentants des collectivités territoriales et les acteurs associatifs, aurait pu ou, en tout cas, aurait dû être le cadre concret des engagements et des responsabilités. Au lieu de cela, on vient jeter la suspicion sur l’ensemble du monde associatif, voire créer un cadre juridique pour contrôler ses actions.

Le tissu de la vie associative ne peut s’épanouir que si l’État respecte la liberté d’association, mais aussi les libertés d’expression et d’opinion.

Les associations constituent le premier des remparts contre le communautarisme. Elles sont les lieux où se vivent et se pratiquent les règles de la vie en société, les lieux où se fabriquent les « communs » : il existe donc d’autres chemins pour atteindre les objectifs – que nous partageons – d’une République unie autour de ses principes, des principes vivant par la volonté de tous et de toutes.

Ce soir, le Sénat ne peut décemment pas maintenir cet article.

Mme le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.

M. Michel Canevet. À écouter certains collègues, j’ai l’impression qu’une certaine confusion s’est installée. On l’a d’ailleurs entendu lors de la présentation des amendements de suppression de l’article 6.

Le groupe Union Centriste est bien entendu profondément attaché à la liberté d’association. Nous ne pensons pas que celle-ci soit remise en cause par cet article, contrairement à ce que certains affirment. Pas du tout ! La liberté d’association est respectée dans notre pays, mais il est clair – et le groupe Union Centriste y est particulièrement sensible – que, dès lors que de l’argent public est en jeu, il faut qu’un certain nombre de garanties soient prises pour éviter les dérives.

Si, comme l’a dit M. Sueur, un certain nombre de dispositifs existent, on peut néanmoins constater un certain nombre de dérives sur notre territoire. Il convient donc que tout le monde respecte l’ensemble des principes de la République que nous avons édictés.

Le contrat d’engagement républicain me semble aller tout à fait dans le bon sens, puisqu’il permettra que les associations prennent des engagements en faveur de la mise en œuvre des valeurs de la République.

Mme le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour explication de vote.

M. Jacques-Bernard Magner. Loin de clarifier les choses, l’article 6 – s’il est maintenu – les compliquera considérablement. D’abord, il repose sur une mauvaise appréciation de ce que les associations souhaitent. Ensuite, celles-ci sont mal à l’aise avec l’obligation nouvelle qui leur est faite.

Quand ils versent des subventions, l’État comme les collectivités doivent savoir pourquoi ils le font et doivent vérifier, d’une manière ou d’une autre, que ces associations respectent bien les règles de droit qui ont été rappelées tout à l’heure. Ce n’est pas parce qu’il y aura une signature au bas d’une feuille intitulée « contrat d’engagement républicain » que tous les problèmes seront réglés. À mon avis, il est tout à fait illusoire de l’imaginer.

Le foisonnement associatif, dont nous avons beaucoup parlé, témoigne d’abord d’un foisonnement d’initiatives. On ne crée pas une association pour aller chercher des subventions : on le fait pour un motif précis, pour des ambitions relevant de la citoyenneté. Ensuite, on obtient des subventions de la collectivité, parce que l’on assure une mission relevant, d’une certaine manière, du service public.

Quant à la charte des engagements réciproques, elle concerne aussi bien l’association que la collectivité : moyennant l’attribution de financements, la première est tenue d’assumer une mission précise, c’est-à-dire de rendre un service au sein de la seconde – ou du département s’il s’agit d’une association départementale.

Mes chers collègues, un élu local ou un militant associatif ou syndical a du mal à comprendre que ce gouvernement veuille aujourd’hui brider toutes ces initiatives. Or c’est bien ce que ressentent les associations !

Mme le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour explication de vote.

M. Christian Bilhac. Mes chers collègues, en tant que sénateur de l’Hérault, je rappelle que mon ami Michaël Delafosse a mis en œuvre à Montpellier un document demandant aux associations de s’engager pour les principes républicains et la laïcité.

On ne saurait accuser Michaël Delafosse de sectarisme, pas plus que son équipe municipale ! Il est, au contraire, profondément humaniste. Je le connais depuis très longtemps : il n’est pas dans ses habitudes de s’engager dans de tels chemins.

Puisque nous sommes au Sénat, je citerai également Gérard Delfau, que les plus anciens ici ont connu : il a été sénateur de l’Hérault pendant plus de vingt ans. Interrogé sur ce sujet, il a déclaré : « Tout texte officiel concourant à la laïcité doit être pensé et destiné à l’ensemble des appareils religieux. La très grande majorité des croyants français se conforment aux lois de la République, mais il y a des dérives, et ces dérives il faut les contenir. Il faut traiter cela, mais il faut le faire en disant que ce n’est en aucun cas une volonté de discriminer, mais plutôt que tout le monde doit être à égalité. »

À mes yeux, ce sont là des paroles sages : elles vont dans le sens de l’article 6, que, pour ma part, je voterai !

Mme le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Bis repetita placent ! (Sourires.) À plusieurs reprises, y compris en commission des lois – j’en ai été témoin ! –, Jean-Pierre Sueur a parfaitement décrit les limites de l’article 6, tel que vous voulez le mettre en œuvre.

Madame la ministre, dans votre argumentaire, qui – je dois le dire – est un peu nébuleux, vous faites appel aux associations. Permettez-moi de vous rappeler la position du Haut Conseil à la vie associative (HCVA). Saisie du présent texte, cette instance rappelle qu’en vertu de son préambule la charte des engagements réciproques, signée entre l’État, les associations d’élus de collectivités territoriales et le mouvement associatif, est « un acte solennel, fondé sur les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité ».

Parmi les principes partagés figurent la non-discrimination des personnes, la promotion de l’égalité de la participation des femmes et des hommes dans la gouvernance et l’équilibre entre les générations et entre les milieux socioculturels dans l’exercice des responsabilités. Ainsi, cette charte répond largement aux questions pointées par le contrat d’engagement républicain.

En conséquence, le mouvement associatif s’interroge : vous décidez sans aucune concertation avec lui, selon une procédure verticale. Au lieu de proposer, vous imposez un contrat d’engagement républicain qui, pour l’instant, n’a fait l’objet d’aucune discussion supplémentaire. Il serait régi par un décret dont nous n’avons pas connaissance à ce stade.

Pourquoi, en dernière limite, ce contrat ne s’inscrirait-il pas dans le cadre de la charte des engagements réciproques – c’est la demande du mouvement associatif –, sous réserve de son contenu, dont, à ce stade, nous n’avons pas connaissance non plus !

Mme le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, alors que j’étais jeune fonctionnaire, un préfet m’a dit : « Cher monsieur, l’application de la loi, c’est la première étape de la négociation. » En tant que républicain, j’avais trouvé la formule curieuse et, ce soir, j’ai l’impression de l’entendre à nouveau.

Faute de pouvoir faire appliquer la loi, on lui superpose un contrat. Or vous ne nous dites pas comment vous imposerez aux collectivités territoriales de vérifier sa mise en œuvre. Demain, vous nous proposerez peut-être une charte pour avoir l’assurance que les collectivités respectent le contrat leur permettant de respecter la loi. On peut continuer ainsi à l’infini ! (Sourires sur les travées du groupe CRCE.)

Pouvez-vous nous dire exactement ce que contiendra ce décret ? Qui assurera l’expertise et la vérification de la mise en œuvre de ces contrats ?

Par ailleurs, je regrette que vous ne m’ayez pas répondu au sujet de l’association communautariste Civitas, dont le but est de renverser la République. Ses statuts, déposés dans le Val-d’Oise, indiquent comme objet « la défense de la renaissance nationale ». Dans ma culture personnelle, cette expression a un sens bien particulier !

Aujourd’hui, cette association perçoit de l’argent public par le biais du crédit d’impôt, mais elle ne reçoit pas de subventions : elle n’est donc pas visée par votre article. Nous sommes face à un cas d’espèce : il s’agit d’une association antirépublicaine et communautariste, que vous aimeriez bien dissoudre – du moins, je l’espère ! –, mais qui passera totalement à travers les mailles de l’article 6 !