Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hugues Saury, rapporteur. Monsieur le ministre, nous avons bien compris vos arguments. De même, vos exemples sont convaincants.

Votre amendement vise à supprimer l’introduction, par la commission, du principe de non-discrimination, au motif que le rapport réalisé au titre de l’article 13 de ce texte doit permettre de traiter cette question dans les trois mois à compter de la promulgation de la loi.

Toutefois, j’en suis désolé, mais nous préférons l’amendement présenté par Mme Duranton, qui vise à conserver la mention du principe de non-discrimination tout en précisant son application, raison pour laquelle nous émettons un avis défavorable sur l’amendement n° 314.

L’amendement n° 36 rectifié tend à supprimer la mention du principe de non-discrimination dans l’article 1er A, au motif qu’il s’appliquerait non seulement en situation d’urgence humanitaire, comme l’a confirmé le Président de la République lors de la dernière Conférence nationale humanitaire, mais aussi, plus largement, à toute l’aide publique au développement, ce qui pourrait, dans certains cas, empêcher le criblage nécessaire des bénéficiaires de l’aide.

Par ailleurs, l’article 13, introduit par les députés, oblige le Gouvernement à remettre un rapport en vue d’adapter les règles en vigueur. Il est effectivement préférable, tout en réaffirmant le principe de non-discrimination pour les situations d’urgence humanitaire, d’attendre les conclusions de ce rapport pour se prononcer sur une extension supplémentaire de ce principe.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 36 rectifié.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. J’ai beaucoup d’intérêt pour l’amendement de M. Yung, mais, s’il était adopté, nous risquerions paradoxalement d’exclure d’une dispense de criblage certaines activités relevant de la stabilisation, dès lors que nous nous en tenons au concept humanitaire.

Le rapport que j’ai évoqué permettra de clarifier les choses, mais, lorsqu’il sera remis, la loi sera déjà promulguée. Je suis donc plutôt favorable à ce que l’on attende. Tel que je sens les choses évoluer, ce rapport constituera un élément d’identification et de clarification des types d’action de stabilisation, laquelle correspond à la période succédant à la crise humanitaire.

Il y a donc ici un risque réel. Je m’en remets à votre sagesse, mesdames, messieurs les sénateurs, mais, je le répète, je crains que l’adoption de cette proposition ne suscite un effet boomerang, ce que personne ne souhaite.

Mme Nicole Duranton. Je retire l’amendement, madame la présidente !

Mme le président. L’amendement n° 36 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 314.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. L’amendement n° 141, présenté par Mme Gréaume, M. P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 8, première phrase

Après les mots :

en matière de

insérer les mots :

territorialité des sanctions et d’occupation et de colonisation de territoires ainsi que de

La parole est à Mme Michelle Gréaume.

Mme Michelle Gréaume. Au travers de cet amendement, nous appelons à une vigilance certaine de la part de la France.

L’aide publique au développement de la France est cohérente ; elle s’inscrit dans le strict respect du droit international. Il convient donc de s’interroger sur les actes comptabilisés en APD en direction des pays qui enfreignent le cadre international.

Se pose aussi la question des mesures de compensation que la France pourrait mettre en œuvre afin de neutraliser les conséquences de ces pratiques diplomatiques délétères. Mais elle ne pourra pas les assumer à elle seule…

L’amendement est plus précis, car il vise deux cas.

Premièrement, en ce qui concerne l’extraterritorialité des sanctions, les États-Unis sont en ligne de front : aux termes de la loi sur le commerce avec l’ennemi, ils imposent aux États des sanctions extraterritoriales et rétroactives. Ainsi, une entreprise française qui commercerait ou aurait commercé avec Cuba ou l’Iran s’expose à des amendes. À ce titre, BNP Paribas avait été condamnée à verser 9 milliards d’euros.

Bien que ces amendes soient rarement recouvrées, elles ont un effet dissuasif important sur les entreprises. Or la jurisprudence internationale, si elle a admis des extensions au principe de territorialité des sanctions, a rendu un avis clair contre la pratique américaine, au nom de la souveraineté des États.

Le principe de souveraineté permet aux États de promulguer des lois éventuellement extraterritoriales, sous réserve qu’elles ne soient pas contraires aux règles de droit international.

Dès lors, seule l’extraterritorialité d’édiction est autorisée, mais pas son exécution. Si les États-Unis sont logiquement inéligibles à l’APD, il semble essentiel que la France porte une attention particulière aux pays victimes de l’extraterritorialité.

Deuxièmement, l’amendement a pour objet la colonisation ou l’occupation de territoires. Dans la même logique, il conviendrait, au titre de l’APD, de prendre en considération la situation spécifique de la Cisjordanie et de la bande de Gaza.

Une nouvelle fois, il s’agit de renforcer la cohérence de l’APD avec le droit international, d’autant que la colonisation par Israël de la vallée du Jourdain prive les Palestiniens de la moitié de leur territoire, dont son cœur économique et agricole.

Dans ce contexte de crise, alors qu’Israël est à la pointe dans le domaine de la vaccination, ce pays a refusé l’administration de vaccins aux populations colonisées et a tenté de bloquer l’approvisionnement en doses des autorités palestiniennes.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hugues Saury, rapporteur. Cet amendement vise à promouvoir le respect, par la politique de développement solidaire, du droit international en matière de territorialité des sanctions, d’occupation et de colonisation de territoires.

Il ne nous paraît pas pertinent de décliner l’ensemble des normes de droit international que cette politique doit respecter : il va de soi que la France est tenue de s’y soumettre.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 141.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. L’amendement n° 22 rectifié, présenté par MM. Folliot, Bonnecarrère, Louault, Canévet, Le Nay, Détraigne et Moga, Mmes Herzog, Saint-Pé et Férat, M. J.M. Arnaud, Mmes Billon et Jacquemet et MM. Chauvet, Delahaye, Longeot et P. Martin, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

La politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales de la France protège et défend la diversité culturelle et linguistique, notamment l’usage de la langue française et du plurilinguisme au sein des enceintes multilatérales.

La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Monsieur le ministre, vous avez affirmé que cet article visait à fixer les objectifs de la politique de développement solidaire.

Nous proposons de faire de la francophonie, de l’usage et de la défense de la langue française l’un des axes majeurs de notre politique d’aide au développement.

Nombre d’instances internationales peuvent en témoigner mieux que vous, monsieur le ministre : derrière l’usage du français, il s’agit de défendre plusieurs valeurs universelles auxquelles notre République est attachée.

Nous devons faire en sorte que cette dimension de la francophonie devienne l’un des axes forts de la politique que nous allons mener – nous défendrons plus tard d’autres amendements s’agissant de l’apprentissage du français.

L’affirmation de la francophonie est essentielle : nous devrions tous pouvoir nous y retrouver. Placer la défense du français au cœur de notre politique constituerait une avancée positive, tant pour la France que pour la francophonie.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hugues Saury, rapporteur. L’amendement tend à inscrire des mentions relatives à la défense de la langue française au sein de l’article 1er A.

Cependant, la commission a déjà ajouté la promotion de la francophonie à l’alinéa 3. Celle-ci figure donc parmi les grands principes de la politique de développement solidaire. Il ne nous semble pas nécessaire d’ajouter des mentions supplémentaires.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Le Gouvernement est plutôt favorable à cet amendement, même si la France mène déjà une politique active pour développer la francophonie.

Notre pays est le premier contributeur de l’Organisation internationale de la francophonie, l’OIF, et des opérateurs de la francophonie.

En outre, il déploie des moyens importants pour la promotion de la francophonie au travers de projets d’éducation : le programme « Apprendre », mis en œuvre par l’Agence universitaire de la francophonie, est ainsi financé à hauteur de 20 millions d’euros par l’Agence française de développement, l’AFD, afin de soutenir l’éducation primaire et secondaire de 27 pays francophones.

Nous avons demandé à l’AFD de promouvoir davantage la francophonie, à l’occasion de l’extension de son mandat aux industries culturelles et créatives, avec un ciblage sur les pays francophones.

Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 22 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. L’amendement n° 208, présenté par Mmes Conway-Mouret et Carlotti, MM. Temal, Kanner, Todeschini et Roger, Mme G. Jourda, MM. M. Vallet, Vallini, Vaugrenard, Antiste, Cozic et P. Joly, Mmes Lepage et Monier, MM. Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

La politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales promeut les droits à une prise en charge médicale, à l’accès à l’éducation et à la formation professionnelle ainsi qu’à l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap.

La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.

Mme Hélène Conway-Mouret. La politique d’aide au développement de la France a pour but d’éradiquer les inégalités mondiales, notamment en agissant sur les fragilités qui touchent les populations des pays en développement, a fortiori les populations les plus vulnérables.

Paradoxalement, les personnes en situation de handicap, qui souffrent souvent d’exclusion sociale dans leur pays, sont les grandes oubliées de ce projet de loi. Elles devraient pourtant être prioritaires et bénéficier de notre pleine solidarité.

Selon l’Organisation des Nations unies, l’ONU, plus de 650 millions de personnes se trouvent en situation de handicap dans le monde ; quelque 500 millions d’entre elles vivent dans des pays en voie de développement.

Les individus en situation de handicap sont confrontés à de nombreux obstacles. Ils ne bénéficient pas d’un accompagnement personnalisé, dans le cadre de leur formation et de la réalisation de leur projet professionnel, lorsqu’ils y ont accès.

Étant pour la plupart privés d’un outil de mobilité, ils ont en outre de grandes difficultés à accéder au marché du travail. Le taux de chômage et d’inactivité économique qui les frappe s’élève à près de 80 %.

Les enfants en situation de handicap, eux aussi, font l’objet d’exclusion et se trouvent en conséquence privés de leur droit à l’éducation. En Afrique subsaharienne, seuls 10 % de ces enfants ont accès à l’éducation.

Cet amendement vise donc à faire en sorte que l’aide bilatérale de la France, qui combat toute forme de discrimination, œuvre aussi en faveur du respect des droits de l’homme, particulièrement au bénéfice des personnes souffrant de handicap.

En adoptant cet amendement, nous réaffirmerions que la politique d’aide au développement de la France doit donner les moyens indispensables aux individus handicapés vivant dans des pays en voie de développement, de telle sorte qu’ils deviennent des acteurs à part entière de leur société.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hugues Saury, rapporteur. Le présent amendement a pour objet de prendre en compte les personnes souffrant de handicap au sein de l’article 1er A.

Cet article a pour intérêt d’offrir un résumé des principaux objectifs de la politique de développement solidaire française. Celle-ci est ainsi rendue intelligible, en dépit de sa complexité.

Les très nombreuses déclinaisons de ces objectifs ont toute leur place au sein du cadre de partenariat annexé. Nous ne souhaitons pas introduire de nouvelle priorité dans l’article.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je comprends le souhait de placer l’intégration des personnes handicapées au cœur de l’action de la France pour l’accompagnement des pays en développement dans la construction de sociétés durables et inclusives.

Cependant, il n’est pas envisageable de décliner, au sein de l’article, l’ensemble des objectifs en matière de droits de l’homme, traités dans les conventions que la France a ratifiées.

C’est pourquoi le Gouvernement a été favorable à l’ajout de la convention relative aux droits de l’enfant dans le rapport annexé. En outre, il est fait référence à ces préoccupations à l’article 62 du cadre de partenariat global.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour explication de vote.

Mme Hélène Conway-Mouret. Les chiffres que je viens de vous communiquer sont éloquents, me semble-t-il : 500 millions de personnes souffrent de handicap, seulement 10 % des enfants handicapés sont scolarisés et 80 % des personnes handicapées sont au chômage !

Nous sommes amenés à faire le constat suivant : aujourd’hui, trop peu de mesures sont mises en œuvre au bénéfice de ces populations, alors qu’elles font l’objet d’une exclusion sociale exacerbée – elles se trouvent souvent à la croisée de différents facteurs d’inégalités et de discriminations. Elles doivent être aidées, même si la politique en leur faveur ne doit pas être érigée en priorité.

Monsieur le ministre, je conçois que cet article ne peut pas énoncer toutes les priorités, mais la prise en charge de 500 millions de personnes devrait tout de même pouvoir trouver une place dans un texte qui prétend lutter contre les discriminations et les inégalités !

Je suis donc surprise qu’il n’ait pas été fait référence aux personnes souffrant de handicap. Nous proposons simplement, par souci de cohérence avec l’esprit du projet défendu par le Gouvernement, que la future loi fasse mention de ces personnes.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 208.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. L’amendement n° 209, présenté par Mme Carlotti, MM. Temal, Kanner, Todeschini et Roger, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. M. Vallet, Vallini, Vaugrenard, Antiste, Cozic et P. Joly, Mmes Lepage et Monier, MM. Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

La politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales promeut la santé comme bien public mondial. Dans ce cadre, la France s’assure d’un égal accès à la santé pour tous, en particulier pour les pays au revenu les plus faibles et promeut, aux côtés de l’Union européenne, la signature d’un traité international sur la préparation et la riposte aux pandémies qui consacre les vaccins comme biens communs mondiaux. À ces fins, la France soutient le partage et l’accès au niveau mondial de la recherche, la production et l’accès aux vaccins.

La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti.

Mme Marie-Arlette Carlotti. Au risque de me répéter, la pandémie de covid-19 a été révélatrice des inégalités mondiales dans la recherche et la production des vaccins.

Si l’initiative Covax a été la bienvenue – vous ne sembliez pas satisfait que j’évoque le sujet tout à l’heure, monsieur le ministre –, elle est restée insuffisante.

L’objectif initial était très limité, puisque le dispositif Covax devait assurer la vaccination gratuite de seulement 20 % de la population des 92 pays à faibles revenus. À la fin du mois de mars, nous en étions encore très loin : 15 millions de doses avaient été livrées, sur les 600 millions de doses promises à l’origine.

Depuis lors, le processus de vaccination s’est accéléré. Mais, désormais, il est essentiel de renverser l’ordre des choses, d’ouvrir une brèche au sein de l’OMC et de lever temporairement les droits de propriété intellectuelle sur les vaccins. Ce serait l’un des moyens pour lutter contre la pandémie. Nous savons qu’il ne sera pas suffisant, contrairement aux leçons que l’on est venu nous faire ici. Nous savons aussi qu’il faudra produire des vaccins partout et créer des plateformes de production, en particulier en Afrique.

Néanmoins, la levée des brevets est une réponse, qui permettra d’abattre les barrières et de garantir le transfert des technologies. Nous devons en passer par là si nous voulons procéder d’urgence à une vaccination mondiale !

Les épidémiologistes du monde entier nous alertent : nous disposons d’un an, et peut-être de moins de temps encore, pour vacciner l’ensemble de la population de la planète et atteindre l’immunité collective mondiale.

Au travers de cet amendement, nous proposons de consacrer le vaccin comme un bien public mondial et appelons à signer un traité international pour préparer la riposte aux pandémies. Le Président de la République s’est déclaré favorable à ce traité, contrairement à certains ministres, qui sont venus nous dire que nous ne comprenions rien à la situation…

Alors que nous écrivons cette loi, nous ne saurions être à la remorque du Président de la République. Je souhaite donc vivement que notre proposition soit inscrite dans ce texte.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hugues Saury, rapporteur. Le sujet des pandémies, tout particulièrement de celle que nous vivons aujourd’hui, est bien sûr majeur.

Toutefois, une référence à la signature d’un traité sur la riposte aux pandémies a d’ores et déjà été introduite à l’alinéa 69 du cadre de partenariat global, lors de l’examen du texte en commission.

Il n’apparaît donc pas pertinent d’y faire de nouveau référence au sein du présent article, lequel ne doit comprendre que les grands objectifs de la politique d’aide au développement, lesquels englobent le domaine de la santé.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Il est difficile de faire valider, par un texte de loi, un projet de traité qui n’existe pas encore… D’autant que, aux termes de l’article 52 de la Constitution, c’est au Président de la République qu’il revient de négocier et de ratifier les traités.

Cela étant, je tiens à mettre les choses au point s’agissant des vaccins. Je vous entends dire des choses tout à fait contradictoires, madame Carlotti. Je rappelle que, la semaine dernière, trois jours durant, j’ai assisté au sommet du G7 à Londres ; je puis vous certifier que cette question y a été largement abordée.

C’est bien la France qui a été à l’initiative de Covax ! L’Union européenne et beaucoup d’autres partenaires ont ensuite pris le relais. Lorsque ce mécanisme a été créé, il y a un an, nous n’avons reçu aucun encouragement, alors que nous étions en droit d’en attendre quelques-uns.

Covax, que nous soutenons via la Vaccine Alliance Gavi, a tout de même permis de préempter deux milliards de doses. Celles-ci sont aujourd’hui en cours de distribution, comme j’ai pu le constater dans les pays où je me suis rendu.

Il s’agit donc d’une initiative de la France, soutenue par l’OMS et validée par de nombreux pays, lesquels feront certainement en sorte d’être à la hauteur des vaccinations, même si cela suppose plusieurs précautions que je vais évoquer.

En ce qui concerne les dons, la France a été au rendez-vous. En l’occurrence, chaque État prélève des doses sur ses propres contingents, notamment au bénéfice des soignants des différents pays concernés.

La capacité d’exportation constitue un autre problème. Aujourd’hui, en ce qui concerne la vaccination mondiale, le sujet principal est la production. Or, pour que l’on puisse produire des vaccins, nous devons exporter ce qui est réalisé dans un certain nombre de pays.

À cet égard, il semble que les États-Unis, dont vous saluez l’initiative, n’ont autorisé à ce jour ni l’exportation de leur propre production vaccinale ni celle des intrants pour la fabrication des vaccins. Tel n’a pas été le cas de l’Union européenne, qui exporte des doses et des intrants de manière significative.

Derrière tout cela, il y a le sujet de la propriété intellectuelle. Nous sommes tout à fait désireux de le poursuivre, en sachant que l’on doit faire plusieurs choses à la fois.

Dans l’immédiat, ce qui compte, c’est de produire des vaccins selon la capacité de production dont nous disposons. L’urgence est de délocaliser les productions dans les pays et sur les continents qui en ont le plus besoin ; je pense en particulier à l’Afrique.

Par ailleurs, l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, ou Adpic, conclu dans le cadre de l’OMC, autorise déjà, en cas de pandémie, le partage de la propriété intellectuelle à des pays qui souhaitent produire des vaccins localement. Le mécanisme des licences obligatoires, quant à lui, permet d’ores et déjà de lever des brevets.

Nous sommes particulièrement attentifs à ce que tout cela soit mis en œuvre. Mais encore faut-il qu’il existe des outils de production…

Pour notre part, il nous revient d’organiser le cadre général. À ce titre, une réunion se tiendra prochainement à l’OMS afin de débloquer toutes les formes de restriction existantes, pour que les chaînes d’approvisionnement mondiales puissent librement fonctionner. Cette volonté, qui est en grande partie la nôtre, est largement partagée.

Nous sommes très heureux que les États-Unis, après nombre de tergiversations, voire de blocages, commencent à ouvrir leurs perspectives à cet égard.

Mme le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le ministre, je suis ravie d’entendre que vous soutenez la licence d’office et la levée des brevets.

Toutefois, les discussions ont été amorcées depuis le mois d’octobre dernier à l’échelon mondial. À force de tergiversations, 2 millions de personnes sont décédées !

Aujourd’hui, si les États-Unis bougent, c’est en raison de la pression populaire et de la mobilisation d’organisations et de partis politiques aux échelons national et européen.

Vous dites qu’il est question d’augmenter notre capacité industrielle. Chiche ! Nous devons nous donner les moyens de cette capacité et permettre un partage des savoir-faire. Or voilà un an que la plateforme de mutualisation globale C-TAP, gérée par l’OMS, est snobée…

En ce qui concerne la difficulté à partager les savoir-faire, les chercheurs du laboratoire BioNTech soulignent tous que la production de l’ARN messager est simple et peut être standardisée rapidement. En quelques mois, grâce aux investissements publics de l’Union européenne et des États-Unis, ils ont ainsi réussi à bâtir des chaînes de production permettant d’industrialiser cette technologie.

Pourquoi n’allons-nous pas plus loin ? Pourquoi ne décidons-nous pas d’une levée systématique des brevets, pour avoir accès à ces formules et produire des vaccins ?

Le laboratoire Sanofi ne produira pas de vaccins avant le mois de septembre prochain. En attendant, il ne fait que du flaconnage !

On voit bien que le brevet constitue un blocage. Et si la France ne va pas plus loin, c’est parce que vous protégez les grands laboratoires ! Or ces derniers réalisent de gigantesques profits, au détriment de la santé des populations. C’est ce scandale-là que nous dénonçons !

Vous parlez de la licence d’office, monsieur le ministre, mais elle n’a jamais été mise en œuvre, pas même en France. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a aucune volonté politique : voilà le blocage. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)

Mme le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Madame la sénatrice, je trouve assez étonnants ces provocations et l’engouement récent de votre formation politique pour les États-Unis ! Mais tout le monde peut changer… (Sourires sur les travées des groupes RDPI et Les Républicains.)

Je veux vous dire les choses très clairement : il existe plusieurs blocages concernant la fabrication des vaccins.

Premièrement, il y a ceux qui ne veulent pas donner. La France est au rendez-vous du don. Deuxièmement, il y a ceux qui ne veulent pas exporter. L’Union européenne est au rendez-vous des exportations. Troisièmement, il y a ceux qui ne veulent pas donner d’intrants – ils sont nombreux. Quatrièmement, et enfin, il y a les brevets, à propos desquels j’ai clairement exprimé notre position.

Vous faites référence à un débat international dont l’Inde et l’Afrique du Sud ont été à l’initiative. Pour ma part, j’ai rencontré les ministres des affaires étrangères de ces deux pays.

Nous travaillons aujourd’hui à la réalisation d’une unité de production en Afrique du Sud, avec transfert de brevets. Reste que les capacités d’exportation doivent être réelles. Ce n’est pas du flaconnage, c’est de la fabrication !

Aussi, vos propos sont insupportables, compte tenu de la mobilisation dont la France a été à l’origine et que tout le monde, y compris l’OMS, reconnaît, sauf vous.

Mme le président. La parole est à M. Gilbert Roger, pour explication de vote.

M. Gilbert Roger. Je veux dire l’importance symbolique que le vote de cet article représente pour nous.

À cause de ce virus, arrivé de Chine et qui présente maintenant des variants anglais, indien, et même breton, la pandémie se répand partout, sans égard pour les frontières. Nous, sénateurs de la République, nous voulons montrer que la France est au rendez-vous !

Or nous ne vous avons pas clairement entendu dire, monsieur le ministre, si le Gouvernement était ou non favorable à notre proposition. Aux yeux du monde, et pour nos concitoyens, l’issue serait différente si le Gouvernement expliquait ici, aujourd’hui, qu’il ne veut pas qu’un bien mondial soit offert à l’ensemble de l’humanité. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Michelle Gréaume applaudit également.)

Mme le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Depuis une dizaine d’années, dans le cadre de l’OMC, le mécanisme Adpic permet aux pays qui le souhaitent de prendre en main les brevets – c’est le cas aujourd’hui de l’Inde, de l’Afrique du Sud et de l’Argentine.

Il a déjà été recouru à ce dispositif pour la production de traitements contre le HIV dans de grandes quantités, au bénéfice des pays africains, entre autres. Il est donc inexact d’affirmer qu’il n’a jamais été utilisé.