M. le président. L’amendement n° 8 rectifié quinquies, présenté par Mme Bourrat, M. Karoutchi, Mmes L. Darcos et Canayer, MM. Laugier, Rietmann, Perrin, Maurey, Moga, Kern, Somon et Daubresse, Mmes Gosselin et Gruny, M. Burgoa, Mme Di Folco, MM. Lefèvre, Chatillon, Hingray, Louault et Saury, Mme Belrhiti, MM. P. Martin, Charon et Mouiller, Mme Deromedi, M. Chauvet, Mme Dumont, MM. B. Fournier et Klinger, Mmes Deroche et Borchio Fontimp et M. Genet, est ainsi libellé :

Alinéa 11

1° Supprimer les mots :

en outre

et le mot :

, notamment

2° Compléter cet alinéa par les mots :

et universitaires

La parole est à Mme Toine Bourrat.

Mme Toine Bourrat. Le présent amendement vise à élargir la portée de la mission pédagogique attribuée à l’Arcom en matière de protection des œuvres et des objets auxquels sont attachés un droit d’auteur, un droit voisin ou des droits d’exploitation audiovisuelle.

Le projet de loi tel qu’il est présenté ne cible aujourd’hui que les publics scolaires. Pour que cet objectif soit adressé au bon public et que la nouvelle autorité remplisse avec efficacité son objectif de sensibilisation à la diffusion de l’offre légale, il apparaît utile d’étendre expressément cette mission aux élèves de l’enseignement supérieur, eu égard à leur intense usage tant professionnel que personnel des contenus à protéger.

La création de l’Arcom, qui pérennise une réponse graduée saluée pour son caractère pédagogique, offre l’occasion de gagner en efficacité quant au ciblage des publics directement concernés par le piratage.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Cet amendement part du constat, tout à fait juste, d’un manque de connaissances par les étudiants des grands axes de la propriété intellectuelle. C’est d’autant plus vrai que les étudiants actuels sont issus d’une génération confrontée très tôt à l’univers du numérique, et qui a dû en faire un usage massif dans les conditions de la pandémie. Il s’agit d’une extension bienvenue des missions de l’Arcom.

La commission a donc émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot, ministre. Je suis bien sûr favorable sur le fond à l’extension des actions de sensibilisation en direction des étudiants, mais le texte le permet déjà expressément puisque la rédaction actuelle du projet de loi n’est pas limitative. Tous les publics sont bien entendu visés.

En outre, l’amendement proposé pourrait avoir un effet contreproductif, puisque sa rédaction peut laisser croire que cette sensibilisation serait réservée aux seuls élèves et étudiants. Or il doit être possible de pouvoir informer les internautes adultes sur les risques encourus en cas de téléchargement illicite et les sensibiliser à l’existence d’une offre légale.

Je suis défavorable à cet amendement, non sur le fond, mais en raison des effets contreproductifs qu’il pourrait avoir.

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Je ne veux pas faire de peine à l’auteur de l’amendement, mais je peste déjà suffisamment contre les injonctions de notre assemblée sur les programmes scolaires pour ne pas souhaiter en plus voter des injonctions sur les programmes universitaires. Je rappelle que l’autonomie des universités les conduit à définir elles-mêmes leurs programmes et leurs enseignements.

Je suis donc au regret de ne pouvoir voter un tel amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 8 rectifié quinquies.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 39, présenté par M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Après le mot :

légale

insérer les mots :

, facilement accessible

La parole est à M. Jérémy Bacchi.

M. Jérémy Bacchi. Le législateur s’est dit jusqu’à présent qu’il suffisait que le CSA encourage le développement d’une offre légale pour que le piratage cesse d’un seul coup, ou plutôt pour que seuls les pirates convaincus poursuivent leurs activités et que l’on puisse les réprimer.

C’est quand même oublier un élément central : on peut créer autant de plateformes légales que l’on veut, encore faut-il qu’elles soient accessibles, notamment d’un point de vue financier. J’irai même plus loin, plus il y aura de plateformes, plus les contenus seront éclatés et plus les coûts seront élevés : 10 euros pour OCS, 8 euros pour Netflix, 6 euros pour Amazon Prime, 7 euros pour Disney+ et Salto, sans parler des 22 euros nécessaires pour accéder au contenu de Canal+. La facture monte très vite pour accéder à ces films et séries.

En ce qui concerne la musique, même si YouTube dispose d’une bibliothèque importante pour les chaînes officielles d’artistes, le constat est malheureusement le même.

Il me semble donc qu’il y a un travail à mener en ce sens, et ce pour deux raisons. Premièrement, parce que, comme je l’ai sous-entendu à l’instant, c’est le meilleur outil contre le piratage et, deuxièmement, parce que le fonctionnement actuel et la difficulté croissante d’accéder au contenu culturel tendent à éloigner les personnes les plus fragiles économiquement de la culture. Or, comme le rappelait l’Unesco au début de cette crise sanitaire, la culture est un bien commun essentiel et source de résilience.

Au moment où la santé psychique des Françaises et des Français est durement éprouvée par la crise et la diminution des interactions sociales, la culture prend une importance encore plus grande. C’est pourquoi il nous semble nécessaire de confier à l’Arcom une mission sur l’accessibilité, notamment financière, et le développement de l’offre légale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Les auteurs de cet amendement veulent attirer l’attention sur un aspect essentiel des offres numériques pour les œuvres audiovisuelles, qui est leur caractère fragmenté. En effet, si l’on veut aujourd’hui bénéficier de l’ensemble des œuvres, il faut multiplier les abonnements, ce qui s’avère excessivement onéreux. Par comparaison, l’offre de streaming musical légale est parvenue, sur quelques plateformes, à concentrer toute l’offre, ce qui n’est pas étonnant de la part des musiciens. (Sourires.)

Il n’est pas certain que l’Arcom ait réellement les moyens ou la vocation de lutter contre ce qui est une conséquence de l’explosion des coûts de production dans une industrie largement mondialisée, ni que son rôle en la matière puisse être utile. La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot, ministre. Même avis, pour les excellentes raisons exposées par M. le rapporteur.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Mme Catherine Morin-Desailly. Je suivrai l’avis de la commission et du Gouvernement.

Je veux dire à notre collègue que le Parlement à un rôle à jouer dans l’appréciation de l’accessibilité des œuvres pour les plus jeunes.

Par ailleurs, notre mission est aussi de défendre les moyens pour un audiovisuel public de qualité – le maintien de la chaîne de la jeunesse, par exemple – et la diffusion de contenus attractifs et en quantité suffisante pour nourrir le besoin de confrontation avec les œuvres, les documentaires et l’information. C’est un travail dont nous pouvons nous saisir.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 39.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 40, présenté par M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 13

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Une mission de protection des droits des consommateurs. À ce titre, elle mène notamment une action de régulation et de veille dans le domaine des mesures techniques afin d’assurer la pleine jouissance des contenus acquis par les publics.

La parole est à M. Jérémy Bacchi.

M. Jérémy Bacchi. Au moment des débats sur la création de la Hadopi, notre regretté collègue Jack Ralite mettait la Haute Assemblée en garde : la création d’un système répressif en matière de piratage ne pourrait être efficace qu’en faisant respecter par les producteurs leur engagement en matière de blocage technique.

Vous achetez un DVD et vous souhaitez en faire une copie numérique pour votre usage personnel ? Dans la majorité des cas, vous ne pourrez pas extraire le DVD malgré votre droit à la copie privée du fait du blocage technique.

Vous pensez acheter un jeu vidéo sur une plateforme de type Steam ? Vous n’achetez en fait que le droit d’y jouer.

Les utilisateurs des plateformes Sony peuvent témoigner du stress de voir une vidéothèque disparaître après l’annonce des fermetures des boutiques PS3 et PS Vita.

Enfin, si vous achetez de la musique sur une plateforme de type iTunes, je vous souhaite bien du courage pour trouver le fichier dans votre ordinateur…

Cet amendement vise donc à confier à l’Arcom une mission de protection des droits des acheteurs de contenus. La lutte contre le piratage ne pourra passer que par une relation de confiance entre les acteurs culturels et les consommateurs, mais cela implique que ces derniers puissent jouir pleinement de leurs droits, une fois qu’ils ont acheté un contenu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Cet amendement vise à élargir encore le champ des missions de l’Arcom, qui rencontre, il faut le relever, un beau succès !

Les auteurs de l’amendement font état de difficultés qui, pour les citer, transforment un « droit de propriété » en un « droit d’usage ».

Très humblement, j’avoue ne pas avoir eu connaissance récemment de telles difficultés. Je ne suis donc pas en mesure de m’assurer de la portée de cet amendement.

C’est pourquoi je sollicite l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot, ministre. Je formulerai les mêmes remarques de fond que celles que j’ai émises sur les précédents amendements.

Le code de la propriété intellectuelle confie d’ores et déjà à la Hadopi une mission de régulation des mesures techniques de protection visant à s’assurer que celles-ci n’entravent pas les usages légitimes des œuvres par le public. Vos préoccupations sont donc prises en compte par les missions qui seront confiées à l’Arcom. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.

M. le président. Quel est donc l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 40.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 42, présenté par M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 13

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

«  Une mission de régulation de l’accessibilité des œuvres. À cette fin, elle veille à ce que l’ensemble des contenus diffusés bénéficie de mesures d’accessibilité, notamment des dispositifs de sous-titrage, d’audiodescription et d’adaptations chromatiques.

La parole est à M. Jérémy Bacchi.

M. Jérémy Bacchi. La grande loi de 2005 sur le handicap a confié au CSA la mission d’aller vers une inclusivité des œuvres culturelles. Cet impératif a été largement enrichi depuis, notamment grâce à la déclaration de Fribourg de 2007. En particulier, l’article 3 de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine fixe pour objectif de « favoriser une politique de mise en accessibilité des œuvres […] et promouvoir les initiatives professionnelles, associatives et indépendantes visant à favoriser l’accès à la culture et aux arts pour les personnes en situation de handicap ainsi que leur contribution à la création artistique et culturelle ».

En l’état, la France a pris un retard dommageable, même si tous les secteurs ne sont pas concernés de la même manière. Pour ne prendre que l’exemple de la télévision, la proportion de programmes qui doit comprendre un sous-titrage dépend directement de l’audience de chaque chaîne. Les chaînes dont la part d’audience est inférieure à 2,5 % de l’audience totale des services de télévision doivent sous-titrer l’ensemble de leurs programmes, tandis que pour les chaînes hertziennes dont l’audience est inférieure à 2,5 % de l’audience totale des services de télévision une convention conclue avec le CSA fixe les proportions des programmes accessibles.

S’il ne faut pas omettre les difficultés techniques réelles pour les éditeurs, nous devons passer un nouveau cap en matière d’accessibilité et d’inclusivité. Comme l’a montré cette crise sanitaire, les œuvres culturelles sont essentielles. On en était déjà persuadé, mais nous avons eu devant les yeux les conséquences néfastes d’une disparition de la culture dans notre quotidien.

D’ailleurs, si le dernier rapport du CSA sur la représentation du handicap à l’antenne et l’accessibilité des programmes de télévision aux personnes handicapées montre des progrès, ces derniers sont largement insuffisants et surtout inégalement répartis selon les éditeurs. Il est donc essentiel de renforcer cette mission.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Cet amendement s’adresse en réalité moins à l’Arcom qu’aux éditeurs, qui devraient rendre l’ensemble des contenus accessibles, c’est-à-dire leur appliquer le sous-titrage, l’audiodescription et l’adaptation chromatique.

On ne peut que saluer cette idée, tant elle traduit la volonté de donner toute leur place aux publics handicapés. Je rappelle d’ailleurs que le 26° du paragraphe I de l’article 1er confie déjà au régulateur la responsabilité de veiller au respect par les éditeurs de livres de l’exception « handicap », en lien avec la Bibliothèque nationale de France.

Cependant, il me semble que cette idée, appliquée à l’audiovisuel, pourrait se heurter à des considérations de coût, si l’ensemble des œuvres devait bénéficier des mesures d’accessibilité. Il n’est pas certain qu’une approche aussi radicale soit économiquement viable. En tout cas, elle n’est pas évaluée en l’état.

C’est la raison pour laquelle je donne un avis défavorable sur cet amendement, tout en attendant la position du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot, ministre. Je ne peux que constater avec vous que l’accessibilité aux programmes pour les publics handicapés mérite de progresser – les excellents rapports du CSA le montrent abondamment.

Toutefois, je note qu’il s’agit d’un problème plus opérationnel que législatif, puisque la Hadopi est aujourd’hui chargée d’assurer la garantie effective de l’exception au droit d’auteur prévue par la loi au profit des personnes en situation de handicap, et le projet de loi prévoit de renforcer les pouvoirs de l’Arcom sur ce sujet à travers la possibilité qui lui sera reconnue de mettre en demeure les éditeurs de respecter leurs obligations légales. L’un de vos arguments est donc d’ores et déjà satisfait.

Par ailleurs, la loi confie au CSA le soin de veiller à l’accessibilité des programmes télévisés aux personnes handicapées par le sous-titrage, la langue française des signes ou l’audiodescription. Le CSA s’assure annuellement que les chaînes remplissent leurs obligations en matière d’accessibilité des programmes et rend compte de ce contrôle dans un rapport public. En réunissant les pouvoirs de la Hadopi et du CSA sur ce sujet, l’Arcom sera en mesure d’agir en faveur d’une plus grande accessibilité des œuvres.

Ainsi, l’objectif que vous portez est d’ores et déjà satisfait, car il est de fait exprimé dans le texte. Je vous propose donc de retirer votre amendement ; sinon j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Bacchi, l’amendement n° 42 est-il maintenu ?

M. Jérémy Bacchi. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 42 est retiré.

L’amendement n° 93, présenté par M. Hugonet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 23

Remplacer la référence :

L. 331-25

par la référence :

L. 331-24

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Le présent amendement vise à corriger une erreur de renvoi concernant la contribution des agents habilités et assermentés de l’Arcom à la mission d’établissement de la liste noire des sites pirates.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 93.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les trois premiers sont identiques.

L’amendement n° 31 est présenté par Mme de Marco, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

L’amendement n° 57 est présenté par M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 67 est présenté par le Gouvernement.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 53 à 56

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Monique de Marco, pour présenter l’amendement n° 31.

Mme Monique de Marco. L’amende transactionnelle contribuerait à renforcer une injustice déjà présente dans le système de réponse graduée : ce dispositif ne concerne qu’une partie des pirates, à savoir ceux qui utilisent le peer to peer et ne masquent pas leur adresse IP. Il existe des moyens de contournement relativement simples pour les personnes initiées à l’informatique. L’amende punirait donc davantage, en réalité, le fait d’être novice en informatique et de ne pas savoir échapper aux contrôles.

L’amende transactionnelle risque de surcroît de pénaliser les internautes les moins renseignés : ceux-ci paieront par crainte d’un procès, alors que ceux qui sont le plus au fait des choses estimeront plus facilement que le risque d’être condamné est faible.

Enfin, elle ne permet aucune distinction en fonction du volume de téléchargement ou d’éléments qui pourraient être considérés comme des circonstances atténuantes par la justice.

M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour présenter l’amendement n° 57.

M. Jérémy Bacchi. La transaction pénale en cas de piratage est un serpent de mer pour la majorité. Le groupe CRCE s’y opposera pour deux raisons.

Premièrement, l’optique de taper individuellement au portefeuille des pirates nous semble problématique. Au vu des flux et des sanctions, on peut estimer qu’une extrême minorité d’entre eux sera en réalité verbalisée. Autant dire que la majorité continuera à jouer la chance, comme elle le fait depuis dix ans.

Deuxièmement, c’est une réelle source d’inégalités.

Tout d’abord, je reprendrai les mots de notre regretté camarade Jack Ralite, prononcés lors de la création de la Hadopi : « Dans la vie réelle, la loi dite Hadopi ne s’attaquera, de fait, qu’aux plus novices, ceux qui ne savent pas masquer leur adresse IP. Les véritables délinquants seront épargnés, car ils connaissent les moyens technologiques d’échapper à la surveillance. » Dix ans plus tard, avec l’émergence des VPN, c’est encore plus vrai.

Ensuite, vous créez en réalité un droit au piratage : dès que l’on parle d’une amende avec un montant fixe, celles et ceux qui ont les moyens de payer achètent finalement un droit d’enfreindre la loi. C’est exactement ce qui est prévu ici.

On renforce la lutte contre le piratage et les moyens des services audiovisuels contre les nouveaux entrants sur le marché, mais rien n’est fait pour améliorer concrètement l’accès aux contenus culturels, ce qui, pourtant, a longtemps fait la fierté et la spécificité de la France dans le cadre de l’exception culturelle, vue comme un outil au service de la Nation.

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 67

Mme Roselyne Bachelot, ministre. Je partage les objectifs des orateurs qui m’ont précédée. Dans ce projet de loi, le Gouvernement propose de renforcer la lutte contre le piratage en donnant des pouvoirs importants à l’Arcom, comme je l’ai déjà dit. Nous nous focalisons sur les sites contrefaisants, qui captent des revenus considérables avec leurs pratiques illégales au détriment des créateurs et titulaires de droits sportifs.

Nous ne souhaitons pas, en revanche, modifier l’équilibre de la réponse graduée, qui se veut un outil au service de la prévention et de la pédagogie. Lorsque la pédagogie ne suffit pas, la réponse graduée peut conduire à des sanctions judiciaires, sous l’autorité d’un juge, mais nous ne voulons pas aller plus loin dans la sanction des internautes, y compris d’un point de vue financier.

La transaction pénale paraît d’autant moins justifiée qu’aujourd’hui la réponse graduée touche moins de 20 % des pratiques de piratage. Ce dispositif se trompe donc de cible, en se focalisant sur la réponse graduée.

Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement souhaite s’en tenir à la philosophie du projet de loi initial, qui privilégie la lutte contre les sites pirates.

M. le président. L’amendement n° 10, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner et Antiste, Mme Lepage, MM. Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 54, première phrase

Remplacer les mots :

une transaction consistant dans le versement d’une amende transactionnelle dont le montant ne peut excéder 350 € s’il s’agit d’une personne physique et 1 050 € s’il s’agit d’une personne morale

par les mots :

s’il s’agit d’une personne morale, une transaction dont le montant ne peut excéder 1 050 €

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Nous sommes globalement d’accord avec le Gouvernement pour revenir à la vision initiale du texte, qui consiste à se polariser sur les sites pirates et les sites miroirs, sans pénaliser les internautes eux-mêmes et les échanges de pair à pair, qui représentent une toute petite partie du piratage. Nous avons déjà eu ces débats.

Pour autant, il me semble que la transaction pénale peut être envisagée, lorsque nous avons affaire avec des personnes morales. Tel est l’objet de cet amendement qui, sans être un compromis entre les positions de la commission et du Gouvernement, vise à maintenir ce dispositif pour les personnes morales et les sociétés, mais pas pour les internautes eux-mêmes – je pense notamment aux jeunes.

Je me reconnais dans l’état d’esprit du Gouvernement sur cette question et je crois qu’on s’illusionne, si l’on pense que la transaction pénale aboutira à tout coup à un résultat. En effet, une personne peut toujours refuser in fine la proposition qui lui est faite et on en revient alors à la procédure actuelle, qui continuera d’exister : l’Arcom pourra saisir la justice – c’est d’ailleurs probablement ce qui se passera le plus souvent.

Cette mesure est donc absolument inutile. En général, quand on montre ses muscles ou que l’on brandit un bâton, il faut être certain de les utiliser effectivement en cas de besoin… Sinon, la loi risque d’être discréditée.

C’est pourquoi je préfère en rester à la situation actuelle, tout en autorisant la transaction pénale pour les seules personnes morales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Nous abordons maintenant la question de la transaction pénale – ce n’est pas la première fois que nous en débattons.

Ces quatre amendements reviennent sur une position de principe de la commission : la responsabilité des auteurs de faits délictueux. J’entends les arguments qui ont été avancés : il ne faut pas pénaliser les internautes les moins renseignés ; cette amende s’apparente à un droit de pirater ; la philosophie de la loi est de sanctionner plutôt les sites pirates, etc.

Je veux simplement dire que nous parlons ici non pas d’une piraterie occasionnelle, mais d’internautes déjà prévenus trois fois, donc relativement avancés dans leur comportement délictueux. Il est absolument anormal, quel que soit le domaine, qu’une violation de la loi ne soit jamais sanctionnée ! (Mme Laure Darcos et de M. Michel Savin acquiescent.)

Il me semble que la transaction pénale, un mécanisme équilibré très attendu par les ayants droit, s’inscrit très logiquement comme la dernière étape d’une réponse pédagogique. Elle est tout à fait complémentaire des actions prévues dans le présent article pour sanctionner les sites eux-mêmes, qui ne vivent d’ailleurs qu’en raison de l’appétit de certains pour le piratage.

Notre collègue Assouline fait une distinction, ce qui est déjà un premier pas, mais j’estime qu’il faut viser à la fois les internautes et les personnes morales. C’est la raison pour laquelle je donne un avis défavorable sur ces quatre amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 10 ?

Mme Roselyne Bachelot, ministre. Monsieur Assouline, je vous remercie de ne pas vous rallier au principe de la transaction pénale.

Je comprends ce qui vous a amené à cet amendement de repli, mais je me demande si, en réservant la transaction pénale aux personnes morales, il ne pourrait pas produire des effets négatifs. En effet, les collectivités locales, les administrations, les entreprises pourraient être incitées à limiter au maximum la mise à disposition d’un accès internet au profit de leurs agents ou de leurs usagers par peur d’une sanction financière en cas de mauvaise utilisation de cet accès.

En raison de ces effets contreproductifs potentiels, je demande le retrait de cet amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Assouline, l’amendement n° 10 est-il maintenu ?

M. David Assouline. Madame la ministre, vous m’avez convaincu.

Il est vrai que le piratage se fait parfois à l’insu de la personne qui est pourtant identifiée comme pirate. C’est d’ailleurs bien pour cette raison que le renforcement de la répression des internautes est malvenu : cela demande des investigations poussées et une débauche de moyens pour être sûr que l’on touche la bonne personne. Des associations, des administrations ou des personnes morales à but non lucratif, craignant d’être sanctionnées, pourraient être tentées de limiter l’accès à des services qu’elles proposent aujourd’hui, alors que ceux-ci sont tout à fait essentiels.

Par conséquent, je retire l’amendement.

M. le président. L’amendement n° 10 est retiré.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 31, 57 et 67.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 41, présenté par M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéas 88 à 92

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Jérémy Bacchi.