M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 21 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 65 est présenté par Mme Benbassa, M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 21.

Mme Cécile Cukierman. Avec cet article 5, nous abordons l’un des grands enjeux de ce texte : que faire des personnes condamnées pour terrorisme, une fois une fois leur peine purgée ?

C’est le législateur majoritaire qui s’est mis dans l’impasse, dès 2016, en limitant drastiquement les possibilités d’obtenir des aménagements de peine pour ces détenus. Ces dispositions ont inévitablement conduit à l’existence de « sorties sèches », qui inquiètent tant, aujourd’hui, le Gouvernement, les parlementaires et, plus largement, la population dans son ensemble.

Cet article tend à aménager le dispositif de régime de sûreté à l’encontre des détenus condamnés pour des actes de terrorisme et sortant de prison, voté l’été dernier et jugé non conforme à la Constitution dans la décision du Conseil constitutionnel du 10 août 2020. Ce dernier a en effet jugé que le dispositif retenu portait, en l’état de sa rédaction, une atteinte qui n’était ni adaptée ni proportionnée aux droits et libertés constitutionnellement garantis.

Selon nous, renforcer ainsi l’arsenal judiciaire antiterroriste, qui, rappelons-le, est déjà l’un des plus complets et des plus stricts au monde, diminue l’État de droit en France.

Telle est la raison pour laquelle nous souhaitons la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 65.

Mme Esther Benbassa. Cet article est probablement celui qui cristallise le plus d’oppositions. Il reprend en effet les dispositions de la proposition de loi instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine, qui a été censurée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 7 août 2020.

Auparavant, le Conseil d’État s’était également interrogé sur l’utilité d’une telle mesure de sûreté. On peut ainsi lire, dans son avis du 23 juin 2020 : « La surveillance judiciaire de personnes dangereuses condamnées pour crime ou délit permet l’application de presque toutes les mesures de la proposition de loi ».

En effet, de nombreuses mesures de notre code pénal permettent d’ores et déjà d’assurer un suivi post-détention. On peut notamment citer le suivi socio-judiciaire prévu aux articles 131-36-1 à 131-36-8 du code pénal, la mesure de surveillance judiciaire prévue aux articles 723-29 et suivants du code de procédure pénale, ou encore le suivi post-libération prévu à l’article 721-2 du code de procédure pénale.

Si notre groupe prend très au sérieux la nécessité de prévenir la commission d’actes à caractère terroriste, la gravité de ces actes ne dispense pas d’apprécier la stricte nécessité des mesures prévues. Or, en l’état, la présente disposition, par ailleurs d’application rétroactive, je le souligne, porte une atteinte excessive aux libertés individuelles.

C’est en tout cas l’avis du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, qui s’oppose à la mise en place de cette nouvelle mesure de sûreté. Nous regrettons également que ne soit pas prise en compte la situation des prisonniers de droit commun qui se radicalisent au cours de leur détention.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression du présent article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. La commission est bien évidemment défavorable à ces deux amendements de suppression, qui sont contraires à sa position.

En effet, tout l’équilibre de la position prise par la commission des lois repose sur une mesure judiciaire forte de sûreté, qui reprend, je l’ai dit, la proposition de loi de M. Buffet et intègre complètement, madame Benbassa, la censure du Conseil constitutionnel de la proposition de loi que vous venez d’évoquer.

M. Buffet a repris tous les attendus de cette décision, qui remonte à l’année dernière. Celle-ci ne s’opposait pas, par principe, à la mesure de sûreté, mais elle demandait que celle-ci soit encadrée. L’ensemble des critères posés par le Conseil constitutionnel sont remplis par la proposition de loi de M. Buffet, qui constitue l’article 5 du texte que nous examinons aujourd’hui.

Je suis donc défavorable à ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21 et 65.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 87, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le titre XV du livre IV du code de procédure pénale est complété par une section 5 ainsi rédigée :

« Section 5

« De la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion

« Art. 706-25-16. – I. – Lorsqu’une personne a été condamnée à une peine privative de liberté, non assortie du sursis, d’une durée supérieure ou égale à cinq ans pour une ou plusieurs des infractions mentionnées aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal, à l’exclusion de celles définies aux articles 421-2-5 et 421-2-5-1 du même code, ou d’une durée supérieure ou égale à trois ans lorsque l’infraction a été commise en état de récidive légale, et qu’il est établi, à l’issue d’un réexamen de sa situation intervenant à la fin de l’exécution de sa peine, que cette personne présente une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive et par une adhésion persistante à une idéologie ou à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme, faisant ainsi obstacle à sa réinsertion, le tribunal de l’application des peines de Paris peut, sur réquisitions du procureur de la République antiterroriste, ordonner, aux seules fins de prévenir la récidive et d’assurer la réinsertion, une mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion.

« La décision définit les conditions d’une prise en charge sanitaire, sociale, éducative, psychologique ou psychiatrique destinée à permettre la réinsertion de la personne concernée et l’acquisition des valeurs de la citoyenneté. Cette prise en charge peut, le cas échéant, intervenir au sein d’un établissement d’accueil adapté.

« Elle peut imposer à la personne concernée d’exercer une activité professionnelle ou de suivre un enseignement ou une formation professionnelle ; elle peut également lui interdire de se livrer à l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise.

« La décision précise les conditions dans lesquelles la personne concernée doit communiquer au service pénitentiaire d’insertion et de probation les renseignements ou documents de nature à permettre le contrôle de ses moyens d’existence et de l’exécution de ses obligations et répondre aux convocations du juge de l’application des peines ou du service pénitentiaire d’insertion et de probation. Elle peut aussi l’astreindre à établir sa résidence en un lieu déterminé.

« Les obligations auxquelles la personne concernée est astreinte sont mises en œuvre par le juge de l’application des peines du tribunal judiciaire de Paris, assisté du service pénitentiaire d’insertion et de probation, le cas échéant avec le concours des organismes habilités à cet effet.

« II. – Le tribunal de l’application des peines de Paris ne peut prononcer la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion qu’après s’être assuré que la personne condamnée a été mise en mesure de bénéficier, pendant l’exécution de sa peine, de mesures de nature à favoriser sa réinsertion.

« III. – La mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion prévue au I peut être ordonnée pour une durée maximale d’un an. À l’issue de cette durée, la mesure peut être renouvelée sur réquisitions du procureur de la République antiterroriste par le tribunal de l’application des peines de Paris, après avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté prévue à l’article 763-10, pour au plus la même durée, périodes de suspension comprises, dans la limite de cinq ans ou, lorsque le condamné est mineur, dans la limite de trois ans. Chaque renouvellement est subordonné à l’existence d’éléments nouveaux ou complémentaires qui le justifient précisément.

« IV. – La mesure prévue au I ne peut être ordonnée que si elle apparaît strictement nécessaire pour prévenir la récidive et assurer la réinsertion de la personne concernée. Elle n’est pas applicable si la personne a été condamnée à un suivi socio-judiciaire en application de l’article 421-8 du code pénal ou si elle fait l’objet d’une mesure de surveillance judiciaire prévue à l’article 723-29 du présent code, d’une mesure de surveillance de sûreté prévue à l’article 706-53-19 ou d’une rétention de sûreté prévue à l’article 706-53-13.

« Art. 706-25-17. – La situation des personnes détenues susceptibles de faire l’objet de la mesure prévue à l’article 706-25-16 est examinée, sur réquisitions du procureur de la République antiterroriste, au moins trois mois avant la date prévue pour leur libération par la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté prévue à l’article 763-10, afin d’évaluer leur dangerosité et leur capacité à se réinsérer.

« À cette fin, la commission pluridisciplinaire mentionnée au premier alinéa du présent article demande le placement de la personne concernée, pour une durée d’au moins six semaines, dans un service spécialisé chargé de l’observation des personnes détenues, aux fins notamment d’une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité.

« À l’issue de cette période, la commission adresse au tribunal de l’application des peines de Paris et à la personne concernée un avis motivé sur la pertinence de prononcer la mesure mentionnée à l’article 706-25-16 au regard des critères définis au I du même article 706-25-16.

« Art. 706-25-18. – La décision prévue à l’article 706-25-16 est prise, avant la date prévue pour la libération du condamné, par un jugement rendu après un débat contradictoire et, si le condamné le demande, public, au cours duquel le condamné est assisté par un avocat choisi ou commis d’office. Elle doit être spécialement motivée au regard des conclusions de l’évaluation et de l’avis mentionnés à l’article 706-25-17 ainsi que des conditions prévues aux II et IV de l’article 706-25-16.

« Le jugement précise les obligations auxquelles le condamné est tenu ainsi que la durée de celles-ci.

« La décision est exécutoire immédiatement à l’issue de la libération du condamné.

« Le tribunal de l’application des peines de Paris peut, sur réquisitions du procureur de la République antiterroriste ou à la demande de la personne concernée, selon les modalités prévues à l’article 706-53-17 et, le cas échéant, après avis du procureur de la République antiterroriste, modifier la mesure ou ordonner sa mainlevée. Cette compétence s’exerce sans préjudice de la possibilité, pour le juge de l’application des peines, d’adapter à tout moment les obligations auxquelles le condamné est tenu.

« Art. 706-25-19. – Les décisions du tribunal de l’application des peines de Paris prévues à la présente section peuvent faire l’objet du recours prévu au second alinéa de l’article 712-1.

« Art. 706-25-20. – Les obligations prévues à l’article 706-25-16 sont suspendues par toute détention intervenue au cours de leur exécution.

« Si la détention excède une durée de six mois, la reprise d’une ou de plusieurs des obligations prévues au même article 706-25-16 doit être confirmée par le tribunal de l’application des peines de Paris dans un délai de trois mois à compter de la cessation de la détention, à défaut de quoi il est mis fin d’office à la mesure.

« Art. 706-25-21. – Le fait pour la personne soumise à une mesure prise en application de l’article 706-25-16 de ne pas respecter les obligations auxquelles elle est astreinte est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

« Art. 706-25-22. – Un décret en Conseil d’État précise les conditions et les modalités d’application de la présente section. »

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Dans la continuité de l’amendement du Gouvernement que j’ai présenté tout à l’heure, l’amendement n° 87 a pour objet de rétablir la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion dans la version adoptée en première lecture.

Afin d’assurer le suivi et la prise en charge de ces individus, le Gouvernement propose un double dispositif : d’une part, la prolongation de la durée des Micas, les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, à vingt-quatre mois, afin d’assurer le contrôle et la surveillance de ces personnes ; d’autre part, la création d’une mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion, afin de favoriser la réinsertion et de prévenir la récidive d’actes de terrorisme.

Votre commission a jugé utile de réécrire intégralement l’article 5 du projet de loi, en créant une mesure judiciaire de sûreté mixte, qui comprend, d’une part, des obligations destinées à la réinsertion, comparables à celles qui étaient prévues dans le projet de loi du Gouvernement, et, d’autre part, des obligations destinées à assurer la surveillance de la personne, qui se rapprochent de celles qui étaient prévues par les Micas dans leur objet.

Toutefois, le dispositif proposé par le Gouvernement paraît plus à même de répondre aux défis qui sont posés par la sortie de détention de ces personnes.

Il permet en effet de faire coexister deux mesures aux buts distincts, mais complémentaires : assurer, d’une part, la surveillance de ces personnes, par le prononcé d’obligations et d’interdictions strictes, et, d’autre part, leur réinsertion, grâce à une prise en charge resserrée par des acteurs spécialisés de la réinsertion.

Ce dispositif permet aussi une meilleure articulation avec les Micas, en évitant toute superposition des mesures administratives avec la mesure de sûreté judiciaire.

Il conduit ainsi à renforcer la constitutionnalité de ces dispositions, qui doivent pouvoir être mises en œuvre au plus vite. Je rappelle à cet égard que le Conseil d’État a constaté que le dispositif proposé répondait aux exigences posées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 7 août 2020.

Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement souhaite le rétablissement de la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion, dans la version adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture le 2 juin 2021.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Nous sommes au cœur du débat qui nous oppose depuis le début, même si nous sommes d’accord avec de nombreux points de ce texte.

Nous avons deux visions différentes. Je l’ai dit, nous estimons que la position du Gouvernement concernant l’allongement d’un an des Micas entraîne un risque constitutionnel.

Je le redis, il est tout à fait possible d’avoir une mesure de sûreté et de prononcer, en même temps, la première année, une Micas permettant des mesures de surveillance plus efficientes et plus réactives, vous l’avez dit et je ne le conteste pas.

En toute cohérence, le Gouvernement souhaite rétablir son texte, et la commission souhaite que le Sénat se rallie à sa position, soit la mesure de sûreté exposée dans la proposition de loi Buffet.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 87.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 9 rectifié, présenté par Mme Borchio Fontimp, MM. Allizard et Bascher, Mmes Belrhiti, Bonfanti-Dossat et V. Boyer, MM. Burgoa et Charon, Mmes Chauvin, Deromedi, Garnier et Garriaud-Maylam, M. Genet, Mmes Goy-Chavent, Gruny et Lassarade, MM. Le Rudulier, Lefèvre, Meurant, Savin, Sido, H. Leroy et Tabarot et Mme Joseph, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Après le mot :

légale

insérer les mots :

, ou a été prise en charge dans un quartier d’isolement en raison de sa radicalisation ou a été évaluée comme s’étant radicalisée au cours de sa détention pour une ou des infractions de droit commun,

La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp.

Mme Alexandra Borchio Fontimp. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 9 rectifié est retiré.

L’amendement n° 10 rectifié, présenté par Mme Borchio Fontimp, MM. Allizard et Bascher, Mmes Belrhiti, Bonfanti-Dossat et V. Boyer, MM. Burgoa et Charon, Mmes Chauvin, Deromedi et Garriaud-Maylam, M. Genet, Mmes Goy-Chavent, Gruny et Lassarade, MM. Le Rudulier, Lefèvre, Meurant, Savin, Sido, C. Vial, H. Leroy et Tabarot et Mme Joseph, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Supprimer les mots :

une probabilité très élevée de récidive et par

La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp.

Mme Alexandra Borchio Fontimp. Je le retire également, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 10 rectifié est retiré.

L’amendement n° 103, présenté par M. Daubresse et Mme Canayer, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Alinéa 23, seconde phrase

Remplacer la référence :

V

par la référence :

IV

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Sagesse.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 103.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 5, modifié.

(Larticle 5 est adopté.)

Article 5
Dossier législatif : projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement
Article 6 bis

Article 6

Après l’article L. 3211-12-6 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 3211-12-7 ainsi rédigé :

« Art. L. 3211-12-7. – Aux seules fins d’assurer le suivi d’une personne qui représente une menace grave pour la sécurité et l’ordre publics en raison de sa radicalisation à caractère terroriste, le représentant de l’État dans le département et, à Paris, le préfet de police, ainsi que les agents placés sous son autorité qu’il désigne à cette fin peuvent, lorsque la personne fait l’objet d’une mesure de soins psychiatriques sans consentement, se voir communiquer les données d’identification de cette personne et les données relatives à sa situation administrative portées à la connaissance du représentant de l’État dans le département d’hospitalisation ou, à Paris, du préfet de police en application des articles L. 3212-5, L. 3212-8 et L. 3213-9 du présent code et de l’article 706-135 du code de procédure pénale, lorsque ces données sont strictement nécessaires à l’accomplissement de leurs missions. Ces mêmes données ne peuvent être communiquées lorsqu’elles sont antérieures de plus de trois ans à la date de levée de la mesure de soins sans consentement. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 22 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 66 est présenté par Mme Benbassa, M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour présenter l’amendement n° 22.

Mme Michelle Gréaume. L’article 6 autorise la communication aux préfets et à certains services de renseignements des données à caractère personnel issues du fichier relatif au suivi des personnes en soins psychiatriques sans consentement, lorsqu’un patient représente une menace grave pour la sécurité et l’ordre publics en raison de « sa radicalisation à caractère terroriste ».

Le décret du 6 mai 2019 autorise déjà l’interconnexion de ce fichier OPCI web avec le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste. Une telle extension du nombre de personnes ayant accès à une information médicale contrevient aux principes du droit, au respect de la vie privée et au secret des informations médicales.

Comme l’indique le Syndicat de la magistrature, la lutte antiterroriste, dotée d’un arsenal législatif pléthorique, continue à servir de prétexte à la création de toutes sortes de dispositifs exorbitants tels que le fichage et le traçage des personnes atteintes de troubles mentaux, sans qu’aucune corrélation ait été établie entre radicalisation à caractère terroriste et troubles psychiatriques.

Dans la droite ligne des textes sur les responsabilités pénales et des mouvements de l’opinion publique sur le sujet, ce texte vient entériner l’idée que même les fous doivent être jugés, et même plus sévèrement si leur passage à l’acte vient se cristalliser autour de la question du terrorisme islamique.

Pour notre part, nous pensons que ce débat n’est pas à la hauteur de l’enjeu. Nous reviendrons sur ce sujet lorsque le Gouvernement nous présentera la proposition de loi relative à la responsabilité pénale.

Pour l’heure, mes chers collègues, nous vous proposons de supprimer cet article, dont la teneur doit être éclairée par des travaux pluralistes, qui sont pour l’instant inexistants.

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 66.

Mme Esther Benbassa. Le présent article tend à élargir au préfet et à certains services de renseignement l’accès aux informations relatives aux personnes admises en soins psychiatriques, et ce sans leur consentement.

Rappelons tout de même que, à l’heure actuelle, seul le préfet de département est aujourd’hui autorisé à opérer une hospitalisation. Par cet élargissement, il s’agit d’assurer le suivi d’une personne représentant une menace grave pour la sécurité et l’ordre public.

Comme je l’ai indiqué précédemment, nul ne peut dans cet hémicycle prétendre ne pas prendre au sérieux la menace terroriste. Il s’agit bien évidemment d’une cause nationale, qui requiert la mise en place de tous les moyens nécessaires à sa réussite, dans le respect des libertés fondamentales et dans la limite d’une atteinte injustifiée au droit des personnes.

En l’occurrence, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires estime que la lutte antiterroriste ne doit pas servir de prétexte au fichage et au traçage des personnes atteintes de troubles psychiatriques.

Tout d’abord, le secret médical a toute son importance et ne saurait être rogné par une énième loi sécuritaire. Ensuite, les phénomènes de radicalité violente sont compliqués et protéiformes. Nous affirmons donc fermement que ces dispositifs de contrôle stigmatisants n’ont pas leur place dans notre société. Rien ne justifie cette mesure.

Par conséquent, nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Ces deux amendements visant à supprimer l’article, la commission, qui a tracé une autre voie, y sera par définition défavorable.

Sur le fond, il existe une part minoritaire de personnes radicalisées présentant un risque terroriste et souffrant de troubles mentaux. Au cours de nos auditions, les estimations données ont varié de 15 % à 20 %.

Pour assurer leur suivi dans les meilleures conditions, il nous paraît nécessaire que les préfets des lieux de résidence, ainsi que les agents qui sont placés sous leur autorité, puissent avoir connaissance des entrées et des sorties. Le code de la santé publique permet d’ailleurs déjà aux préfets des départements d’hospitalisation de le faire. L’extension aux préfets des départements de résidence semble aller de soi.

Pour autant, je connais l’argument, soulevé d’ailleurs par la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, selon lequel le partage d’informations et les interconnexions de fichiers portent atteinte au secret professionnel. C’est la raison pour laquelle la position de la commission a été non pas d’être favorable à l’article tel qu’il était rédigé initialement, mais de l’encadrer. Pour autant, on ne peut le supprimer totalement.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je suis bien évidemment défavorable à ces amendements, et ce pour une raison très simple.

La commission des lois et la commission des affaires sociales ont fait un travail sur l’expertise psychiatrique et les difficultés liées au contrôle de ces hospitalisations, complètes ou non. Voilà quinze jours, au cours d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement, j’ai interrogé M. le garde des sceaux sur ce point.

En effet, depuis 2019, il n’y a plus de collecte de données des personnes ayant fait l’objet soit d’un non-lieu, soit d’un classement sans suite pour cause d’irresponsabilité, pour ce qui concerne des faits d’une gravité certaine. Nous parlons d’environ 18 000 personnes.

Pour toutes ces raisons, il est vraiment important de donner compétence au préfet et de disposer de ces informations. Cela répond d’ailleurs aux préconisations non seulement du rapport de notre collègue Jean Sol, mais aussi du rapport rendu par Philippe Houillon et Dominique Raimbourg sur l’irresponsabilité pénale.

Je ne voterai donc pas ces amendements

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 22 et 66.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 88 est présenté par le Gouvernement.

L’amendement n° 98 rectifié bis est présenté par MM. Haye, Richard, Mohamed Soilihi, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand, Patient et Patriat, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 2, première phrase

Remplacer les mots :

, ainsi que les agents placés sous son autorité qu’il désigne à cette fin

par les mots :

ainsi que ceux des services de renseignement mentionnés aux articles L. 811-2 et L. 811-4 du code de la sécurité intérieure désignés à cette fin par un décret en Conseil d’État

La parole est à Mme la ministre déléguée, pour présenter l’amendement n° 88.