Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis que le Sénat replace le numérique et l’écologie au centre de ses préoccupations, en proposant un texte ambitieux et équilibré. En revanche, je regrette que, une fois passé devant l’Assemblée nationale, le texte ait perdu quelque peu de sa substance.

Il n’en demeure pas moins que la France est le premier pays européen à légiférer sur ce sujet. Nous encourageons les autres États membres à nous suivre.

La transformation numérique de notre société nous oblige à une certaine exigence, compte tenu des enjeux écologiques actuels. La technologie et le progrès technique nécessitent de transformer nos modèles de production, de croissance et de consommation en raison de leur impact négatif sur l’environnement.

D’après les travaux de la mission d’information, si rien n’était fait, le secteur du numérique serait en 2040 à l’origine de l’émission de 24 millions de tonnes d’équivalent carbone, soit environ 7 % des émissions de la France. Le secteur des nouvelles technologies représente à lui seul entre 6 % et 10 % de la consommation mondiale d’électricité.

Le numérique nous invite donc à explorer les chemins de la transition écologique en prenant en compte les dimensions sociales et collectives de cette évolution.

Certaines associations fournissent un travail important pour introduire la problématique de l’empreinte environnementale du numérique dans le débat public. Nous sommes tous et toutes concernés. Acteurs privés comme publics, nous devons nous responsabiliser sur ce sujet.

C’est pourquoi l’article 1er du texte incite à la sobriété numérique. En effet, un travail de pédagogie doit être mis en place pour enfin apprendre à se déconnecter. Tout le volet concernant la sensibilisation des acteurs, proposé par le Sénat, a été conservé. La mise en place de formations spécifiques dans les collèges et les lycées et la création d’un observatoire des impacts environnementaux du numérique sont autant de mesures nécessaires et salutaires.

Dans son texte original, le Sénat proposait d’exonérer les appareils reconditionnés de la rémunération pour copie privée. Il est à regretter que les députés soient revenus sur cette mesure en adoptant un amendement du Gouvernement visant à étendre la rémunération pour copie privée aux équipements mobiles usés et remis en état. Cette disposition dénature le texte sur ce point précis.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, si je salue l’objectif initial de cette proposition de loi, je ne peux qu’encourager à davantage d’efforts dans l’élaboration d’une véritable politique environnementale du numérique.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Gillé. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Hervé Gillé. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi pour réduire l’empreinte environnementale du numérique que nous examinons aujourd’hui a été adoptée à la quasi-unanimité dans cet hémicycle en janvier 2021, puis à l’Assemblée nationale en juin dernier.

Ce texte de consensus – je salue d’ailleurs particulièrement le travail de mes collègues Jean-Michel Houllegatte, Guillaume Chevrollier et Patrick Chaize –, fruit d’un travail de fond mené par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, répond en effet à l’urgence d’interroger, de mesurer et d’évaluer l’empreinte environnementale du numérique pour mieux la réduire, dans la perspective d’un développement soutenable, pour faire du numérique un accélérateur vertueux de la transition écologique.

L’évolution significative des usages, des moyens, des outils, et la montée en puissance de la 5G rendent le sujet incontournable.

Lors de son examen à l’Assemblée nationale, l’esprit du texte et ses objectifs ont été préservés, et les mesures emblématiques que nous avions adoptées ont été respectées. Nous déplorons néanmoins la suppression de certaines initiatives sénatoriales. Ces modifications dénotent peut-être une relative frilosité des députés, qui aboutissent finalement à un texte cohérent, mais un peu moins ambitieux.

Parmi les suppressions regrettables – j’en mentionnerai quelques-unes –, il y a évidemment celle de l’intégration de l’impact environnemental du numérique dans le bilan RSE (responsabilité sociétale des entreprises) des entreprises. Personnellement, j’ai toujours envie de mettre en avant la responsabilité sociétale des organisations (RSO), qui me paraît particulièrement intéressante concernant ce sujet.

Ce retrait est d’autant plus dommageable que, répondant à une incontestable nécessité, une réelle pression s’exerce aujourd’hui pour que la responsabilité sociétale des entreprises et des organisations soit approfondie et étendue à la sobriété numérique. Qu’il s’agisse du secteur public ou privé, tous les acteurs sont appelés à participer à une évolution favorable sur cette problématique.

Nous regrettons également la suppression du crédit d’impôt à la numérisation durable des petites et moyennes entreprises, qui visait essentiellement à encourager l’évolution de leur approche du numérique vers plus d’efficience et, encore une fois, vers plus de sobriété.

La suppression de l’intégration de l’impact environnemental du numérique dans le schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (Spaser) est elle aussi regrettable. Cette mesure défendue par un amendement de notre groupe ambitionnait de faire de l’achat public un levier significatif pour réduire l’empreinte carbone du numérique, en inscrivant ainsi la politique d’achat dans une démarche de durabilité des produits et un usage plus raisonné des ressources.

Il y a donc des reculs, certes, mais ce texte n’est qu’une première étape et nous saisirons au Sénat les occasions d’exprimer de nouveau nos ambitions sur le sujet.

Nous constatons toutefois certaines avancées. Saluons notamment l’ajout de quelques dispositions, de portées parfois inégales, qui rejoignent les objectifs généraux que nous nous étions donnés.

Je soulignerai notamment la formation à l’impact environnemental du numérique dans l’enseignement supérieur, qui offre des perspectives d’avenir pour éduquer les jeunes générations, et modifier à terme les pratiques en faveur d’un plus grand respect de notre environnement. À l’échelle de nos territoires, notons également l’ajout de la justification du choix de ne pas recourir à une solution de partage de site ou de pylône dans les dossiers d’information remis aux maires des communes situées en zone rurale et à faible densité d’habitation.

Enfin, ce texte conserve également – et nous nous en réjouissons –, au chapitre V, créé sur l’initiative de notre groupe, l’objectif de promouvoir une stratégie numérique responsable dans les territoires à travers en particulier deux articles. Le premier vise à mieux intégrer les data centers dans les systèmes énergétiques locaux dans le cadre des plans climat-air-énergie territoriaux. L’autre prévoit que les collectivités de plus de 50 000 habitants compléteront leur rapport sur leur situation en matière de développement durable par la présentation d’une stratégie numérique responsable.

Cette proposition de loi, malgré les limites que je viens d’évoquer, affiche donc une première ambition essentielle : faire du numérique un accélérateur de la transition écologique à l’empreinte environnementale soutenable.

Elle conforte les démarches d’évaluation environnementale dont les politiques de développement durable ne peuvent se départir et une réflexion appuyée sur des indicateurs, des données objectives, qui permettent une meilleure régulation de l’ensemble de la chaîne numérique.

Notre proposition vise à créer les conditions d’une progression collective fondée sur une meilleure information et sur la responsabilisation des acteurs et des usagers. Elle s’appuie sur un système équilibré, prévoyant des mesures tant incitatives que contraignantes pour favoriser la prise de conscience et garantir des résultats en matière de réduction de l’empreinte environnementale du numérique.

C’est une responsabilité sociétale que nous défendons. Elle est bien sûr construite avec les usagers, mais également avec nos territoires, qui constituent l’indispensable maillon garantissant l’équilibre entre transition numérique et transition écologique, permettant d’harmoniser les attentes légitimes liées au déploiement d’une couverture numérique ambitieuse et le respect des enjeux climatiques.

Le Sénat s’est montré pionnier sur ce sujet, il faut le souligner. Faisant notamment écho aux rapports et aux propositions de la Convention citoyenne pour le climat, de l’Arcep, du Haut Conseil pour le climat concernant l’empreinte environnementale de la 5G, il a démontré, une nouvelle fois, sa capacité à faire émerger dans le débat national des problématiques essentielles pour les citoyens et les territoires, à accélérer les prises de conscience et à les traduire en solutions politiques.

Cette proposition de loi constitue une première étape pour la réduction de l’empreinte environnementale du numérique. Elle répond au besoin d’engager un débat ambitieux, et ouvre une voie sur laquelle nous continuerons de travailler. C’est dans ce sens que nous voterons ce texte.

Le numérique ne doit pas dégrader la situation actuelle, il doit nous conduire à la société décarbonée de demain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Marchand.

M. Frédéric Marchand. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, contrairement aux idées reçues, le numérique n’est pas immatériel. Il a bien un visage, une odeur, un son, un poids et surtout un coût pour notre environnement.

Le traitement d’une requête sur un moteur de recherche mobilise des ressources matérielles, un smartphone, une box internet, des routeurs, un pare-feu, des équipements réseau, un serveur, des câbles sous-marins et des centres de données.

Les centres de stockage de données, qui sont en effet responsables de la moitié des émissions de gaz à effet de serre du secteur numérique, cherchent des solutions.

Le data center de type adiabatique peut être une de ces solutions. Le centre que j’ai visité en mars dernier à Saint-Ouen-l’Aumône n’utilise pas de climatisation et consomme entre 40 % et 50 % d’énergie en moins que les centres classiques. La chaleur dégagée par les machines est mélangée à l’air extérieur et réutilisée pour refroidir les ordinateurs.

Des solutions existent bien, mais elles sont encore expérimentales et ne sont pas encore à la hauteur du coût du numérique qui engendre entre 4 % et 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, chiffres qui ne sont pas près de décroître.

Alors que débute le sommet de la COP26, le Gouvernement et les parlementaires de tout bord se mobilisent pour faire du numérique un levier de la transition écologique. Cette proposition de loi qui arrive en seconde lecture au Sénat en est le témoignage, et elle comporte de réelles avancées.

Des mesures concrètes pourront voir le jour très prochainement. Je pense notamment à la prise de conscience, par les usagers, de l’impact environnemental du numérique, à la souscription d’engagements contraignants des opérateurs de réseau auprès de l’Arcep, à la suppression de l’obligation de fournir des écouteurs lors de la vente de téléphones portables, au droit à la réversibilité des mises à jour, ou encore à la promotion de centres de données et de réseaux moins énergivores.

Alors certes, et cela a été dit, le texte que nous nous apprêtons à voter est en deçà des attentes. Un certain nombre de dispositifs ont été supprimés par l’Assemblée nationale. Il s’agit du prix à payer pour la coconstruction entre parlementaires, acteurs privés et Gouvernement.

En votant ce texte, il s’agit non pas de se faire plaisir pour exister, mais bien d’avancer ensemble en faveur de la transition écologique du numérique. Des mesures radicales, mal acceptées par les opérateurs, n’auraient sans doute eu aucun effet.

De ce fait, j’en profite pour saluer l’expertise, l’esprit pragmatique et positif de l’auteur de cette proposition de loi, Patrick Chaize, et de ses rapporteurs.

Enfin, notre travail doit s’articuler avec les mesures complémentaires du Gouvernement. Je fais référence à la feuille de route qui permettra d’actionner quinze mesures fortes, comme l’ambition pour l’État d’acheter 20 % de matériel informatique, de téléphones fixes et portables reconditionnés.

Parallèlement, l’Arcep et l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, dite Agence de la transition écologique) mènent une mission conjointe pour identifier et évaluer les facteurs permettant de quantifier l’empreinte environnementale des réseaux. L’étude est en cours, et les résultats seront publiés en 2022.

Cette mission s’articule d’ailleurs parfaitement avec la proposition de loi annexe qui vise à donner à l’Arcep le pouvoir de recueillir des données sur les impacts environnementaux des services de communications électroniques.

Notre prise de conscience est certes tardive, mais elle est bien réelle. Face à la croissance exponentielle de nos usages numériques, nous ne pouvions plus regarder passer les trains sans agir.

Ce texte doit donc être considéré comme un premier pas décisif pour que nous puissions enfin faire émerger un numérique durable et responsable face aux enjeux climatiques. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen.

M. Pierre-Jean Verzelen. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, alors que la France tente d’affirmer sa place de chef de file sur les sujets climatiques à l’ouverture de la COP26 à Glasgow, en Écosse, nous étudions ici un texte qui, malgré ses quelques imperfections, place notre pays et nos concitoyens parmi les précurseurs sur le sujet de l’empreinte environnementale du numérique. Nous démarrons un mouvement qui doit en inspirer d’autres.

Cette proposition de loi est le fruit d’une aventure parlementaire – le mot a été prononcé tout à l’heure – qui a débuté au Sénat par une mission d’information sur l’empreinte environnementale du numérique. Après l’étude du texte en première lecture, nous avons également débattu de ces questions lors de la discussion du projet de loi Climat et résilience.

Je veux dire à Patrick Chaize que sa proposition de loi sensibilise le public et éveille les consciences, sur un sujet qui ne va pas naturellement de soi. On peut avoir l’impression que le numérique ouvre l’ère de l’immatériel, mais cette impression est fausse : les téléphones et les écrans se multiplient, tout comme les chargeurs, et les centres de stockage de données nécessitent du matériel.

Le numérique prend une place de plus en plus importante dans l’organisation de nos vies et dans notre quotidien. Il représente désormais un pourcentage certes non essentiel, mais non négligeable, en matière d’émissions de CO2 – nous nous dirigeons d’ailleurs vers une consommation de plus en plus importante.

Il était nécessaire d’agir, et il sera essentiel de rester attentif aux évolutions annoncées. Le numérique doit être envisagé comme un avantage dans la transition écologique et la lutte contre le changement climatique. Il sera d’une importance capitale dans de nombreux secteurs de nos vies, par exemple dans l’agriculture ou encore dans nos modes de consommation, que M. le secrétaire d’État a évoqués.

Nous devons encourager la recherche et les innovations dans le secteur du numérique, notamment celles qui rendent possible la sobriété dans la consommation et la fabrication des produits. Bien loin de voir le numérique comme un élément négatif dans notre chemin vers la neutralité carbone, nous devons en faire un atout.

Cependant, certains points ont fait l’objet de critiques justifiées. Nous avons du mal à suivre le raisonnement de l’Assemblée nationale qui a conduit à la modification de l’article instaurant l’exonération de la rémunération pour copie privée en faveur des équipements reconditionnés. Si l’idée est de minimiser l’empreinte environnementale du numérique, le reconditionnement des appareils permet d’allonger leur durée de vie, et donc de produire moins de téléphones, par exemple. L’Assemblée nationale crée en revanche dans le même temps une redevance sur le reconditionnement.

Si nous avons du mal à comprendre le fond des arguments, nous en voyons bien les conséquences : la concurrence étrangère est favorisée, le savoir-faire français n’est pas mis en avant, et cela n’a pas de sens écologiquement. Nous vivons en France : d’un côté, on crée une redevance, d’un autre, on dit au secteur concerné qu’il aura droit à une compensation financière. On aurait pu économiser du temps ! Monsieur le secrétaire d’État, vous aurez peut-être des précisions à apporter sur ce sujet.

Comme l’a dit Patrick Chaize, même si ce texte laisse un goût d’inachevé, il marque des avancées majeures. Chacun de nous reste vigilant et se montre responsable concernant l’impact du numérique sur l’environnement. Malgré ces points de perfectibilité, le groupe Les Indépendants votera en faveur de cette proposition de loi qui permet de réelles avancées.

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mandelli. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Didier Mandelli. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis que nous ayons à examiner en seconde lecture la proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique, adoptée à la quasi-unanimité par le Sénat le 12 janvier dernier.

Il est en effet assez rare que les propositions émanant du Sénat soient reprises et votées, à l’unanimité également, à l’Assemblée nationale.

Je remercie mon collègue et ami Patrick Chaize, président de la mission d’information sur l’empreinte environnementale du numérique et auteur de cette proposition de loi, pour la qualité de son travail, qui permet de mettre en lumière cette question cruciale et de faire entendre la voix du Sénat sur un sujet d’une telle importance.

Face aux occasions offertes par le secteur du numérique et devant le formidable horizon que ces nouvelles technologies ouvrent, la question de l’empreinte environnementale est bien souvent occultée. Avec cette proposition de loi, la France devient un des pays précurseurs dans ce domaine en adoptant une législation environnementale relative au numérique, quelques mois seulement après l’adoption de la loi Climat et résilience et celle de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (AGEC).

Alors que nous venons d’examiner à l’instant une proposition de résolution sur la nécessité d’un accord ambitieux lors de la COP26, ce texte cosigné par plus de cent trente sénateurs de toutes les sensibilités politiques s’inscrit plus que jamais dans l’actualité.

En première lecture, le travail des deux rapporteurs, nos collègues Guillaume Chevrollier et Jean-Michel Houllegatte, avait permis d’enrichir fortement le texte.

Je me réjouis de voir qu’une grande partie des mesures adoptées au Sénat ont été conservées à l’Assemblée nationale. L’instauration d’un observatoire des impacts environnementaux du numérique paraît en effet indispensable pour permettre à la France de poursuivre la réflexion sur ce sujet.

Le renforcement du délit d’obsolescence programmée et son extension à l’obsolescence logicielle, de même que le droit à la désinstallation des mises à jour non nécessaires me paraissent également pertinents et nécessaires. À l’heure où la durée de vie moyenne d’un smartphone est de vingt-quatre mois, cette législation permettra aux utilisateurs de renouveler leur smartphone ou leur tablette par besoin et non par obligation.

Comme un certain nombre de mes collègues, je regrette néanmoins qu’une mesure introduite au Sénat permettant d’exonérer de la rémunération pour copie privée les appareils reconditionnés n’ait pas été conservée.

Il me paraît invraisemblable de soutenir l’idée d’une plus longue utilisation, d’une plus grande réutilisation des équipements numériques et de les assujettir à une redevance qui ne devrait concerner que les équipements neufs. C’est contraire à l’esprit de la proposition de loi. Certes, un taux spécifique et réduit s’appliquera pour les équipements reconditionnés, et les acteurs de l’économie sociale et solidaire en seront exonérés. Néanmoins, quel mauvais message que celui de taxer ce que nous voulons encourager !

Je souhaiterais enfin revenir sur les mesures introduites par l’Assemblée nationale, notamment sur la mutualisation des infrastructures servant de support aux antennes relais.

Comme beaucoup d’entre vous, j’ai été alerté par de nombreux élus locaux, désemparés devant des projets d’installation de pylônes dont vous avez dit vous-même voilà quelques jours, monsieur le secrétaire d’État, dans cet hémicycle, qu’ils pouvaient parfois être « anarchiques ».

J’ai déposé une proposition de loi visant à rendre obligatoires les mutualisations de pylônes, partout où cela est possible, afin de redonner du pouvoir aux maires.

Après avoir échangé avec vous, monsieur le secrétaire d’État, et avec l’Arcep, je me félicite que des mesures allant dans ce sens aient pu être votées à l’Assemblée nationale. Je pense notamment à l’obligation faite aux opérateurs de justifier auprès des maires qui en font la demande le choix de ne pas recourir à une solution de partage de site ou de pylône. Je pense également à l’ajout, dans les attendus, de la nécessité de protéger l’environnement.

À la veille du déploiement de la 5G et de la multiplication des antennes relais, ces mesures vont dans le bon sens, mais ne me paraissent pas suffisantes. Il est important de redonner aux maires la maîtrise de l’aménagement du territoire dont ils ont la responsabilité.

Compte tenu du calendrier législatif, nous avons fait le choix de voter ce texte conforme : il comporte des avancées significatives qui doivent être mises en œuvre au plus vite. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique.

M. Jacques Fernique. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà un peu moins d’un an, ce texte transpartisan, issu des travaux de la mission d’information du Sénat sur l’empreinte environnementale du numérique, était examiné en première lecture.

Je me réjouis de le voir progresser vers une adoption, sachant qu’il n’existe à ce jour aucune législation robuste permettant de contrôler, de réguler ou de réduire les dommages indéniables du numérique, tel qu’il se pratique aujourd’hui, sur l’environnement.

Ignorée, minimisée, absente du débat public voilà encore peu, l’empreinte environnementale du numérique est devenue un sujet incontournable de la transition écologique. La durabilité et la sobriété, qui doivent être au cœur de la notion d’écoconception, ne peuvent plus être esquivées par les acteurs du numérique.

À la veille de la présidence française de l’Union européenne, ce texte est un premier jalon. Alors que le numérique est affiché comme l’une des priorités majeures de cette présidence, cette proposition de loi peut être une étape significative.

En première lecture, nous avons salué le renforcement des orientations de la proposition de loi sur plusieurs volets : lutte contre l’obsolescence programmée, qui n’a pas obtenu, jusqu’ici, les résultats escomptés ; soutien aux activités de reconditionnement, capital pour contrer la spirale du renouvellement permanent de nos terminaux ; obligation de l’écoconception ; empreinte environnementale des réseaux et centres de données ; et promotion de stratégies numériques responsables sur les territoires, car rien n’est solide ni efficace s’il ne se décline concrètement sur nos territoires.

Le chemin parcouru est donc satisfaisant. Demeurent cependant plusieurs frustrations et soucis dont plusieurs d’entre vous se sont déjà fait l’écho. Le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale n’a pas toujours correspondu à la hauteur des enjeux soulevés au départ. Des dispositions structurantes ont vu leur portée réduite, quand elles n’ont pas été supprimées : l’assujettissement des biens reconditionnés à la rémunération pour copie privée et le référentiel de l’écoconception des services numériques sont nos deux principaux problèmes, sans oublier la suppression de l’allongement de la garantie légale de conformité de la durée des mises à jour.

Si nous regrettons indéniablement certaines évolutions, nous admettons qu’il ne faut pas occulter les avancées profondes de cette proposition de loi novatrice et attendue.

La proposition de loi visant à renforcer la régulation environnementale du numérique par l’Arcep, rendue nécessaire après une erreur d’aiguillage, constitue un complément consensuel et utile que nous saluons.

Le mieux est l’ennemi du bien : quoique un peu à contrecœur, nous soutiendrons les coauteurs et notre commission, contraints par le calendrier parlementaire serré, qui veulent assurer une issue positive avec un vote conforme. Nous en convenons, mais je tiens à vous faire partager les inquiétudes que suscitent plusieurs dispositions.

Lors du débat à l’Assemblée nationale, sénateurs et députés, notamment les membres de la commission, ont été quelque peu court-circuités par le Gouvernement, qui a entériné la décision unilatérale de la commission pour la rémunération de la copie privée et décidé d’inscrire dans le marbre de la loi l’assujettissement à la redevance d’une partie de la filière du réemploi et du reconditionné.

Comment ne pas considérer les conséquences économiques et sociales désastreuses que cette décision pourrait entraîner sur l’activité et les emplois de cette filière encore fragile et en plein essor ? Le coût supplémentaire risque d’être dissuasif pour les consommateurs, qui se dirigeront vers du neuf bas de gamme ou du reconditionné importé au bilan carbone déplorable. Est-ce vraiment l’esprit du texte que nous voulions voter ?

Mon groupe demande des mesures de soutien énergiques pour le reconditionné, secteur capital pour réduire l’empreinte environnementale. Si les produits issus du reconditionnement ne pouvaient obtenir une exonération totale de la rémunération pour copie privée, il faudrait au moins suspendre leur assujettissement jusqu’en juillet 2022 et limiter le taux à 1 %. Tel est l’objet de deux de nos amendements.

Mme la ministre Roselyne Bachelot avait promis des dispositifs de soutien consistants pour le secteur du reconditionnement ; nous les attendons toujours. Il est donc important d’avoir ce débat aujourd’hui et d’interpeller le Gouvernement, même si le vote conforme s’impose. Il faudra vite rassurer et conforter ce secteur essentiel, qui se sent à juste titre menacé. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Lahellec.

M. Gérard Lahellec. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai bien conscience que l’option majoritairement retenue ici est d’aboutir à un vote conforme, ce qui permettrait à ce texte de trouver son efficience au plus vite.

Cela peut d’autant plus aisément se comprendre que, la perfection n’étant pas de ce monde, la tentation est toujours grande de se dire que mieux vaut tenir que courir. Et pourtant, il nous est apparu que ce texte aurait pu être très sensiblement amélioré sans nécessairement en modifier l’économie globale.

C’est avec un regard positif sur l’idée consistant à adopter un texte sur ce sujet que nous avons poursuivi nos contacts et auditions, lesquels nous ont conduits à maintenir, malgré tout, un amendement à la présente proposition de loi.

L’exercice est complexe, comme cela a été souligné, puisqu’il s’agit de confronter protection de l’environnement et développement exponentiel du numérique, intrinsèquement énergivore.

Selon moi, cet exercice doit logiquement se traduire par l’institution de mesures de régulation, qui ne doivent pas toujours être considérées comme des obstacles au développement. Notre histoire montre que l’affichage de grandes ambitions publiques de régulation a parfois constitué un atout pour le développement de notre économie. Il ne s’agissait pas du numérique à l’époque, mais de l’électronique.