M. le président. La parole est à M. Alain Richard.

M. Alain Richard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’évoquerai, dans le peu de temps qui m’est imparti, les moyens croissants de la police et de la gendarmerie nationales, qui figurent dans le projet de loi de programmation et qui connaissent une première année d’application dans ce budget, avec des créations d’emplois substantielles. Je souligne à ce titre l’importance d’avoir prévu dans le projet de Lopmi des actions de formation, à la fois initiale et continue, de ces personnels : elles sont indispensables à leur réussite, compte tenu de la polyvalence et de la complexité de leurs missions.

De même, les efforts sur le numérique, facteur à la fois d’efficacité et d’amélioration des conditions d’emploi des agents, apparaissent comme une priorité. À cet égard, il faudra tenir compte des difficultés passées et en tirer les leçons.

En matière de politique de ressources humaines, je suis de ceux qui sont attentifs aux problèmes d’attractivité des emplois de policier et de gendarme dans les grandes agglomérations et métropoles, en Île-de-France au premier chef. Nous devons chercher à renforcer les outils d’attractivité de ces métiers. Parmi ceux que j’entrevois, il y a évidemment l’aide dans le déroulement de carrière. Il faut savoir que, dans les commissariats ou services de sécurité publique des grandes agglomérations, nous manquons d’encadrants stables. La gestion des carrières est un levier efficace à mon sens.

En Île-de-France notamment, nous devons aussi réfléchir à l’aide au logement des personnels de police, puisque c’est l’un des facteurs de retrait.

Pour la gendarmerie nationale, mes observations sur le problème du logement sont quelque peu différentes. Lorsque j’avais la charge de la gendarmerie en tant que ministre de la défense, j’ai connu l’époque – bénie – où il y avait un accord de fond entre les collectivités, principalement les départements, et la gendarmerie nationale, pour assurer le financement en capital des installations et la récupération de ces investissements sous forme de loyers. Ce système s’est dégradé, parce que le prix des installations de gendarmerie a crû très substantiellement dans les années qui ont suivi. Aujourd’hui, l’équation financière ne fonctionne plus.

Il me semble que c’est un petit défi pour le ministère de l’intérieur que de travailler à une standardisation et à une homogénéisation des plans des locaux de gendarmerie, de sorte que les collectivités investisseuses fassent l’économie d’une recherche d’optimum dans chaque projet.

Je serai très bref sur l’amélioration de la chaîne pénale. À l’heure actuelle, dans les services de sécurité publique et de police judiciaire, on constate chez les personnels un découragement devant le nombre d’infractions ne donnant pas lieu à une enquête judiciaire structurée et, partant, à une sanction. Il faut absolument que le ministère de l’intérieur poursuive la concertation avec la Chancellerie pour que la chaîne pénale retrouve son efficacité.

L’intitulé de cette mission sur les sécurités, au pluriel, me conduit, pour terminer, à faire des observations en matière de sécurité routière.

Nous avons connu des progrès réguliers quant à la dangerosité de la circulation sur nos routes au cours de la décennie passée, mais la tendance est en train de s’inverser. Les gendarmes ont noté la reprise de comportements vraiment dangereux, tels que des dépassements sans visibilité ou des excès de vitesse importants. La surveillance par les radars doit rester une priorité.

À ce sujet, je souhaite faire une demande particulière au ministère de l’intérieur dans sa permanence, madame la ministre.

Je ne comprends pas qu’un très grand nombre de véhicules ne soient actuellement pas immatriculés. C’est un constat que nous faisons dans les rodéos, qui sont difficiles à réprimer, certains véhicules motorisés à deux roues étant immatriculés, au contraire d’autres, censés être des véhicules tout-terrain. Surtout, j’observe avec inquiétude le développement des nouvelles mobilités urbaines, avec des véhicules capables de performances élevées.

Il m’est ainsi arrivé, en rentrant du Val-d’Oise, de me faire doubler à 45 kilomètres par heure par une trottinette dont le conducteur n’avait pas de casque. Quand je vois également des vélos-cargos, qui sont des véhicules assez lourds, frôler les trottoirs, je me dis qu’il y a des précautions à prendre.

Il faut que le ministère de l’intérieur se rende compte de la nécessité d’immatriculer tous ces véhicules, ce qui est simple à faire, si l’on veut assurer un minimum de respect de la loi dans le cadre de la circulation urbaine. J’ai lu hier soir dans la presse qu’une première compagnie de location de trottinettes avait décidé de le faire de sa propre initiative. Cela signifie que l’État a laissé passer un train. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner.

M. Patrick Kanner. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain est exigeant s’agissant des moyens alloués pour assurer la sécurité, la sûreté, dirai-je même, de nos concitoyens, de tous nos concitoyens.

Cette mission, qui regroupe les crédits de la police nationale, de la gendarmerie nationale et des pompiers est en hausse de 6,6 % pour 2023, conformément à la trajectoire contenue dans le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, qui a animé nos débats voilà quelques semaines. Dont acte !

Si l’on peut se féliciter de la hausse globale du budget de la mission, certaines disparités sont à noter. Par exemple, pour la police nationale, trois des six actions, et non des moindres, sont en baisse : les crédits alloués à la sécurité et à la paix publiques, à la sécurité routière ainsi qu’aux missions de police judiciaire et concours à la justice subissent tous des baisses de plus de 13 %.

Pourtant, la sécurité et la paix publiques ne sont pas à mettre de côté. Ce signal est mauvais, à un moment où la réforme de la police judiciaire est en question, soulevant beaucoup d’interrogations dans la profession. Une des difficultés pressenties est que les effectifs de police judiciaire seront noyés par les affaires de délinquance courante, ce qui n’est pas souhaitable. C’est tout le débat que nous aurons prochainement, je n’en doute pas.

Vous vous rappelez sans doute les craintes que nous avons pu exprimer sur la police judiciaire lors de nos débats sur le projet de Lopmi ; elles restent d’actualité. Les auditions auxquelles nous procédons, les uns et les autres, montrent que les choses ne sont pas aussi simples que le ministre de l’intérieur voudrait parfois nous les présenter.

Trois audits commandés par M. Darmanin et M. le garde des sceaux n’ont pas encore livré leurs résultats. Ces travaux devraient, je l’espère, être utiles pour rassurer la police judiciaire partout sur le territoire national.

Je reviens à la mission « Sécurités » du projet de loi de finances pour 2023, étroitement liée au projet de Lopmi. Je tiens à rappeler que le groupe SER a été constructif et que notre vote a été positif. Si nous sommes prêts à soutenir nos forces de l’ordre et nos forces de sécurité civile, nous n’en sommes pas moins exigeants sur quelques points précis.

Notre collègue Jérôme Durain, qui suit ces problématiques pour notre groupe, l’a d’ailleurs répété à plusieurs reprises : notre vote ne signifie pas une adhésion sans réserve. Nous avons par ailleurs entendu les voix qui nous disaient que seule la rationalisation budgétaire avait guidé cette réforme.

Nous serons donc vigilants, chaque année, à la bonne application de la prochaine Lopmi, qui donne des moyens supplémentaires à nos forces de sécurité, mais nous nous attacherons également à ce que la réforme de la police judiciaire ne conduise pas à de nouvelles difficultés de résolution des affaires. C’est une question de respect des droits de nos concitoyens.

En ce qui concerne la gendarmerie, le projet de loi de programmation sanctuarise la dynamique ascendante de ses crédits. Tant mieux ! Le renforcement des moyens de la police et de la gendarmerie se traduit par la poursuite des recrutements avec, dès 2023, l’accroissement des effectifs de 2 857 ETP supplémentaires, qui viendront renforcer les rangs de ces deux corps, nécessaires à notre bon fonctionnement républicain.

Ce recrutement doit pouvoir garnir les rangs des nouvelles brigades rurales et des nouveaux escadrons de gendarmerie mobile qui ont été annoncés. Notre groupe soutient bien évidemment ces mises en place et va même plus loin : nous porterons ainsi un amendement visant à allouer 50 millions d’euros supplémentaires aux gendarmeries rurales, et ce afin d’anticiper une révision du décret de 1993 sur les subventions aux collectivités territoriales pour la construction de casernements de gendarmerie.

Rappelons-le, aux termes du projet de Lopmi, la police et la gendarmerie doivent doubler leur présence sur la voie publique, notamment en vue de la Coupe du monde de rugby en 2023 et des jeux Olympiques en 2024. L’intégration de nouvelles recrues va mettre en tension les capacités de formation, d’autant que s’y ajoute l’intégration de la formation d’officier de police judiciaire au cursus des gardiens de la paix, toujours aux termes de ce même projet de loi.

Enfin, en ce qui concerne la sécurité civile, il convient de rappeler qu’au minimum les deux tiers du budget reposent sur les communes et départements, qui financent largement les Sdis. L’État n’assure donc qu’une part minoritaire du financement du budget total des Sdis. Cela dit, pour 2023, la participation de l’État augmente de 13 %, dans le droit fil des objectifs contenus dans le projet de loi de programmation. Si le vote de ce dernier entraîne une augmentation des moyens alloués aux forces de sécurité civile, celles-ci en sont toutefois les parents pauvres, puisque seulement 5 % des moyens prévus dans ce texte leur sont consacrés.

C’est pourquoi, dans le projet de loi de finances pour 2023, nous souhaitons aller plus loin dans le soutien à apporter à nos combattants du feu, qui ont positivement défrayé la chronique cet été et qui méritent plus que des éloges médiatiques.

Notre groupe présentera plusieurs amendements visant à étendre le bouclier tarifaire aux Sdis – pourquoi n’en bénéficieraient-ils pas ? Ils sont aussi touchés par l’inflation –, à augmenter les moyens de la dotation de soutien aux investissements structurants et à mieux protéger les personnels contre les agressions qu’ils subissent. La Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) nous demande une prise en considération de cette problématique récurrente. En effet, l’actualité nous montre que, très régulièrement, des sapeurs-pompiers sont agressés dans le cadre de leurs fonctions, y compris par les personnes qu’ils sont amenés à protéger.

Par ailleurs, les grands défis auxquels les pompiers doivent faire face du fait du dérèglement climatique nous imposent de leur accorder des moyens à la hauteur de leur mission.

Quant aux crédits dédiés à la sécurité et à l’éducation routières, leur augmentation est surtout due à l’intégration de nouvelles actions jusqu’ici comprises dans d’autres programmes. En effet, cette hausse semble liée à l’augmentation des moyens de l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), rendue nécessaire par la généralisation des amendes forfaitaires délictuelles (AFD) prévue par le projet de Lopmi – mesure à laquelle nous nous opposons. Nous le répétons : les AFD ne doivent pas être généralisées.

En effet, une telle mesure méconnaît le principe d’égalité devant la justice et est entachée d’incompétence négative. Nous demandons qu’il appartienne au législateur d’apprécier au cas par cas et dans le respect de ce principe la pertinence du recours à cette procédure, au regard de la conciliation à opérer entre la nature du délit concerné, la protection des droits des personnes mises en cause et des victimes, la défense des intérêts de la société et les exigences tant d’une bonne administration de la justice que d’une répression effective des infractions. Voilà ce qui doit conduire notre parcours législatif.

Vous le voyez, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a des réserves, qu’il exprime régulièrement et il restera vigilant sur les moyens mis en œuvre.

Cela étant dit, nous ne souhaitons pas être une opposition stérile ; nous pensons avant tout à nos forces de sécurité. Notre groupe votera donc les crédits dévolus à la mission « Sécurités », en conformité avec les avis de nos rapporteurs, que je salue. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’année 2023 sera la première année de mise œuvre des mesures prévues dans le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, mesures qui seront financées par les crédits de la mission « Sécurités ».

Nous l’avons déjà souligné lors de son examen au Sénat, mais je me permets de le réaffirmer : la Lopmi est selon nous la pierre angulaire d’une police qui s’éloigne du triptyque « prévention, dissuasion, répression », doctrine pourtant essentielle à nos yeux.

Par son approche en mode dégradé de la police et de la sécurité, ce projet de loi d’orientation et de programmation consacrera un relâchement du lien de confiance entre les policiers et la population et nous semble annonciatrice de ce que l’on peut d’ores et déjà considérer comme une perte de sens pour les métiers de la sécurité.

Loin de moi l’idée de diaboliser la dématérialisation ou de sous-estimer sinon sa nécessité, du moins son utilité pour accéder à des informations et effectuer des démarches administratives, mais elle ne peut pas être l’alpha et l’oméga de la relation entre la police et nos concitoyens.

Au fond, nous devons nous interroger sur la révision de la doctrine du maintien de l’ordre, dans toute sa dimension, la priorité étant, nous semble-t-il, formation de nos forces de sécurité.

Les lacunes de la Lopmi, que nous avions pointées lors de son examen, se reflètent dans le budget de la mission « Sécurités ».

Les crédits de l’action Sécurité et paix publiques sont destinés à concrétiser l’entreprise de dématérialisation des plaintes engagée dans le projet de loi d’orientation et de programmation. Selon nous, une telle affectation des crédits mettra à mal l’objectif d’une police proche de nos concitoyens. Nous le répétons, la recherche d’efficacité ne doit pas se faire au prix d’une rupture du lien entre citoyens et police.

De plus, les crédits de l’action Missions de police judiciaire et concours à la justice, qui regroupe l’ensemble des activités de police judiciaire et des missions réalisées au profit de la justice ou de l’administration pénitentiaire, diminuent de 429 millions d’euros, sans qu’aucune explication soit fournie dans les documents budgétaires.

Alors même que l’on nous dit de ce budget qu’il est destiné à resserrer les liens entre la police et les citoyens, nous peinons à croire que, avec une telle baisse des crédits alloués à la police judiciaire, nous poursuivions un noble but. Ce n’est objectivement pas le cas.

Il s’agit d’un budget d’affichage. En effet, en le décortiquant, on constate que, sur le fond, il est très loin de prévoir un réel soutien à nos agents. Si tel avait été le cas, le budget de la formation de nos agents de police ne serait pas passé à la trappe.

Par ailleurs, la baisse des crédits consacrés à la police judiciaire nous conforte dans l’analyse que nous avons faite de la Lopmi : son application sera vectrice de perte de sens pour nos policiers. Je vous rappelle, madame la ministre, que nous manquons d’environ 5 000 officiers de police judiciaire. Aussi peinons-nous à comprendre vos contradictions ; je dois même dire que nous nous inquiétons.

Cette partie du budget ne renvoie pas une image attrayante. Elle est en fait plutôt effrayante. Nous déduisons de son manque d’envergure que la départementalisation de la police nationale aura de lourdes conséquences sur la police judiciaire. Dénoncée tant par les professionnels de la sécurité que par ceux de la justice, cette départementalisation sera synonyme d’intrusion du pouvoir exécutif dans les procédures pénales. Comme ce budget en atteste, elle donnera lieu également à une mutualisation des moyens alloués à ces missions publiques, ce que nous ne pouvons que déplorer, car elle entraînera une dégradation des conditions de travail des personnels, auxquels je suis très attachée, mais aussi l’accueil des victimes.

De même, nous regrettons que le budget prévu en vue de la tenue en France de la Coupe du monde de rugby en 2023 et des jeux Olympiques et Paralympiques en 2024 traduise un objectif non pas de qualité, mais de quantité. Nous nous interrogeons – ce n’est pas nouveau – sur le recours à des entreprises privées pour assurer la sécurité lors de ces événements.

En effet, nous persistons à faire valoir que la sécurité publique est du ressort du pouvoir régalien et donc des fonctionnaires de police et de gendarmerie, qui sont par définition des acteurs du service public. La privatisation n’est pas une solution et entraînera une dégradation des conditions de travail de nos forces de l’ordre. En outre, les personnels privés ne sont pas soumis au cadre déontologique propre à l’exercice de fonctions régaliennes.

Ainsi ce budget ne fait-il que confirmer nos craintes concernant la Lopmi. En toute cohérence, nous ne voterons pas les crédits de la mission « Sécurités ». Nous serons toutefois attentifs à plusieurs des amendements déposés par nos collègues. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme chacun sait, le budget « Sécurités » comporte quatre programmes.

Un budget est une marque de volonté ; nous l’avons constaté lors de l’examen de la Lopmi, comme l’augmentation de 1,55 milliard d’euros de l’ensemble des crédits de la mission le confirme.

Au-delà des chiffres, la discussion budgétaire permet d’évoquer des stratégies.

À cet égard, madame la ministre, je vous interrogerai tout d’abord sur la cybercriminalité et, par ricochet, sur la coopération internationale. Sauf erreur de ma part, aucun montant relatif à la coopération internationale ne figure dans les documents budgétaires du programme – cette coopération est pourtant indispensable.

N’y figure qu’une contribution à Interpol. À ce sujet, j’ai eu la chance, grâce au président Buffet, d’aller passer une matinée au siège d’Interpol, à Lyon. Je tiens donc à rendre hommage au travail de cette organisation et à nos agents qui y sont détachés.

De quels moyens disposez-vous, madame la ministre, pour la coopération internationale ? Ma question porte non pas sur les seules frontières, qui dépendent d’une autre mission, mais sur la lutte contre la cybercriminalité, qui n’est évidemment pas franco-française.

On ne compte plus les cyberattaques. La filière cyber a été renforcée grâce à l’augmentation du nombre de gendarmes et de policiers cyberpatrouilleurs et à la création du Centre national de formation cyber (CNF-Cyber), qui assurera la formation continue des enquêteurs spécialisés – c’est évidemment indispensable.

Par ailleurs, Tracfin a développé une cellule spécifique dédiée à la délinquance financière liée aux crypto-actifs. Il faut, madame la ministre, mettre des moyens extrêmement importants sur cette question, car, alors que nous en sommes encore à la guerre de l’obus et du blindage, les délinquants, eux, courent évidemment plus vite que la police – c’est une constante.

Le 23 novembre dernier, le Parlement européen a subi une attaque informatique après l’adoption d’un texte concernant la Russie. Et je ne parle pas du très désagréable espionnage de nos amis du Qatar… Tout cela n’est pas très rassurant pour la sécurité de nos institutions.

J’aimerais par ailleurs connaître la position du ministre de l’économie et des finances – en réalité, ma question s’adressait à l’origine à Gérald Darmanin en tant qu’ancien ministre du budget – qui a indiqué le 17 octobre dernier qu’il voulait faire de la France le « camp de base en Europe » des crypto-actifs. J’ignore si la faillite de la plateforme FTX aura freiné ses élans, madame la ministre, mais le fait est qu’il va bien falloir nous préparer aux conséquences du développement des crypto-actifs. Notre connaissance du sujet est loin d’être parfaite, alors que le règlement européen Mica, pour « markets in crypto-assets », encadrera bientôt ces crypto-actifs.

Nous devons préparer nos services à l’éventualité d’une attaque massive par ce type de délinquance. C’est d’autant plus évident que, si seulement 8 % des Français détiennent actuellement des crypto-actifs, ce taux augmente de façon exponentielle.

Pour revenir à un sujet plus local, j’aborderai maintenant la question de la défense incendie, sur laquelle je formulerai deux remarques.

La première porte sur la nouvelle réglementation en matière de défense incendie. Nous l’avons certes votée, mais celle-ci interdit purement et simplement la moindre construction dans certains territoires, les départements n’ayant pas les moyens de fournir les infrastructures nécessaires.

Selon la délégation aux collectivités territoriales du Sénat, la réforme engagée en 2011 de la défense extérieure contre l’incendie (DECI) « n’a pas tenu ses promesses et a provoqué un large mécontentement de la part des maires : 70 % des maires interrogés par la Délégation estiment que la concertation n’a pas été suffisante et 81 % considèrent que leur territoire n’est que partiellement couvert au regard des nouvelles normes de défense. Cela signifie que près d’une habitation sur trois serait hors champ de la couverture, 6 à 7 millions de concitoyens étant concernés. »

Les coûts de mise aux normes sont astronomiques et insupportables. Dans ce contexte, le service départemental d’incendie et de secours (Sdis) du département de l’Orne a imaginé une expérimentation, que je vais maintenant vous présenter.

Il s’agit, en l’espèce, d’équiper le Sdis de huit porteurs d’eau de forte capacité pour l’ensemble du département, dans un périmètre acceptable. J’ai donc déposé un amendement visant à lancer une expérimentation assez bon marché – elle coûterait environ 2 millions d’euros –, ce qui nous permettra d’aborder plus longuement ce sujet lors de la discussion des articles.

Seconde remarque : je m’étonne que, lors de l’examen de la première partie de la loi de finances, de nombreux amendements de notre collègue Anne-Catherine Loisier, excellente spécialiste de la forêt, aient été rejetés.

J’ai pourtant le sentiment que la gestion des espaces forestiers et le risque incendie sont intrinsèquement liés. Les arbitrages budgétaires en faveur de l’un et de l’autre, notamment s’agissant de l’entretien, ne sont pas sans conséquence.

De ce point de vue, nous devrons procéder à un réajustement, car, si les forêts sont mal entretenues, le risque incendie augmente. En ce sens, les amendements déposés par Anne-Catherine Loisier me semblaient soulever des questions très importantes.

Je vous l’ai déjà dit, madame la ministre, le groupe Union Centriste votera les crédits de la mission.

Permettez-moi, avant de conclure, de vous adresser un message personnel à l’approche de Noël : le maire de Sainte-Gauburge-Sainte-Colombe, magnifique commune de l’Orne, souhaiterait se doter d’un équipement pour éditer les cartes d’identité et les passeports. Or les normes fixées par le préfet – 18 rendez-vous par jour, 6 heures par jour, 5 jours par semaine – lui semblent pour le moins excessives ; il ne pourra pas y satisfaire.

Disposant d’une maison France Services, il verrait d’un très bon œil que celle-ci soit équipée de ce matériel. Il a écrit au Président de la République et à tous les services concernés. Au lendemain du Congrès des maires de France, le moment est bien choisi pour relayer sa demande, qu’il aimerait que vous examiniez de très près, madame la ministre. (Mme la ministre sourit.)

Je profiterai de la minute qu’il me reste pour remercier, alors que le Congrès des maires de France vient de prendre fin, l’ensemble des personnels du Sénat, qui ont assuré la visite de centaines de personnes dans des conditions exceptionnelles. Je tiens donc à leur rendre un hommage appuyé. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE.)

Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans son Discours sur lorigine et les fondements de linégalité parmi les hommes, Jean-Jacques Rousseau nous livre une formule intéressante : « À mesure que le genre humain s’étendit, les peines se multiplièrent ». Cette multiplication des inquiétudes et des dangers résonne bien avec le pluriel employé dans l’intitulé de cette mission, dont les enjeux sont singulièrement variés.

En premier lieu, il y a la sécurité quotidienne : celle de la vie ordinaire de nos concitoyens, des rues et des lieux publics, qui comporte des procédures que chacun est, hélas ! amené à rencontrer. En effet, les statistiques récentes en matière de délinquance ne sont malheureusement pas très encourageantes.

En deuxième lieu, il y a la sécurité événementielle, dont on a mesuré l’importance à l’occasion de l’accueil de la finale de la Ligue des champions au mois de juin dernier. De ce point de vue, nous abordons des années décisives à l’approche de deux événements phares : la Coupe du monde de rugby et les jeux Olympiques.

En troisième lieu, il y a la sécurité de crise : je pense en particulier aux incendies de cet été, qui ont durement frappé la Gironde.

Durant ces moments, les agents doivent être mobilisés sans discontinuer.

Nous avons examiné au mois d’octobre le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, qui affiche de nombreuses promesses. Ce budget me semble aujourd’hui aller dans la direction annoncée.

La hausse d’un milliard d’euros n’a rien de négligeable. Elle permet des recrutements attendus, tant dans la police que dans la gendarmerie. Nous aurions donc tort, à mon sens, de nous montrer trop pessimistes, d’autant que cette progression poursuit celle que l’on a déjà observée au cours des exercices précédents.

Permettez-moi d’énumérer, pêle-mêle, quelques points que nous souhaitons saluer.

Premièrement, je l’ai déjà dit, nous nous réjouissons de l’augmentation importante des effectifs de la police et de la gendarmerie nationales, les dépenses de personnel connaissant une hausse, déjà constatée dans les budgets précédents, de 6 % cette année.

Deuxièmement, nous saluons le maintien de la dynamique des dépenses de fonctionnement et d’investissement. Ces dépenses devraient accompagner les recrutements en permettant aux agents d’être opérationnels d’un point de vue matériel. C’est, là aussi, une bonne chose.

Troisièmement, nous saluons l’affectation de crédits supplémentaires en vue de développer les outils de lutte contre les cybercriminalités. Il ne faut nullement négliger cette question. Le piratage au cours de l’été du réseau informatique de l’hôpital de Corbeil-Essonnes a montré avec force la nécessité de poursuivre l’investissement dans ce domaine.

Quatrièmement, enfin : je ne peux que saluer les crédits qui devraient être alloués au renouvellement de la flotte d’hélicoptères.

Nous voyons donc que, afin d’assurer toutes ces missions de sécurité publique, il nous faut des agents et du matériel en nombre suffisant.

Par ailleurs, au-delà de la quantité, il faut de la qualité, c’est-à-dire des agents correctement formés – le groupe du RDSE a déjà eu l’occasion d’insister sur cet aspect, en particulier lors de l’examen de la Lopmi.

Je le redis : qu’il s’agisse de la formation initiale ou de la formation continue, trop souvent délaissée au cours de la carrière, il y a encore beaucoup à faire pour améliorer la performance des différents services.

Les travaux en cours de la mission d’information sur les moyens d’action et les méthodes d’intervention de la police et de la gendarmerie, dont Catherine Di Falco et moi sommes les rapporteures, montrent que nous avons une importante marge de progression en la matière.

Enfin, j’insisterai tout de même sur les enjeux de sécurité civile. La question des incendies, que j’ai déjà évoquée, est particulièrement préoccupante pour les années à venir. Nous avons le sentiment que le soutien budgétaire est insuffisant pour y faire face, d’autant que les projections climatiques sont loin d’être rassurantes.

Aussi notre groupe présentera-t-il plusieurs amendements visant à encourager l’investissement dans la lutte contre l’incendie. Je pense notamment à la proposition de notre collègue Jean-Yves Roux d’accompagner financièrement les communes rurales dans la réalisation de leurs obligations légales de débroussaillement, ou encore à l’amendement de Nathalie Delattre visant à financer l’acquisition de drones, utiles à la lutte contre les incendies.

Ces remarques faites, notre groupe devrait voter en faveur des crédits alloués à cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)