Mme Nathalie Goulet. Absolument !

Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, plan de relance, France 2030, bouclier tarifaire… Le Gouvernement a fait le choix volontariste de soutenir coûte que coûte notre économie, considérant que cet accompagnement permettra de recréer de la richesse.

Si je rappelle ici le « quoi qu’il en coûte », c’est que ce plan de soutien a affecté nos comptes publics : 200 milliards d’euros, ce n’est pas rien ! Mais cette stratégie est pleinement assumée ; elle a permis de sauver notre économie.

De fait, les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État » affichent une hausse inédite de 15,9 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2022. Ils s’élèveraient ainsi à 60,2 milliards d’euros en 2023.

Cette augmentation s’explique principalement par l’ouverture, en cours d’année, de 11,9 milliards d’euros de crédits supplémentaires pour financer la charge de la dette, dans un contexte de forte inflation – bien que la maîtrise de cette dernière en France contribue à modérer ce facteur.

En parallèle, ce niveau élevé d’inflation a également conduit les banques centrales à normaliser leurs politiques monétaires et à remonter leurs taux d’intérêt.

Après plusieurs années de conditions extrêmement favorables pour le financement de la dette française, les taux d’intérêt augmenteraient substantiellement en 2023, à 2,6 % en moyenne annuelle pour les obligations assimilables du trésor à dix ans.

C’est donc la fin de l’argent magique, c’est-à-dire la fin de l’assouplissement quantitatif, prônée par la Banque centrale européenne (BCE), après que le procédé a été abondamment utilisé durant la décennie 2010.

Aussi, face au spectre de la dette et pour éviter les remontrances du FMI, notre gouvernement ne regarde pas ailleurs ; c’est pour cela que le « quoi qu’il en coûte » se mue en « combien ça coûte ».

C’est aussi la raison pour laquelle nous sommes convaincus que des réformes structurelles comme le recul de l’âge de départ à la retraite ou l’achèvement de la réforme de l’assurance-chômage sont nécessaires et conduiront à terme à la maîtrise de nos dépenses publiques.

C’est en ce sens que le programme 114, « Prêt garanti par l’État », poursuivra sa décrue. En effet, la mobilisation toujours forte de cette action, de l’ordre de 1,91 milliard d’euros, baisse de 30 % par rapport à 2022.

Rappelons-nous que, dans le sillage du « quoi qu’il en coûte », le prêt garanti par l’État (PGE) avait connu un grand succès : au 31 juillet 2022, on dénombrait près de 800 000 entreprises bénéficiaires de PGE, pour un encours total de 142,7 milliards d’euros.

Mais l’heure est désormais au remboursement. Selon le dernier baromètre Bpifrance, publié le 17 novembre, 9 % des PME et TPE ayant souscrit un PGE redoutent de ne pas être en mesure de le rembourser. Cette proportion est en hausse de 2 points par rapport à la dernière enquête en date. Toutefois, dans leur grande majorité, les entreprises devraient honorer leurs échéances.

Par ailleurs, le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » traduit l’ambition du Gouvernement de rester un État actionnaire.

La nationalisation d’EDF constitue en effet une étape indispensable pour renforcer la crédibilité de l’entreprise sur les marchés dans la perspective de la construction de six EPR2, de la poursuite du programme de grand carénage et de l’amplification des investissements dans les énergies renouvelables.

En ce qui concerne la mission « Remboursements et dégrèvements », il convient de noter que les remboursements d’impôts d’État liés aux contentieux de série baissent sensiblement, passant ainsi de 2,7 milliards en 2022 à 1,1 milliard d’euros en 2023, grâce aux efforts réalisés dans le suivi des plus gros contentieux. Aussi ne pouvons-nous que saluer le travail réalisé par notre administration fiscale.

En conclusion, la France se trouve en quelque sorte sur une ligne de crête, prise en étau entre le rétablissement nécessaire des comptes publics et le soutien de l’activité économique et énergétique. C’est toutefois ce seul chemin que nous devons poursuivre.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Briquet.

Mme Isabelle Briquet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Engagements financiers de l’État » nous appelle à une grande vigilance en raison des nombreuses zones d’ombre de ses programmes.

Plusieurs points méritent notre attention.

Tout d’abord, la charge de la dette a littéralement explosé entre 2020 et 2023, enregistrant une hausse de 45,5 %.

Les crédits de la mission sont parmi ceux qui augmentent le plus, en raison de l’inflation constante que nous subissons depuis quelques mois. Face à une hausse historique des taux d’intérêt, nous pouvons légitimement nous interroger sur vos prévisions de stabilité à l’horizon 2023.

Ensuite, les prêts garantis par l’État risquent fort d’être une bombe à retardement. En effet, la crise sanitaire, les conséquences économiques de la crise en Ukraine – crise de l’énergie ou de l’approvisionnement, coût des matières premières – et les tensions sur le marché du travail ont eu de fortes répercussions sur la trésorerie des entreprises.

Le risque est double : d’une part, une accélération du nombre de faillites, y compris d’entreprises parfaitement viables et productives et, d’autre part, une réduction de leurs dépenses d’investissement – c’est ce que les économistes qualifient généralement d’étranglement par la dette.

Les chiffres sont édifiants : parmi les quelque 700 000 entreprises ayant souscrit un PGE – pour plus de 148 milliards d’euros au total –, elles sont seulement 11 % à s’être acquittées de leur dette.

Les courbes actuelles laissent présager 37 000 défauts de paiement en 2022 – chiffre pour le moins inquiétant. Bien que le PLFR pour 2022 prévoie une baisse de 2 milliards d’euros des provisions pour les PGE, nous avons de sérieux doutes sur ce calibrage en 2023.

De la même manière, nous estimons urgent de mettre en place des mécanismes innovants pour éviter le défaut de paiement des créances aux entreprises dont la solvabilité à court terme est remise en question.

Par ailleurs, que penser de l’absence de prise en compte budgétaire de la dette covid ou de celle de SNCF Réseau parmi les crédits dévolus à la charge de la dette ? En toute logique, cela devrait pourtant être le cas.

Au regard de ces approximations, la question du désarmement fiscal de la France se pose avec d’autant plus d’acuité.

L’amortissement de ces dettes doit-il se faire sur le dos de tous les Français, en tablant sur une réduction de la dépense publique et en supprimant encore davantage de services publics ? Nous ne le pensons pas.

Bien au contraire, nous avons formulé des propositions pour davantage de justice fiscale et sociale : suppression de la flat tax, rétablissement de l’ISF, taxation des superprofits, rehaussement de la taxe sur le numérique…

Manifestement, les débats sur la première partie de ce PLF pour 2023 n’indiquent aucune remise en question de vos choix fiscaux. Vous refusez toujours de faire payer ceux qui le peuvent – les plus aisés, ceux qui s’enrichissent de la crise et de la situation économique du pays –, au détriment des plus vulnérables.

Ces choix, monsieur le ministre, fragilisent la situation financière de notre pays et accentuent le sentiment d’abandon qui gagne un peu plus chaque jour l’ensemble de nos concitoyens.

Cette fracture se manifeste dans l’accès aux services publics, car la dématérialisation est une facilité qui peut aussi isoler certains de nos concitoyens. Même s’il semble que ce soit le cap choisi, je rappelle que la dématérialisation ne peut se substituer à l’accueil du public, pour qui la fracture numérique constitue un handicap de tous les jours.

Enfin, l’analyse du programme 201, « Remboursements et dégrèvements d’impôts locaux », suscite tout de même quelques commentaires.

En volume, nous constatons une baisse de 31 % environ par rapport à l’exercice précédent. Cette baisse continue n’est pas une simple ligne comptable ; elle traduit, de manière indirecte, l’insidieuse atteinte à l’autonomie fiscale des collectivités.

En effet, cette diminution découle de la suppression progressive de la taxe d’habitation, d’une part, et de la réduction massive des impôts de production, d’autre part.

Vous le savez, monsieur le ministre, nous sommes loin de partager votre position dogmatique sur la baisse d’impôt, qui conduit à une injustice grandissante. D’ailleurs, au rythme où vont vos réformes, il est à craindre qu’il ne sera plus nécessaire d’étudier ce programme l’an prochain, car, sans impôts locaux, point de remboursement ou de dégrèvement !

Ce programme pose donc la question de l’autonomie fiscale de nos collectivités, celle du lien entre l’impôt local, le territoire et les habitants, et, au-delà, celle de la démocratie locale. Si ce débat n’est pas mené, plusieurs programmes budgétaires pourraient disparaître et, avec eux, une certaine idée de la décentralisation.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au travers de la discussion du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », qui retrace la doctrine de l’État actionnaire, je souhaite particulièrement insister sur l’avenir du groupe EDF.

En effet, après une augmentation de 2,6 milliards d’euros au mois d’avril 2022, justifiée par la situation financière très difficile de l’entreprise – situation due aux contraintes imposées par l’État à EDF d’un blocage des tarifs de l’électricité –, les crédits doivent désormais être employés pour financer la montée au capital du groupe EDF afin de parvenir à 100 % de détention par l’État par le rachat des parts des actionnaires minoritaires.

Alors que cette opération a un coût annoncé de 9,7 milliards d’euros, le Parlement ne dispose pas d’informations précises sur les raisons d’une telle opération ni, monsieur le ministre, sur votre vision stratégique pour l’avenir de l’entreprise historique. Les documents budgétaires en notre possession sont incomplets, voire inexistants, et vous vous refusez toujours au débat.

Pourquoi cela, alors que de nombreuses interrogations, voire des zones d’ombre persistent ?

Hormis la volonté affichée de gérer les concessions hydroélectriques en quasi-régie afin d’éviter leur mise en concurrence, qu’attendez-vous d’une détention de 100 % du capital d’EDF ?

Avez-vous abandonné la réorganisation du groupe EDF, sur le modèle du projet Hercule ou grand EDF, impliquant le démantèlement de l’entreprise et la privatisation de ses activités les plus rentables, en particulier les énergies renouvelables ?

Sur ce dernier point, pourquoi les notes préparatoires à l’opération de montée au capital qui indiqueraient qu’elle permettrait « de préparer sur une base nouvelle les négociations – régulation du nucléaire et réorganisation du groupe – à venir avec l’ensemble des parties prenantes » ne sont-elles pas accessibles aux parlementaires ?

Allez-vous céder des actifs comme Dalkia ou ouvrir le capital d’Enedis ?

Dois-je rappeler qu’EDF est au cœur de notre système électrique ? Dès lors, il est impératif qu’il y ait le plus de transparence possible quant au futur statut du groupe, au devenir du mécanisme relatif à l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) et au financement du nouveau nucléaire, qui seront les grands sujets de l’année prochaine.

Face aux enjeux financiers de cette montée au capital, en pleine crise énergétique et d’approvisionnement, le Gouvernement ne peut faire l’économie d’une explication devant le Parlement.

Comme cela a été rappelé sur de nombreuses travées, l’absence de recours à une loi de nationalisation ne permet pas d’avoir un débat satisfaisant sur l’avenir de l’entreprise et, ainsi, sur l’emploi des deniers publics nécessaires pour mener à bien cette étatisation. Parce qu’EDF est une entreprise stratégique contribuant à la souveraineté énergétique du pays et parce qu’elle a en charge une mission d’intérêt général et de service public, nous pensons que sa disparition dans sa forme intégrée porte en germe un risque systémique.

Comme vous le savez, monsieur le ministre, nous sommes favorables à une nationalisation d’EDF. Nous sommes favorables à la reconstruction d’un grand service public de l’énergie qui regrouperait Engie et, pourquoi pas, TotalEnergies, un service public de l’énergie soustrait aux logiques concurrentielles du marché européen.

C’est pourquoi notre groupe rejettera les crédits de ce compte d’affectation spéciale. Nous voulons rappeler au Gouvernement la nécessité d’avoir un tel débat sur la stratégie d’EDF. Ce débat doit concerner le Parlement, en associant aussi les usagers et les salariés et syndicats du groupe.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, Laurent Saint-Martin et moi-même avions envisagé, voilà quelques années, l’organisation d’un débat sur la dette avant tout examen du projet de loi de finances.

En effet, le déficit et la dette annihilent quelque peu notre liberté sur un débat extrêmement important (M. le rapporteur spécial acquiesce.) portant sur une mission que j’affectionne particulièrement, pour en avoir été moi-même le rapporteur spécial, lorsque j’ai eu le bonheur de siéger à la commission des finances pendant trois ans. De ce point de vue, je partage les propos du rapporteur spécial.

Par conséquent, je mesure bien de quoi il s’agit ; je pense notamment, ces dernières années, aux effets d’un taux d’intérêt négatif anesthésiant la moindre réaction. Nous n’avons eu de cesse d’alerter sur le fait qu’un beau jour, comme la Belle au bois dormant, il faudrait se réveiller, puisque les taux allaient finir par augmenter, mais, telle sœur Anne ne voyant rien venir, personne ne s’est inquiété d’une augmentation des taux qui n’arrivait pas. Cette fois, nous y sommes et le réveil est difficile !

Évidemment, je félicite le rapporteur spécial pour son travail sur cette mission.

Monsieur le ministre, je vous rappelle qu’à plusieurs reprises, les années passées, nous avions demandé une simulation des conséquences d’une augmentation des taux. Cependant, tous ceux que la commission des finances a entendus en audition se sont renvoyé la patate chaude en indiquant ne pas savoir faire.

M. Jérôme Bascher, rapporteur spécial. Oui !

Mme Nathalie Goulet. Aujourd’hui, il ne s’agit plus de simulation, puisque nous sommes confrontés à une augmentation effective de l’augmentation des taux. Toutefois, si, par hasard, cette tendance devait se confirmer, il serait intéressant de disposer d’évaluations des conséquences immédiates de l’augmentation des taux, au moins pour l’année prochaine.

À ce moment précis de mon intervention, je tiens à saluer les agents de l’Agence France Trésor, qui accomplissent un travail absolument remarquable dans des conditions loin d’être faciles. J’en profite pour vous demander, monsieur le ministre, si vous détenez la liste des possesseurs de notre dette et comment celle-ci est répartie – une telle information serait intéressante. En effet, nous ne disposons pas de toutes les données, alors que la situation devient délicate, d’autant que nous devons affronter le problème des engagements hors bilan – sujet majeur de mon propos.

Les engagements hors bilan représentent en effet 4 615 milliards d’euros, ce qui n’est pas rien et suscite des interrogations de notre part. Monsieur le ministre, j’ignore si vous pourrez nous fournir quelques informations sur ce sujet, sachant que, à cette heure tardive, pour être populaire dans cette maison, il convient d’intervenir en trois minutes au lieu de six. (Exclamations amusées.)

Mme Cécile Cukierman. Il vous suffit de ne pas parler de votre département ! (Sourires.)

Mme Nathalie Goulet. J’en reviens justement…

M. Jérôme Bascher, rapporteur spécial. De l’Orne !

Mme Éliane Assassi. Vous en avez assez parlé aujourd’hui. (Nouveaux sourires.)

Mme Nathalie Goulet. … et j’en ai en effet déjà beaucoup parlé aujourd’hui. Pour une fois, je n’en reparlerai donc pas.

Je remercie les membres de la commission des lois, qui sont majoritairement présents sur ce sujet important.

Sans plaisanterie, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le ministre, je crois qu’il faudrait essayer de faire en sorte que, l’année prochaine, ce débat figure assez tôt dans l’organisation de nos travaux, parce qu’il arrive toujours tard le soir. C’est un débat, sacrifié, alors que, à mon sens, il est absolument fondamental pour la compréhension tant de l’équilibre budgétaire que des moyens dont nous disposons pour les politiques publiques.

Il faut dépasser le caractère mécanique de l’exercice, consistant à rappeler les éléments figurant dans le rapport de la commission des finances, car il s’agit d’un dossier extrêmement important. De la même façon, le dossier relatif aux dégrèvements est éminemment politique : les dégrèvements, c’est une politique et une stratégie. Je trouve donc extrêmement dommageable que, cette année comme les années précédentes, ce débat important arrive à cette heure tardive.

Je continue de penser que la conclusion à laquelle le député Saint-Martin et moi-même étions parvenus s’applique encore cette année. C’est pourquoi je le répète : monsieur le président de la commission des finances, sans doute faudrait-il l’année prochaine organiser, en début de session budgétaire, un débat portant uniquement sur les engagements, donc sur la dette, de façon que nous soyons totalement éclairés quant aux marges de manœuvre à notre disposition sur les politiques publiques à venir.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Je remercie d’emblée les rapporteurs spéciaux, les rapporteurs pour avis et les orateurs des groupes de la qualité de leurs interventions. Je m’efforcerai de répondre dans le temps imparti aux principaux sujets soulevés et organiserai mon propos autour des trois blocs de politique publique examinés à l’occasion de la discussion des crédits de ces missions.

D’emblée, je précise que nous partageons bien évidemment la préoccupation exprimée par le rapporteur spécial Jérôme Bascher et plusieurs d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, sur l’évolution des taux d’intérêt. La programmation budgétaire du Gouvernement intègre déjà une hausse des taux d’intérêt en cohérence avec un scénario pluriannuel de normalisation des conditions monétaires. Le scénario de taux retenu pour le projet de loi de finances pour 2023 est celui d’une remontée des taux longs.

Ainsi, le projet de loi de finances fait l’hypothèse que le taux à dix ans serait à 2,5 % fin 2022, puis à 2,6 % fin 2023. Mme Briquet s’est interrogée sur la prévision des taux et a remis en cause celle du Gouvernement de 2,6 % à fin 2023. Ce soir, le taux des obligations assimilables du Trésor (OAT) à dix ans est à 2,43 % ; la prévision des marchés pour la fin 2022 est égale ou inférieure à 2,5 % et le projet de loi de finances pour 2023 est bâti sur des hypothèses structurelles et non sur les dernières données du marché, qui est évidemment très volatil en ce moment.

À M. Bilhac qui a formulé le souhait que l’Agence France Trésor revienne sur son marché domestique, je réponds que la diversité des investisseurs internationaux est un atout et non une menace, qui nous permet d’emprunter moins cher, de diversifier les détenteurs et de les mettre en concurrence. Je rappelle d’ailleurs que détenir une OAT n’ouvre qu’un seul droit, celui d’être remboursé.

Mme Goulet a demandé des précisions sur l’impact qu’aurait une augmentation des taux. Un choc de taux de 1 point par rapport au scénario de référence à 2,6 % entraînerait une hausse de la charge de la dette de 2,5 milliards d’euros la première année, de 6 milliards d’euros la suivante et de 16 milliards d’euros à horizon 2027. Il s’agit donc d’un enjeu absolument majeur.

Le scénario de hausse progressive des taux d’intérêt est cohérent avec le scénario macroéconomique du Gouvernement, comme avec la cible d’inflation à long terme de la Banque centrale européenne, dont le mandat est de maintenir l’inflation de long terme proche de 2 %.

Je rappelle que le calibrage d’un montant retenu pour les appels en garantie des prêts garantis par l’État en 2023, qui a été critiqué par Mme Briquet, prend appui sur les calculs réalisés par la Banque de France pour la direction générale du Trésor et actualisés au moins deux fois par an. L’évolution des appels en garantie dépend étroitement de l’évolution de la conjoncture économique et financière, de la dynamique des défaillances d’entreprises et de la bonne santé financière des entreprises. Je pense au prix des intrants, aux coûts de production, à l’accès au financement, aux liquidités, au niveau d’endettement. C’est pourquoi aucun autre élément que les prévisions susmentionnées ne permet de présager un montant final d’avances sur indemnisation pour l’année 2023.

L’isolement budgétaire de la dette covid dans un programme dédié, qui a été relevé, si ce n’est critiqué par le président de la commission des finances et le rapporteur spécial Jérôme Bascher, a pour objectif prioritaire de retracer dans les comptes publics de manière lisible et claire le montant des dettes d’État résultant de la crise sanitaire et d’afficher une trajectoire de remboursement de cette dette entre 2022 et 2042. L’intégration de la charge des intérêts avec la dette elle-même, qui matérialise le coût complet de l’effort national, est en effet inhabituelle, mais s’apprécie au regard de sa vertu pédagogique.

J’en viens au compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ». Je rappelle d’emblée que, de manière constante, tous les gouvernements ont fait le choix de retenir un montant notionnel de prévisions de recettes et de dépenses, afin de ne pas donner de signaux au marché. Le Gouvernement est en effet soumis à plusieurs obligations : d’abord – et c’est la première d’entre elles –, l’information et la transparence à l’égard du Parlement, ensuite, gérer au mieux les données publiques et défendre les intérêts du contribuable, ce qui suppose de ne pas révéler ses intentions au marché, enfin, protéger la réputation d’entreprises, dont les difficultés potentielles pourraient nécessiter en cours d’année des opérations de recapitalisation.

C’est cette tension entre ces différents impératifs qui s’impose au Gouvernement et qui justifie l’inscription de crédits notionnels qu’a soulignée Mme Jacques dans son intervention. Malgré ces contraintes, l’effort de transparence de l’État est chaque année particulièrement important, avec la publication du projet annuel de performance du compte d’affectation spéciale ainsi que d’un rapport d’activité et d’un rapport financier de l’Agence des participations de l’État, en annexe du projet de loi de finances.

Madame Jacques, notre vision d’un État stratège existe bel et bien. Elle se concrétise en recourant à trois outils d’intervention en fonds propres, dont les doctrines sont complémentaires.

Premièrement, la Caisse des dépôts et consignations investit sans horizon de temps en tant qu’actionnaire stratégique d’influence ou de contrôle dans certains secteurs prioritaires – la transition écologique, le développement économique, la cohésion territoriale, l’habitat, la cohésion sociale –, mais elle reste évidemment également attachée à des niveaux de rentabilité minimaux. (M. le rapporteur spécial sexclame.)

Deuxièmement, Bpifrance investit en tant qu’actionnaire minoritaire actif au capital d’entreprises françaises, à l’occasion d’une évolution actionnariale et aux côtés d’un actionnaire majoritaire ou de référence pour assurer un actionnariat français dans ces entreprises avec un horizon d’investissement de type fonds d’investissement, même si la durée de détention n’est pas fixée ex ante.

Troisièmement, l’Agence des participations de l’État est pour sa part l’actionnaire stratégique sur les sujets les plus critiques, conjuguant un fort niveau de contrôle de l’État – on compte quarante-quatre entreprises dans lesquelles l’État est majoritaire sur les quatre-vingt-trois que détient l’agence –, une capacité à privilégier des objectifs stratégiques ou industriels avant les attentes de rendement, et des capacités financières pouvant être gérées sur le long terme et sans limite d’horizon d’investissement.

C’est dans ce contexte que doit s’apprécier la performance financière du portefeuille coté de l’APE. Ce portefeuille est fortement pondéré sur un petit nombre de secteurs, notamment l’énergie, ce qui limite sa comparabilité avec le panel plus large des entreprises du CAC 40. Ainsi, au 18 novembre 2022, la valeur des participations de l’État dans EDF et Engie représentait 56 % de la valeur du portefeuille coté de l’État.

La question de l’inscription de 6,6 milliards d’euros au titre de la contribution au désendettement de l’État est régulièrement soulevée. Nous avons mis en place une trajectoire d’apurement de la dette née de la crise sanitaire, permettant d’amortir son montant sur une période de vingt ans par des dotations annuelles auprès de la Caisse de la dette publique (CDP). En l’absence de recettes de cession et compte tenu du caractère stratégique de la dépense, chaque échéance annuelle versée à cet établissement nécessite l’abondement préalable en recettes du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » à partir du programme 369, « Amortissement de la dette de l’État liée à la covid-19 », à hauteur de la dépense envisagée.

Maintenir la maquette budgétaire inchangée en conservant le programme 732, « Désendettement de l’État et d’établissements publics de l’État », permettra d’assurer le suivi dans le temps de ces opérations, notamment quand une reprise des cessions de participations pourra être envisagée pour participer au désendettement, ce qui est notre souhait.

Sur la mission « Remboursements et dégrèvements », la hausse marquée du remboursement de la TVA traduit, de la part des entreprises, une préférence pour le présent, dans un contexte d’incertitude économique. En ce qu’il contribue à la liquidité des entreprises, le droit d’opter pour le remboursement plutôt que pour l’imputation pour les périodes d’affaires suivantes participe très concrètement au soutien de l’économie. Cet outil a été mobilisé de façon très efficace dans les premiers mois de la crise sanitaire : il fait partie des aides peu visibles, mais décisives pour nos entreprises.

Je rappelle que la TVA est censée rester neutre pour les acteurs économiques tout au long de la chaîne de valeur et que la charge de trésorerie liée au décalage entre la collecte et le reversement de la TVA peut représenter dans certains secteurs et en période de tension économique une charge réelle pour les exploitations. Ce dispositif de remboursement de TVA constitue une part majoritaire des crédits de la mission, à hauteur de 54 %.

En parallèle, j’indique que la lutte contre la fraude à la TVA est l’un des objectifs prioritaires du Gouvernement. C’est un domaine dans lequel nous ne ménageons pas nos efforts. (Mme Nathalie Goulet manifeste sa satisfaction.) Disant cela, je m’adresse particulièrement à Mme Goulet, spécialiste de cette question ! (Sourires.)

Les travaux d’estimation du manque à gagner en matière de TVA progressent. Ainsi, l’Insee a mis au point une méthode d’évaluation robuste, dont les premiers résultats donnent une enveloppe absolument vertigineuse.