Mme le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur pour avis de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis d’abstention sur l’adoption des crédits des programmes 112 et 162, compte tenu des faibles évolutions constatées par rapport au budget pour 2022 dans le contexte actuel d’inflation et de fragilisation croissante de l’Agence nationale de la cohésion des territoires.

Premier point, s’agissant de l’ANCT, je relève que l’agence a atteint la grande majorité des objectifs qui lui avaient été assignés. Toutefois, je crains que les financements de 2023 ne lui permettent pas de remplir pleinement sa mission de soutien à l’ingénierie sur mesure des communes, qui avait justifié sa création dans le cadre de la loi que notre commission avait examinée en 2019.

Il ne faudrait pas que l’agence ponctionne la ligne budgétaire de 20 millions d’euros prévue pour ce soutien à l’ingénierie, du fait des contraintes qui pèsent sur son fonctionnement.

Dès lors, deux solutions s’offrent à nous : soit il faut attribuer des moyens de fonctionnement à l’agence chaque fois qu’une mission nouvelle lui est confiée ; soit il faut mobiliser ses opérateurs partenaires pour qu’ils apportent à l’agence des moyens de fonctionnement.

La prochaine révision des conventions pluriannuelles qui lient l’ANCT à ses opérateurs partenaires – Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), Anru, Anah et Caisse des dépôts et consignations – doit permettre de remettre sur la table le sujet de la coordination de l’intervention de ces opérateurs.

Deuxième point, la commission estime qu’il est nécessaire de définir une nouvelle ambition pour les politiques à destination des territoires ruraux.

La réforme des zones de revitalisation rurale (ZRR) est toujours au point mort et des politiques structurantes pour nos territoires doivent être amplifiées.

La nouvelle ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité a annoncé la préparation d’un acte II de l’agenda rural. Il s’agit d’une annonce bienvenue qui doit être concrétisée et qui pourrait être prolongée par des initiatives législatives et réglementaires.

Notre commission a récemment formulé des propositions sur le commerce en milieu rural, la logistique urbaine, les déserts médicaux et les ouvrages d’art. Nous invitons le Gouvernement à s’en saisir.

Je terminerai en évoquant la question des ouvrages d’art des collectivités, plus particulièrement des ponts routiers. Notre commission a publié deux rapports sur le sujet, l’un présenté en 2019 par Hervé Maurey, Patrick Chaize et Michel Dagbert, l’autre présenté en 2022 par Bruno Belin.

Nous examinerons tout à l’heure des amendements visant à acter un soutien financier de l’État aux collectivités territoriales, à la fois dans le recensement et le diagnostic de ces ponts, mais aussi et surtout pour les accompagner dans la réparation des ouvrages posant des problèmes de sécurité.

Le programme « ponts » du Cerema est une première réponse intéressante, mais il faut nettement l’amplifier. Trop de maires se sentent démunis sur ce sujet. Le chantier est colossal, puisque les besoins de financement en matière de travaux de réparation représentent entre 2 milliards et 3 milliards d’euros uniquement pour les ponts du bloc communal.

Enfin, je défendrai un amendement au nom de la commission, visant à augmenter, dans des proportions modestes, le soutien de l’État à la reconquête de la qualité de l’eau dans la région Pays de la Loire. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Nadège Havet applaudit également.)

Mme le président. Dans la suite de notre discussion, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.

La parole est à M. Éric Gold.

M. Éric Gold. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la mission « Cohésion des territoires » frôlera pratiquement les 18 milliards d’euros de crédits en 2023. Si cela peut sembler important, chaque crédit compte, puisque cette mission se caractérise par la recherche permanente de la solidarité : d’un côté, garantir à tous le droit de vivre dans la dignité en permettant l’accès à un logement décent ou, à défaut, à un toit ; de l’autre, assurer dans la mesure du possible l’équité entre les territoires de la République.

La crise structurelle du logement, à laquelle viennent se superposer une crise énergétique et une inflation qui s’installent dans la durée, nous préoccupe.

Le foncier continue de se raréfier, alors que nous devons poursuivre la lutte contre l’artificialisation des sols ; les objectifs ne sont pas tenus en matière de production de logements sociaux ; le parc de logements existants, privé comme public, comprend environ 5 millions de passoires thermiques quand la sécurité d’approvisionnement énergétique est de moins en moins garantie…

Malgré les moyens consacrés annuellement à la politique du logement, soit environ 2 % de notre produit intérieur brut, les loyers et les prix d’acquisition des biens immobiliers demeurent très élevés dans les villes. Les jeunes et les ménages modestes peinent à accéder à la propriété. La part des primo-accédants modestes n’est que de 21 %. Nous soutiendrons donc les amendements déposés qui visent à rétablir l’APL accession, supprimée en 2018. Ce type de mesures devrait être privilégié par rapport aux dispositifs fiscaux en faveur de l’investissement locatif, bien plus coûteux pour les finances publiques.

Le développement de la construction ne peut être une réponse partout, alors que nous disposons dans notre pays de bâti inutilisé, car fortement dégradé, dont on pourrait accompagner l’acquisition grâce à des aides importantes et lisibles à la rénovation plutôt que de continuer à favoriser la dispersion de l’habitat. Si la montée en puissance de MaPrimeRénov’ doit être saluée, les rénovations globales ne parviennent pas à progresser.

Encore faut-il, monsieur le ministre, que l’on n’entrave pas la réhabilitation des logements et la redynamisation des centres-villes historiques, composés essentiellement de bâtiments énergivores et dégradés qui se vident de leurs habitants, notamment en secteur sauvegardé, soit dans 46 % des communes.

Aussi, à titre d’illustration, je regrette que la transformation de l’avis conforme des architectes des Bâtiments de France en avis simple pour l’installation de panneaux photovoltaïques n’ait finalement pas été retenue au Sénat, lors de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.

Surtout, l’État doit reprendre en main la politique d’aménagement du territoire et, pour cela, permettre aux élus locaux de faire vivre leur territoire.

L’ANCT n’est pas, à notre sens, dotée de moyens en ingénierie territoriale suffisants – ce « sur-mesure » permettant d’accompagner les élus dans la réalisation de leurs projets. Les programmes nationaux, tels qu’Action cœur de ville ou Petites Villes de demain, sont bienvenus pour les collectivités qui ont été retenues. Les autres, en particulier les communes et les communautés de communes rurales, ne parviennent tout simplement pas à monter les dossiers pour réaliser des projets et obtenir les crédits. De surcroît, 6 millions sur les 20 millions d’euros de l’enveloppe dédiée à l’ingénierie territoriale ont été puisés pour financer les chefs de projets de Petites Villes de demain.

Or, face aux crédits ouverts dans le cadre du plan de relance, puis maintenant du fonds vert, le manque d’ingénierie territoriale – et surtout d’un guichet unique, comme cela avait été annoncé par le Président de la République – pénalise les collectivités et ne peut que susciter des frustrations.

L’agence fêtera ses 3 ans prochainement ; nous sommes persuadés que la déconcentration de ses interventions doit être accélérée là où les besoins sont avérés. Le recours à des volontaires territoriaux en administration (VTA) ne peut constituer une réponse satisfaisante.

Les crédits sont d’ailleurs sous-consommés. À défaut de disposer d’un guichet unique auprès de l’ANCT, les préfectures étant bien occupées par ailleurs, le recrutement de chefs de projets, métier qui requiert une certaine expertise, serait plus pertinent pour soutenir les communes et les communautés de communes rurales dans cette fameuse logique ascendante attendue par les élus. Nous présenterons des amendements en ce sens.

La transition écologique et énergétique ainsi que la politique d’aménagement du territoire ne pourront être menées à bien sans la pleine participation des collectivités et sans une cohésion harmonieuse entre les territoires.

Au regard des moyens qui seront engagés en 2023, le groupe RDSE votera pour les crédits de cette mission.

Mme le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Sautarel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Cohésion des territoires » comprend plusieurs programmes autour de deux grands volets : la politique des territoires, sur laquelle j’interviendrai plus longuement, avec des programmes spécifiques dont la lisibilité doit être encore renforcée pour une plus grande efficacité et une ambition accrue, et la politique du logement et de l’urbanisme.

Les programmes 112 et 162, qui concernent la première de ces politiques, constituent un des volets de l’action territoriale qui figure dans le budget de l’État.

Si les moyens accordés à l’ANCT, dont 20 millions d’euros sont consacrés à l’appui des projets portés par les territoires, sont stables, hors plan de relance, il est bien évident qu’ils ne répondent pas à l’intégralité des besoins de nos territoires. C’est pourquoi il conviendrait : d’une part, pour renforcer l’ancrage local de l’ANCT, d’expérimenter un appui partenarial renforcé aux agences techniques départementales (ATD), qui sur le terrain sont les premières interlocutrices des collectivités ; d’autre part, de limiter notre corset réglementaire et normatif pour faciliter l’émergence des projets dans des délais raisonnables.

Il faut en effet sortir du système d’autorisation préalable généralisé pour toute décision.

Avant de prendre une décision ou de construire un équipement, on est de plus en plus obligé de s’inscrire dans des schémas directeurs qui s’imposent ensuite aux collectivités, et de procéder à l’actualisation d’une somme de documents qui sont opposables en droit. Tout cela prend du temps – des délais qui ne sont plus toujours compris – et oblige à avoir une ingénierie technico-juridico-administrative qui amplifie les fractures territoriales en défavorisant, voire en excluant, les collectivités qui n’en ont pas les moyens. Il faut absolument que les procédures inspirent de nouveau confiance.

Les crédits proposés pour le réseau France Services sont stables, à hauteur de 36,3 millions d’euros. Le déploiement de ces maisons, qui bénéficient d’un forfait d’accompagnement financier à hauteur de 30 000 euros, a en effet atteint sa vitesse de croisière.

Je veux saluer le travail de notre rapporteur spécial, Bernard Delcros, très investi sur cette action, qui a conduit une mission de contrôle éclairante, confirmant la pertinence du dispositif, mais aussi certaines limites, et donnant quelques pistes d’amélioration, notamment quant au renforcement de leur lien avec les communes du territoire.

À ce titre, je soutiens la démarche visant à accroître le forfait alloué pour tendre vers une participation moitié-moitié. L’objectif serait de parvenir à une participation de l’État et de ses opérateurs de 50 000 euros, au titre des missions de service public nationales assurées par les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), qu’il n’est pas possible de mobiliser dans la durée au-delà de la moitié du coût, lequel s’établit à 100 000 ou 110 000 euros. Passer de 30 000 à 35 000 euros de forfait contributif en 2023 serait déjà une première étape.

Enfin, la question sensible des zonages et en particulier des ZRR doit être rapidement traitée pour donner lisibilité et garanties. Si l’on peut se féliciter d’une prorogation du système actuel jusqu’au 31 décembre 2023, il est clair qu’il faudra très vite harmoniser le zonage, adapter les mesures sur la base de l’évaluation réalisée et, sans doute, introduire des mesures nouvelles, plus positives encore, de valorisation renforcée des aménités rurales.

Pour ce qui concerne le volet relatif au logement et à l’urbanisme, qui représente 17,9 milliards d’euros, en plus de la dépense fiscale de 15,9 milliards d’euros et des ressources affectées, je me contenterai d’une seule observation, qui tient à l’inquiétude majeure ressentie dans tous nos territoires ruraux. Il s’agit, bien sûr, de la mise en place du ZAN, qui doit être assouplie, territorialisée et différenciée. De ce point de vue, la mission de contrôle, transversale et transpartisane, dont notre collègue Jean-Baptiste Blanc est le rapporteur et qui rendra ses conclusions et propositions dans une quinzaine de jours, devrait être éclairante ; j’espère que celles-ci seront entendues.

Il faut rendre aux maires la capacité à maîtriser l’aménagement de leur territoire afin que les territoires ruraux ne soient pas victimes de la double peine : d’une part, avoir encore des besoins d’équipement parce qu’ils ont peu consommé d’espaces dans le passé, et, d’autre part, être les plus gros contributeurs à la non-artificialisation des sols. Ils doivent garder une capacité à agir !

Dans nos territoires, nous manquerons probablement d’agriculteurs avant de manquer de terrains agricoles. Il faut donc que l’espace, qui est notre richesse, soit maîtrisé par les acteurs locaux. J’interviendrai de nouveau dans le débat sur cette question essentielle ; à cet égard, nous devons donner des gages à nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à M. Jacques Fernique.

M. Jacques Fernique. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette mission budgétaire rassemble des dispositifs relevant de trois commissions permanentes de notre assemblée. Elle traite en partie du logement, de l’hébergement d’urgence, de la politique de la ville, des outils de contractualisation entre l’État et les collectivités, de l’action de l’ANCT en appui aux projets territoriaux et d’une série d’interventions territoriales ciblées : algues vertes en Bretagne, chlordécone en Martinique et Guadeloupe, etc.

Bref, cette mission est assez disparate, mais ses différents composants nécessitent, en commun, un renforcement des dispositifs de soutien pour contrer les basculements dans la précarité et lever les obstacles, aggravés par les crises, aux dynamiques de nos territoires en transition.

Disons-le d’emblée, pour ce qui est de ce renforcement, le compte n’y est pas tout à fait puisque, à périmètre constant, en intégrant l’inflation, les crédits de cette mission devraient diminuer en volume de près de 2 %.

Très sommairement, dans le temps qui m’est imparti, voici les principales appréciations, préoccupations et propositions du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires (GEST).

Nous ne discernons pas dans les trois programmes dédiés au logement une vision politique et des orientations nouvelles conséquentes répondant à l’ampleur du mal-logement, régulant de façon volontariste les prix tant du loyer que du foncier, procurant aux bailleurs sociaux les marges de manœuvre à la hauteur des besoins criants, permettant aux primo-accédants, aux étudiants et aux jeunes couples d’accéder au logement dans les cœurs de nos métropoles et les zones touristiques colonisés par les Airbnb, les résidences secondaires, les locations saisonnières et de trop nombreux logements vacants.

Face à l’absence de réelle volonté de répondre à ces sujets par des crédits à la hauteur, mon groupe votera, bien sûr, les amendements visant à améliorer les APL, aider l’accession à la propriété des ménages modestes, réduire les logements inadaptés aux personnes dépendantes, héberger les femmes victimes de violences.

Pour ce qui est de l’hébergement d’urgence, la forte tension a obligé le Gouvernement à annuler la réduction prévue de 14 000 places, face à l’ampleur du nombre de personnes, de familles et d’enfants à la rue, survivant dans des conditions indignes dans nos grandes villes, notamment à Strasbourg. L’État ne peut laisser sans appui réel nos collectivités en première ligne face à ces drames humains sur lesquels les engagements pris au plus haut niveau n’ont pas été tenus.

Les collectivités impactées souhaitent travailler sur la question des hébergements d’urgence avec un État qui soit réceptif à leurs propositions : avec un État facilitateur, on y arrivera mieux !

Toujours sur le front du logement, la véritable nouveauté est le renforcement des moyens de l’Anah pour la rénovation thermique. La dernière note de France Stratégie convaincra sans doute ceux qui n’avaient pas pris toute la mesure du gouffre énergétique qu’est notre parc résidentiel. MaPrimeRénov’ prend certes de l’ampleur, mais son bilan énergétique avéré est bien plus réduit. Il représente pour l’instant 0,45 % d’économies sur la consommation totale du parc résidentiel.

Nous sommes donc encore très loin de rénovations globales mises en œuvre de manière massifiée. Le groupe écologiste proposera au Sénat d’enquêter de façon approfondie et de faire des propositions pour que ces politiques publiques trouvent la voie de l’efficacité.

Sur le front des quartiers de la politique de la ville, la persistance d’une pauvreté et d’un chômage nettement plus importants oblige à amplifier nos actions publiques.

Le nouveau programme national de renouvellement urbain est entré en phase active : si les bailleurs sociaux et Action Logement sont au rendez-vous, l’État n’a, pour sa part, pas tenu ses engagements, soit un rythme de 110 millions d’euros par an : avec 15 millions pour 2023, on en est loin ! Et l’Observatoire national de la politique de la ville, en panne et indigent, est loin d’être l’outil d’évaluation qu’il faudrait.

Au moment où les perspectives financières des collectivités s’assombrissent lourdement, où leur capacité à mener leurs indispensables investissements d’avenir est fragilisée, les programmes et dispositifs d’accompagnement apparaissent d’autant plus essentiels. Dans ce contexte tendu, l’ANCT ne peut se borner à accepter une stabilité de ses moyens. Au regard de ses missions, notamment pour le déploiement de nombreux programmes nationaux, pour l’accompagnement en ingénierie des élus en vue de les aider à concrétiser leurs propres projets, le budget de l’ANCT est manifestement insuffisant.

Enfin, les membres de mon groupe sont de ceux, nombreux ici, qui pensent que l’État doit renforcer sa part de prise en charge des maisons France Services, qui sont des palliatifs utiles au recul des services publics dans les territoires de la République. Je proposerai d’ailleurs un amendement dotant ces maisons d’une compétence et de moyens pour l’accompagnement et le conseil en mobilité. Avec l’avènement des zones à faibles émissions (ZFE) et la décarbonation accélérée des déplacements, voilà un service d’intérêt public qui s’impose !

Puisqu’il me faut conclure, vous aurez compris que le vote de mon groupe sur les crédits de cette mission sera complètement conditionné au sort qui sera fait aux nombreux amendements nécessaires visant à contrer les basculements dans la précarité et lever les obstacles aux dynamiques de nos territoires en transition. (Mmes Raymonde Poncet Monge et Martine Filleul applaudissent.)

Mme le président. La parole est à Mme Nadège Havet.

Mme Nadège Havet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dotés de 60 milliards d’euros dans ce projet de loi de finances pour 2023, les ministères de la transition écologique, de la cohésion des territoires et de la transition énergétique voient leurs budgets atteindre un niveau inédit : des moyens d’ampleur face à des défis, nous le savons, colossaux.

La mission qui nous occupe ce matin tend à soutenir la cohésion entre les territoires, en accompagnant les collectivités territoriales, dont les ressources sont confortées, et en maintenant notre mobilisation en faveur des territoires et des personnes les plus fragiles. Les crédits dédiés sont en hausse de 3,7 % en autorisations d’engagement et de 3,9 % en crédits de paiement par rapport à 2022.

Je veux revenir, tout d’abord, sur les crédits affectés à l’hébergement et au logement, au travers des programmes 109, 135 et 177, dotés à eux seuls de près de 17 milliards d’euros.

Il convient de noter la progression sensible des moyens alloués à l’Agence nationale de l’habitat, qui ont plus que doublé, afin de couvrir la création de 25 postes supplémentaires, d’accompagner le déploiement du réseau France Rénov’ et de préparer l’adaptation des logements au vieillissement de la population avec le déploiement de MaPrimeAdapt’.

Le budget consacré aux aides personnalisées au logement augmente, quant à lui, de près de 300 millions d’euros pour accompagner les décisions que nous avons prises cet été, avec la revalorisation des APL, de l’ordre de 3,5 %, pour lutter contre l’inflation. Il se situe à 13,3 milliards d’euros.

Le programme 177, qui représente 2,8 milliards d’euros, est destiné à l’accès au logement pour les personnes sans abri ou mal logées. Les capacités d’accueil du parc d’hébergement généraliste financé par l’État seront renforcées pour atteindre 197 000 places d’hébergement l’année prochaine, grâce à une enveloppe supplémentaire de 40 millions d’euros.

Est aussi prévu le financement de la revalorisation des métiers du secteur accueil-hébergement-insertion (AHI).

En matière de politique de la ville, au travers du programme 147, l’engagement financier du Gouvernement se poursuit, là encore avec une hausse de 7 % des crédits. Celle-ci est supérieure à l’inflation anticipée, et en augmentation constante depuis cinq ans.

Les objectifs sont les suivants : poursuivre le financement du dispositif Quartiers d’été, qui rencontre un grand succès dans nos communes ; accompagner la montée en puissance de l’Établissement pour l’insertion dans l’emploi (Epide) ; financer des postes d’adultes-relais supplémentaires, qui permettront à des personnes sans emploi ou bénéficiant d’un contrat d’accompagnement dans l’emploi (CAE) d’assurer des missions de médiation sociale et culturelle de proximité ; et assurer la continuité de plusieurs politiques lancées il y a quelques années – je pense tout particulièrement aux 200 cités éducatives qui sont pérennisées jusqu’en 2027 : cela donnera de la visibilité aux nouveaux cadres locaux de coordination, qui doivent permettre de mieux accompagner les jeunes dans leur parcours éducatif, de leur naissance jusqu’à leur insertion professionnelle.

Le programme 112 a, quant à lui, pour objet l’impulsion et la coordination de la politique d’aménagement des territoires, pour assurer l’égal accès des citoyens à un socle de services fondamentaux.

Je ferai ici référence à cinq actions principales : l’accompagnement des maisons France Services, dont il existe désormais une trentaine, labellisées, dans le Finistère et plus de 2 000 sur le territoire national ; la déclinaison de l’agenda rural via notamment le programme Petites Villes de demain ; le programme Territoires d’industrie ; les contrats de plan État-région ; ou encore le plan Action cœur de ville, dont le second volet vient d’être annoncé – le dispositif gouvernemental restera le même, avec un axe environnemental fort et une enveloppe de 5 milliards d’euros sur quatre ans, au lieu de six.

De son côté, l’ANCT voit sa subvention pour charges de service public stabilisée.

Au travers du programme 162, il s’agit de mettre à disposition des acteurs locaux de l’État une enveloppe budgétaire unique « fongibilisée », en provenance de programmes multiples.

Plusieurs d’entre eux sont, là aussi, consacrés à des problématiques environnementales territoriales : la continuité du financement de l’action Eau-Agriculture en Bretagne, qui vise à réduire le développement des algues vertes ; ou encore, la création d’une nouvelle action afin de lutter contre la prolifération des algues sargasses aux Antilles – quatorze communes sont concernées en Guadeloupe, et neuf en Martinique.

Globalement, on constate donc une continuité bienvenue des politiques publiques en la matière, celles mises en place depuis 2017 avec, une nouvelle fois, une dimension environnementale prépondérante.

Notre groupe se prononcera en faveur de ces crédits.

Mme le président. La parole est à M. Denis Bouad. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Denis Bouad. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans son discours de politique générale, Mme la Première ministre rappelait que « pour la plupart des Français, le logement est la première dépense ». Malheureusement, malgré cette réalité, les politiques du logement n’ont pas fait partie des grandes priorités de la précédente législature… Le montant de 1,4 milliard d’euros qui est prélevé chaque année sur les offices publics de l’habitat (OPH), via la réduction de loyer de solidarité, en est la plus criante illustration.

Dès 2018, les bailleurs sociaux ont alerté sur les conséquences de cette disposition. Une clause de revoyure avait alors été décidée.

J’entends ceux qui disent que, malgré les secousses, la situation financière des organismes HLM est aujourd’hui stabilisée. J’entends parfois les mêmes discours au sujet des finances des collectivités locales…

Alors oui, les bailleurs sociaux, comme les collectivités, sont des gestionnaires responsables – mais à quel prix ?

La construction de logements sociaux a diminué de 36 % en quelques années ! Ce constat doit nous inciter à sortir d’une approche comptable. La simple stabilisation financière des organismes HLM ne peut pas être un objectif suffisant à l’heure où plus de 2 millions de Français sont dans l’attente d’un logement social.

L’urgence de l’inflation ne doit pas nous empêcher d’agir durablement pour le pouvoir d’achat des Français au travers de politiques structurantes. Le logement pourrait être la première de ces politiques, et le logement social le premier de nos leviers !

Il faut le rappeler, sept personnes sur dix sont éligibles à un logement social, et y habiter permet de réaliser une économie de 227 euros par mois en moyenne. À l’heure où le marché de l’immobilier accentue les inégalités, mesurons la portée de ces chiffres !

Nous avons entendu l’annonce par Mme la Première ministre d’un pacte de confiance avec les acteurs du logement social. Dans ce cadre, une remise à plat de la RLS serait un bon premier pas pour dessiner les contours de cette confiance.

Le fait de reconnaître le logement social comme « politique de première nécessité vis-à-vis de la Nation » en soumettant l’ensemble des investissements des organismes HLM à une TVA au taux réduit de 5,5 % serait également un bon signal. Aussi, je regrette que les amendements que nous avons déposés en ce sens n’aient pas été retenus dans le projet de loi de finances.

Par ailleurs, la flambée des prix de l’énergie exige des réponses urgentes et ciblées, comme une application sans faille du bouclier tarifaire. Elle met également en lumière la nécessité d’accélérer la rénovation énergétique des logements en priorisant les ménages précaires par la mise en place d’un prêt à taux zéro (PTZ).

Il nous faut favoriser des travaux plus ambitieux pour que l’on perçoive, enfin, les signes concrets d’une transition énergétique encore trop inefficace et inégalitaire. Nous y reviendrons au cours du débat.

S’agissant du nouveau plan Logement d’abord, quelles seront les orientations et, surtout, quels seront les moyens pour renforcer l’accompagnement social encore trop insuffisant pour les plus précaires ?

A contrario, certains de nos amendements ont été retenus et certaines mesures vont dans le bon sens.

Je pense au dispositif MaPrimeAdapt’, qui favorisera l’adaptation des logements au vieillissement de la population. Il s’agit là d’un véritable défi pour notre société et nous devons nous donner les moyens de le relever. Nous sommes donc heureux que l’amendement que nous avons proposé afin d’encourager la cohabitation intergénérationnelle ait été retenu.

Nous sommes également satisfaits de l’adoption de notre amendement visant à prolonger le PTZ jusqu’en 2026. C’est un sujet important, car l’obtention de crédits immobiliers est de plus en plus contrainte pour les ménages modestes.

Dans la même optique, nous voterons l’amendement déposé par Mme la rapporteure Viviane Artigalas, relatif à l’APL accession, car cette aide a un véritable effet déclencheur pour de nombreux ménages.

Malgré quelques avancées positives, ce projet de budget du logement ne se démarque pas des politiques menées lors du précédent quinquennat. Si cela peut s’expliquer, compte tenu du calendrier, nous espérons vivement que le prochain budget sera celui de la rupture !

De nombreux signaux d’alerte sont aujourd’hui au rouge pour ce qui concerne le logement des Français : les parcours résidentiels tels qu’on les connaissait il y a trente ans n’existent plus ; la part des ménages propriétaires de leur résidence principale ne progresse plus ; la tension entre l’offre et la demande ne cesse de se renforcer ; le nombre de résidences secondaires et de logements occasionnels augmente plus vite que l’ensemble du parc ; enfin, la disponibilité du foncier et son prix sont de plus en plus contraints, y compris dans nos territoires ruraux.

Monsieur le ministre, face à ce constat, le président Patrick Kanner vous a appelé, au nom des sénateurs socialistes, à faire du logement la grande cause nationale de ce quinquennat.

Nous ne pouvons pas nous satisfaire des dispositions qui sont prises dans le projet de loi de finances pour 2023, mais nous espérons toujours que cet appel soit entendu et que, dans le prochain projet de loi de finances et les suivants, le logement devienne enfin cette grande cause nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Marie-Claude Varaillas applaudit également.)