M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. J’avais pris date cet été, lors de l’examen du PLFR pour 2022, avec un amendement d’appel, défendu avec nombre de collègues, destiné à créer le débat et à répondre enfin au renouveau ferroviaire. Aujourd’hui, je défends cet amendement de la commission, qui vise à allouer 150 millions d’euros à la régénération du réseau ferroviaire.

Le nouveau contrat de performance entre SNCF Réseau et l’État prévoit de maintenir un effort de régénération annuel du réseau de l’ordre de 2,9 milliards d’euros. Pourtant, tous les acteurs du secteur – nous l’avons répété les uns et les autres – s’accordent pour considérer que ce montant n’est pas à la hauteur des enjeux.

Dans ce contexte, il est indispensable d’augmenter les moyens consacrés à l’entretien et à la régénération du réseau. Vous l’avez partiellement fait dans ce PLF, monsieur le ministre, mais il est indispensable d’aller un peu plus loin.

Tel est l’objet du présent amendement qui, compte tenu des contraintes pesant sur les finances publiques, vise à allouer 150 millions d’euros supplémentaires à la régénération du réseau ferroviaire.

Comme on dit, c’est loin de faire la maille, mais cela enclenche un cycle d’investissement plus vertueux et plus ambitieux !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l’amendement n° II-1260 et pour donner l’avis de la commission sur les autres amendements en discussion.

M. Hervé Maurey, rapporteur spécial. Je ne m’étendrai pas sur la défense de l’amendement n° II-1260, car il est identique à celui de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable – je m’en réjouis, d’ailleurs, car nous nous opposons souvent entre commissions, en particulier, lors de l’examen du budget, entre la commission des finances et les autres.

S’agissant des autres amendements en discussion, vous devinez, mes chers collègues, quel sera l’avis de la commission !

Ces sept amendements en discussion visent tous à donner davantage de moyens au secteur ferroviaire, l’amendement n° II-1031 ayant la spécificité de cibler plus précisément les petites lignes.

Vous savez, chers collègues, ce que nous avons proposé, Stéphane Sautarel et moi-même, dans notre rapport réalisé au nom de la commission des affaires économiques. Nous sommes tous conscients de la nécessité de faire un effort colossal sur le ferroviaire, dont l’état est plus que préoccupant.

Pour autant, les montants proposés par les auteurs de certains amendements, à hauteur de 3 milliards d’euros ou de 3,5 milliards d’euros, nous semblent quelque peu excessifs à ce stade de la discussion budgétaire. Qui plus est, je pense que, dans le cas où nous les voterions, la SNCF ne serait pas en mesure d’engager ces crédits sur l’exercice 2023.

Ainsi, quand bien même nous pourrions mettre ces crédits sur la table, nous constaterions, à la fin de l’exercice 2023, qu’ils n’ont pas été engagés, comme nous avons pu le faire pour les dépenses de l’Afit France.

J’invite donc tous mes collègues à retirer leurs amendements au profit des amendements identiques des deux commissions ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Clément Beaune, ministre délégué. Ces amendements sont importants ; ils sont, selon les mots de M. Fernique, un appel à une ambition ferroviaire que nous partageons très largement, au Gouvernement comme sur l’ensemble de vos travées, mesdames, messieurs les sénateurs. Et il n’est pas contradictoire de porter une ambition en fixant un cap politique, comme l’a fait par exemple le Président de la République au sujet des RER métropolitains, et de construire notre budget de manière méthodique.

Je rappellerai quelques éléments.

Dans ce budget et par des efforts financiers connexes, ou complémentaires – je pense au budget de l’Afit France, qui va être adopté dans quelques jours, aux taxes affectées à la Société du Grand Paris ou aux contrats de performance de SNCF Réseau avec l’État –, nous disposons de divers outils, qui, au total, comme l’a rappelé Christophe Béchu, permettent d’investir plus de 6 milliards d’euros d’efforts d’État en 2023 dans les différents éléments du ferroviaire – le réseau, les petites lignes, le fret…

Quelque 85 % des crédits du programme 203, « Infrastructures et services de transports », sont consacrés au total au ferroviaire. L’ambition est donc très claire.

Bien entendu, il y a des choses que nous devrons faire mieux, plus et plus vite. Nous attendons, d’ici à la fin de l’année, la remise du rapport du conseil d’orientation des infrastructures, à l’élaboration duquel sont associés plusieurs membres du Sénat comme de l’Assemblée nationale, toutes sensibilités politiques confondues – c’est important.

Ce rapport nous permettra de construire une programmation d’investissement sur plusieurs années. Je n’en connais pas encore les modalités, mais il faudra à l’évidence passer par un débat parlementaire sur cette question. Nous aurons alors l’occasion de préciser et compléter notre effort budgétaire national sur certaines priorités, dont le réseau ferroviaire, au-delà de l’année 2023. Je n’ai aucun doute sur cet élément.

Je préciserai quelques points, en partant de l’amendement visant la hausse de crédits la plus élevée et en poursuivant par les autres, qui sont rédigés dans le même esprit, avec plus ou moins de modération.

S’agissant du réseau, j’entends beaucoup de critiques sur le contrat de performance de 2,9 milliards d’euros par an. Je tiens tout de même à le défendre, car il embrasse un horizon décennal. Or nous avons besoin de visibilité et d’engagement dans la durée pour notre réseau ferroviaire.

Ainsi, ce contrat de performance augmente les crédits par rapport aux années précédentes. Je rappelle en effet que nous avons commencé la décennie 2020 à moins de 2 milliards d’euros d’investissements par an dans notre réseau ferroviaire ; nous sommes actuellement un peu au-delà de 2,5 milliards d’euros par an et nous atteindrons grâce au contrat de performance 2,9 milliards d’euros par an au cours des dix prochaines années. Il s’agit donc d’un vrai réengagement et d’un vrai réinvestissement dans notre réseau ferroviaire.

Doit-on aller plus loin ? Je le crois profondément – j’ai d’ailleurs eu l’occasion de le dire publiquement devant le Sénat. Nous savons d’ores et déjà qu’il nous faudra renforcer cette ambition. Nous débattrons à l’occasion de la remise du rapport du COI de la trajectoire à adopter concernant le rythme et les moyens par lesquels nous renforcerons encore notre effort d’investissement dans le réseau.

J’en ai fait une priorité. Vous n’êtes pas obligés de me croire sur parole, mais sans doute me croirez-vous au travers des chiffres. Nous mènerons ces débats et ces combats de manière œcuménique, si vous me permettez l’expression, dans les mois qui viennent.

Puisque j’ai évoqué le budget de l’Afit France – vous connaissez la subtilité des budgets des transports, ils sont un peu éparpillés –, j’indique par ailleurs que nous avons d’ores et déjà obtenu, Christophe Béchu et moi-même, en guise de signal ou d’appel, quelque 100 millions d’euros supplémentaires destinés à la régénération, en 2023, du réseau ferroviaire, par rapport à ce qui était prévu dans le contrat de performance et dans la trajectoire fixée par la loi d’orientation des mobilités.

Il s’agit d’une préfiguration de l’orientation que nous esquissons aujourd’hui. Je vous livre cette information, car elle n’apparaît pas directement dans le PLF, et alors que le budget de l’Afit France sera soumis au vote du Sénat dans quelques jours.

Quoi qu’il en soit, il faudra en effet aller plus loin et, surtout, tenir cet effort pour le réseau ferroviaire dans la durée.

En ce qui concerne le fret, une stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire a été définie il y a un peu plus d’un an. Elle prévoit des moyens importants : 1 milliard d’euros au total.

Par ailleurs, en mettant bout à bout les aides aux wagons isolés et d’autres types d’aides, quelque 170 millions d’euros par an sont prévus jusqu’en 2024. J’ai indiqué devant la profession et les organisations du fret ferroviaire, il y a quelques jours, que nous prolongerions ces aides jusqu’en 2027, afin que le plan porte ses fruits.

Au reste, de premiers résultats sont déjà obtenus, la part modale du fret étant en augmentation. Il est essentiel de maintenir cet effort dans la durée.

S’agissant des petites lignes, le Gouvernement précédent, sous l’autorité personnelle de Jean Castex, très attaché à ce réengagement de l’État, a permis d’amplifier le plan. L’objectif est de couvrir 9 000 kilomètres de petites lignes : les préserver, mieux les entretenir, parfois même les rouvrir.

Cela se traduit par des protocoles d’accords entre l’État et les régions. Huit protocoles ont déjà été signés, et j’encourage les régions qui ne l’ont pas encore fait à rejoindre cette démarche. Nous y sommes ouverts et nous prévoirons les financements nécessaires, avec toutes celles qui s’engagent dans cette démarche dans le cadre des prochains CPER et de leur volet mobilité.

D’ores et déjà, sur l’ambition de 9 000 kilomètres, plus de 6 000 kilomètres de lignes font l’objet de ces protocoles. En 2022, quelque 200 millions d’euros sont ainsi déployés par l’État, sans compter les financements régionaux pour les petites lignes. L’effort se poursuivra dans les années qui viennent, conformément aux protocoles qui ont été signés. Je crois, là aussi, que c’est une ambition importante.

En ce qui concerne les trains de nuits, nous aurons à prendre une décision en 2023 sur les commandes de matériel roulant supplémentaire, afin de calibrer l’effort budgétaire et le calendrier industriel.

J’y insiste, nos efforts en direction de ces grands sujets que sont le réseau ferroviaire et les RER métropolitains doivent continuer de croître. Des cofinancements entre l’État, les régions, d’autres collectivités et l’Union européenne devront être prévus.

Nombre de ces sujets, notamment la question du réseau, seront débattus lors de la remise du rapport du COI. De même, nous aurons le rendez-vous des CPER au cours du premier semestre de 2023, comme je m’y suis engagé sous l’autorité de Mme la Première ministre.

Ainsi, d’autres rendez-vous nous attendent, mais je ne dis pas cela pour minimiser l’importance de ce budget pour 2023, qui porte déjà une réelle ambition que nous devrons renforcer. Surtout – j’y insiste de nouveau, car c’est souvent ce qui pèche dans le secteur des infrastructures de transport –, nous devrons veiller à le consolider et à le maintenir dans la durée.

En effet, s’il est utile de réinvestir pendant une ou deux années dans notre réseau, il est désormais indispensable de maintenir l’effort sur cinq ou dix ans en continu. Voilà ce sur quoi je veux m’engager avec vous dans les prochains mois.

Le Gouvernement sollicite donc le retrait de ces amendements ; à défaut, il émettrait un avis défavorable.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. C’est dommage !

M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour explication de vote.

M. Hervé Gillé. Je tiens tout de même à réagir à la déclaration de M. le ministre.

Tout d’abord, en ce qui concerne l’inscription budgétaire dans le PLF pour 2023, vous affichez une somme, monsieur le ministre, mais les fléchages sont invisibles. C’est tout le problème à l’heure actuelle.

Ensuite, vous ne vous positionnez pas politiquement sur une future loi de programmation qui nous permettrait de connaître clairement les priorités affichées et les objectifs annuels – nous ne les connaissons pas !

Vous citez le COI, mais à quoi cela nous renvoie-t-il ? Pas au PLF pour 2023, en tout cas… À une future loi de finances rectificative ? Est-ce un rendez-vous financier que vous nous donnez, puisque nous n’avons pas encore les éléments du COI ?

Nous sommes donc dans un flou total. L’absence de prospective est criante sur ces sujets, d’où les différentes interventions de nos collègues, afin d’afficher des montants à la hauteur de nos ambitions.

Vous courez plusieurs lièvres à la fois : aucune priorité n’est dégagée. Vous nous laissez penser que l’on pourra tout faire, tout financer – c’est ce que nous entendons. Voilà le fond du problème, monsieur le ministre, qui justifie l’intervention de l’ensemble de nos collègues sur le sujet.

Aussi, nous retirons les amendements nos II-1029 rectifié et II-1030, mais nous maintenons l’amendement n° II-1031, monsieur le président.

M. le président. Les amendements nos II-1029 rectifié et II-1030 sont retirés.

La parole est à M. Gérard Lahellec, pour explication de vote.

M. Gérard Lahellec. Nous nous proposons de voter les abondements souhaités par les rapporteurs et allons donc retirer notre amendement visant à dégager 3 milliards d’euros. Cela signifie non pas un renoncement, mais, au contraire, une exigence démocratique et un objectif que nous entendons bien nous fixer.

Je retire donc l’amendement n° II-1071, au profit des amendements identiques des commissions, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° II-1071 est retiré.

La parole est à M. Jacques Fernique, pour explication de vote.

M. Jacques Fernique. J’ai en mémoire une audition que nous avions menée au sein de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable : nous avions entendu le président de SNCF Réseau et l’avions interrogé sur le volume de travaux sur le réseau qu’il estimait être capable de réaliser au cours d’une année. Il me semble qu’il nous avait répondu que c’était 300 millions d’euros – Philippe Tabarot me corrigera si je me trompe.

En ajoutant aux 150 millions d’euros supplémentaires que vous envisagez, monsieur le ministre, les 150 millions d’euros prévus par les commissions dans leurs amendements identiques, nous arrivons bien à ces 300 millions d’euros. Je me rabats sur cette proposition des commissions – qui ne peut obtenir le plus peut au moins espérer un petit mieux ! –, et je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° II-1119 rectifié bis est retiré.

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le ministre, vous ne pouvez démultiplier les déclarations et les communications sur « la colonne vertébrale du ferroviaire » sans ajouter les moyens nécessaires.

Vous avez fait un exposé très clair, mais je ne comprends pas pourquoi vous ne soutenez pas cet amendement. Cela révèle, encore une fois, l’inadéquation entre les annonces politiques et l’action. Pour notre part, nous respectons notre engagement de donner l’élan nécessaire au ferroviaire et d’engager une planification crédible et réaliste.

Chers collègues situés à la droite ou à l’extrême droite de l’hémicycle – par rapport à l’endroit où je me situe, bien sûr (Mme Laure Darcos rit.) –, je salue votre ambition, mais je crains que, à ce niveau, elle ne desserve la cause ferroviaire que nous avons en partage. Je pense notamment à la possibilité d’ordre administrative de consommer les crédits, que ce soit pour SNCF Réseau ou pour l’Afit France.

Je note avec bonheur le soutien sans faille du rapporteur général, des rapporteurs spéciaux, de mes collègues Maurey et Sautarel…

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Il n’oublie personne !

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. C’est un effort collectif !

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. … qui nous ont emboîté le pas pour être en cohérence avec leur excellent rapport de février dernier.

Enfin, j’appelle de mes vœux une véritable loi de programmation ambitieuse, pluriannuelle et novatrice pour le transport. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Je n’interviendrai pas souvent sur la question du ferroviaire, mais je tiens tout de même à prendre la parole pour abonder dans le sens des rapporteurs.

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt le rapport très dense, qui a demandé beaucoup de travail, de mes deux collègues de la commission des finances, Hervé Maurey et Stéphane Sautarel. Nous souhaitons qu’une suite soit donnée aux différentes recommandations qui y sont formulées.

Je salue également le travail des trois rapporteurs de la commission de l’aménagement du territoire, Philippe Tabarot, Évelyne Perrot et Hervé Gillé, qui ont produit un document particulièrement intéressant.

J’aurais volontiers cosigné les amendements visant les montants les plus élevés, par exemple 3 milliards d’euros, étant fils de cheminot et passionné du ferroviaire. Plus que le TGV, je soutiens le fret capillaire et les petites lignes en particulier. Celles-ci sont une part intégrante de l’aménagement du territoire.

Il est essentiel que des investissements soient portés par l’État, en partenariat avec l’ensemble des collectivités territoriales – les régions, les départements, les intercommunalités, notamment –, en matière d’infrastructures, pour sauver des lignes.

Nous savons qu’il reste beaucoup à faire. Mais je soutiendrai les amendements identiques des deux commissions, à l’ambition plus modeste quant au montant proposé.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.

M. Jean-François Longeot. Je soutiendrai les deux amendements identiques nos II-334 et II-1260, émanant, l’un, de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, l’autre, de la commission des finances, et cela pour plusieurs raisons.

La première a été exposée par M. le rapporteur spécial Hervé Maurey, car il existe une véritable coordination entre la commission des finances et celle de l’aménagement du territoire : on aura beau multiplier les crédits par dix, trente ou quarante, si nous n’avons pas ensuite les moyens de réaliser les travaux, on se sera juste fait plaisir !

Ces deux amendements identiques sont donc des amendements de bon sens. Ils sont la preuve que nous voulons absolument travailler à la restauration et à la rénovation des réseaux, mais avec des moyens qui restent légitimes.

Nous aurions bien aimé avoir des crédits supplémentaires, mais nous avons préféré nous en tenir aux crédits susceptibles de nous être accordés ; c’est ce bon sens et c’est une preuve de respect de l’argent public. Ils nous permettront d’améliorer et de restaurer les réseaux qui sont dégradés.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter ces deux amendements identiques.

M. le président. La parole est à Mme Martine Filleul, pour explication de vote.

Mme Martine Filleul. Je retire l’amendement n° II-1031, monsieur le président, au profit des deux amendements identiques.

M. le président. L’amendement n° II-1031 est retiré.

La parole est à M. le ministre.

M. Clément Beaune, ministre délégué. Permettez-moi d’essayer de mettre en cohérence les différents éléments que vous avez rappelés.

On le souligne à juste titre, tout n’est pas contenu dans le PLF pour 2023, notamment parce qu’il existe des supports budgétaires assez différents – on peut le regretter – dans l’organisation du financement de notre politique de transport. Je pense aux taxes affectées au Grand Paris, au budget annexe en matière d’aviation civile, à l’Agence de financement des infrastructures de transport (Afit France). Il est donc parfois difficile d’appréhender l’ensemble de l’effort fourni.

Vous nous dites : on veut que les priorités soient définies et on veut une programmation. Mais c’est exactement ce que vous propose le Gouvernement au travers de ce PLF ! Si l’on y ajoute les éléments relatifs à l’Afit, les priorités sont très claires. Monsieur le sénateur, vous regrettez de ne pas apercevoir les axes prioritaires : convenez avec moi que désigner des priorités ne veut pas dire non plus qu’il y a peu de choses à faire !

Je prendrai un seul exemple : les priorités pour nous sont le réseau et le ferroviaire, notamment les transports du quotidien. Pour autant, cela ne signifie pas que le fret n’est pas important ou – pour faire référence à trois amendements votés par le Sénat il y a quelques jours, et je m’en réjouis – qu’il ne faut plus financer des lignes à grande vitesse.

Les amendements défendus et votés pour financer par taxes affectées locales Grand Paris Seine Ouest (GPSO) la ligne nouvelle Provence Côte d’Azur (LNPCA) et la ligne nouvelle Montpellier-Perpignan (LNMP) visent précisément à arrêter de diversifier les ressources affectées à la grande vitesse pour ne pas peser sur nos priorités en matière de fret ou de transport du quotidien. Nous ne mettons pas fin à notre soutien en faveur d’un certain nombre de projets stratégiques ; simplement, nous les finançons plus intelligemment et de manière concertée.

Nos priorités, je le répète, sont très clairement le réseau et le ferroviaire, en particulier les transports du quotidien. Mais cela ne veut pas dire que nous ne nous attacherons pas à d’autres objectifs.

Vous avez d’ailleurs à juste titre présenté vous-mêmes, dans vos amendements, plusieurs éléments et plusieurs thèmes pour 3 milliards d’euros. Il est très important d’avoir ce cadre et de le rappeler. Il me semble que cela transparaît dans le budget.

Quoi qu’il en soit, je suis convaincu, comme vous, que nous avons besoin de visibilité pluriannuelle. Nous avons déjà des outils ; je ne vais pas tous les citer, mais je pense notamment au contrat de performance sur le réseau qui vaut pour les dix ans à venir – on ne peut pas dire qu’il y a un manque de visibilité !

Nous avons par ailleurs un rendez-vous important auquel vous participez, à savoir le rapport du conseil d’orientation des infrastructures. Sur cette base, je le redis, nous aurons à définir, avec Christophe Béchu et sous l’autorité de la Première ministre, la forme exacte que prendra notre feuille de route, mais nous souhaitons qu’il y ait une visibilité pluriannuelle, un débat et une programmation pluriannuelle.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-334 et II-1260.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. L’amendement n° II-1091 rectifié ter, présenté par MM. Jacquin, Gillé et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Devinaz, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte et Kanner, Mme Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Infrastructures et services de transports

1 000 000 000

 

1 000 000 000 

 

Affaires maritimes, pêche et aquaculture

 

 

 

 

Paysages, eau et biodiversité

 

 

 

 

Expertise, information géographique et météorologie

 

 

 

 

Prévention des risques

dont titre 2

 

 

 

 

Énergie, climat et après-mines

 

 

 

 

Service public de l’énergie

 

1 000 000 000 

 

1 000 000 000

Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables

dont titre 2

 

 

 

 

Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l’État (crédits évaluatifs)

 

 

 

 

Fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires

 

 

1 000 000 000

TOTAL

1 000 000 000

1 000 000 000

1 000 000 000

1 000 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Hervé Gillé.

M. Hervé Gillé. Le Président de la République a affirmé qu’il comptait développer les RER métropolitains. Pour tout dire, cette déclaration a quelque peu bousculé certains présidents de métropole, qui ont eu l’impression que M. Macron courait derrière la victoire, puisque ces investissements avaient déjà été décidés…

Qu’il y ait des investissements et un engagement de l’État plus important que celui qui est envisagé aujourd’hui, ce serait une bonne nouvelle, mais cela reste à voir. Le président de Bordeaux Métropole, Alain Anziani, a d’ailleurs réagi en ce sens.

Nous prenons acte de cet élan nouveau, mais nous interrogeons le Gouvernement : de quelle manière pouvons-nous satisfaire l’ensemble de ces nouvelles ambitions ferroviaires ?

Lors de l’examen d’un précédent amendement, que nous avons d’ailleurs retiré, nous avons rappelé que des milliards d’euros ajoutés à l’Assemblée nationale avaient été supprimés. Il nous semble donc nécessaire de prévoir 1 milliard d’euros supplémentaires pour financer ces RER métropolitains, qui sont estimés à environ 13 milliards d’euros sur quinze ans.

Pour le coup, cela nous donnerait une bonne clé de lecture de la volonté du Gouvernement et du Président de la République d’accompagner ces projets.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Maurey, rapporteur spécial. Pour le Gouvernement, c’est un « amendement au pied du mur » ou un « amendement “chiche !” ». (Sourires.)

Nous avons effectivement tous été étonnés de cette annonce du Président de la République. Nous nous y attendions d’autant moins que, en général, les pouvoirs publics nous demandent d’attendre la fin des travaux du COI avant de nous prononcer pour les années qui viennent.

Au travers de cet amendement, il s’agit de demander au Gouvernement de s’engager résolument sur les annonces faites par le Président de la République. Compte tenu de cette situation un peu particulière, la commission des finances s’en remettra à l’avis du Gouvernement.

Mme Sophie Primas. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Clément Beaune, ministre délégué. Je vous remercie de cette confiance, monsieur le rapporteur spécial ! (Sourires.)

Comme l’a souligné il y a un instant Jean-François Longeot, il convient de procéder avec méthode et pragmatisme en matière de consommation des crédits, pour traduire une ambition politique qui n’est pas nouvelle, ainsi que l’a rappelé Jacques Fernique. Un certain nombre de projets sont déjà bien avancés, à tel point que le RER métropolitain de Strasbourg verra le début de son fonctionnement le 11 décembre prochain. D’autres projets à l’étude ont fait l’objet d’un rapport public de SNCF Réseau en octobre 2020.

Par ailleurs, pour formuler une remarque d’ordre plus politique, le Président de la République avait déjà évoqué l’ambition des RER métropolitains durant la dernière campagne présidentielle. Avec Christophe Béchu, je me félicite des annonces qui viennent d’être faites en ce sens. Bref, cette idée des RER métropolitains n’est pas née de nulle part et s’appuie sur des travaux préalables.

Nous devrons définir, dans le cadre du rapport du COI, mais aussi en y travaillant dans les prochains mois, quels seront les priorités, les tracés et les financements.

Nous devrons également déterminer quelles seront les collectivités concernées. Il conviendra probablement d’étendre notre boîte à outils, pour traduire encore mieux et encore plus rapidement cette ambition.

Je pense, par exemple, à la création de sociétés de projet, comme cela se fait pour les lignes à grande vitesse. Si le Parlement en était d’accord, cela pourrait être une piste pour les collectivités, car il faudra certainement voter une disposition législative afin de faciliter le financement de certains projets locaux de RER métropolitains.

Nous avons encore du travail à accomplir pour donner forme à cette ambition politique. Pour faire écho une fois de plus aux propos de Jean-François Longeot, nous aurions beau voter immédiatement 1 milliard d’euros dans ce budget, cela ne ferait pas avancer plus vite les RER métropolitains, car ces crédits ne seraient pas consommés.

Je comprends votre message, monsieur le sénateur. Je comprends l’orientation que vous souhaitez donner à ces projets, mais, puisqu’il s’agit d’euros sonnants et trébuchants et de lever un gage, je vous le dis tout net : ce milliard d’euros ne serait pas utilisé immédiatement.

Procédons donc dans l’ordre, si vous en êtes d’accord. Attendons le rapport du COI, conduisons nos propres travaux, procédons à la programmation – parmi les grandes priorités assumées – des RER métropolitains et mettons en place des outils de financement quelque peu nouveaux, qui ne seront pas uniquement budgétaires, car, à défaut, ce ne serait soutenable ni pour les collectivités ni pour l’État.

En tout état de cause, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.