M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Je pense que l’on a compris quel sort allait être réservé à cet article.

En revanche, monsieur le ministre, nous ne comprenons pas pourquoi l’article 1er bis, qui a été voté par l’Assemblée nationale, demeure dans le projet de loi présenté au Sénat, alors que l’article 2, qui a été rejeté par celle-ci, y est réintroduit. Si vous aviez une marge de manœuvre, pourquoi en avoir usé pour l’un et pas pour l’autre ?

On a soulevé la question du régime à points et du système universel.

Notre système de retraite est de moins en moins adapté à des carrières hachées entre plusieurs régimes différents, et la situation sera encore plus compliquée après la réforme, compte tenu des nouvelles exigences en termes de durée de cotisation et d’âge.

Je vous pose la question, monsieur le ministre : êtes-vous prêt, oui ou non, à ouvrir des négociations avec les partenaires sociaux pour les personnes qui ont des carrières dans plusieurs régimes et qui sont aujourd’hui particulièrement pénalisées par le calcul du revenu annuel moyen sur les vingt-cinq meilleures années ? Le système actuel bloque le passage d’un régime à l’autre et le calcul des retraites pour les personnes qui ont une carrière internationale.

Êtes-vous prêt à bouger sur ce point ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Boyer. Je présume que l’ensemble des membres de notre assemblée ont une culture politique très affirmée.

« Allongement de la durée de cotisation… Sans réforme, le système de retraite va droit dans le mur… Il faut demander aux Français de travailler plus longtemps et allonger la durée de cotisation… » Savez-vous qui a tenu ces propos ? (Marques dimpatience sur les travées du groupe SER.)

M. Patrick Kanner. Venez-en au fait !

M. René-Paul Savary, rapporteur. C’est Marisol Touraine !

M. Jean-Marc Boyer. Ils sont de Mme Touraine, lorsqu’elle a défendu sa loi, en 2013. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Voilà dix ans que Mme Touraine a tenu ces propos. À l’époque, vous deviez les trouver justes et responsables…

M. Jean-Marc Boyer. De fait, il n’y a pas eu de mouvement particulier…

Aujourd’hui, à entendre toutes les remarques que vous nous rabâchez depuis deux jours, votre démarche est très politicienne et très démagogue. Il faut le dire !

La proposition qui nous est faite aujourd’hui consiste à accélérer la mise en place de la réforme Touraine, d’ici à 2027 plutôt qu’à 2035. De fait, si l’on veut que, demain, nos enfants et petits-enfants puissent bénéficier d’un système de retraite, alors qu’il y aura certainement plus de retraités que d’actifs, il faut prendre des décisions.

Je veux aussi dire qu’il n’y a pas, dans cette assemblée, de méchants sénateurs qui méprisent les Français – contrairement à ce que j’ai entendu ce matin – et de bons sénateurs vertueux qui auraient le monopole du cœur, pour reprendre une citation d’un célèbre homme politique auvergnat.

Ne nous empêchons pas de réfléchir. Gouverner, c’est prévoir ! C’est anticiper ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour explication de vote.

M. Yan Chantrel. Je tombe à pic après cette belle intervention !

Vous présentez cette réforme comme étant celle qui va sauver notre régime de retraite. Or, logiquement, si elle sauve le régime de retraite, il n’y en aura pas besoin d’autre – sinon, cela signifie qu’elle ne le sauve pas vraiment… C’est un peu inquiétant !

Si l’on regarde votre stratégie, vous n’utilisez toujours qu’un seul paramètre, de manière assez idéologique : le recul permanent du futur âge légal de départ à la retraite. Pour le moment, celui-ci serait de 64 ans, mais, dans deux ans, vous nous proposerez 66 ans, puis 68, voire 70 ans !

En outre, vous ne souhaitez agir que sur le paramètre le plus injuste, alors qu’il y en a plein d’autres. Voilà deux jours qu’on vous les expose, mais vous ne voulez rien entendre !

Ce qui est d’autant plus inquiétant et renforce cette impression, c’est que vous prenez toujours pour modèles ceux qui ont le plus repoussé l’âge légal de départ à la retraite. Vous nous citez en exemple les pays qui l’ont reculé à 67 ans, mais avez-vous regardé le taux de pauvreté chez les retraités dans ces pays ? Non !

Dans notre propre pays, le recul de 60 à 62 ans de l’âge de départ a augmenté le nombre d’allocataires du RSA parmi les personnes les plus âgées, ainsi que le nombre de chômeurs et de chômeuses.

La réforme que vous avez faite, monsieur Dussopt, va encore plus les précariser, parce que leur droit au chômage va être rogné. Est-ce cela, votre modèle ? Ce n’est pas celui que nous défendons ! C’est pourquoi nous vous demandons de nouveau de retirer cette réforme injuste et brutale. (Mme Frédérique Espagnac applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.

M. Jean-Luc Fichet. Monsieur le ministre, n’avez-vous pas le sentiment de souffler un peu trop sur les braises ?

Alors que les abolitions de régimes spéciaux que nous avons examinées hier ont mis la population en effervescence – elle n’était déjà pas particulièrement calme –, ce cavalier législatif est susceptible de faire doubler, voire tripler le nombre de manifestants qui se mobiliseront pour la journée du mardi 7 mars et joueront sans doute les prolongations les 9 et 10 mars.

Nous ne comprenons pas l’intérêt de cet article, dont vous connaissez maintenant la destination, ni votre obstination à le soutenir. Nous sommes dans une confusion totale sur ce que vous voulez véritablement pour les régimes de retraite, mais nous identifions de mieux en mieux la cible qui est la vôtre. Il est de plus en plus explicite que votre volonté, à terme, est d’aboutir à un régime de retraite par capitalisation.

Je vous le dis d’ores et déjà, nous sommes pour la retraite par répartition. Il n’est pas question de s’orienter vers la retraite par capitalisation.

Nous vous demandons donc instamment de retirer cet article et, plus avant, de retirer votre réforme, qui n’est pas aboutie, pas réfléchie, et nécessite encore beaucoup de travail. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Serge Mérillou, pour explication de vote.

M. Serge Mérillou. Le Gouvernement et les députés de La République En Marche tentent de faire revenir la réforme avortée de 2019 par une porte dérobée. Nous ne sommes pas dupes.

Le régime de retraite à points, dit « universel », a été massivement rejeté par les Français. Ils n’en veulent pas, tout comme ils ne veulent pas du projet antisocial que vous présentez aujourd’hui dans cet hémicycle.

Avec la présentation du texte que nous examinons, Mme la Première ministre a signé l’arrêt de mort définitif de la retraite à points. Pourquoi, dès lors, revenir à la charge avec cette demande de rapport ? Pourquoi nier l’opposition des Français à ce qui est un texte inique ?

Votre mépris à l’égard de nos concitoyens vous conduit jusqu’à envisager l’idée de leur imposer deux réformes qu’ils ne veulent pas.

Vous comptez, monsieur le ministre, sur la lassitude et le renoncement des Français, que l’inflation et la perte de pouvoir d’achat empêcheraient de se mobiliser. Les grèves et les manifestations historiques qui se répètent depuis le 19 janvier montrent pourtant le contraire.

Les Français n’oublient pas que vous avez refusé d’augmenter le Smic. Ils n’oublient pas que vous avez fragilisé l’assurance chômage. Ils savent que vous ne dites pas la vérité sur les retraites. (M. Xavier Iacovelli proteste.)

Monsieur le ministre, écoutez la grande majorité d’actifs qui vous demandent le retrait de ce texte ! Rester sourd à leur mobilisation démocratique serait nourrir des lendemains de colère et de ressentiment. Jusqu’à l’abandon de cette réforme, qui est rejetée, vous le savez, par toutes les organisations syndicales, ils ne se lasseront pas !

M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.

Mme Victoire Jasmin. L’ancien président de la commission des affaires sociales du Sénat, homme d’expertise dans ce domaine, a explicitement qualifié cet article de « cavalier social ».

Monsieur le ministre, la nostalgie vous accapare au point de qualifier à votre tour votre projet de « réforme de gauche », alors que, comme vous l’avez constaté, la gauche de cet hémicycle refuse ce texte avec énergie et arguments fondés et précis.

M. Olivier Dussopt, ministre. Et quelle gauche !

Mme Victoire Jasmin. Elle ne veut pas non plus de rapports, elle ne veut pas de cet article.

Écoutez les partenaires sociaux et, surtout, les Français que nous représentons ici. Écoutez ceux qui sont dans la rue et qui le seront encore le 7 mars prochain !

Surtout, je veux dire à ceux qui condamnent Mme Touraine qu’elle, au moins, n’a pas mis le pays à la rue en occultant les partenaires sociaux ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. Comme hier, je vais procéder à un rappel de l’histoire récente. Cette fois, c’est pour répondre à notre collègue Jean-Marc Boyer.

Au moment de la réforme Touraine, qui n’est pas si lointaine, on annonçait 30 milliards d’euros de déficit à courte échéance. Alors que François Hollande avait fixé la retraite anticipée à 60 ans quelques mois auparavant, la réforme Touraine a maintenu l’âge de départ à 62 ans – ce n’est pas nous qui l’avions fixé là !

D’aucuns me disent que cela ne sert à rien, puisqu’il faut cotiser 43 ans. Je répète que tout le monde ne fait pas d’études supérieures ! Il y a, dans ce pays, des gens qui commencent à travailler jeunes, et il y en aura toujours. Ces gens ont le droit de partir à la retraite à 60 ou 62 ans !

La réforme Touraine, ce n’était donc absolument pas la même chose.

J’assume ce que je suis, j’assume ce que j’ai pu soutenir par le passé, mais je ne veux pas laisser dire n’importe quoi. Or, en l’occurrence, vous avez dit n’importe quoi ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. Fabien Genet. Ce n’est pas vrai !

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Mes chers collègues, je viens de relire une nouvelle fois cet article 1er bis.

Ce qui est annoncé n’est pas très respectueux du Parlement, monsieur le ministre. Vous qui avez évoqué la sagesse du Sénat, je vous appelle à la sagesse. Retirez cet article !

On discute de l’opportunité de faire travailler les travailleurs et travailleuses deux années de plus, et on retient un article proposé par le député Marc Ferracci, rapporteur de la loi sur l’assurance chômage, qui a modulé les conditions de l’accès à l’indemnisation pour ceux qui n’ont pas de travail. Au-delà des retraites, la question est donc celle du travail, d’une nouvelle précarité, d’une nouvelle flexibilité, d’une nouvelle chasse à ceux qui sont privés d’emploi. Franchement, on ne va pas vous donner un an de plus pour cela !

C’est une question de respect, quelles que soient nos divergences.

La sagesse peut aussi être du côté du Gouvernement. Abstenez-vous de toute opération politicienne et retirez cet article, monsieur le ministre. Il n’y a pas de honte à le faire : il fait l’unanimité contre lui. Son retrait permettra de débattre dans de bonnes conditions. On ne débat pas avec un fusil dans le dos, en nous imposant la retraite à 64 ans et des annuités en plus, et en nous préparant, d’ici à l’année prochaine, une aggravation supplémentaire des conditions de la réforme.

Alors, retirez cet article, monsieur le ministre : ce serait à votre honneur et à celui de votre gouvernement. (Mme Émilienne Poumirol applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour explication de vote.

Mme Isabelle Briquet. Je soutiens les amendements de suppression de cet article, puisque le Gouvernement souhaite passer par un rapport pour annoncer sa vraie réforme : un système universel.

Après une première tentative, en 2019, et alors que nous sommes censés discuter d’une réforme de la retraite par répartition, le Gouvernement pose les jalons pour le coup d’après, sans aucune garantie de concertation, de négociation, de dialogue avec les partenaires sociaux. Bien curieuse méthode que de dire aux Français que la réforme dont nous discutons aujourd’hui et qui conduit les Français à crier leur opposition dans la rue n’est pas celle que l’on veut vraiment faire ! Il est vrai que le pire n’est jamais certain…

Si le sort de cet article semble heureusement scellé, vous pouvez faire mieux, monsieur le ministre, en retirant purement et simplement cette réforme injuste et inutile.

M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.

M. Claude Raynal. En ce début de dimanche après-midi, je voudrais faire un point pour essayer de comprendre où l’on en est.

M. Fabien Genet. L’article 40 !

M. Claude Raynal. Ne vous inquiétez pas, cher collègue : l’article 40, je m’en occupe ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)

M. Antoine Lefèvre. Ça ne nous avait pas échappé !

M. Claude Raynal. Cette réforme des retraites nous a été présentée, on s’en souvient, comme la « mère de toutes les réformes », dotée de toutes les qualités. Ce n’est pas rien ! Elle devait avoir pour objectif essentiel de rassurer nos jeunes sur le devenir de la retraite par répartition.

Après cette demi-journée, où en sommes-nous ? On nous fait deux propositions complètement contraires à cet esprit. Il a d’abord semblé que vous vouliez, demain, introduire de la capitalisation – je reprends vos mots, monsieur le ministre. Puis, à l’instant, il a plutôt été question de revenir au projet de retraite à points.

Dès lors, je vous pose la question : où en est-on de la mère des réformes ? Les deux projets sont totalement divergents. Au final, ce que vous appelez tous la mère de toutes les réformes n’est jamais que le plus petit dénominateur commun entre les forces de droite de notre hémicycle. (Applaudissements sur des travées du groupe SER. – Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Max Brisson. Nous demandons aussi la suppression de cet article !

M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.

M. Alain Milon. En écoutant l’ensemble de nos collègues, je me pose deux questions.

Je dois probablement être un peu naïf, mais je me demande pourquoi l’on a besoin de revenir sur un amendement que l’on a déjà présenté pour se convaincre qu’il est bon et demander à ses collègues de le voter. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – Protestations sur les travées du groupe SER.)

Mme Laurence Rossignol. La réponse est là ! (Mme Laurence Rossignol brandit le règlement du Sénat.) Nous en avons le droit.

M. Alain Milon. Serait-ce parce que vous considérez que ceux qui sont en face de vous – et qui, pour une fois, pensent la même chose que vous – n’ont pas compris ce que vous disiez, ce qui serait extrêmement désobligeant pour nous ? (Nouvelles protestations sur les travées du groupe SER.)

J’aimerais que l’on passe maintenant au vote, monsieur le président, parce que je pense qu’il y a urgence. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 310 rectifié et suivants.

J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et, l’autre, du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Je rappelle que l’avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 165 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 293
Pour l’adoption 292
Contre 1

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l’article 1er bis est supprimé, et les amendements nos 4404 rectifié, 4405 rectifié, 759 rectifié et 806 rectifié bis n’ont plus d’objet.

Article 1er bis (nouveau) (suite)
Dossier législatif : projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023
Article 2

Après l’article 1er bis

M. le président. L’amendement n° 3108 rectifié, présenté par MM. Rietmann, Paccaud, Perrin, Rapin, Mouiller et de Legge, Mmes Ventalon et L. Darcos, MM. Darnaud, Saury et Genet, Mme Imbert, M. Belin, Mme Lassarade, MM. Brisson, Kern et Pointereau, Mme Loisier, MM. Favreau et Milon, Mmes Joseph et Muller-Bronn, MM. Somon et Henno, Mme Bourrat, MM. Burgoa et J.P. Vogel, Mmes Demas, Bellurot et Dumont, MM. Lefèvre, Cadec et Panunzi, Mme Gacquerre, M. Klinger, Mmes Morin-Desailly et Jacquemet, M. Babary, Mme Drexler, MM. Levi et Gremillet, Mme Raimond-Pavero, MM. Folliot et Piednoir, Mme Sollogoub et M. Bacci, est ainsi libellé :

Après l’article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l’article 14 de la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, les mots : « et dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État » sont supprimés.

La parole est à M. Philippe Mouiller.

M. Philippe Mouiller. Cet amendement, où nous demandons un rapport au Gouvernement, présente avant tout l’intérêt de donner à M. le ministre l’occasion de s’exprimer sur une situation anormale.

L’article 14 de la loi du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique prévoit la prise en compte des allocations d’enseignement dans la constitution et la liquidation du droit à pension de retraite des enseignants.

Toutefois, ces allocations ne sont, à l’heure actuelle, pas comptabilisées dans le calcul des droits à la retraite de ces enseignants, car les décrets d’applications prévus n’ont jamais été publiés. Or l’obligation de procédure réglementaire d’application de la loi est une compétence du Gouvernement et l’administration est tenue de prendre, dans un délai raisonnable, des dispositions réglementaires.

Au vu de notre débat et compte tenu de la situation actuelle, nous souhaitons entendre la position de M. le ministre sur cette question importante.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. La commission demande l’avis du Gouvernement pour régler cette vieille affaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, ministre. Monsieur le sénateur, à dire vrai, j’ai découvert ce problème il n’y a pas si longtemps – en témoignent les fiches que j’ai en main.

Votre amendement renvoie à un engagement politique pris dans les années 1980, époque à laquelle le métier d’enseignant souffrait d’un déficit d’attractivité – ce qui démontre que notre tâche s’apparente bien souvent à celle de Sisyphe.

Cet engagement s’est traduit par la création, par décret, d’allocations d’enseignement destinées aux candidats aux concours d’enseignant, pendant la préparation des concours et la première année de formation à l’institut universitaire de formation des maîtres (IUFM).

Il a trouvé un prolongement législatif, en matière de droits à pension, dans l’article 14 de la loi du 26 juillet 1991, qui dispose que les périodes de perception de cette allocation d’enseignement créée par le décret de 1989, ainsi que la première année passée en IUFM en qualité d’allocataire seraient prises en compte dans des conditions fixées par décret pour la constitution et la liquidation des pensions.

De fait, cet engagement s’est dilué au fil des ans, laissant un cadre juridique incomplet, puisque le décret prévu par la loi de 1991 n’a tout simplement jamais été publié.

Je partage votre avis : ce n’est pas satisfaisant. Toutefois, je vous invite à retirer votre amendement pour une simple raison, qui est que la loi du 26 juillet 1991 est toujours en vigueur. Or votre amendement tend à supprimer la mention d’un décret. Si nous suivons votre raisonnement, le Gouvernement ne pourrait plus prendre de décret pour corriger la situation.

Le décret que nous devons prendre se heurte à une difficulté matérielle très concrète : les étudiants inscrits en préparation ou en première année d’IUFM pendant la période couverte par la loi de 1991 sont désormais des enseignants qui sont soit à la retraite, soit dans une situation où ils demandent à liquider leurs droits à la retraite.

Nous devons donc trouver un moyen pour valoriser cette allocation, que je ne saurais vous livrer à l’instant. Pour dire la réalité des choses, nous avons découvert la nécessité de ce chantier avec la présente réforme. Nous nous devons de l’ouvrir, mais, pour cela, il faut que le véhicule législatif nous permettant de prendre le décret reste en vigueur. C’est pourquoi nous formulons cette demande de retrait.

M. le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour explication de vote.

Mme Florence Blatrix Contat. Effectivement, depuis 1991, certains agents titulaires de l’éducation nationale sont pénalisés lors de la constitution de leur dossier de retraite par l’absence de publication de ce décret. Certains d’entre eux découvrent que leur première année à l’IUFM en tant qu’allocataire ne peut être validée pour la liquidation de leurs droits à pension.

Monsieur le ministre, vous nous indiquez que vous découvrez le problème à l’occasion de cette réforme. Pourtant, le ministre de l’éducation nationale avait été saisi en 2017 d’une question écrite d’un parlementaire, à laquelle il avait fini par répondre en 2021. Il avait alors affirmé qu’un examen interministériel du dispositif était engagé avec le ministère chargé des comptes publics, le ministère de la transformation et de la fonction publiques et le secrétariat d’État chargé des retraites afin d’identifier les évolutions, de nature législative ou réglementaire, à apporter pour répondre à cette situation.

Le dossier s’est visiblement perdu, puisque le Gouvernement en avait pris connaissance il y a plusieurs années grâce à la saisine d’un parlementaire. Aussi, je m’étonne que rien n’ait été fait depuis.

Nous soutenons donc cet amendement pour réparer cette injustice.

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.

M. Philippe Mouiller. Au regard de l’intervention de M. le ministre, je constate que le message est entendu. Nous souhaitons être associés à la recherche d’une solution. Ainsi, et dans la mesure où il s’agissait d’une simple demande de rapport, je retire cet amendement.

Mme Florence Blatrix Contat. Je le reprends ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° 3108 rectifié bis, présenté par Mme Blatrix Contat.

La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre Monier. Il s’agit d’un beau geste de la part de Florence Blatrix Contat. Avec Jacques-Bernard Magner et elle, nous avions déposé des amendements pour obtenir la remise de rapports, respectivement sous 3 mois et sous 6 mois, sur les modalités qui permettraient de rendre cette disposition opérante. (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Je vous prie de laisser Mme Monier s’exprimer dans le calme et la sérénité, mes chers collègues.

Mme Marie-Pierre Monier. Ces amendements ayant été jugés irrecevables, je me réjouis que nous puissions débattre de ce sujet important grâce à celui-ci. J’entends les explications de M. le ministre, mais il nous faut trouver un consensus sur ce sujet, car il est plus que temps de corriger cette aberration.

Nous devons d’ailleurs nous interroger, de manière plus globale, sur la lenteur de la publication de certains décrets, quand ils ne tombent pas tout bonnement aux oubliettes.

Par ailleurs, imaginez le signal de bienvenue que l’application de cette disposition enverrait à l’ensemble des enseignantes et des enseignants. J’espère qu’il ne sera pas le seul – le meilleur signal possible serait de ne pas les obliger à partir à la retraite plus tardivement ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Max Brisson. Ils sont à la retraite depuis bien longtemps ! Vous parlez pour ne rien dire !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Olivier Dussopt, ministre. J’avoue ressentir une forme d’incompréhension : madame Blatrix Contat, reprenez-vous l’amendement pour qu’il soit adopté ou pour qu’il soit rejeté ? J’ai besoin de le savoir pour pouvoir donner mon avis.

Mme Laurence Rossignol. Rappel au règlement !

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour un rappel au règlement.

Mme Laurence Rossignol. J’ai entendu certains de nos collègues exprimer un peu d’émotion lorsque Mme Blatrix Contat a déclaré qu’elle reprenait l’amendement et je vois que M. le ministre, qui n’a jamais été sénateur et connaît certainement mieux le règlement de l’Assemblée nationale que celui du Sénat, semble également perplexe… (Marques dimpatience sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Max Brisson. Ça suffit !

Mme Laurence Rossignol. C’est un hommage au député qu’il a été ! Pour une fois que je fais preuve de gentillesse, vous pourriez me soutenir, mes chers collègues… (Rires à gauche. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Permettez-moi de vous lire l’alinéa 6 de l’article 46 bis du règlement du Sénat : « Un amendement retiré par son auteur, après que sa discussion a commencé, peut être immédiatement repris par un sénateur qui n’en était pas signataire. La discussion se poursuit à partir du point où elle était parvenue. » Mme Blatrix Contat a donc repris cet amendement en vertu de cet article du règlement du Sénat.

M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.

La parole est à M. le ministre.

M. Olivier Dussopt, ministre. Madame Rossignol, si je ne connais pas le règlement du Sénat aussi bien que vous, je n’ai aucun doute sur le droit des parlementaires à reprendre un amendement. Il m’est arrivé d’en reprendre à l’Assemblée nationale, où j’ai siégé à partir de 2007.

Ce qui me surprend, c’est que les interventions des sénateurs de votre groupe suggèrent que vous souhaitez, comme les auteurs de l’amendement initial, qu’une solution soit trouvée pour permettre la validation des trimestres passés à l’IUFM par les enseignants.

Or je vous invite à lire le dispositif de l’amendement : il s’agit d’insérer dans le texte un article additionnel supprimant, à l’article 14 de la loi du 26 juillet 1991, les mots « et dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État ».

Aussi, si l’amendement était adopté, le Gouvernement serait privé de toute possibilité de prendre le décret permettant d’apporter une solution.