M. Loïc Hervé, rapporteur. Dommage !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Je vous propose cependant que nous actions ensemble la stratégie et le plan d’action en quatre points que je viens d’exposer, en lieu et place des deux articles de ce texte.

Vous pouvez compter sur ma complète détermination à faire évoluer, avec vous, le dispositif avant l’été prochain, afin de répondre au mieux aux préoccupations plus que légitimes du Sénat. (Marques de déception sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous vivons une semaine « bobologie » au Sénat, avec un ordre du jour dédié aux sujets urticants. Hier, nous avons en effet commencé l’examen d’un texte sur l’objectif de « zéro artificialisation nette » des sols, le ZAN, tandis qu’aujourd’hui nous abordons la question de la défense extérieure contre l’incendie : reconnaissons-le, il s’agit là de deux sources d’irritation majeures pour nos territoires, notamment les plus ruraux.

Si l’on ajoute à l’objectif ZAN celui de la défense extérieure contre l’incendie, on aboutit immanquablement au blocage de toute velléité de construction et, par suite, au découragement et au renoncement des élus, ainsi qu’à une baisse de la population dans nos territoires. Et encore, mes chers collègues, je vous épargne la suite du raisonnement qui veut qu’une diminution du nombre d’habitants entraîne la fermeture des écoles et des commerces. Vous connaissez cette litanie par cœur !

Je tiens à remercier Hervé Maurey et Franck Montaugé, auteurs d’un rapport d’information essentiel sur la défense extérieure contre l’incendie au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, ainsi que Françoise Gatel, la bonne fée desdites collectivités territoriales (Sourires.), et notre rapporteur Loïc Hervé.

Le texte que nous examinons aujourd’hui a été cosigné par de nombreux sénateurs.

Le constat est sans appel : la réforme engagée en 2011 en matière de défense extérieure contre l’incendie n’a pas tenu ses promesses. Environ 70 % des maires interrogés par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation estiment que la concertation n’a pas été suffisante ; 81 % d’entre eux considèrent que leur territoire n’est que partiellement couvert au regard des nouvelles normes. Cela signifie que près d’une habitation sur trois se situerait en dehors du champ couvert par les dispositifs actuels, ce qui concernerait 6 à 7 millions de nos concitoyens.

La Deci fait peser des contraintes souvent excessives sur les communes, sans que ces dernières soient suffisamment impliquées dans son élaboration.

Depuis 2011, les communes sont chargées du service public de Deci, mais elles restent soumises au RDDECI, arrêté par le préfet. Elles doivent à ce titre contribuer au financement des moyens de lutte définis par le Sdis.

Le règlement départemental repose sur un certain nombre de normes qui s’inspirent d’un référentiel national, et qui ne s’appliquent que dans un second temps aux territoires.

Or l’évaluation des risques en matière d’incendie dans le département procède d’un document distinct du règlement départemental – il aurait été trop simple d’en faire un seul ! C’est bien ce que prévoit de corriger la présente proposition de loi.

Les normes définies par le règlement départemental sont donc parfois en total décalage avec les besoins réels et les spécificités des territoires – les précédents orateurs ont déjà mentionné la règle des deux cents ou des quatre cents mètres, que nous expérimentons tous les jours dans nos départements. Ces normes ont un coût important pour les communes, qui obère l’efficacité de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), laquelle devrait servir à autre chose qu’à compenser la mise en œuvre de normes supplémentaires.

J’ajoute que la concertation des élus en vue de l’élaboration de ces normes se révèle insuffisante dans un certain nombre de départements. L’élaboration du RDDECI, rédigé par le Sdis, ne requiert en effet qu’une concertation avec les maires, laquelle est menée de manière très inégale d’un territoire à l’autre.

Quant à la révision du règlement départemental, elle se fait à la discrétion du préfet et, comme l’a indiqué le rapporteur, selon une régularité aléatoire.

Ce constat appelait une réforme. C’est l’objet du texte que nous examinons aujourd’hui.

L’intégration du RDDECI dans le schéma départemental d’analyse et de couverture des risques constitue un effort de simplification bienvenu.

Par ailleurs, la création d’une commission départementale de suivi de la défense extérieure contre l’incendie permettra une meilleure association des élus locaux à sa gouvernance, ce qui ouvrira un véritable espace de dialogue.

Je vous ai entendue dire, madame la ministre, que votre dispositif entrerait en vigueur par voie réglementaire. Je ne peux pas adhérer à cette solution (Mme la ministre déléguée sen étonne.), étant donné les difficultés d’application des dispositions réglementaires d’un département à l’autre.

Par parallélisme des formes, c’est à la loi de modifier le dispositif légal actuellement en vigueur. Je ne vois pas pourquoi on recourrait à des normes hiérarchiquement inférieures.

M. Loïc Hervé, rapporteur. Absolument !

Mme Nathalie Goulet. Pour ce faire, il faudrait que la présente proposition de loi soit inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, ce qui ne sera pas chose facile, à en juger par la position que vous venez de défendre à notre tribune.

Cela étant, cela ne coûte rien d’essayer, d’autant que ce texte est indispensable si l’on veut réellement simplifier la gestion de la défense extérieure contre l’incendie dans les territoires ruraux.

Dans l’intervalle, rien ne vous empêche, madame la ministre, de publier une circulaire. Vous nous montreriez ainsi votre bonne volonté, tout en laissant ce texte poursuivre son chemin. Les deux processus ne sont pas incompatibles. Il est possible, me semble-t-il, de mener les deux combats de front.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Tout à fait !

Mme Nathalie Goulet. Plus le dispositif que nous adopterons sera utile et facilitera la vie aux communes les plus rurales, moins cela leur coûtera d’argent et plus cela permettra de fixer une ligne de conduite claire aux préfectures. Et vous verrez que tout ira mieux ensuite.

M. Loïc Hervé, rapporteur. Très bien !

Mme Nathalie Goulet. Je profiterai de la minute qu’il me reste, madame la ministre, pour faire le lien entre ce texte et la discussion que nous avons eue lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023.

J’ai été extrêmement surprise de constater que plusieurs amendements de bon sens, déposés en première partie du projet de loi de finances par Anne-Catherine Loisier, notamment ceux qui tendaient à la mise en œuvre de mesures fiscales en vue de favoriser l’aménagement et l’entretien des forêts, n’avaient pas du tout été pris en considération.

Madame la ministre, je pense que votre ministère devrait travailler de concert avec le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire et celui du budget pour prendre des mesures intelligentes et coordonnées dans ce domaine. La défense extérieure contre l’incendie, c’est aussi l’entretien des forêts ! Les deux sujets, défense incendie et protection des forêts, sont liés. (M. Jean-François Longeot applaudit.)

La preuve en est que vous avez vous-même cité tout à l’heure l’exemple d’un incendie qui, je crois, s’est déclaré dans le département de notre président de séance, l’Essonne.

Là encore, un travail devrait être conduit en amont pour préparer au mieux la prochaine loi de finances.

Au risque de me répéter, je pense qu’il est important de procéder par voie législative sur cette question. Rien ne vous empêche, madame la ministre, de prendre une circulaire ou toute autre mesure réglementaire : au contraire, les deux procédures peuvent se poursuivre en parallèle.

En attendant, notre groupe votera avec enthousiasme cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains. – M. le rapporteur applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre.

Mme Nathalie Delattre. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne surprendrai personne en disant combien les incendies dramatiques qui ont eu lieu au cours de l’été dernier ont marqué les esprits, et très singulièrement la population girondine. Madame la ministre, vous vous étiez d’ailleurs rendue sur place pour assurer la population et les communes de votre soutien.

Ces incendies ont contraint certains à une prise de conscience abrupte des risques encourus sur nos territoires. Et le réchauffement climatique, pour le dire très synthétiquement, démultipliera ces risques, ce qui appellera toujours plus de vigilance et d’anticipation de notre part.

Ces risques nécessiteront, d’abord, des moyens matériels et humains. C’est dans cette perspective que nous examinerons bientôt, ici, une proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie. Permettez-moi de souligner qu’au Sénat nous avons cette culture de l’anticipation.

Toutefois, en préalable de ce volet opérationnel, il existe un volet « planification » qui nécessite de mobiliser et d’actualiser les outils juridiques qui devront permettre de répondre au mieux à la réalité de nos territoires.

C’est dans cette perspective que je tiens à saluer l’initiative des auteurs de la proposition de loi, Hervé Maurey et Françoise Gatel.

Nous avons débattu au mois de janvier 2022 des conclusions du rapport d’information de nos collègues Hervé Maurey et Franck Montaugé, intitulé Défense extérieure contre lincendie : assurer la protection des personnes sans nuire aux territoires. Je profite de l’occasion qui m’est donnée aujourd’hui pour saluer leur implication sur le sujet.

Le rapport d’information soulignait que de nombreux maires nouvellement élus reconnaissaient ne pas être en mesure de s’approprier les enjeux liés à la Deci et de porter une appréciation sur cette politique à l’échelle de leur territoire par manque de compétences techniques.

À l’époque, Éric Gold était intervenu au nom du groupe du RDSE pour signaler que l’une des principales difficultés que posait la Deci résidait dans la complexité de ses règles et dans leur insuffisante adaptation aux réalités de nos communes. Cette remarque fut largement partagée sur toutes les travées de notre assemblée.

Nos administrations locales font donc face à un régime juridique particulièrement exigeant, lequel résulte du caractère périlleux de l’activité qu’est la Deci. Nous devons néanmoins trouver les moyens de le simplifier et de permettre un meilleur enchevêtrement des outils à notre disposition.

Je pense que cette proposition de loi y participe. J’en profite pour saluer le travail d’orfèvre du rapporteur, notre collègue Loïc Hervé.

Plutôt que de prévoir la concomitance de la révision du schéma départemental d’analyse et de couverture des risques et du règlement départemental de défense extérieure contre l’incendie, comme le prévoyait le texte initial, le texte de la commission prévoit, dans son article 1er, d’inclure le RDDECI au Sdacr, afin de faire coexister les deux documents.

Bien entendu, il est difficile à ce stade de mesurer les incidences de cette modification, mais je ne doute pas que celle-ci participera, dans un souci d’efficacité, à l’effort de simplification de notre droit.

Dans ces conditions et pour ces raisons, le groupe du RDSE se prononcera unanimement en faveur de ce texte. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme Kristina Pluchet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Kristina Pluchet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « assurer la protection des personnes sans nuire aux territoires », voilà tout l’enjeu de la défense extérieure contre l’incendie depuis l’application du décret du 27 février 2015.

C’est une conciliation difficile que j’appelle sincèrement de mes vœux dans mon département et que permettra cette proposition de loi.

Dans l’Eure, il ne se passe pas une semaine sans que je sois confrontée, lors de mes visites sur le terrain, à l’incapacité des maires de mettre en œuvre le règlement départemental de défense extérieure contre l’incendie, soit parce qu’il est foncièrement irréalisable d’y parvenir, soit parce que l’application de ce règlement serait budgétairement insoutenable.

Le RDDECI, élaboré en 2017, prévoit un cadre uniforme pour nos 585 communes très rurales : il impose un point d’eau incendie tous les deux cents mètres, sans prendre en compte la diversité de l’habitat, qui est souvent diffus dans la plupart des communes de l’Eure.

Pour les unes, le manque de débit rend impossible l’installation de points d’eau supplémentaires ; pour d’autres, c’est l’absence de foncier disponible qui empêche la mise en place de bâches à eau ; pour d’autres encore, la mise en œuvre de toutes les préconisations en matière de défense extérieure contre l’incendie siphonne littéralement les capacités d’investissement de la commune pour plusieurs années.

Enfin, quand la mise aux normes n’est pas possible, les élus sont contraints de bloquer de nombreux permis de construire, ce qui est source d’incompréhension et de conflits avec leurs concitoyens. Aussi les élus exercent-ils leur mandat en craignant d’engager la responsabilité de la commune en cas de sinistre.

Pourtant, à l’origine, cette élaboration déconcentrée des règlements départementaux a été décidée pour que soit mise en œuvre une défense extérieure contre l’incendie évolutive, au plus près de la réalité des territoires et en concertation avec ces derniers.

Force est de constater que le dispositif a manqué sa cible dans un certain nombre de départements.

Le dernier rapport d’évaluation du Gouvernement, remis au mois de juin 2022 en application de la loi 3DS, dresse la liste des dysfonctionnements. Il reconnaît l’existence de crispations dans certains départements, essentiellement ruraux, et préconise pour ces cas emblématiques la révision et l’adaptation des règlements à un niveau infradépartemental.

D’après ledit rapport, l’Eure est l’illustration parfaite de la mise en place d’une défense extérieure contre l’incendie « coûteuse et pénalisante pour assurer la couverture incendie d’un bâti à risque très faible ». « Les distances et délais d’intervention » la rendraient « parfois inopérante ».

Mon département avait déjà tristement illustré un débat qui a eu lieu il y a plus d’un an dans cet hémicycle, en présence de la secrétaire d’État chargée de la biodiversité d’alors, Bérangère Abba.

Dans l’Eure, le montant des dossiers de demande de subvention au titre de la DETR pour des projets de défense extérieure contre l’incendie est vingt fois supérieur au montant moyen enregistré dans les autres départements ! Cela témoigne du caractère disproportionné de cette compétence pour l’État, le département et les communes, pour un résultat très en deçà des objectifs du règlement départemental.

Alors que d’autres départements sont parvenus à trouver une issue favorable aux situations de blocage, notamment grâce à des systèmes de dérogation, à une évolution des doctrines de lutte ou tout simplement par l’intermédiaire d’une révision de leur règlement départemental – dix-sept d’entre eux l’ont déjà fait –, je déplore que la situation ne s’améliore pas dans l’Eure.

Vous le comprendrez, mes chers collègues, je suis favorable, pour en revenir à l’esprit d’une défense extérieure contre l’incendie déconcentrée et évolutive, à ce que la loi encadre et prévoie une concertation qui se déroulerait de manière périodique : cela permettrait aux collectivités de trouver une issue favorable en cas de règlement trop uniforme et trop rigide.

L’intégration de ce règlement dans le schéma départemental d’analyse et de couverture des risques est une mesure cohérente, tout comme l’obligation, pour les départements dans lesquels sa révision est trop ancienne, de le réviser dans l’année qui suit l’adoption de ce texte.

Comme le souligne à propos le rapport du Gouvernement, l’effort en matière de défense extérieure contre l’incendie doit être pondéré par l’analyse pragmatique et locale du risque, la prise en compte de la disponibilité de la ressource et la nécessité d’éviter de faire peser des investissements hors norme sur les budgets des collectivités.

M. Loïc Hervé, rapporteur. Eh oui !

Mme Kristina Pluchet. Enfin, la récurrence des feux d’une ampleur que nous n’avions pas l’habitude de voir nous invite à repenser le modèle de défense incendie et à l’adapter à nos ressources et à nos moyens. C’est ainsi que nous pourrons garantir la sécurité de nos concitoyens et de nos sapeurs-pompiers.

Je soutiendrai donc sans réserve la proposition de loi de mon collègue Hervé Maurey ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. le rapporteur applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen. (M. Franck Menonville applaudit.)

M. Pierre-Jean Verzelen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la défense extérieure contre l’incendie est parfois mal identifiée, souvent assez mal comprise. Il s’agit pourtant d’un enjeu essentiel de sécurité publique, qui permet aux pompiers qui se rendent sur un feu d’exercer leurs missions dans les meilleures conditions possible.

La Deci a pour objet de garantir la ressource et l’alimentation correcte des points d’eau, d’assurer une localisation et une répartition efficace de ces derniers.

Il revient au maire ou au président de l’intercommunalité d’assumer cette compétence et cette responsabilité. Les élus locaux doivent bien sûr travailler main dans la main avec les Sdis.

Jusqu’en 2011, la Deci relevait d’une logique nationale : les normes s’appliquaient de façon uniforme et s’écartaient beaucoup des spécificités locales et du terrain. En 2011, en tant que maire et président de Sdis, j’ai apprécié de pouvoir bénéficier d’une forme de souplesse en élaborant les documents à l’échelle départementale. Il s’agissait d’une avancée extrêmement importante.

Ce fut et c’est toujours un travail considérable pour les pompiers et le maire ou le président d’un EPCI d’aboutir à un arrêté communal.

Les résultats sont plus ou moins probants et inégaux selon les départements et les travaux conduits par les Sdis. Les maires, surtout ceux des communes rurales, ne disposent pas toujours des moyens humains et matériels suffisants pour la réalisation de tels documents, qui restent assez complexes – même pour les spécialistes, reconnaissons-le.

Les difficultés sont d’autant plus importantes que les interlocuteurs sont multiples – c’est notamment le cas quand la distribution de l’eau est confiée en affermage – : difficultés pour obtenir des informations, difficultés pour engager un dialogue sur le sujet.

Si cette réforme a permis de véritables avancées, elle n’a pas eu tous les effets escomptés. C’est du reste pourquoi nous sommes réunis aujourd’hui.

Une grande partie des maires ont estimé, à juste raison, qu’ils n’avaient pas été suffisamment associés en amont à l’élaboration des nouvelles règles, ce qui fait que leur mise en œuvre a été compliquée dans un certain nombre de territoires.

Il faut également tenir compte du volet financier et des coûts d’investissement très importants auxquels les communes font face. Si on prend l’exemple d’une commune ayant plusieurs hameaux où il faut installer des points d’eau tous les deux cents ou quatre cents mètres, on comprend bien que les coûts engendrés sont parfois intenables.

À cet égard, mes chers collègues, pardonnez-moi la comparaison, mais il existe des systèmes, notamment en matière d’investissements pour les églises ou le patrimoine, par lesquels les préfectures autorisent des déplafonnements permettant d’obtenir des financements à 100 %… C’est peut-être vers ce type de solutions qu’il faut se tourner !

En tout cas, nous saluons le travail mené et les dispositions de la proposition de loi, telles qu’elles ont été modifiées par la commission. Elles permettent de remédier aux difficultés en incluant le RDDECI au sein du schéma départemental d’analyse et de couverture des risques, le fameux Sdacr, tout en associant davantage les maires à l’élaboration de ces documents.

Ces mesures apporteront une plus grande souplesse, notamment dans les territoires ruraux. Par ailleurs, la création de la commission de suivi renforcera la cohérence dans la couverture des risques et le bilan annuel servira d’évaluation préalable pour faciliter, à terme, l’application de ces mesures.

Ce texte répond aux attentes des élus locaux, mais nous devons, et c’est l’esprit de chacun ici, rester vigilants à ne pas perdre de vue l’objectif premier de la défense extérieure contre l’incendie, c’est-à-dire améliorer la sécurité publique et les capacités des pompiers à lutter contre le feu.

Les sénateurs du groupe Les Indépendants – République et Territoires voteront en faveur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC.)

M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans son dernier bulletin, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) alerte sur le faible niveau de nos nappes phréatiques : 80 % d’entre elles auraient un niveau inférieur à la moyenne et 45 % ont rejoint – et c’est inquiétant – le niveau « bas », voire « très bas ».

Depuis l’automne, en effet, les pluies ont été insuffisantes pour reconstituer ces nappes.

La situation ne va pas s’améliorer d’ici au printemps et au renouveau végétal, sans que l’on puisse compter sur la contribution hydrique du manteau neigeux dans les Pyrénées, qui est trop faible. Fait nouveau, cette situation touche l’ensemble du territoire et laisse augurer un été 2023 encore plus sec que le fut l’été 2022, et ce dans toutes les régions.

Ce n’est pas sans incidence sur le risque incendie dans les espaces naturels, mais également dans les communes bordant ces espaces. En Gironde, nous en avons fait la douloureuse expérience l’été dernier. Dans ce contexte, l’importance de la défense extérieure contre l’incendie doit être réaffirmée.

C’est dans cet état de vigilance que nous abordons l’examen de cette proposition de loi visant à adapter la défense extérieure contre l’incendie à la réalité des territoires ruraux.

Il est vrai que, depuis sa modification par la loi du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, l’application du nouveau cadre de la Deci n’est pas satisfaisante. Le rapport d’information de 2021 souligne la faible mise en conformité des communes à la loi, faute de schémas communaux nécessaires.

Cela est dû au déficit de concertation observé au moment de l’élaboration des règlements départementaux de défense extérieure contre l’incendie, mais aussi, et surtout, au coût de la mise en conformité, comme le rapport d’information le démontre largement. Il est indéniable que, pour de nombreuses petites communes, la création ou l’entretien des bouches d’incendie constitue une charge exorbitante, s’ajoutant à celle de l’entretien des canalisations d’eau courante auxquelles ces bouches sont rattachées.

Ce texte n’offre pourtant aucun instrument financier aux communes. Nous considérons, pour notre part, qu’un plan national d’accompagnement financier devrait être mis en place pour répondre à cette problématique transversale de la compétence communale de l’eau. Sans cela, toute initiative semble vaine. Je ne vous ai pas entendue, madame la ministre, mentionner ce sujet précis dans les propositions que vous avez avancées…

En définitive, l’efficacité des mesures proposées par nos collègues de l’Union Centriste pour améliorer l’application de la Deci dans tous nos territoires est très difficile à évaluer.

D’un côté, la clarification des procédures de concertation, la création d’une commission consultative dédiée et l’obligation d’information des communes en amont de l’adoption de réglementations départementales vont évidemment dans le bon sens et permettront de mieux accompagner les maires.

De l’autre, les dispositions qui permettent aux communes rurales de déroger aux normes de sécurité aujourd’hui prévues par le référentiel national risquent de faciliter la délivrance de permis de construire en zones non sécurisées, donc l’étalement urbain. Ce référentiel fixe les besoins objectifs en points d’eau et bouches d’incendie pour les pompiers. L’introduction de dérogations territoriales ne risque-t-elle pas d’affaiblir les capacités d’action de ces derniers ?

Quel est par ailleurs le sens de la création d’évaluations préalables des coûts financiers, urbanistiques et de développement économique, si ce n’est de justifier les dérogations pour les communes aujourd’hui moins exposées au risque incendie ? Celles-ci seront-elles à l’abri demain ? Cette solution reportant la charge sur les générations futures, nous avons déposé un amendement pour clarifier la mesure.

Dans l’intérêt des communes, nous proposerons enfin une nouvelle piste pour alléger leurs charges. Il s’agirait, comme le proposait d’ailleurs le rapport d’information, de dresser l’inventaire de tous les points d’eau incendie privatifs pour les intégrer aux schémas communaux et les substituer à des bornes communales. Cela permettrait d’intégrer les piscines privées ou toute étendue d’eau non potable, à condition que cela ne porte pas atteinte aux réserves de nos précieuses nappes phréatiques.

Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons de voter le texte.

M. Loïc Hervé, rapporteur. Dommage !

M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Dominique Théophile. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Hervé Maurey vise à adapter la défense extérieure contre l’incendie à la réalité des territoires ruraux. Elle s’inspire du rapport d’information que celui-ci a produit, au mois de juillet 2021, avec Franck Montaugé, au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

Ce rapport d’information, consacré à la réforme de la défense extérieure contre l’incendie intervenue en 2011, formulait une série de recommandations permettant de faciliter son application dans les territoires ruraux. Certaines d’entre elles trouvent, ici, leur traduction législative.

Dans sa première mouture, le texte prévoyait une révision du règlement départemental de défense extérieure contre l’incendie dans les six mois suivant la promulgation de la loi et après chaque révision du schéma départemental d’analyse et de couverture des risques. Il prévoyait également une meilleure concertation entre les élus et les acteurs concourant à la Deci, et proposait de faire précéder l’établissement du règlement d’une évaluation de ses conséquences financières, urbanistiques et économiques.

La commission des lois a profondément remanié le texte. Celui-ci propose désormais une fusion du règlement départemental de défense extérieure contre l’incendie et du schéma départemental d’analyse et de couverture des risques, en faisant du premier un volet du second.

La commission a également voté la création d’une commission départementale de suivi de la Deci, chargée de procéder à l’évaluation régulière de l’état de la couverture des risques au regard des points d’eau situés sur le territoire et d’adresser au préfet de département des propositions d’évolution.

Si l’ambition de ce texte nous semble parfaitement louable – pour ne pas dire nécessaire – au regard des difficultés rencontrées dans de nombreux territoires et par de nombreux maires, et alors que le risque d’incendie se fait plus fort chaque année en raison du réchauffement climatique et des sécheresses à répétition, notre groupe est partagé sur la méthode proposée.

Outre les quelques doutes que nous émettons sur ce qui pourrait relever du domaine réglementaire plutôt que du domaine législatif – je pense notamment à la création de la commission départementale de suivi à l’article 2 –, d’autres mesures nous semblent plus contestables, à l’image de la fusion du Sdacr et du RDDECI, deux dispositifs de nature et de finalités différentes.

Par ailleurs, et c’est là peut-être ce qui nous retient le plus, il nous semble que ce débat trouverait sa place lors de l’examen de la proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie, déposée notamment par notre collègue Jean Bacci.

Ce texte d’une petite quarantaine d’articles et d’une portée plus large que celui que nous examinons cet après-midi – cohérent, par ailleurs, avec la stratégie nationale et territoriale de lutte contre les incendies de forêt voulue par le Président de la République – nous apparaît comme le véhicule législatif le plus adéquat et le plus à même de prospérer.

En effet, la multiplication de textes sur le sujet, qui ont tous pour ambition de rendre la défense extérieure contre l’incendie plus lisible dans les territoires ruraux, ne concourt pas à la lisibilité de nos travaux.

En conséquence, le groupe RDPI salue le travail des auteurs de ce texte, mais s’abstiendra. (Marques de déception sur les travées du groupe UC.)