M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic.

M. Thierry Cozic. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons un projet de loi de finances relevant d’une nouvelle catégorie, distincte de celle des lois de finances rectificatives.

Contrairement à un projet de loi de finances rectificative, il ne peut contenir aucune disposition fiscale nouvelle, ce que nous regrettons, contrairement au rapporteur général, car cette interdiction corsète un peu plus les droits du Parlement.

D’emblée, il me paraît opportun de souligner que plusieurs dispositions semblent aller dans le bon sens. Les crises sont encore présentes et elles risquent de se multiplier à l’avenir, de sorte que des moyens supplémentaires sont nécessaires pour accueillir les réfugiés, soutenir nos agriculteurs ou encore maintenir notre soutien à l’Ukraine, mais également à nos concitoyens les plus précaires. Nous saluons de ce point de vue le travail de nos collègues socialistes de l’Assemblée nationale, qui ont proposé et obtenu une rallonge de la prime de Noël pour les familles monoparentales vivant sous le seuil de pauvreté : ce sont ainsi entre 115 et 200 euros supplémentaires par foyer pour environ 500 000 familles qui seront versés, soit 70 millions d’euros pour 2023.

Néanmoins, ce que l’on peut retenir de ce texte, c’est une charge de la dette bien plus élevée que ce qu’avait prédit le Gouvernement : le différentiel est important – 3,8 milliards d’euros ! – en raison notamment des obligations assimilables du Trésor (OAT) indexées sur l’inflation.

En parallèle, nous constatons que, là encore, les recettes ne sont pas au rendez-vous. Les dividendes de l’État s’avéreront inférieurs de 2,5 milliards d’euros aux prévisions et la contribution sur la rente inframarginale de la production d’électricité a été surévaluée de 9,5 milliards d’euros dans la loi de finances initiale pour 2023. Quelle n’a pas été notre surprise à la découverte de ces chiffres, puisque vous n’aviez cessé de claironner dans tous les médias votre farouche volonté de faire contribuer les énergéticiens pour plus de 12 milliards d’euros ! Ceux-ci n’auront en définitive que bien peu participé…

Par ailleurs, alors que les ministres se flattent d’un financement historique de la transition écologique dans le budget pour 2024, plus de 1,3 milliard d’euros de crédits de paiement sont annulés sur la mission « Écologie ». Sur cette somme, 1,1 milliard d’euros étaient prévus pour le programme 174, qui finance notamment MaPrimeRénov’, le chèque énergie et l’aide à l’acquisition de véhicules propres, et 105 millions d’euros devaient contribuer au financement des infrastructures de transport.

À ce sujet, le rapport Pisani-Ferry n’a pas été tendre avec le Gouvernement et, alors que des membres du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) prennent publiquement la parole, sortant de leur traditionnelle réserve, pour regretter l’absence de cap du Président de la République dans la politique écologique du pays, il semble difficile, au regard de la sous-exécution desdits crédits, de leur donner tort.

Toujours en matière de sous-exécution des budgets, il est à noter que, dans la mission « Économie », dont je suis rapporteur spécial avec ma collègue Frédérique Espagnac, le guichet temporaire d’aide aux entreprises très consommatrices d’électricité ou de gaz, qui était doté en 2022 et 2023 de 7 milliards d’euros de crédits, n’a, à ce jour, traité et validé que 17 000 dossiers sur les 44 000 qui ont été déposés, pour un montant total d’aide de 832 millions d’euros, soit moins de 12 % des crédits ouverts. Prenant acte de cette très forte sous-exécution, vous avez d’ailleurs annulé 4 milliards d’euros en septembre dernier.

Dans un tout autre registre, nous déplorons que l’article 2 ne prévoie pas une compensation intégrale des exonérations de cotisations sociales, ce qui, mécaniquement, ponctionne de 2 milliards d’euros les réserves de l’Unédic. Cette ponction, annoncée cet été dans une lettre de cadrage transmise aux syndicats, n’est pas acceptable. Elle n’est pas surprenante non plus, car en la matière, vous n’en êtes pas à votre coup d’essai. En effet, vous aviez déjà un temps envisagé de piocher dans les réserves de l’Agirc-Arrco. Avec ce mode de fonctionnement, vous passez par-dessus les organisations syndicales, mais surtout, et c’est le plus grave, vous attaquez frontalement le paritarisme, qui est, je le rappelle, le fondement de la sécurité sociale.

Enfin, pour les collectivités locales, le compte n’y est toujours pas et les courriers de la direction générale des finances publiques (DGFiP) aux 3 425 collectivités qui devront rembourser tout ou partie de l’acompte qu’elles avaient reçu dans le cadre du filet de sécurité, pour un montant total de 70 millions d’euros, ne sont pas de nature à les rassurer, alors que leurs budgets sont déjà durement touchés par l’inflation. Sans entrer dans les détails, que ma collègue Isabelle Briquet exposera, nous espérons que l’amendement que nous proposons, visant à annuler la demande de remboursement des acomptes perçus par ces communes, trouvera grâce à vos yeux.

Vous l’aurez compris, en l’état, ce premier PLFG ne convainc pas les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. Nous serons donc attentifs aux débats en séance publique, car, si nous parvenions à améliorer le projet de loi, notamment au bénéfice des collectivités territoriales, nous pourrions consentir à ne pas nous y opposer. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur général applaudit également.)

M. Stéphane Sautarel. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, en application de la loi organique du 28 décembre 2021 réformant la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), nous avons à nous prononcer sur le premier projet de loi de finances de fin de gestion. Ce nouveau type de texte permet de recentrer la dernière loi de finances rectificative de l’année sur la régulation des crédits budgétaires. Ainsi, ce projet de loi présente les ajustements de crédits indispensables à la gestion de la fin de l’année et écarte toute disposition fiscale nouvelle, dont la création est réservée au PLF. On ne peut que s’en réjouir.

C’est historique, ou presque : le texte a été adopté par l’Assemblée nationale, qui a dégradé, au passage, de 300 millions d’euros le déficit budgétaire, lequel passe ainsi à 171,7 millions d’euros.

C’est également historique, mais c’est surtout grave et inquiétant, cet exercice budgétaire marque le passage de la France du vingt-troisième au vingt-cinquième rang sur vingt-sept pays européens en matière d’endettement en 2023. Notre taux d’endettement est en effet désormais le troisième le plus élevé, derrière ceux de la Grèce et de l’Italie.

Vous proposez d’ailleurs, monsieur le ministre, d’augmenter dans ce PLFG les crédits de 3,8 milliards d’euros pour financer la charge de la dette. C’est le plus important ajustement à la hausse des ouvertures de crédits. J’y reviendrai.

Tout d’abord, comme l’a signalé le rapporteur général, je souhaite donner quitus au Gouvernement pour avoir présenté le premier PLF dont le scénario macroéconomique semble crédible, même si, bien sûr, il n’est pas pleinement satisfaisant pour notre pays : croissance de l’ordre de 1 %, inflation à 4,9 %, déficit public à 4,9 % du PIB, dette publique à 109,7 % du PIB.

Le déficit public, comme la dette publique, incombe très largement, pour ne pas dire quasi exclusivement, aux administrations centrales, c’est-à-dire à l’État. Le déficit budgétaire de celui-ci est en effet supérieur de près de 7 milliards d’euros au montant prévu dans la loi de finances initiale. Nous retrouvons ainsi des niveaux de déficit proches de ceux que l’on a enregistrés lors de la crise sanitaire, confirmant que nous ne sommes toujours pas sortis du « quoi qu’il en coûte » et que nous ne sommes surtout pas entrés dans une gestion « à l’euro près ».

Nos recettes commencent à se tasser, notamment la contribution sur la rente inframarginale de la production d’électricité, tandis que l’IS, encore dynamique, connaît sans doute sa dernière année d’embellie.

Le plus inquiétant, c’est votre gestion erratique. Les ouvertures de crédits de ce PLFG sont révélatrices du défaut de maîtrise de nos dépenses, conséquence de l’absence de réelle réforme structurelle visant à diminuer la dépense publique, laquelle n’est, par-dessus le marché, pas efficace, nos concitoyens nous le disent chaque jour.

Le constat le plus cruel concerne notre dette. Nous y reviendrons sans doute plus en détail dans le cadre de l’examen du PLF 2024, mais nous constatons déjà la nécessité d’ouvrir dès ce PLFG 3,8 milliards d’euros de crédits nouveaux pour faire face à la charge de la dette, amplifiée par la hausse des taux d’intérêt liée à l’inflation, avant que nous ne connaissions en 2024 l’effet de taux lui-même.

Dans le projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP), la charge d’intérêts de la sphère publique est pourtant fixée à 47 milliards d’euros en 2023 et à 84 milliards d’euros en 2027. Cette envolée est très inquiétante. La charge de la dette française pourrait devenir, dès 2025, le premier budget de l’État, devant celui de l’enseignement scolaire. Nous devons, vous devez informer les Français de cette situation, des efforts nécessaires à conduire, des risques que nous encourons, du resserrement brutal de l’intervention publique que cela va nécessiter demain si nous ne commençons pas à faire des efforts.

Hélas, nous en sommes loin, malgré les déclarations de Bruno Le Maire sur les 12 milliards d’euros de réduction de dépenses en 2025…

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. C’est du baratin !

M. Stéphane Sautarel. Comment le croire, quand ce PLFG et surtout le PLF 2024 ne prévoient ni réduction de la dépense ni réelle réforme de structure ? Nous ne réduisons que la dépense exceptionnelle que nous avons connue à l’occasion des crises.

Je termine en abordant le sujet des collectivités territoriales. Nous nous félicitons du fait que l’article 10 du texte augmente les crédits de la dotation pour les titres sécurisés et nous saluons, à l’article 5, les amendements du rapporteur général tendant à rétablir des crédits en faveur des ponts, de l’entretien des réseaux routiers et de la rénovation du réseau d’eau. Ces crédits sont particulièrement bienvenus.

Monsieur le ministre délégué, faites enfin confiance aux collectivités locales ! Elles seules ont à la fois une gestion vertueuse et un service public efficace. Ce sont elles qui garantissent encore l’investissement public dans notre pays, dont notre économie et nos territoires ont tant besoin.

Leur faire confiance, c’est bien sûr leur accorder des moyens nécessaires à l’action, mais c’est surtout leur donner une réelle liberté dans un cadre lisible.

Nous reparlerons, monsieur le ministre délégué, des besoins du bloc communal, de la situation inquiétante des départements, de la limite des capacités des régions, au regard de leur rôle croissant dans l’accompagnement de toutes les transitions auxquelles notre pays doit faire face, mais, cet après-midi, je veux conclure sur une note qui n’est pas budgétaire. Laissez la liberté aux communes de gérer l’eau et l’urbanisme comme elles l’entendent ; laissez la liberté aux départements de leur politique sociale et médico-sociale ; laissez la liberté aux régions d’agir dans les domaines essentiels pour l’avenir de nos territoires sur le plan des mobilités, de l’économie ou de l’environnement. Et retrouvez enfin de l’efficacité dans les domaines régaliens, plutôt que de vouloir tout contrôler, tout normer. Notre pays et nos comptes publics ne s’en porteront que mieux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur général applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, l’attaque terroriste commise par le Hamas, le 7 octobre dernier, a atteint des sommets d’horreur. La pire des barbaries, dont on voudrait toujours croire qu’elle appartient au passé, a été diffusée à grande échelle sur les réseaux sociaux. La cruauté archaïque et les nouvelles technologies ont scellé un pacte diabolique. L’information est devenue une composante essentielle de la guerre. C’est une nouvelle donne à intégrer. Elle implique de se doter de nouveaux moyens, de nouvelles ressources, de nouveaux talents.

La volatilité des opinions publiques est l’un des facteurs importants de cette nouvelle donne. On s’indigne, puis on zappe aussitôt. Un conflit en chasse un autre, et un massacre peut rapidement faire oublier le précédent. C’est l’un des risques liés à la situation en Israël : nous faire oublier l’Arménie, comme l’Arménie risquait déjà de nous faire oublier l’Ukraine. Les Occidentaux doivent se mobiliser aux côtés d’Israël, mais ils ne doivent se démobiliser ni en Arménie ni en Ukraine.

C’est d’autant plus nécessaire qu’il ne s’agit pas de trois situations que tout oppose, bien au contraire. Elles partagent au moins un point commun : dans chacun de ces cas, c’est la démocratie qui est attaquée par des forces hostiles. Elles révèlent une convergence, tacite ou non, des dictatures contre nos démocraties.

Il y a quelques semaines, face à ces menaces, notre président de groupe, Claude Malhuret, nous invitait à nous réarmer militairement, industriellement et surtout moralement. J’y insiste, cela passe d’abord par notre soutien à l’Ukraine et à l’Arménie, que nous ne devons pas oublier, malgré les événements en Israël et à Gaza. À cet égard, je veux saluer l’ouverture de nouveaux crédits, qui concrétisent nos engagements internationaux. Le Gouvernement a décidé d’ouvrir 2,1 milliards de crédits supplémentaires pour la mission « Défense », et ce dès 2023. Ces moyens permettront de répondre à des surcoûts opérationnels, d’anticiper certaines commandes de la loi de programmation militaire et de prolonger notre soutien à l’Ukraine. Je salue cette initiative au profit de nos forces armées.

Notre rapporteur général propose quant à lui de mobiliser une enveloppe de 20 millions d’euros, au titre de la mission « Aide publique au développement », pour soutenir les ONG qui œuvrent à la prise en charge des réfugiés du Haut-Karabagh. Je salue également cette initiative et notre groupe votera bien évidemment en faveur de cet amendement.

Évidemment, ces ouvertures de crédits dégradent un peu plus nos comptes publics, qui se trouvaient déjà dans une situation très préoccupante, mais je crois important que nous prenions de tels engagements en faveur de l’Ukraine et de l’Arménie : à quelques jours de l’examen du budget, nous nous rappelons ainsi qu’il y a des dépenses plus stratégiques que d’autres.

Cependant, nos démocraties ne pourront pas se réarmer moralement si elles continuent de laisser filer les déficits.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Tout à fait !

Mme Vanina Paoli-Gagin. Pierre Mendès France avait raison : « Les comptes en désordre sont la marque des nations qui s’abandonnent. » Nous ne pourrons pas reprendre le contrôle de notre destin si nous ne remettons pas de l’ordre dans nos comptes. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires proposera donc des mesures d’économie dans le PLF pour 2024, dont l’examen débute jeudi prochain.

Nous proposerons également des mesures structurantes pour favoriser l’innovation, soutenir la réindustrialisation du pays et accélérer la transition écologique. Pour remettre de l’ordre dans les comptes, l’essentiel est non seulement de revenir à la vigilance, mais aussi de préparer activement l’avenir de notre pays dans une approche exploratoire, notamment en nous appuyant sur les collectivités territoriales.

Vous l’aurez compris, le groupe des indépendants soutient ce texte ainsi que les amendements proposés par le rapporteur général. Bien sûr, il ne s’agit pas de se réjouir de la situation de nos finances, mais ce projet de loi de fin de gestion, le premier du genre, n’est pas le bon véhicule législatif pour fixer nos grandes orientations budgétaires. Son objet est de clore les comptes de l’année n, avant que nous ne débattions du budget de l’année n+1. C’est l’exercice qui attend le Gouvernement. J’en profite pour saluer l’action de M. le ministre délégué, qui a réussi à faire adopter ce texte à l’Assemblée nationale, dans un contexte extrêmement difficile. Je ne doute pas que la Haute Assemblée l’adoptera également.

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je commencerai par un mot de méthode. La portée de ce projet de loi de finances de fin de gestion est moindre que celle des projets de loi de finances rectificative dont nous discutions habituellement à cette période de l’année. C’est nous qui avons souhaité ce nouveau type de texte, en votant pour une révision de la Lolf. Nos débats seront donc moins cruciaux, mais il n’empêche qu’il y a dans ce projet de loi des éléments non négligeables qui méritent d’être soulignés.

D’abord, la prévision de croissance, art difficile s’il en est et objet de contestations régulières, a été tenue à 1 %. C’est faible, mais cela reste de la croissance et peut-être regarderons-nous demain ce chiffre avec envie.

Ensuite, il convient de se féliciter de cette légère baisse du déficit public en pourcentage du PIB, à 4,9 % quand même, même si, en valeur absolue, ce déficit s’est au contraire accru. Regardons le bon côté de la statistique…

Le groupe Union Centriste salue l’effort fait par le Gouvernement pour compenser ces dépenses par des annulations équivalentes de crédits. Cela doit être une source d’inspiration pour l’avenir.

Je note que 5,2 milliards d’euros de crédits sont ouverts au titre de ce budget de fin de gestion dans le périmètre des dépenses de l’État, afin de tenir compte de la montée en puissance de la loi de programmation militaire, du conflit en Ukraine, de l’accueil des réfugiés, à hauteur de 2,2 milliards d’euros, des crises agricoles, pour plus de 800 millions d’euros, et de la dynamique des dépenses de prestations sociales, avec notamment la déconjugalisation de l’AAH pour 461 millions d’euros. Ces dépenses sont intégralement compensées, et c’est vertueux, par l’annulation de 5,2 milliards d’euros de crédits de paiement.

Au total, les dépenses du périmètre de l’État diminuent même de 0,9 milliard d’euros. C’est un bon début. Je crois d’ailleurs que le Gouvernement a déposé un amendement à 800 millions d’euros visant à améliorer ce résultat.

Dans l’immédiat, ce PLFG comporte des mesures d’ajustement utiles à nos concitoyens. Il correspond pour l’essentiel à des constats de fin de gestion. Aussi, le groupe UC, à une exception notable qui s’exprimera tout à l’heure brillamment, je n’en doute pas, votera pour ce texte tel que nous l’aurons modifié. Nous le ferons d’autant plus volontiers que le Gouvernement s’est engagé à aider les collectivités territoriales à faire face à l’afflux de demandes de titres sécurisés constaté depuis trois ans, avec une dotation portée à 100 millions d’euros en 2023. C’est pour nous très positif, même s’il y a d’autres sujets sur la table concernant nos collectivités. La question des assurances reste notamment pour nous une source d’inquiétudes particulières.

Ce PLFG acte également des ouvertures de crédits de 3,8 milliards d’euros au titre de la charge de la dette, ce qui ne laisse pas de nous inquiéter. Ces mesures sont rendues indispensables par la hausse des taux d’intérêt de court terme. Notre groupe a souvent alerté le Gouvernement sur les menaces que faisait peser cette dette et sur le risque de remontée des taux. Nous sommes dans cette situation depuis un an et nous en voyons déjà les effets. L’endettement public a un coût que nous avons eu trop tendance à oublier au cours des dernières années. Il est donc impératif de réduire notre dette.

L’équation est difficile à résoudre. Le combat contre la vie chère est confronté à la réalité de nos finances, et réciproquement. Nous devons resserrer notre politique budgétaire et faire face aux difficultés de nos compatriotes, le tout sans casser la croissance. J’imagine que nous aurons ce débat essentiel lors de la discussion du PLF en fin de semaine. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, c’est à un exercice original que nous nous consacrons aujourd’hui, puisque le présent texte est le premier de son genre. Il s’agit d’une nouvelle catégorie de loi de finances. Pas de nouvelle impulsion économique ou fiscale, pas d’infléchissement de la politique du Gouvernement, seulement un bilan comptable de la loi de finances initiale de 2023, auquel s’ajoutent quelques mesures d’urgence pour la fin de l’année.

Pour rappel, la loi de finances pour 2023 s’est caractérisée par le maintien de la politique fiscale impulsée depuis 2017 : moins d’impôts et plus d’aides pour les entreprises. Ce PLFG 2023 raconte la même politique, très favorable aux grandes entreprises et aux plus hauts patrimoines, alors que l’année qui s’achève a été marquée, notamment, par une inflation plus forte que prévu, entraînant avec elle une hausse corollaire de la précarité et de la pauvreté pour les classes les plus fragiles.

Que contient réellement ce texte ?

Tout d’abord, il dresse un panorama des hypothèses macroéconomiques, lesquelles restent inchangées : croissance de l’activité de 1 % en volume et solde public de –4,9 % du PIB ; rien de nouveau sous le soleil ! Ensuite, il acte, pour le budget de l’État, quelques modifications, notamment un solde budgétaire fixé à –171,7 milliards d’euros en 2023, en diminution de 6,4 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale, ce qui s’explique principalement par la hausse de la charge de la dette et par la baisse des recettes non fiscales. Enfin, il est prévu une augmentation des recettes fiscales de 2,4 milliards d’euros, notamment grâce à une hausse des recettes de la TVA – inflation oblige –, de l’impôt sur le revenu et de l’IS.

C’était à peu près tout dans la version initiale du texte. Heureusement, le parcours parlementaire de ce projet de loi n’a pas été inutile, puisque plusieurs amendements de nos collègues députés ont apporté des réponses à des problèmes urgents. Citons ainsi un abondement de 200 millions d’euros du fonds de soutien à l’Ukraine, ainsi qu’une enveloppe de 6,7 millions d’euros supplémentaires pour l’hébergement d’urgence afin de répondre à la crise sociale d’ampleur qui frappe notre pays. Sur ce point tous les signaux sont au rouge, et, malheureusement, c’était déjà prévisible voilà un an.

Au Sénat, notons également les amendements de notre rapporteur général visant à mieux financer l’entretien des ouvrages d’art du réseau national non concédé, à rénover les infrastructures du réseau d’eau, afin de lutter contre les fuites, ou encore à apporter un soutien important aux banques alimentaires, véritables amortisseurs sociaux et acteurs essentiels de la lutte contre la pauvreté qui s’installe dans notre pays. Nous voyons tout cela d’un bon œil.

Ces constats ne changent toutefois pas grand-chose à notre analyse première de ce texte. Ce projet de loi aurait pu être l’occasion pour le Gouvernement de prendre en considération le besoin d’un certain nombre d’amortisseurs sociaux et d’une meilleure répartition de l’effort. Notre pays en a besoin dès aujourd’hui, en 2023.

Nous sommes face à une urgence sociale causée par l’inflation. Oui, l’inflation, surtout alimentaire, a frappé durement nos concitoyens, notamment les classes moyennes et populaires. Or, face à ce choc, la politique gouvernementale a participé de la non-assistance à personne en danger, alors que tous les signaux d’alerte étaient au rouge.

Le ministre de l’économie s’est surtout fait remarquer par le verbe et l’agitation stérile. En avril, l’inflation alimentaire atteignait 17 % sur un an ; il a pris sa plume pour adresser un courrier à l’agro-industrie et aux grandes surfaces, sans effet ! En juin, alors que l’Insee démontrait que l’inflation servait principalement les marges de l’agro-industrie, il menaçait de publier les noms des plus gros profiteurs ; sans suite, donc sans effet ! En août, devant le Medef, il a annoncé la poursuite des baisses d’impôts pour les entreprises et leur a demandé d’augmenter les salaires… si elles le pouvaient. Passons ensuite poliment sur son idée consistant à autoriser la vente à perte, refusée par l’agro-industrie en septembre dernier. Enfin, il y a un mois, Bruno Le Maire redemandait aux industriels, tout aussi gentiment, de faire un effort…

Nous pourrions plaisanter sur l’agitation en pure perte de notre ministre de l’économie, mais tout cela a des conséquences bien concrètes sur la vie de nos concitoyens.

Ce projet de loi de fin de gestion est, en creux, la réponse aux questions qui nous préoccupent tous : pour qui nous endettons-nous ? Pour quel avenir et quel présent ?

Pour le présent, nous pouvons faire le constat : 9 millions de personnes en situation de privation matérielle et sociale, avec une précarité alimentaire qui s’installe ; l’urgence sociale qui explose jusqu’à des niveaux jamais atteints, avec des alertes rouges relayées par tous les acteurs de la solidarité.

Pour l’avenir, c’est l’urgence écologique qui devrait être notre boussole. Notre pays doit faire face à un rythme de catastrophes qui ne cesse de s’accélérer : tempêtes Ciaran, Domingos, Frederico, canicules de plus en plus intenses et de plus en plus tardives, feux de forêt ravageurs… Le chaos climatique s’installe, déjà destructeur, déjà meurtrier. Sommes-nous armés pour y faire face ? Quand le ministre de l’écologie parle d’adapter la France à une hausse de quatre degrés Celsius, le Gouvernement devrait être mobilisé pour faire face à la multiplication des catastrophes, mais où sont les budgets d’urgence pour nos pompiers, pour la sécurité civile, pour l’adaptation des infrastructures et des réseaux ?

Ce projet de loi de finances de fin de gestion devrait nous permettre d’apporter l’aide d’urgence dont nos territoires sinistrés ont besoin. Il est temps de le réaliser : plus nous attendons pour nous préparer, plus les coûts exploseront. La situation actuelle n’est qu’un avant-goût de qui nous attend.

Les sénatrices et sénateurs écologistes proposeront une série d’amendements indispensables pour sortir de notre inaction collective, soutenir les acteurs qui en subissent de plein fouet les conséquences et amorcer une réelle transition dans les comportements, les modes de production et l’action publique.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui d’une loi de finances d’un genre nouveau. Celle-ci découle de la modification de la Lolf décidée en 2021, à laquelle nous étions opposés.

Nous considérions en effet que ce nouveau type de texte créait de la confusion, et ce à deux titres.

Tout d’abord dans l’objet : ce PLFG s’apparente à une décision modificative, à un budget supplémentaire pour passer les deux mois à venir. Cependant, en prétendant informer le Parlement, vous le mêlez à vos choix budgétaires, en revenant sur ceux qu’il a faits dans le PLF. C’est là qu’il y a un problème. Et encore, je parle d’une procédure sans recours au 49.3, mais, avec le 49.3, vous faites le budget tout seul. Autrement dit, vous considérez que vous êtes ici, monsieur le ministre, non pas pour engager votre responsabilité – la Constitution ne le prévoit pas, de toute façon –, mais pour nous tenir comptables de vos décisions budgétaires.

Il y a une seconde confusion, au regard de l’autorisation parlementaire qui intervient lors du vote du budget. Le Parlement autorise le Gouvernement à dépenser, mais celui-ci décide d’engager autrement la modeste somme de 21,9 milliards d’euros et d’annuler d’un trait de plume 5,2 milliards d’euros. (M. le ministre délégué proteste.) Vous reconnaissez qu’il manquait au moins 15 milliards d’euros au budget initial et vous comptez les dépenser dans les deux prochains mois. C’est non pas une erreur comptable, mais une erreur politique, c’est le refus du principe de réalité et de la nécessité de l’action publique.

C’est pour cette raison que nous défendons l’impérieuse nécessité d’être sincèrement et humainement solidaire du département du Pas-de-Calais. Tel est le sens de l’amendement que défendra Cathy Apourceau-Poly, sénatrice de ce département. Nous souhaitons allouer 200 millions d’euros à un fonds d’urgence sur la base de la solidarité nationale pour permettre la reconstruction du territoire après l’épisode d’inondations sans précédent qu’il a connu. Et s’il faut plus, ce qui est fort probable, le groupe CRCE-K votera pour de nouvelles dépenses de solidarité nationale en faveur de ce département, comme nous le ferions pour tout autre territoire.

Nous défendrons ensuite un amendement pour soutenir financièrement les associations d’aide alimentaire, en première ligne face à la recrudescence de la pauvreté, qui touche même les salariés ! L’ouverture des négociations alimentaires entre les industriels de l’agroalimentaire et les distributeurs un mois avant la date prévue, est, je le pense, une mesure dérisoire face à l’inflation record de 21,8 % entre août 2021 et août 2023. Les prix ne baissent pas, ils augmentent moins vite. Le ministre Le Maire, tout en flegme, préfère affirmer, véritable affront pour nos compatriotes : « L’inflation est derrière nous. » Franchement… Nous aurons ces débats dès jeudi prochain dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2024, mais ces propos sont inacceptables, tant ils paraissent en totale déconnexion avec la réalité sociale.

Je souhaite maintenant revenir sur un amendement qui tend tout simplement à empêcher ce que j’appelle un hold-up financier sur les finances des communes, que le Gouvernement a prétendu défendre ici, au Sénat, avec un filet de sécurité qui n’était finalement pas à la hauteur. Le retour de bâton est terrible : ce sont 3 425 collectivités et groupements qui devront rendre leur acompte versé à l’automne 2022, pour un montant de 69,8 millions d’euros. Comme si elles allaient trop bien pour être soutenues ! Cette reprise financière a des relents de contrats de Cahors, que vous voulez pourtant faire oublier…