Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Fouassin.

M. Stéphane Fouassin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, notre discussion sur les engagements financiers de l’État pour l’année 2024 est cruciale. Elle façonne notre responsabilité en matière de développement économique international, de préservation de nos intérêts nationaux et de promotion de politiques d’épargne solides.

Bien que légèrement inférieurs aux prévisions de la loi de finances initiale pour 2023, les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État » maintiennent une position solide.

En 2024, ils s’élèveraient à 60,8 milliards d’euros, soit 96 % des crédits liés à la dette, dont 6,5 milliards d’euros pour l’amortissement de la dette liée au covid-19.

Cette trajectoire est étroitement liée à notre situation macroéconomique. Les décisions antérieures, dont l’endettement pour soutenir notre économie durant les périodes de crise, ont été cruciales. Elles ont permis de maintenir notre résilience nationale et de nous positionner parmi les territoires les plus résistants aux turbulences économiques.

Cependant, cette trajectoire n’est pas exempte de défis. Une inflation soutenue a contraint les banques centrales à ajuster leur politique monétaire, affectant nos taux d’intérêt et projetant une dette estimée à 61 milliards d’euros en 2026.

Dans ce contexte de fluctuations et d’incertitudes géopolitiques mondiales, une prudence accrue s’impose.

Dans son engagement envers les citoyens français, l’État a mobilisé des garanties pour faire face aux crises, les appels en garantie ayant même atteint 1,6 milliard d’euros en 2024.

Ces garanties touchent plusieurs secteurs vitaux tels que les entreprises, les exportations, l’industrie, le développement, le logement, l’agriculture et le social ; elles soulignent notre détermination à assurer le bien-être et la stabilité des citoyens.

Le financement des entreprises de l’industrie, soutenu par les prix garantis par l’État, a été crucial pour maintenir la santé financière des entreprises. Plus de 30 milliards d’euros sur les 106 milliards d’euros qui ont été alloués depuis 2020 aux très petites entreprises (TPE) et aux petites et moyennes entreprises (PME) ont été remboursés intégralement.

Parallèlement, notre action internationale visant à favoriser le développement économique, notamment en Afrique subsaharienne, par le soutien des secteurs privés africains, témoigne de notre engagement en faveur de la croissance globale et de la solidarité internationale.

Ces chiffres, ces programmes, ces montants ne sont pas de simples données sur le papier. Ils traduisent notre responsabilité présente et pour l’avenir de notre nation. Ils incarnent notre engagement à maintenir la stabilité économique, à relever les défis actuels et à bâtir un avenir prospère pour tous les Français.

Pour l’année 2024, les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État » s’établissent à 55,155 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 60,818 milliards d’euros en crédits de paiement.

Cette mission comprend huit programmes, dont six sont dotés dans le cadre du PLF 2024, chacun revêtant une importance particulière dans la garantie de la santé financière de notre nation.

Le programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de l’État » demeure un pilier essentiel ; il assure le financement quotidien à moyen et long terme de l’État, dans des conditions optimales de coût et de sécurité.

Le programme 114 « Appels en garantie de l’État » consolide les crédits pour couvrir, par une garantie de l’État, divers dispositifs touchant les entreprises, les exportations, l’industrie, le développement, le logement et l’agriculture.

Le programme 145 « Épargne » est crucial : il pilote les instruments de financement du logement et favorise l’accès des organismes de logement social à une ressource financière attrayante, tout en équilibrant les systèmes d’épargne réglementée.

Le programme 344 « Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque » soutient les collectivités territoriales ayant souscrit des emprunts sensibles et garantit la stabilité financière régionale.

Le programme 369 « Amortissement de la dette de l’État liée à la covid-19 » témoigne de notre engagement à absorber le surcroît de dette issu de la crise sanitaire.

Ces programmes nous permettent d’atteindre quatre objectifs : assurer une émission de dette optimale ; gérer efficacement la trésorerie ; garantir un niveau de contrôle des risques de qualité ; enfin, minimiser la charge de la dette pour le contribuable.

Néanmoins, la route vers la stabilité financière en 2024 n’est pas sans défis : les besoins de financement croissants et les incertitudes économiques exigent une gestion prudente si nous voulons préserver l’équilibre budgétaire.

Ensemble, nous devons maintenir une stratégie solide pour gérer notre dette et notre trésorerie. Nous devons honorer nos engagements tout en minimisant la charge pour nos concitoyens ; il nous faut continuer à travailler pour bâtir un avenir économique solide, garantir une prospérité partagée et offrir des perspectives prometteuses à chaque Français.

Enfin, l’étude de la mission « Remboursements et dégrèvements » est l’occasion de saluer les efforts de Bercy pour améliorer la qualité du service offert aux particuliers et aux professionnels en proposant une gestion plus souple de leur trésorerie. Ces efforts viennent soutenir la politique de compétitivité menée par le Gouvernement.

Notre groupe votera donc ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Cozic.

M. Thierry Cozic. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai souhaité concentrer mon propos sur la mission « Engagements financiers de l’État », principalement sur le programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de l’État ».

Ce programme vise à couvrir le besoin de financement de l’État, tout en minimisant, sur la durée, le coût pour le contribuable.

Cette ambition se traduit essentiellement par la politique d’émission de la dette négociable sur le marché primaire et par le maintien de bonnes conditions de liquidité de cette dette sur le marché secondaire.

Tout d’abord, j’aimerais revenir sur un poncif que l’on assène paresseusement sans analyse économique sérieuse : non, la charge de la dette n’est pas le deuxième poste de dépenses de l’État !

En 2023, le déficit public devrait s’établir à 4,9 % du PIB, dont 1,9 point d’intérêts. La France n’a pas remboursé sa dette et cela lui a permis de financer 3 points de PIB de dépenses publiques.

Le taux d’intérêt payé sur la dette est de 1,7 %, mais la croissance du PIB en valeur devrait s’établir à 6,5 %, ce qui produit un taux d’intérêt corrigé de –4,8 %.

Je note que ce détail intéresse peu de monde. Pourtant, il fait toute la différence, car, in fine, la dette ne coûte rien, elle ne fait que reporter.

Certes, l’écart va baisser et tendre vers zéro. La France s’endette aujourd’hui à 3 % pour une croissance anticipée de 3,3 %. À terme, la charge d’intérêt passera à 3,3 % quand le déficit public devrait passer à 3,6 %, pour stabiliser le ratio de dette sur PIB. Le solde primaire devrait, quant à lui, passer de –3 % à –0,3 %.

Ne nous méprenons pas : la dette et ses intérêts ne sont pas des sujets mineurs. Toutefois, soyons honnêtes : la charge de la dette est devenue le nouveau cheval de bataille des prophètes de l’orthodoxie budgétaire. Il est donc utile de remettre dans nos débats de la perspective et du contexte politique.

Si la barre des 70 milliards d’euros était atteinte en 2027, nous retrouverions simplement le niveau moyen de la charge de la dette depuis 1980. Certes, cette charge a bondi en un an d’un peu plus de 15 milliards d’euros. Mais les tenants du chantage à la dette oublient de mentionner que cette « explosion » est liée pour 13 milliards d’euros, comme le souligne l’Insee, à l’effet de la hausse de l’inflation sur les titres indexés sur cette dernière : les obligations assimilables du Trésor indexées sur l’inflation (OATi).

Ils oublient aussi de dire que, si l’inflation ralentit – cela semble se dessiner –, cette charge se réduira alors d’autant. En effet, si les taux augmentent, ils restent inférieurs à l’inflation et sont donc, en réalité, négatifs.

Ces considérations ont conduit M. Pisani-Ferry et Mme Mahfouz à qualifier d’excessives les alarmes sur la remontée des taux et à suggérer d’accroître l’endettement pour la transition écologique, de 250 milliards d’euros à 300 milliards d’euros, d’ici à 2030.

Enfin, il nous faut aussi relativiser la hausse de la charge de la dette, car cette charge, ainsi que le prix que nous coûtent les emprunts, permet à l’État d’investir. Contrairement à ce qu’on laisse parfois entendre, cet investissement n’est pas de l’argent jeté par les fenêtres. En plus d’être créatrice de richesses, la hausse de la charge de la dette est évidemment nécessaire, dans le système actuel, pour répondre aux besoins des Français.

Enfin, puisqu’il est question de dette dans cette mission, j’aimerais vous rappeler que, s’il y en a une dont il faut tenir compte en priorité, c’est la dette écologique. Celle-ci n’est ni négociable, ni reportable, ni renouvelable. Elle pose la question de la survie de l’espèce humaine, question qui me semble infiniment plus grave, concrète et urgente que n’importe quelle dette financière. C’est donc elle qui doit dicter nos choix politiques, au service desquels la dette financière n’est qu’un outil, qu’il faut manier du mieux possible.

Si vous souhaitez trouver des financements pour résorber la dette, l’analyse de la mission « Remboursements et dégrèvements » peut être une piste de réflexion.

Bien que les crédits affichés ne posent pas de difficulté de chiffrage – quelques évaluations restent néanmoins sujettes à caution –, cette mission illustre bien les errements de la politique budgétaire du Gouvernement.

En effet, madame la ministre, en maintenant une trajectoire de désarmement fiscal, ainsi que des niches fiscales coûteuses en dépit d’une utilité contestée, vous n’allez pas dans le sens de la quête du « sérieux budgétaire » dont vous vous réclamez tant.

Les entreprises françaises bénéficient d’environ 80 milliards d’euros d’exemptions d’impôt, dont l’efficacité est loin d’être toujours prouvée. Ce constat pourrait justifier des économies importantes.

Pour ne prendre que l’un des plus coûteux de ces dispositifs, le crédit d’impôt recherche est devenu, depuis sa réforme en 2008, une vache sacrée. Les entreprises sont manifestement très attachées à ce mécanisme fiscal extrêmement avantageux. En volume, le CIR profite surtout aux grands groupes, qui en font de plus en plus un instrument d’optimisation fiscale. Un rapport de la Cour des comptes souligne en revanche son coût élevé pour les finances publiques, alors même que son efficacité est difficile à établir. Cet aspect doit être revu, d’autant que, d’un point de vue macroéconomique, la réduction des niches fiscales accordées aux entreprises améliore leur santé à long terme, en les rendant moins dépendantes des stéroïdes fiscaux.

En conclusion, les trajectoires financières, assises sur des choix politiques que nous ne partageons pas, ne nous permettent pas de voter les crédits de ces missions budgétaires. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État » sont, pour l’essentiel, ceux affectés au remboursement de la dette, enjeu majeur de notre souveraineté nationale.

En effet, alors que près de la moitié de notre dette est détenue par des acteurs étrangers, nous ne pouvons pas, entre autres raisons, laisser ce stock augmenter d’année en année de manière quasi mécanique. Notre endettement, pourtant, ne cesse de croître, dans un écho médiatique somme toute très relatif.

Ainsi, en 2023, la dette publique a franchi le cap symbolique de 3 000 milliards d’euros, atteignant 3 047 milliards d’euros au deuxième trimestre 2023, soit 45 000 euros par Français.

Cette situation nous amène à emprunter en 2024 le montant colossal de 285 milliards d’euros sur les marchés financiers, soit 15 milliards de plus qu’en 2023, qui était pourtant une année record.

Depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, notre stock de dette a augmenté de 800 milliards d’euros. En conséquence, la France est passée en 2023 du vingt-troisième au vingt-cinquième rang des pays les plus endettés d’Europe. Peut-on encore se rassurer quand seules désormais la Grèce et l’Italie ont un taux d’endettement supérieur à celui de la France ?

La dette de la France s’élève à 111,9 % du PIB, contre 90 % en moyenne pour la zone euro, 83 % pour l’Union européenne et 64 % pour l’Allemagne.

Malgré cette situation extrêmement préoccupante, le Gouvernement procrastine. L’année prochaine, notre endettement ne diminuera pas, le projet de loi de finances pour 2024 tablant sur une dette à 109,7 % du PIB, comme en 2023.

D’après le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, notre taux d’endettement diminuerait de seulement 3,7 % sur l’ensemble du quinquennat. À ce rythme, il nous faudrait soixante-quatre ans pour égaler le niveau d’endettement actuel de l’Allemagne. Le différentiel avec nos voisins européens est donc abyssal !

Le Sénat a pourtant alerté à maintes reprises sur la situation. De loi de finances en loi de finances, année après année, le groupe Les Républicains n’a cessé de prévenir les gouvernements successifs du risque mortel que nous courrons en renonçant à nous attaquer au mur de la dette. En cas de remontée des taux d’intérêt, la situation pourrait devenir incontrôlable.

Les craintes contre lesquelles nous mettions en garde sont donc devenues une réalité douloureuse, mais est-ce véritablement surprenant ?

Les taux d’intérêt ont explosé, passant de taux négatifs en décembre 2021 à plus de 3,5 % actuellement pour les emprunts à dix ans, qui sont la référence. La dernière fois que nous avons franchi ce seuil, c’était il y a douze ans, en 2011.

Placé au pied du mur du réel, le Gouvernement lui-même est contraint de se baser sur une hypothèse de rendement de 3,5 % en 2024 pour les obligations assimilables du Trésor (OAT) à dix ans.

Les conséquences sont naturellement lourdes. Je rappelle qu’un point de taux d’intérêt de plus représente, au bout de dix ans, un coût supplémentaire de 40 milliards d’euros, soit peu ou prou le budget actuel de la défense. Un point de taux d’intérêt en plus, c’est aussi 2,5 milliards d’euros supplémentaires de charge de la dette la première année, 6 milliards la deuxième, 10 milliards la troisième et près de 17 milliards à l’horizon 2027 !

Voilà, nous y sommes. La situation n’est plus tout à fait théorique, ni imaginaire, ni encore moins virtuelle. Les effets de la hausse des taux d’intérêt seront de plus en plus forts, et ce dès 2024.

Ainsi, le Gouvernement prévoit que la charge de la dette augmentera de 11 milliards d’euros en 2024. Cette hausse se poursuivra de manière inexorable, à raison d’une dizaine de milliards d’euros de plus chaque année : 48 milliards d’euros en 2023, 56 milliards en 2024, 66 milliards en 2025, 75 milliards en 2026, 84 milliards en 2027. Comme l’a très bien dit M. le rapporteur spécial Albéric de Montgolfier, cela représente quasiment l’équivalent du produit de l’impôt sur le revenu.

Dès 2025, la charge de la dette sera donc sans nul doute, à elle seule, supérieure au plus important poste de budget de l’État, à savoir l’éducation.

Nous le voyons bien : nous sommes enfermés dans un cercle vicieux qu’il nous faut absolument briser.

Madame la ministre, quelle est votre attitude ? Que fait le Gouvernement ?

Revenons aux sources : l’engagement pris par le Président de la République le 3 juillet 2017, devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles. Pendant une heure et quinze minutes, nous avions bu les paroles présidentielles.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Oui !

M. François Bonhomme. Le Président nous faisait part de son « impatience d’agir ».

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Il n’a pas ergoté !

M. François Bonhomme. Il était, disait-il, animé d’une volonté de fer et du sentiment d’obligation d’une « transformation résolue et profonde, tranchant avec les années immobiles », pour « renouer avec l’esprit de conquête » et répondre à « une impérieuse attente ».

Nous en étions tout retournés (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.), d’autant qu’il nous faisait part d’une prise de conscience : il avait compris que le peuple français pouvait, à force de déceptions, être en proie à « la colère et au dégoût devant l’inefficacité ». Il allait demander au Gouvernement d’agir, car « être fidèle à ce que le peuple français a voulu » supposerait « une certaine forme d’ascèse » – rien de moins ! – et « une exigence renforcée ».

La feuille de route présidentielle était claire et même éloquente : « réduire nos dépenses publiques pour éviter à nos enfants de payer le prix de nos renoncements ».

Or nous connaissons aujourd’hui le prix de ce renoncement : 45 000 euros net pour chaque nouveau-né !

Dans son exhortation personnelle, le Président de la République allait même jusqu’à dire : « Voyons la réalité en face. Les forces de l’aliénation sont extrêmement puissantes. » Il citait « l’aliénation à la contrainte financière », si nous ne rétablissions pas notre budget, si nous ne réduisions pas notre dette publique pour rendre au peuple sa « pleine souveraineté ». On ne saurait mieux dire !

Certes, il nous rappelait que la tâche était lourde. Assurément. Heureusement, il se disait aiguillonné par une « éthique de l’action ». Il nous objurguait : nous n’avions « pas cinq ans devant nous d’ajustements et de demi-mesures ». C’en était terminé du temps des « renoncements et des mauvaises habitudes ». Les engagements seraient « tenus » et les réformes « conduites ».

Tellement sûr de son fait et emporté par son élan – l’enthousiasme des débuts, sans doute ! –, il ajoutait : « Tous les ans je reviendrai devant vous pour vous rendre compte. » (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

Cette promesse s’est évaporée. Même Bruno Le Maire ne vient plus devant le Sénat.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Eh oui, quel regret !

M. François Bonhomme. Les propos sont restés incantatoires, les actions lettre morte, et le Gouvernement assiste à sa propre impuissance devant une réalité budgétaire devenue inexorable et plus rude que jamais.

Pour les plus croyants, les engagements se sont perdus dans les limbes, c’est-à-dire aux marges de l’enfer. Pour les âmes plus prosaïques, ils ont fini leur course au 36, rue des Morillons ou au 55, rue du Faubourg-Saint-Honoré, c’est-à-dire aux objets perdus de la Présidence. (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Pour notre part, nous voterons les crédits de ces missions, parce que nous avons proposé 5 milliards d’euros d’économies et parce que nous devons tenir nos engagements auprès de nos créanciers. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Louault applaudit également.)

M. Antoine Lefèvre. Très bien !

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Une fine lame ! Précis, lucide et tranchant !

Mme la présidente. La parole est à M. Christopher Szczurek.

M. Christopher Szczurek. Madame la ministre, vous nous demandez principalement d’approuver des perspectives d’endettement abyssales pour l’année 2024.

Selon ce texte, qui – nous le savons – sera adopté une nouvelle fois par le biais de l’utilisation abusive du 49.3 à l’Assemblée nationale, l’État devra lever 285 milliards d’euros sur les marchés financiers – soit près de 10 % de notre PIB, un record historique – pour équilibrer un budget qui ne peut pas l’être.

Cette trajectoire profondément inquiétante de nos comptes publics nous pousse à nous interroger sur la soutenabilité générale de notre endettement.

Notre pays attend fébrilement les décisions obscures des agences de notation, liées à l’humeur versatile de créanciers du bon vouloir desquels dépend la politique tout entière de la Nation.

Madame la ministre, face à cette situation, vous persistez à recourir à des dispositifs d’endettement coûteux. Le maintien des obligations assimilables du Trésor, titres de dettes indexés sur l’inflation, aggravera encore nos dettes de 30 milliards d’euros. Vous vous voulez responsable et, pourtant, vous vous obstinez à abonder cet outil, en pleine crise inflationniste.

Alors que les Français demandent désespérément le secours de l’État et des services publics, nous savons désormais que la charge de la dette deviendra le premier budget de la Nation et imposera une austérité destructrice.

Vous nous direz covid-19, vous argumenterez Ukraine, mais les causes extérieures ne peuvent pas tout justifier. Pendant près de dix ans, la Banque centrale européenne a largement financé notre dette. Jamais le coût de celle-ci n’avait été si bas alors que son stock explosait.

Qu’avez-vous fait de cette manne ? Avez-vous investi dans l’avenir et dans la modernisation de la France ? Avez-vous soutenu la transition économique et écologique ? À peine !

La promesse du macronisme était de rompre avec le vieux monde ; huit ans plus tard, vous mettez la France désespérément en retard.

Vous ajoutez à cela un fardeau qui sera à terme trop lourd : la dette européenne que représente le plan de relance pour l’Europe, dont la France devra rembourser entre 60 et 80 milliards d’euros pour à peine 40 milliards d’euros promis, mais pas encore reçus.

Ni vos perspectives de croissance par trop optimistes, ni les vagues promesses de bonne gestion, ni les rodomontades du ministre de l’économie – où est-il, d’ailleurs, encore une fois ? peut-être à un salon du livre… – ne camouflent ce budget de faillite.

Nous ne voterons évidemment pas ces crédits, pour ne pas apposer nos noms à la banqueroute financière qui s’annonce.

« Encore une minute, monsieur le bourreau ! » disait Mme du Barry. Avant la potence financière, l’urgence, plus que jamais, c’est l’alternance !

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault.

M. Vincent Louault. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cinquante ans de déficit public et cinquante milliards d’euros de charge de la dette.

Un peu plus de cinquante secondes me suffiront pour commenter cette mission, dont l’examen des crédits se résume à la comptabilisation des engagements financiers de l’État. Tout a été dit et redit sur le sujet ; tout a été dit sur un cumul de déficits chroniques qui hypothèquent l’avenir de nos enfants, celui de plusieurs générations actuelles comme celui de bon nombre à venir.

Demain, l’enseignement scolaire, premier budget de l’État, sera dépassé par celui qui est consacré à la charge de la dette. Le symbole est terrible et la réalité, d’un cynisme absolu : le budget qui doit permettre à chacun de s’émanciper de sa condition en s’inscrivant dans une destinée commune sera dépassé par un budget dont l’ampleur dictera des restrictions et imposera des choix parfois dramatiques.

Ce budget, qui devrait être le signe d’un investissement dans l’avenir, se trouve être celui qui le plombe un peu plus chaque jour.

Rendez-vous compte : j’avais un an lorsque fut voté le dernier budget excédentaire ! Cette époque, les jeunes de moins de 50 ans ne pourront sûrement pas la connaître…

Au sein du groupe Les Indépendants, nous nourrissons l’espoir que, à l’occasion du cinquantenaire du déficit à répétition, les noces d’or se transforment en règle d’or.

Nous voterons les crédits de cette mission.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canévet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Michel Canévet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons à présent deux missions très importantes – la mission « Remboursements et dégrèvements » et la mission « Engagements financiers de l’État » –, qui sont respectivement les première et deuxième missions de l’État.

Nous avons d’ailleurs bénéficié, pour ce faire, de rapporteurs d’un très bon niveau.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Excellents ! La crème !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. Vous avez un amendement à faire passer ? (Sourires.)

M. Michel Canévet. Le niveau de la dette de l’État, qui s’élève à 2 560 milliards d’euros, en augmentation de 560 milliards d’euros depuis 2020, préoccupe très fortement les membres du groupe Union Centriste.

M. Cozic a affirmé que la charge de la dette n’était pas le second poste de dépenses de l’État, relativisant la situation. Au groupe Union Centriste, nous considérons au contraire que la situation est particulièrement grave. Comme vient de le dire notre collègue Vincent Louault, nous risquons de reporter une charge insupportable sur les générations futures. Cela n’est absolument pas acceptable !

Si nous constatons que la part de la dette détenue par les non-résidents diminue depuis 2010 – c’est un des rares points positifs –, cette part reste toutefois majoritaire, ce qui continue de nous préoccuper.

Par ailleurs, le besoin de financement de la dette pour l’année à venir, 285 milliards d’euros – il va bien falloir les lever ! –, est tout à fait colossal. Il était de 270 milliards d’euros cette année et de 260 milliards d’euros l’année passée. Cette évolution devrait nous inquiéter.

M. le rapporteur spécial Albéric de Montgolfier l’a dit : nous avons reçu une bonne nouvelle hier, avec la décision de Standard and Poor’s (S&P) de maintenir la note AA pour la France. Il s’agit de la meilleure notation, Fitch ayant noté la France AA– et Moody’s Aa2.

Nous restons préoccupés, car les perspectives de notation demeurent à la baisse. Or les risques sont connus de chacun d’entre nous : chaque fois que les agences de notation diminuent notre note, le taux auquel nous empruntons s’élève et la charge de la dette s’accroît en conséquence.

Voilà pourquoi il est important de maintenir des perspectives positives. Dans ces conditions, madame la ministre, nous pouvons nous réjouir que S&P ait maintenu la note de la France.

En ce qui concerne les remboursements et dégrèvements, nous observons tout de même une part croissante des remboursements de TVA. Ils ont augmenté de 66 % en dix ans, pour atteindre près de 80 milliards d’euros sur les 140 milliards d’euros de la mission.

Ces montants importants doivent nous conduire à nous interroger : pourquoi ce niveau d’évolution ? Que devons-nous faire pour tenter de le réduire ?

M. le rapporteur spécial Pascal Savoldelli évoquait la question du crédit d’impôt recherche. Oui, il coûte cher – 7,8 milliards d’euros –, mais il revêt une très grande importance. En effet, au travers des actions de recherche, on prépare l’économie de demain, on permet à nos acteurs économiques de proposer les services et produits dont la population aura besoin.

Chacun voit bien que notre économie est en pleine évolution. Il est donc nécessaire d’accompagner les entreprises dans cet effort et de les inciter à mener des recherches. Dans ce domaine, la France est très attractive et doit le rester. Je nous invite donc à rester attentifs à ceci : si nous changions les règles en la matière, nous risquerions de voir un certain nombre d’actions de recherche partir à l’étranger. Alors que nous n’atteignons pas encore les objectifs que nous nous étions fixés en 2000 à Lisbonne – 3 % du PIB consacrés à la recherche, contre 2,3 % actuellement selon M. le rapporteur spécial –, nous devons encore accroître nos efforts.

Au fil de l’examen de ce projet de loi de finances, la ligne du groupe Union Centriste est claire : nous voulons une meilleure maîtrise des dépenses. Nous avons déposé différents amendements en ce sens et nous sommes d’ores et déjà heureux que la version de la première partie issue des travaux du Sénat améliore le solde budgétaire par rapport au texte initial.

Nous voulons aussi améliorer nos recettes. Cela passe notamment par le renforcement de la lutte contre la fraude. Notre collègue Nathalie Goulet a fait plusieurs propositions en ce sens.

Nous devons être plus actifs, en particulier en matière de remboursements et dégrèvements.

Nous devons aussi, bien sûr, trouver les moyens de contrecarrer l’optimisation fiscale qui est mise en œuvre par un certain nombre d’acteurs. Ce sont des recettes qui s’envolent. Nous ne pouvons pas l’accepter.

Notre groupe a enfin proposé différentes revues des dépenses fiscales, car il faut bien se dire que certaines de nos habitudes doivent être remises en cause.

Nous espérons que le Gouvernement retiendra nos propositions. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)