compte rendu intégral

Présidence de M. Alain Marc

vice-président

Secrétaires :

M. Jean-Michel Arnaud,

Mme Catherine Conconne.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Mise au point au sujet d’un vote

M. le président. La parole est à M. Serge Mérillou.

M. Serge Mérillou. Monsieur le président, lors du scrutin n° 102 du 14 décembre 2023 sur l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi organique visant à rétablir la réserve parlementaire en faveur des communes et des associations, je souhaitais voter pour.

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle figurera dans l’analyse politique du scrutin concerné.

3

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

demande de soutien de l’état pour le projet de modernisation de l’abattoir de quillan

M. le président. La parole est à M. Sebastien Pla, auteur de la question n° 796, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Sebastien Pla. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur l’importance du concours de l’État pour la modernisation de l’abattoir de Quillan, propriété d’un syndicat mixte réunissant les communautés de communes du Limouxin et des Pyrénées audoises au sein du pôle d’équilibre territorial et rural (PETR) de la haute vallée de l’Aude.

Cet outil est le seul qui reste dans le département après la fermeture des abattoirs de Castelnaudary et de Narbonne. Il est indispensable pour la filière d’élevage audoise, car il est implanté en zone de montagne au plus près des exploitations.

Ce site d’abattage collectif, cogéré par les éleveurs et les élus locaux, permet la commercialisation de bêtes élevées localement avec une traçabilité irréprochable, justifiant la création du label de qualité « Viandes des Pyrénées audoises » et favorisant de nombreux partenariats avec les artisans bouchers locaux.

Son positionnement géographique central permet aussi de limiter le transport des animaux vivants à moins d’une heure de distance, afin de garantir des conditions sanitaires et de bien-être animal optimales.

Enfin, il permet aux éleveurs des territoires voisins, tels que ceux de la plaine du Lauragais qui pratiquent l’enrichissement gras, de bénéficier d’une structure de proximité adaptée.

Or l’abattoir de Quillan doit faire face à de nombreux handicaps qui fragilisent sa pérennité économique, comme l’inflation des charges courantes, le coût de normes qui sont inadaptées pour des structures de cette taille, la baisse du tonnage traité et le coût élevé des investissements. Aujourd’hui, cet abattoir indispensable à la filière a besoin d’un nouveau souffle pour poursuivre sa modernisation et se diversifier.

Dans le cadre du plan de relance, l’État a permis de financer des études pour la mise en œuvre d’un modèle de gestion en phase avec les objectifs réglementaires et sanitaires qu’exige un tel site.

Monsieur le ministre, pouvez-vous m’indiquer à quelle hauteur l’État envisage de financer les investissements nécessaires à la modernisation de l’abattoir de Quillan et quand il compte le faire ?

Plus globalement se pose la question de savoir si les petits abattoirs de proximité en zone de montagne ont un avenir ou s’ils sont voués à disparaître, disparition dont je ne préfère pas imaginer les conséquences. Quelle est votre doctrine sur ce sujet ? Prévoyez-vous de le traiter dans le cadre du futur projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Pla, comme vous le soulignez, les abattoirs jouent un rôle majeur dans les filières animales et dans la chaîne alimentaire, ainsi que pour les territoires.

Ainsi, 181 abattoirs ont bénéficié du plan de relance, à hauteur de 115 millions d’euros, ce qui représente un volume d’aide inédit. Cela a permis de moderniser et d’adapter les outils pour les mettre en conformité avec les exigences du secteur.

Je souscris à ce que vous dites sur les normes – il faut éviter d’en ajouter en permanence –, mais il arrive malheureusement souvent que, tout en faisant valoir ce principe, on en ajoute quand même… Faisons simplement avec les normes existantes !

Le contexte actuel crée une conjoncture difficile pour les filières d’élevage, qui subissent l’inflation et parfois des pertes de volume.

Le ministère de l’agriculture a engagé au mois de juillet dernier, sur mon initiative, une démarche associant l’ensemble des filières professionnelles et les collectivités territoriales pour préserver un maillage sur l’ensemble du territoire. Ce travail est en cours et doit aboutir au premier trimestre 2024. Il permettra de déterminer le maillage à privilégier, le type d’abattoirs dont nous avons besoin et ceux que nous devons accompagner.

En effet, j’ai pu constater que, dans certains cas, quatre, cinq ou six plans d’aide ne suffisent toujours pas à garantir la pérennité d’un abattoir. Certes, ce n’est pas forcément le cas de celui que vous citez, mais cela montre qu’il faut tenir compte du contexte. Je ne peux pas engager l’État à l’aveugle sur tel ou tel abattoir sans avoir analysé l’ensemble du maillage.

Nous devons définir clairement le réseau d’abattoirs dont nous avons besoin sur le territoire, en distinguant les établissements selon leur taille – il nous faut toute la panoplie. Pour cela, nous devons savoir quels animaux sont aujourd’hui traités dans tel ou tel abattoir et dans quels volumes. Nous devons aussi établir des prévisions de production. Nous pourrons ainsi déterminer si l’ensemble peut fonctionner.

Ensuite, l’État interviendra conformément à ce que prévoit le plan de reconquête de la souveraineté de l’élevage, c’est-à-dire grâce à des garanties d’emprunts à hauteur de 50 millions d’euros, pour accompagner les abattoirs dans leur modernisation.

Pour l’instant, nous avons surtout besoin d’un diagnostic et ce sera fait rapidement, puisque les travaux devraient se terminer durant le premier trimestre 2024.

M. le président. La parole est à M. Sebastien Pla, pour la réplique.

M. Sebastien Pla. Monsieur le ministre, j’entends ce que vous dites et je m’en réjouis. Vous avez raison de rappeler qu’il faut veiller à ne pas créer trop de normes.

Toutefois, il faut surtout donner des moyens aux territoires qui n’en ont pas, notamment ceux où l’on trouve des structures d’utilité publique comme l’abattoir de Quillan, où il est difficile de recruter du personnel doté d’un certain niveau de compétences.

mise en place des clauses miroirs aux frontières du marché intérieur

M. le président. La parole est à M. Guislain Cambier, auteur de la question n° 906, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Guislain Cambier. Monsieur le ministre, lors du premier conseil de l’Union européenne sous présidence française, le 17 janvier 2022, vous avez fait de la mise en place des clauses miroirs une priorité européenne.

Évoquées à plusieurs reprises par le Président de la République, ces mesures imposeraient aux partenaires commerciaux qui souhaitent exporter leurs produits agricoles vers l’Union européenne de se conformer au préalable à ses normes sanitaires et environnementales.

Aujourd’hui, alors que les agriculteurs français respectent les nombreuses préconisations de la Commission européenne, tout particulièrement la réduction drastique de produits phytosanitaires, ces obligations ne sont pas imposées aux produits importés de l’extérieur de l’Union européenne. C’est ainsi que des pesticides et antibiotiques non autorisés en Europe peuvent l’être à l’étranger et se retrouver dans nos assiettes.

Par exemple, le consommateur français n’est pas informé que les lentilles produites au Canada le sont avec des pesticides formellement interdits en Europe.

Ces produits chimiques ont pour seul objectif d’augmenter les volumes de récolte, quoi qu’il en coûte, donc au détriment de la santé des consommateurs européens. Cette différence de traitement peut être assimilée à de la concurrence déloyale.

Les agriculteurs que j’ai rencontrés dans le département du Nord, en particulier dans l’arrondissement d’Avesnes-sur-Helpe, vous ont soutenu dès 2022, alors que vous annonciez que ces clauses miroirs étaient une priorité. Mais, deux ans après cette annonce, rien.

Comme les agriculteurs de mon territoire, je souhaite connaître l’état d’avancement de la mise en œuvre des clauses miroirs, près de deux ans après l’annonce que vous avez faite à leur sujet.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Cambier, vous ne pouvez pas dire qu’il ne s’est rien passé !

Le Gouvernement a inscrit la question des clauses miroirs à l’agenda européen, alors qu’elle n’y figurait pas, et cela sous l’impulsion de mon prédécesseur, Julien Denormandie, en accord avec le Président de la République dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne.

Oui, il faut introduire des clauses miroirs dans l’ensemble des accords internationaux. Nous avons d’ailleurs refusé certains accords, comme ceux avec l’Australie et le Mercosur. La France, parfois seule – sans doute trop seule… –, a refusé ces accords au motif que des clauses miroirs n’y figuraient pas, en particulier celles qui sont relatives à l’accord de Paris. Voilà un exemple d’action concrète que nous avons menée. L’absence de clauses miroirs dans ces deux accords a justifié notre refus de les entériner. Nous avons donc tenté, vous le voyez bien, de progresser sur ce sujet.

En outre, en matière de réciprocité des normes, nous avons défendu trois types de mesures miroirs : l’interdiction des importations de produits d’origine animale pour lesquels il a été fait usage d’antimicrobiens ; la suppression des tolérances à l’importation de produits contenant des résidus de pesticides interdits ; et la lutte contre la déforestation importée. Ces mesures s’appliquent désormais dans un certain nombre d’accords et des décisions européennes ont été prises dans ce sens.

L’initiative portée par la France a eu pour résultat l’introduction d’une conditionnalité tarifaire dans l’accord avec la Nouvelle-Zélande réservant le bénéfice de l’accès préférentiel aux produits issus de bovins nourris à l’herbe.

Pa ailleurs, la Commission européenne a présenté le 6 décembre 2022 le projet d’acte délégué permettant d’étendre aux importations de viande l’interdiction européenne d’utiliser des antibiotiques.

L’accord trouvé entre le Conseil européen et le Parlement européen le 6 décembre 2022 sur l’instrument de lutte contre la déforestation est un autre exemple de résultat concret que nous avons obtenu.

Enfin, la Commission européenne a également adopté, le 2 février dernier, au titre de la protection des pollinisateurs, la mise à zéro des limites maximales de résidus acceptables dans un certain nombre de produits.

Je ne dis pas que tout est résolu, mais nous essayons de progresser à chaque fois que c’est possible. Dans toutes les discussions que nous avons sur les questions commerciales, nous veillons à intégrer des clauses miroirs, car sans elles, nos agriculteurs subiraient une distorsion de concurrence.

Certes, il ne s’agit pas d’une équivalence absolue et ni l’agriculture brésilienne ni l’agriculture canadienne ne fonctionnent comme l’agriculture française. Toutefois, dès que l’on constate un risque de distorsion de concurrence, il faut travailler à inclure des clauses miroirs et c’est ce que nous faisons.

M. le président. La parole est à M. Guislain Cambier, pour la réplique.

M. Guislain Cambier. Monsieur le ministre, nos agriculteurs méritent une égalité de traitement, que leurs produits soient en concurrence avec d’autres qui proviennent de l’extérieur ou de l’intérieur de l’Union européenne.

C’est un enjeu essentiel pour nos villages et nos communes, ainsi que pour notre puissance agricole. L’agriculture ne doit pas être une variable d’ajustement des négociations commerciales.

Je prends acte de votre fermeté et je vous invite à tenir cette position tout au long des négociations à venir.

adapter la politique de concurrence sur les produits bois issus des forêts françaises en crise

M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, auteur de la question n° 922, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Patrick Chaize. Ma question porte sur l’impérieuse nécessité d’agir pour améliorer la balance commerciale française grâce à la filière forêt-bois.

Depuis 2017, nous faisons face à une crise sanitaire frappant une partie des forêts, dont celles les plus productives d’Auvergne-Rhône-Alpes. La conjoncture commerciale, peu dynamique, provoque un retrait de la demande. Un nombre croissant de propriétaires forestiers voient leurs recettes forestières ainsi que leur capital forestier sur pied littéralement amputés.

Tout porte à croire que les effets du changement climatique ne faibliront pas et que le modèle économique de la forêt française doit évoluer pour survivre : nous devons préserver ses emplois, qui représentent près de 375 000 salariés directs, approvisionner son industrie en matériaux de qualité et maintenir une gestion forestière durable.

Si le Gouvernement déploie des dispositifs d’accompagnement importants, ces mesures ne répondent que partiellement aux difficultés du premier maillon de la filière. Il faut prévenir une dévalorisation du matériau bois.

À la différence des bois de chêne pour lesquels il faut lutter contre l’export des grumes, l’enjeu est inversé pour les résineux dans les temps de crise que nous traversons : il s’agit de lutter contre l’importation de bois transformé. Cette dépendance à l’importation désavantage les propriétaires forestiers, en mettant à mal l’avenir du financement du modèle de gestion multifonctionnelle. De surcroît, elle met l’industrie nationale à rude épreuve, accroît le déficit de la balance commerciale et aggrave le mécanisme de déforestation importée.

Dans ce contexte, et en complément du dispositif France 2030, le Gouvernement envisage-t-il d’intervenir sur les politiques d’achat de bois et d’encadrer davantage les marchés ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Chaize, je ne suis pas certain que l’on puisse fixer précisément à 2017 le moment où la crise de la forêt française et de la filière bois a commencé… Il me semble que cette crise est bien plus ancienne. Les forestiers vous diraient même que le sujet existe depuis dix, quinze ou vingt ans. Le dépérissement forestier n’est pas nouveau ; en revanche, il s’accélère – vous avez raison de le dire.

Tout d’abord, concernant le dépérissement des forêts, nous devons travailler à mieux accompagner les professionnels pour qu’ils fassent évoluer leurs exploitations de manière à affronter le dérèglement climatique. C’est tout le sens du volet « renouvellement forestier » du plan de relance, qui consacre 250 millions d’euros au financement du reboisement et du renouvellement selon des modalités de gestion durable qui prennent en compte le phénomène de grande migration que subissent les forêts, qu’il s’agisse des résineux ou des feuillus, et qui les fait évoluer de manière importante.

Ensuite, dans un certain nombre de cas, la surface des forêts dépérit à grande vitesse. Cela concerne des centaines de milliers d’hectares de bois, de sorte qu’il faut traiter le problème très rapidement. Sinon, la filière risque de subir une perte nette.

Nous devons donc penser nos outils de transformation non seulement pour l’avenir, mais aussi dans le cadre de la crise qui s’annonce : elle arrive dans nos forêts comme une tempête silencieuse qui se manifestera très rapidement.

Comme je l’ai dit, nous avons prévu une enveloppe de 250 millions d’euros pour financer des plantations et le renouvellement forestier – c’était une première étape en vue de la transformation de nos forêts – et nous ajoutons maintenant 200 millions d’euros.

Jamais des moyens aussi importants n’ont été dégagés et ils seront reconduits en 2024 – c’est inscrit dans le projet de loi de finances qui est en cours d’examen par le Parlement –, ainsi que les années suivantes. Il est important de le préciser, parce que cela donne de la visibilité aux différentes filières qui pourront ainsi s’organiser et lancer la modernisation de leurs outils pour transformer la forêt française.

Enfin, il faut poursuivre la logique mise en œuvre dans le cadre de l’accord de filière « chêne », en développant la contractualisation. J’ai confiance dans cette logique. Pendant des années, on n’a pas rémunéré la matière et elle est partie ailleurs. Désormais, la matière coûte parfois très cher et l’on peine à trouver un équilibre économique global. D’où la nécessité de contractualiser. Tel est le sens de l’accord de filière « chêne », qu’il faut élargir aux résineux et même plus largement à l’ensemble des feuillus.

M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour la réplique.

M. Patrick Chaize. Monsieur le ministre, la forêt a fourni des recettes à certaines communes, mais elle est désormais source de déficit. Le risque est donc que les communes abandonnent les forêts, alors que celles-ci font partie de notre patrimoine.

À mon sens, nous devons rester vigilants sur la valorisation des bois dépérissants. (M. le ministre approuve.) En effet, ces bois sont achetés à prix très bas, alors que leur fonction mécanique est identique à celle du bois vert. Je vous invite à renforcer l’accompagnement de la filière pour faire en sorte de mieux valoriser les bois dépérissants.

mise en œuvre et sécurisation des financements des projets alimentaires territoriaux

M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, auteur de la question n° 973, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Hervé Gillé. Monsieur le ministre, l’examen du budget 2024 aurait pu être l’occasion de sécuriser le financement de la phase opérationnelle des projets alimentaires territoriaux (PAT). Or, à ce jour, cette proposition semble écartée par le Gouvernement.

Le 30 novembre dernier, vous avez lancé un nouvel appel à projets en lien avec la future stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat. En ce sens, vous avez fait parvenir un communiqué aux différents acteurs territoriaux par le biais des directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Draaf).

Il y est indiqué qu’une enveloppe budgétaire de 2,84 millions d’euros serait consacrée aux nouveaux PAT. Qu’en est-il pour accompagner les besoins en ingénierie des projets de niveau 2 existants pour leur mise en œuvre opérationnelle ?

En effet, pour que ces financements aient du sens et que la massification des PAT soit enclenchée, il nous faut consolider les projets territoriaux qui fonctionnent, en leur donnant de la visibilité. Les acteurs territoriaux ont principalement besoin de recruter un animateur dédié, et non de simples prestataires, et de financer des actions pour consolider l’entrée en phase opérationnelle.

En Gironde, plusieurs PAT sont concernés. Prenons l’exemple du pôle territorial du Cœur Entre-deux-Mers, dont les besoins sont évalués à 160 000 euros pour cinq ans, soit au moins le montant de ce qui a été versé pour la labellisation de niveau 1.

Une enveloppe supplémentaire prévoyant des financements pour les PAT existants a été annoncée. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer le montant et la durée de cette enveloppe supplémentaire ? Va-t-elle au-delà du seul financement du réseau national des PAT ? S’agira-t-il d’une enveloppe contractualisée pluriannuelle afin de donner de la visibilité aux acteurs territoriaux ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Gillé, vous attirez mon attention sur les PAT.

Tout d’abord, je tiens à rappeler que ce dispositif est issu d’une initiative datant d’avant 2017, qui n’avait pas trouvé son financement avant la mise en œuvre du plan de relance. Depuis lors, le nombre de ces projets a été multiplié de façon exponentielle sur le territoire. Nous le devons à la politique que nous avons menée dans le cadre de France Relance. On peut toujours créer des dispositifs, mais mieux vaut avoir les moyens de les faire fonctionner…

Ensuite, vous m’interrogez à juste titre sur l’avenir des PAT. Nous avons décidé de prolonger la dynamique à la fois pour que de nouveaux projets voient le jour et pour soutenir l’animation des projets existants, en particulier dans le cadre de la labellisation.

Enfin, nous inscrirons cette dynamique dans le cadre de la planification écologique, qui constitue naturellement l’un des leviers de la transformation de notre agriculture. Or les PAT favorisent, à l’échelle d’un territoire, le dialogue avec les agriculteurs en matière d’alimentation. On a besoin de filières courtes et les PAT contribuent à les développer. Nous tenons donc à poursuivre cette dynamique.

Pour cela, nous avons décidé de consacrer 20 millions d’euros dès 2024 aux PAT. Des financements seront réservés à l’animation des projets en phase opérationnelle, en lien avec la labellisation de niveau 2. Des crédits seront affectés au financement du réseau – vous l’avez dit – aux niveaux national et régional pour assurer un accompagnement technique des projets, notamment dans la perspective de déployer des actions concrètes en prenant plus largement en compte l’ensemble des dimensions de l’alimentation, qu’il s’agisse de l’économie, de l’environnement ou de la justice sociale.

Nous poursuivrons également l’accompagnement des PAT émergents dans le cadre de l’édition 2023-2024 de l’appel à projets du programme national pour l’alimentation.

Vous me demandez combien de temps dureront ces mesures. Comme vous le savez, l’annualité budgétaire s’impose à nous, mais dans la mesure où il s’agit de planification, ces mesures sont prévues de manière au moins triennale. D’autres déferont peut-être ce que nous faisons. Quoi qu’il en soit, nous aurons ouvert une perspective pour permettre à tous les territoires de travailler sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour la réplique.

M. Hervé Gillé. Monsieur le ministre, je suis tout à fait d’accord avec vous pour consolider la planification écologique et pour la transcrire dans un programme pluriannuel.

Je souhaite attirer votre attention sur le PAT du Cœur Entre-deux-Mers, en Gironde, et sur la reconversion de certaines terres en lien avec la crise viticole. Nous pouvons avoir intérêt à accompagner ce mouvement de reconversion des terres. Dans ce cas de figure, on pourrait envisager de prévoir, par exemple via le fonds vert, une enveloppe spécifique pour améliorer les dispositifs. Cela enverrait assurément, dans le cadre de la crise actuelle, un signal politique intéressant.

accompagnement à l’installation-transmission des agriculteurs

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 987, adressée M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Antoine Lefèvre. Monsieur le ministre, des inquiétudes planent sur la démographie agricole française. Près de 45 % des agriculteurs en activité seront partis à la retraite à l’horizon 2030, comme le rappelle, dans son introduction, le pacte d’orientation pour le renouvellement des générations en agriculture, que vous avez présenté vendredi dernier à Yvetot. Or seulement deux tiers d’entre eux seront remplacés avec certitude par de nouveaux arrivants.

À peine dévoilé, ce pacte, publié quelques semaines avant la présentation du projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles, suscite déjà de l’incompréhension, voire, parfois, du mécontentement. Malgré un an et demi de concertations et plusieurs reports du texte, les éléments présentés la semaine dernière restent très insuffisants.

Parmi les trente-cinq mesures présentées dans le pacte, aucune ne fixe un objectif chiffré quant au nombre de nouvelles installations à atteindre chaque année.

L’avant-projet de loi demeure pour sa part très silencieux sur la question du foncier. Si le texte reprend notamment l’idée d’un groupement foncier agricole d’investissement (GFAI), un dispositif prévu dans la proposition de loi de notre collègue Vanina Paoli-Gagin, il ne se montre, pour le reste, pas à la hauteur des enjeux.

Faute de leviers fiscaux plus contraignants, le dispositif, dans son état actuel, ne devrait concerner que quelques dizaines d’agriculteurs par an – tout au plus.

Le projet ne semble pas prendre la mesure du problème de l’accessibilité des terres agricoles : à l’heure actuelle, 40 % des exploitants sont locataires de leur terre, mais cela représente 75 % de la superficie agricole utilisée (SAU) totale. Le déséquilibre entre ces deux données est alarmant.

Il est urgent d’offrir des pistes stables et consolidées d’accessibilité au foncier pour garantir la diversité des modèles composant notre agriculture.

Des mesures fiscales performantes visant à ne pas dissocier le foncier de l’installation, un panel consolidé d’aides à l’installation tendant à faciliter l’accès au foncier ou encore une fiscalité plus avantageuse pour les nouveaux arrivants sont des pistes dont le pacte d’orientation aurait pu s’inspirer.

Ma question est donc la suivante, monsieur le ministre : quelles garanties complémentaires entendez-vous apporter aux nouveaux agriculteurs dans le cadre de leur installation ? Il est en effet fondamental que le Gouvernement se saisisse de tous les dispositifs possibles pour remédier à la double crise qui nous attend, celle du foncier et celle du renouvellement générationnel.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur, je vous trouve un peu dur, pardonnez-moi de le dire, avec le pacte et le projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles, dont nous débattrons dans cet hémicycle.

Nous soulevons, au travers de ce projet de loi, la question du foncier et nous le faisons d’une façon qui n’est ni pire ni meilleure que ne l’a fait le Sénat, puisque nous l’abordons à l’aune des groupements fonciers agricoles d’investissement. On ne peut pas saluer une proposition quand elle vient du Sénat et la regretter quand elle est avancée par le Gouvernement ! Selon moi, cela va plutôt dans le bon sens, et nous aurons des débats nourris.

Par ailleurs, je ne partage pas votre point de vue sur le foncier agricole. Qu’une partie des agriculteurs soient locataires, c’est aussi vieux que l’histoire agricole française ! Faut-il être forcément propriétaire de son foncier agricole ? Non !

En revanche, il ne faut pas que le statut de la propriété foncière empêche de jeunes agriculteurs de s’installer, parce que le foncier serait accaparé par des propriétaires souhaitant simplement agrandir leur exploitation. Voilà le véritable sujet !

Le fermage – un formidable outil – est sans doute ce qui a permis à la France d’atteindre son statut de puissance agricole, car il est l’un des plus performants. Il a permis un accès au foncier à des tarifs très faibles par rapport à d’autres pays. Sans aller très loin au nord – je pense à la Belgique ou aux Pays-Bas –, vous verrez que les tarifs du foncier, à la location comme à l’achat, sont incomparablement moins compétitifs que les nôtres.

Il faut donc préserver le fermage. Aussi je n’ai pas voulu ouvrir cette question. Je le répète, cet outil très puissant assure notre compétitivité agricole !

J’ajoute que, dans le pacte et le projet de loi, d’autres questions que le foncier sont ouvertes, qu’il s’agisse de la rémunération, des transitions ou encore du guichet unique.

Enfin, nous mettrons en place à partir du mois de janvier prochain le fonds Entrepreneurs du vivant, qui vise à donner les moyens aux sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) ou à d’autres établissements publics fonciers de porter plus longtemps du foncier – d’une certaine façon, cela revient à retirer le foncier du marché – pour l’attribuer à des jeunes ou à des moins jeunes d’ailleurs, puisque les profils de ceux qui s’installent en tant qu’agriculteurs sont très variés. Au travers des GFAI, nous donnons aux établissements publics fonciers les moyens de mieux accompagner les jeunes pour leur installation.

C’est sur cette base que nous pourrons avancer, et nous en tenons compte dans le pacte et dans le projet de loi d’orientation à venir.

exonération de la taxe sur les salaires pour les groupements d’intérêt public des maisons de l’emploi