AUDITION DU

MERCREDI 4 DECEMBRE 1996

Mission d'information sur l'entrée dans la société de l'information



Mercredi 4 décembre 1996 - Présidence de M. Pierre Laffitte, président. - La mission a procédé à l'audition de Mme Louise Cadoux, vice­président délégué de la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).


Mme Louise Cadoux a présenté dans un premier temps un panorama de l'évolution de la société de l'information. Des logiciels puissants associés à la saisie des données, opérée elle-même selon des techniques de plus en plus diverses, vont permettre l'enrichissement très considérable des contenus. La notion d'architecture distribuée donnera par ailleurs un rôle accru aux utilisateurs dans la distribution de l'information, pendant que les progrès des logiciels intelligents faciliteront la recherche et l'exploitation de la connaissance dans d'énormes bases de données.

Ces progrès permettront des innovations importantes dans le domaine du marketing, de la banque, de l'assurance, de la santé et dans celui des applications sociales. On peut aussi prévoir le développement de logiciels de travail en groupe et de logiciels de surveillance des individus qui, compte tenu de la diversification des capteurs de données (caméras, global positioning system (GPS), balises de toutes espèces, cartes magnétiques généralisées), vont enrichir l'information numérique. L'interopérabilité croissante des systèmes renforcera ce processus.

Mme Louise Cadoux a ensuite estimé que cette évolution suscitait des risques sur trois plans : la pornographie et la protection des mineurs, les incitations à la haine raciale, la protection de la vie privée.

En dépit de la possibilité technique de retracer les chemins parcourus par l'information, les délinquants profiteront du large anonymat des échanges sur les réseaux. En outre, l'internationalisation des systèmes de communication et la possible apparition de " paradis informatiques " va largement déjouer l'application des législations nationales réprimant la diffusion de contenus illégaux.

Il est donc nécessaire de mettre en place un dispositif international permettant d'encadrer l'utilisation des réseaux. Il semble cependant que l'opposition à une démarche contraignante manifestée par certains états, dont les Etats­Unis, constitue un obstacle majeur à des progrès significatifs.

Par ailleurs, les organisations internationales susceptibles d'évoquer ces problèmes n'émettent pas de règles à valeur juridique contraignante. Seule l'Union européenne a la capacité de réglementer la matière en adoptant des directives. M. François Fillon, ministre délégué à La Poste, aux télécommunications et à l'espace, a cependant demandé à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) d'étudier la possibilité de réguler le fonctionnement d'Internet.

En ce qui concerne les problèmes posés par la protection de la vie privée, Mme Louise Cadoux a mentionné spécialement le probable développement d'un système de santé empruntant les instruments de la société de l'information afin de permettre l'amélioration des soins et la diminution des coûts. Des données confidentielles seront ainsi diffusées sur les réseaux avec des risques de piratage.

Elle a aussi indiqué que le problème de l'interconnexion des fichiers administratifs, qui a été à l'origine de la création de la CNIL, sera posé à nouveau prochainement.

Le problème de la réglementation des contenus amènera par ailleurs à examiner le statut de l'image fictive et des effets spéciaux, dont le développement peut poser problème.

A une question de M. Alex Türk, rapporteur, sur la recherche des responsabilités juridiques, Mme Louise Cadoux a ensuite répondu qu'il serait opportun de rapprocher la responsabilité juridique de la compétence technique.

A une question de M. Franck Sérusclat sur les leçons à tirer de l'expérience de la CNIL en ce qui concerne le fonctionnement d'Internet, et à une remarque du président Pierre Laffitte sur les progrès de l'idée d'un contrôle des contenus chez les utilisateurs américains d'Internet, elle a répondu que le Gouvernement américain restait opposé à l'édiction de règles de conduite en se fondant sur le premier amendement de la constitution américaine.

Enfin, M. Jacques Mahéas a évoqué le rôle de l'école en matière de formation déontologique et l'utilité d'élaborer un code international de l'information.